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Un consensus clair est établi au sein de la communauté scientifique à l’effet que les troubles mentaux et une tentative de suicide antérieure représentent deux des plus importants facteurs de risque associés aux décès par suicide. La prévalence des troubles mentaux chez les personnes décédées par suicide est estimée de 80 à 100 % (Addington et al., 2002 ; Bertolote et al., 2004 ; Saint-Laurent et Gagné, 2008). Les diagnostics les plus fréquents sont la dépression, les troubles d’abus de substances et les troubles de personnalité (Arsenault-Lapierre et al., 2004 ; Cavanagh et al., 2003). Par ailleurs, la prévalence à vie des décès par suicide chez les personnes qui souffrent de dépression est estimé de 3 à 4 % (Blair-West et al., 1997 ; Bostwick et Pankratz, 2000), et de 4 à 5 % chez les personnes qui souffrent de schizophrénie (Haw et al., 2005 ; Hor et Taylor, 2010 ; Palmer et al., 2005).

Le système de soins a un rôle majeur à jouer en matière de prévention du suicide. Une revue de la littérature montre que près de 78 % des personnes auraient consulté au moins une fois un omnipraticien au cours de l’année qui précède un décès par suicide ; seulement 32 % auraient consulté une ressource professionnelle en santé mentale mais peu d’entre elles se seraient engagées dans un suivi régulier au moment du décès (Lesage et al., 2008 ; Pirkis et Burgess, 1998). Par ailleurs, la coordination entre les services de première ligne, les services spécialisés et les ressources de toxicomanie a été critiquée (Lesage et al., 2008).

Les guides des meilleures pratiques recommandent que les personnes souffrant d’un trouble sévère et persistant comme la schizophrénie soient traitées au niveau des services spécialisés (NICE, 2003). Ces guides recommandent aussi que les personnes avec un trouble de santé mentale courant, comme la dépression, soient traitées au niveau des services de première ligne ou en soins partagés, soutenus par les services spécialisés pour les cas les plus complexes (NICE, 2004). Ces patrons de recours aux services de santé mentale ont été observés à Montréal au sein de la population en générale (Benigeri, 2007), mais on ne sait pas s’ils s’appliquent aux personnes suicidaires. De manière plus précise, on observe des taux de contacts avec les services plus élevés chez les femmes par rapport aux hommes, et chez les aînés comparativement aux plus jeunes, de même que chez les personnes qui utilisent l’intoxication comparativement à celles qui utilisent d’autres moyens pour attenter leurs jours (Luoma et al., 2002 ; Pirkis et Burgess, 1998 ; Rhodes et al., 2008). Cependant, les taux de contact avec les services de santé semblent moins élevés chez les personnes qui présentent des troubles d’abus de substances (Kessler et al., 1999 ; Regier et al., 1993 ; Suominen et al., 2004). À ce jour, les études qui traitent de l’utilisation des services portent majoritairement sur la population en générale ou les personnes décédées par suicide, et peu d’attention est portée aux personnes suicidaires qui présentent un trouble de santé mentale.

À la lumière de ces constats, nous avons entrepris une étude de cohorte rétrospective dans le but d’analyser les patrons de recours aux services de santé mentale chez les Montréalais souffrant de schizophrénie ou de dépression, et hospitalisés à la suite d’une tentative de suicide. De manière plus spécifique, trois objectifs sont ciblés : comparer les profils de recours aux services des deux groupes diagnostiques au cours des douze mois précédant l’hospitalisation ; comparer leurs utilisation des services pré et post hospitalisation sous l’angle du niveau des services utilisés (première ligne versus services spécialisés) et identifier les facteurs de prédiction du recours aux services.

Méthode

La cohorte à l’étude (n = 525) est constituée de l’ensemble des Montréalais âgés de 15 ans et plus, hospitalisés à la suite d’une tentative de suicide et qui ont reçu un diagnostic de schizophrénie (n = 195) ou de dépression (n = 330). Le diagnostic a été émis au cours de la période à l’étude (avril 2002 à mars 2005). La période index de l’hospitalisation pour tentative de suicide se situe entre les mois d’avril 2003 et décembre 2004. Les données sont tirées de la banque jumelée de données médico-administratives de l’Agence de la Santé et des Services sociaux de Montréal, soit du fichier des services des médecins rémunérés à l’acte par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ-MEDIC), des services hospitaliers (MED-ECHO) ainsi que des interventions en CLSC (I-CLSC). L’autorisation d’accès et du jumelage des fichiers de données est consentie à l’Agence de Montréal par la Commission d’accès à l’information. Le comité d’éthique de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal a également émis un certificat d’éthique pour la réalisation de l’étude.

