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Introduction

L’intervention

La thérapie cognitivo-comportementale est généralement considérée comme le traitement le plus efficace des troubles anxieux (Katzman et coll., 2014). Des études récentes indiquent que des approches thérapeutiques qui ne nécessitent qu’un contact minimal avec le thérapeute peuvent s’avérer très efficaces pour diminuer l’anxiété d’appréhension (Haug et coll., 2012 ; Coull & Morris, 2011 ; Titov, Andrews, Johnston, Robinson, & Spence, 2010). À titre d’exemple, la bibliothérapie est une forme d’intervention répandue qui emploie du matériel écrit tel que des guides d’autotraitement (Goudreau & Côté, 2001). Les modalités associées à ce genre d’approche correspondent sûrement aux préférences d’une grande proportion de personnes aux prises avec un trouble panique avec agoraphobie, car elles peuvent y exercer un grand contrôle sur les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Ces préférences sont importantes à considérer dans l’offre de traitement qui leur est dédiée, car elles sont associées à la rétention en traitement. Une étude récente sur la relation entre les modalités de traitement et l’adhésion à la thérapie de groupe pour le trouble panique avec agoraphobie (TPA) indique que plus de la moitié des personnes consultées (61,4 %) préféraient la thérapie de groupe à la thérapie individuelle et qu’elles présentaient un taux d’observance plus élevé au traitement (Perreault et coll., 2013). La combinaison de l’approche de groupe et du traitement autoadministré semble donc représenter une méthode appropriée pour intervenir auprès d’une grande proportion de personnes aux prises avec un TPA (Ito et coll., 2001 ; Lidren, 1993 ; Murphy, Michelson, Marchione, Marchione, & Testa, 1998).

La contribution spécifique des pairs aidants

Un pair aidant est une personne qui intervient auprès d’autres personnes qui ont vécu des difficultés semblables à celles qu’elle a elle-même éprouvées. Son apport enrichit l’intervention tant dans sa forme que dans son contenu alors qu’elle possède un savoir expérientiel unique tant sur les effets des troubles auxquels elle fait face que des difficultés entourant l’obtention des services qu’elle requiert (Komaroff & Perreault, 2013). Plusieurs études ont porté sur la faisabilité ainsi que l’efficacité de l’intervention de pairs aidants dans différents domaines en santé (Simoni, Franks, Lehavot, & Yard, 2011 ; Goldstrom et coll., 2006 ; Health Resources and Services Administration, 2005 ; Rhodes, Foley, Zometa, & Bloom, 2007 ; Swider, 2002). Plusieurs types d’interventions ont ainsi pu être réalisés par des pairs aidants (Davidson, Chinman, Sells, & Rowe, 2006 ; Dennis, 2003 ; Israel & McLeroy, 1985 ; Turner & Shepherd, 1999) et le domaine de la toxicomanie compte bon nombre d’exemples où l’on a intégré des pairs aidants à l’offre de services (Komaroff & Perreault, 2013 ; Fors & Jarvis, 1995 ; Lawn et coll., 2007). Quel que soit le domaine, la présence d’intervenants issus de la communauté, tels que les pairs aidants, représente un important complément aux professionnels de la santé (Goldstrom et coll., 2006 ; Macvean, White, & Sanson-Fisher, 2008 ; Swider, 2002 ; Berman et Norton, 1985 ; Christensen et Jacobson, 1994 ; den Boer et coll., 2005). Pour les personnes nécessitant de l’aide pour contrer leur trouble anxieux, il est ainsi possible, du moins en partie, de pallier les difficultés d’accès aux soins de santé, car l’emploi de ces « paraprofessionnels » permet de joindre un plus grand nombre de personnes nécessitant de l’aide (Chartier-Otis, 2011). La plupart des études menées dans le domaine de la santé mentale auprès de pairs aidants s’inscrivent dans le contexte de rétablissement et concernent des personnes aux prises avec des troubles graves et persistants de santé mentale (Davidson et coll., 2006). Certaines études telles que celles de Marcus & Runge (1990) ont tout de même examiné l’efficacité d’un programme d’accompagnement par des pairs aidants pour des personnes ayant un TPA. Les résultats démontrent que l’implication positive des pairs aidants a permis de réduire considérablement la fréquence et la sévérité de l’anxiété chez les clients, qui mentionnent l’apport positif de la relation ainsi que le soutien social reçu. Toutefois, à ce jour, peu d’études se sont penchées sur la perspective des pairs aidants, ne serait-ce qu’au niveau de la formation qu’ils ont reçue ou encore de la perception qu’ils ont de leur rôle d’accompagnement (Chartier-Otis, Bélanger, Perreault, & Marchand, 2015). La présente étude vise cet objectif.