Il n’existe actuellement pas de normes au Québec pour définir la trajectoire de soins optimale à la suite d’une tentative de suicide. Devant une clientèle qui présente un trouble de santé mentale et qui est hospitalisée à la suite d’une tentative de suicide, il apparaît inévitable qu’au moins une consultation avec les services soit effectuée au cours des trois mois suivant le congé. Ainsi, la variable dépendante du recours aux services de santé mentale trois mois après l’hospitalisation index se présente sous la forme dichotomique : au moins un contact versus aucun contact. Elle se définit par la présence d’au moins une consultation pour fin de santé mentale auprès d’un omnipraticien, d’un psychiatre ou d’un professionnel de la santé en CLSC. Le contact avec les services de santé mentale trois mois avant l’hospitalisation index se définit de manière analogue, alors que le profil de recours aux services est établi sur la période des douze mois avant l’hospitalisation index. Le profil est défini en référence à la typologie élaborée à l’Agence de Montréal, construite selon un algorithme incluant six catégories mutuellement exclusives (Benigeri, 2007). Cette variable adaptée permet d’appréhender les différents niveaux d’utilisation des services utilisés (Routhier et al., 2011). Les catégories se présentent en ordre ascendant de consultation : aucun contact ; omnipraticien en clinique privée ; urgence ; CLSC ; psychiatre en clinique externe ; hospitalisation. Plus d’une consultation auprès des diverses ressources étant possible, le plus haut niveau de services consulté est retenu. Les autres variables à l’étude sont : le diagnostic primaire de santé mentale (schizophrénie versus dépression) ; la comorbidité d’un trouble d’abus de substances (oui versus non) ; le moyen utilisé pour commettre la tentative de suicide (intoxication versus autre) ; le genre (femme versus homme) et l’âge.

Les codes diagnostiques utilisés réfèrent à la neuvième révision de la Classification internationale des maladies (CIM-9) et sont tirés des fichiers RAMQ ou Med-ECHO, codes de schizophrénie : 295.0-295.9, 297.0-297.9, et 298.0-298.9 ; dépression : 296.1-296.3, 300.4 et 311.0-311.9 ; troubles d’abus de substances : 291.0-291.9, 292.0-292.9, 303.0-303.9, 304.0-304.9 et 305.0-304.9. En présence de diagnostics primaires doubles (schizophrénie et dépression), la schizophrénie est retenue. Le moyen utilisé est défini à partir des codes diagnostiques du registre des hospitalisations soit par l’intoxication : E950-E952 versus autre moyen : E953-E959).

Au niveau des analyses statistiques, le test du Chi deux de Pearson a permis d’examiner l’association entre le profil d’utilisation des services au cours des douze mois précédant l’hospitalisation index et le diagnostic primaire de santé mentale (schizophrénie et dépression). Le même test a permis de vérifier l’association entre l’utilisation des services de santé mentale au cours des trois mois pré et post hospitalisation pour chaque groupe diagnostique à l’étude. Des analyses de régression logistique ont permis d’identifier les facteurs de prédiction d’au moins un contact avec les services de santé mentale au cours des trois suivant l’hospitalisation pour une tentative de suicide. Le seuil de signification statistique est établi à 95 % pour l’ensemble des analyses statistiques. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS.

Résultats

La cohorte des Montréalais, hospitalisés à la suite d’une tentative de suicide au cours de la période index totalise 525 personnes : 330 (63 %) ont reçu un diagnostic de dépression et 195 (37 %) de schizophrénie. La proportion de femmes (n = 281, 54 %) est légèrement plus élevée que celle des hommes (n = 244, 46 %) et l’âge moyen est de 42,9 ± 17,3 ans. Plus de la moitié de la cohorte présente un trouble concomitant d’abus de substances (n = 329, 63 %). Ces caractéristiques ne sont pas différentes au plan statistique entre les groupes diagnostiques. L’intoxication est plus fréquente au sein du groupe avec dépression (n = 257, 78 %) comparativement au groupe avec schizophrénie (n = 130, 67 %, p = 0,005). Les moyens utilisés pour commettre la tentative de suicide sont les lacérations (9 % versus 17 % respectivement pour le groupe avec dépression et schizophrénie) ; un saut d’un lieu élevé (2 % versus 7 %), la pendaison (4 % versus 2 %) ou un autre moyen (6 % versus 7 %). Il n’y a pas de différence significative au plan statistique entre le genre et le moyen utilisé. La durée moyenne de l’hospitalisation est de 17,4 ± 30,7 jours pour l’ensemble de la cohorte, de 23,3 ± 36,1 jours pour le groupe avec schizophrénie et de 13,8 ± 26,4 jours pour le groupe avec dépression (p = 0,001).

Figure I

Profil de recours aux services douze mois avant l’hospitalisation pour tentative de suicide chez les personnes avec schizophrénie ou dépression (avril 2003 à décembre 2004; n=525)

Profil de recours aux services douze mois avant l’hospitalisation pour tentative de suicide chez les personnes avec schizophrénie ou dépression (avril 2003 à décembre 2004; n=525)

Dépression, n = 330 ; Schizophrénie, n = 195

X2 = 57.35, df = 6, p <.001

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La figure I illustre la relation entre le diagnostic primaire (schizophrénie ou dépression) et le profil de recours aux services de santé mentale au cours des douze mois précédant l’hospitalisation index. Les profils sont significativement différents entre les deux groupes diagnostiques. D’une part, on observe que les deux groupes ont majoritairement consulté les services spécialisés. D’autre part, l’absence de contact avec les services est plus importante au sein du groupe avec dépression comparativement au groupe avec schizophrénie.

Tableau I

Contact pour fin de santé mentale chez les personnes avec schizophrénie ou dépression, trois mois avant et après une hospitalisation pour tentative de suicide (avril 2003 à décembre 2004)

Contact pour fin de santé mentale chez les personnes avec schizophrénie ou dépression, trois mois avant et après une hospitalisation pour tentative de suicide (avril 2003 à décembre 2004)

* p < 0,05

** p < 0,01

*** p = 0,001

**** p < 0,001

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Le tableau I présente une comparaison des contacts avec les ressources de santé mentale trois mois avant et après l’hospitalisation index entre les deux groupes diagnostiques. Les psychiatres en cliniques externes et les urgences sont les ressources plus consultées avant et après l’hospitalisation pour tentative de suicide. De plus, on observe une augmentation significative des consultations au sein des deux groupes. Cette augmentation se retrouve principalement au niveau des services spécialisés, soit auprès des psychiatres en cliniques externes.

Tableau II

Facteurs de prédiction du recours aux services de santé mentale au cours des trois mois suivant une hospitalisation pour tentative de suicide chez les personnes avec schizophrénie ou dépression (avril 2003 à décembre 2004)

Facteurs de prédiction du recours aux services de santé mentale au cours des trois mois suivant une hospitalisation pour tentative de suicide chez les personnes avec schizophrénie ou dépression (avril 2003 à décembre 2004)

Test d’ajustement du modèle — Hosmer et Lemeshow : X2 = 6,14, df = 8, p =,632

* p < 0,05

** p = 0,001

*** p < 0,001

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Les facteurs de prédiction du recours aux services de santé mentale au cours des trois mois suivant l’hospitalisation pour tentative de suicide sont présentés au tableau II. Au sein de la cohorte à l’étude, le diagnostic primaire, l’âge et le moyen utilisé pour commettre la tentative de suicide ne semblent pas associés au recours aux services post hospitalisation contrairement aux autres variables présentées. Une interaction entre le genre et la comorbidité est présente. Chez les hommes, la présence d’un trouble concomitant d’abus de substances à la dépression ou à la schizophrénie semble augmenter la probabilité de contact avec les services suivant l’hospitalisation. Cet effet n’est pas observé chez les femmes.

Discussion

Nos travaux illustrent que les profils de recours aux services de santé mentale, au cours des douze mois précédant une hospitalisation pour tentative de suicide, sont différents chez les personnes avec une schizophrénie comparativement aux personnes avec une dépression. Notamment, un cinquième du groupe avec dépression n’a aucun contact avec les services avant l’hospitalisation. Toutefois, les deux groupes diagnostiques sont principalement en contact avec les services spécialisés au cours de cette période. Ces patrons de recours aux services sont similaires à ceux de personnes suicidaires traitées aux urgences au sein du réseau de santé public finlandais (Suominen et al., 2002). Par contre, les profils de la cohorte à l’étude sont différents de ceux de la population montréalaise en générale. Cinquante pour cent (50 %) des personnes avec dépression consultent essentiellement un omnipraticien, au niveau des services de première ligne. Les personnes avec schizophrénie consultent majoritairement les services spécialisés (69 % les psychiatres en cliniques externes et 22 % sont hospitalisés) (Benigeri, 2007).

L’augmentation du recours aux services observée pour la majorité de la cohorte s’avère un indicateur positif de l’adéquation des services aux besoins de la population à l’étude. Cette augmentation des consultations se retrouve majoritairement au niveau des services spécialisés, soit auprès des psychiatres en cliniques externes. Des experts affirment qu’une approche multidisciplinaire qui inclue l’implication d’un psychiatre au niveau de l’évaluation représente une approche thérapeutique optimale auprès de personnes suicidaires (Isacsson et Rich, 2008). Par ailleurs, une absence de contact avec les services est observée, trois mois avant et après l’hospitalisation chez près d’un cinquième de la cohorte. Notamment, 23 % du groupe avec une dépression et 17 % du groupe avec une schizophrénie n’a aucun contact avec les services suivant leur hospitalisation pour tentative de suicide. Ces constats interpellent puisque les personnes qui ont attenté à leurs jours sont particulièrement à risque de récidive ou de décès par suicide. Le risque augmente en présence d’un trouble de santé mentale et cette situation est d’autant plus critique au moment de l’obtention d’un congé de l’hôpital (Meehan et al., 2006 ; Owens et al., 2002).

Tout comme ailleurs dans le monde, un contact avec les services de santé avant l’hospitalisation semble favoriser la continuité des services une fois le congé obtenu (Luoma et al., 2002 ; Suominen et al., 2002). Néanmoins, l’urgence comme porte d’entrée aux services de santé mentale ne semble pas garante d’une prise en charge post hospitalisation. La qualité et la continuité des services dispensés aux personnes suicidaires au niveau des urgences hospitalières a été critiqué (Douglas et al., 2004 ; Potvin, 2004) et l’on recommande que ces personnes puissent avoir accès à un suivi rapidement et de façon intensive (Lane et al., 2010 ; MSSS, 2003). En effet, il importe de leur accorder une attention particulière puisqu’un passage aux urgences ou une hospitalisation représente une fenêtre d’intervention importante en matière de prévention de la morbidité et de la mortalité futures.

Nos données laissent tout de même poindre une avancée au plan de la prévention du suicide chez les personnes connues comme particulièrement vulnérables. En lien avec ce que l’on retrouve dans la littérature, des taux élevés de troubles d’abus de substances sont notés au sein de la cohorte à l’étude (Beautrais et al., 1996 ; Lesage et al., 2008 ; Suominen et al., 2002), et la présence d’une comorbidité produit un effet différent chez les hommes et les femmes. En effet, on constate que les hommes avec un trouble concomitant d’abus de substances au diagnostic primaire de schizophrénie ou de dépression, semblent engagés dans un processus de suivi une fois leur congé obtenu. Ces résultats convergent en partie avec ceux obtenus aux États-Unis (Kessler, Zhao, et al., 1999 ; Regier et al., 1993). Cet effet n’est pas observé chez les femmes, et ces derniers résultats sont rapportés dans d’autres études où la présence d’un trouble d’abus de substances tend à réduire les contacts avec les services de santé (Hunt et al., 2006 ; Lesage et al., 2008). Cette différence entre les genres pourrait s’expliquer par les résultats d’efforts régionaux déployés en vue d’améliorer la continuité des services. Par exemple, des initiatives incluent des protocoles de références entres les centres de prévention du suicide, les milieux hospitaliers et divers services disponibles au sein de la communauté. Des protocoles implantés au cours de la même période, recommandent de porter une attention particulière aux hommes suicidaires présentant un trouble d’abus de substances reconnus comme particulièrement vulnérables, et souvent peu enclins à s’engager dans un suivi régulier (Houle et al., 2006). Par ailleurs, les auteurs d’un examen d’une série de suicides survenus au Nouveau-Brunswick recommandent un traitement précoce des troubles mentaux concomitant aux troubles d’abus de substances. Ils recommandent aussi le déploiement d’efforts concertés entre les services de première ligne, les services spécialisés et les services de toxicomanie en vue d’améliorer la prévention du suicide (Lesage et al., 2008).

En définitive, nos travaux renforcent la position que le jumelage de bases de données médico-administratives s’avère un outil précieux pour le système de soins, les politiques publiques et les études en épidémiologie psychiatrique (Black et al., 2005 ; Kisely et al., 2009 ; Mortensen, 2005). Cette source de données offre une opportunité unique de dresser un portrait global du recours aux services de santé sur une base populationnelle. La banque jumelée de l’Agence de Montréal permet d’examiner les niveaux de services publics utilisés, soit les services de première ligne et les services spécialisés.

Toutefois, cet outil ne permet pas de documenter la qualité des services. Elle ne permet pas de capturer les contacts auprès des services privés, des organisations communautaires, des services spécialisés en toxicomanie ou encore des consultations au sein des cliniques externes avec d’autres types de professionnels oeuvrant au sein du réseau de la santé et des services sociaux (psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, etc.). Cette limite conduit à une faible sous-estimation des consultations de ressource en santé mentale. Par exemple, à partir de données d’enquête, on estime que 3 % de la population aurait consulté un psychologue au cours de la dernière année (Vasiliadis et al., 2005). Par ailleurs, nos travaux ne permettent pas de préciser les motifs de l’absence de recours aux services qui peuvent en outre, être liés à un décès, un déménagement, à l’absence de références médicales comme l’ont relevé Suominen et ses collègues (2002) ou encore à une non adhérence aux traitements tel que soulevé par Monti (2003).

Notre étude sur les cas d’hospitalisations offre un aperçu de l’ampleur des tentatives de suicide les plus sévères, et les résultats doivent être interprétés avec prudence puisqu’ils ne rendent compte que d’une partie des conduites suicidaires. Toutes les personnes traitées dans les hôpitaux à la suite d’une tentative de suicide ne sont pas hospitalisées, et les données enregistrées au niveau des urgences ne permettent pas à l’heure actuelle, une utilisation pour fins de recherche due à un manque d’uniformité au niveau de la consignation des actes suicidaires (Houle et Poulin, 2006). Des mesures pourraient être envisagées en vue d’uniformiser la codification des données, bonifiant ainsi le potentiel pour la recherche et le rôle de surveillance en santé publique. Il n’existe pas encore de base de données agrégée au niveau national. Un tel outil permettrait de suivre l’évolution de la problématique dans le temps, d’une région à une autre, d’examiner les caractéristiques de sous-groupes particulièrement à risque, et de comparer les pratiques inter-établissements, sans compter l’évaluation politiques et de stratégies de prévention. De futures études réalisées à partir de données médico-administratives, renforcées par d’autres sources de données permettraient de présenter un portrait plus détaillé de la prestation de soins de santé mentale aux personnes suicidaires.

En conclusion, nos données montrent que les services de santé et les services sociaux du réseau public montréalais semblent répondre aux besoins des personnes aux prises avec une schizophrénie ou une dépression, hospitalisées à la suite d’une tentative de suicide. Malgré les avancées en matière de prévention du suicide, particulièrement chez les hommes qui présentent un trouble concomitant d’abus de substances, nos résultats soulèvent un questionnement quant à la coordination des services de santé mentale. Ils soulignent l’importance du renforcement des initiatives de soins partagés en vue d’améliorer les collaborations et de réduire les barrières à l’accès aux services de santé mentale.