Le programme d’autotraitement du trouble panique « Zéro-ATAQ »

L’Association des troubles de l’humeur et d’anxiété du Québec (ATHAQ), en collaboration avec le groupe de soutien et d’entraide pour les personnes souffrant de troubles anxieux Phobies-Zéro[1], a mis en place un programme d’autotraitement du trouble panique. Il est animé par des pairs aidants, en s’inspirant des guides d’autotraitement réalisés par l’Anxiety Disorders Association of Manitoba (ADAM), et dispensé au sein de groupes réunissant des personnes atteintes d’un trouble panique dans quatre territoires du Québec (Laval, Québec, Montérégie et Montréal). Les pairs aidants ont été formés par des psychologues au cours d’une session de trois jours. En appui à la formation initiale, une rencontre de supervision a été tenue avec chaque équipe de pairs aidants, que l’on nommera pairs animateurs ici. À cette fin, une supervision téléphonique hebdomadaire d’une heure a été mise à la disposition des pairs animateurs afin qu’ils puissent discuter avec leur superviseur des difficultés rencontrées ou encore lui soumettre des questions, le cas échéant. Le rôle de ces pairs animateurs n’était pas d’offrir une thérapie de groupe, mais plutôt d’accompagner les participants de leur groupe à faire une utilisation systématique et structurée d’un manuel d’autotraitement (Lapalme, Audet, Bouchard, Zacchia, & Perreault, 2012). Ces attentes particulières face à leur contribution rappellent l’importance de clarifier les rôles et les objectifs visés, de même que les moyens déployés pour soutenir l’implication des pairs, que ce soit dans ce programme ou dans toute autre activité qui implique leur participation (Komaroff & Perreault, 2013).

Un total de 32 personnes aux prises avec un trouble anxieux ont été desservies par ce programme. Leur moyenne d’âge est de 42 ans, et plus des trois quarts d’entre elles sont des femmes (76 %). La quasi-totalité (98 %) d’entre elles avaient déjà consulté un professionnel de la santé pour leur trouble panique, avec lequel elles étaient aux prises depuis l’âge de 25 ans, en moyenne. Plus de 80 % d’entre elles avaient été diagnostiquées d’un trouble panique pour lequel elles avaient déjà été traitées. L’évaluation de l’efficacité du programme indique que la manifestation des symptômes d’anxiété était généralement moins élevée à la fin du programme et que ces gains thérapeutiques ont semblé se maintenir dans le temps (Lapalme, Audet, et coll., 2012 ; Lapalme, Perreault, Lévesque, & Lessard, 2012).

Les objectifs de l’étude

Le but général de la présente étude est d’améliorer le programme d’autotraitement sur le trouble panique « Zéro-ATAQ » à partir de la perspective des pairs animateurs. De manière plus spécifique, l’objectif de la présente étude est de documenter leur point de vue face aux différents aspects de ce programme tels que leur opinion quant à la formation reçue, au matériel mis à leur disposition et, globalement, à leur expérience en tant que pairs aidants. Ils étaient ainsi invités à transmettre tout commentaire témoignant de leur satisfaction ou de leur insatisfaction à l’égard de ces aspects.

Méthode

Procédure

Deux sources d’information ont permis de documenter la perspective des pairs animateurs ayant dispensé le programme d’autotraitement : 1) des entrevues de groupe semi-structurées sur la mise en place des activités, auprès des trois animateurs de chacun des cinq groupes d’autotraitement, après la dernière séance d’activités, et 2) un focus group avec l’ensemble des pairs animateurs ayant participé au programme, sur leur appréciation générale du programme, plus de six mois après la tenue de leur groupe d’autotraitement.

Les entrevues de groupe ont été menées par un des chercheurs principaux (MP) et une des coauteures (AL) auprès des pairs animateurs de chaque groupe. Les pairs animateurs ont alors été invités, dans une entrevue semi-structurée, à partager leur point de vue sur : 1) le déroulement de la formation ; et 2) le matériel utilisé lors du programme.

Le focus group a porté sur 1) la satisfaction générale face au programme ; 2) l’appréciation de l’expérience en tant que pair animateur ; et 3) les recommandations pour améliorer le programme. Les grilles d’entretien élaborées à cet effet visaient à recueillir leurs perceptions quant à leur expérience dans le cadre du programme, en leur permettant de discuter librement des forces et faiblesses du programme et des bénéfices qu’ils en ont retirés. Leur participation à l’évaluation a été volontaire et les entretiens ont été enregistrés sur bande audio, avec le consentement des pairs aidants afin d’en faciliter la retranscription (Nassar-McMillan, Wyer, Oliver-Hoyo, & Ryder-Burge, 2010 ; Patton, 1987), les analyses et la rédaction d’un rapport (Lapalme, Audet, et coll., 2012).

Analyses

Les procédures entourant la tenue des entrevues semi-dirigées ainsi que du focus group sont celles décrites dans Krueger (1994, 1998). Les grilles d’entretien élaborées à cet effet ont permis de recueillir la perception des pairs aidants quant à leur expérience dans le cadre du programme en leur permettant de discuter librement des forces et faiblesses du programme ainsi que des bénéfices qu’ils en ont retirés. Le protocole de recherche a été approuvé par le comité d’éthique de la recherche de l’Université du Québec en Outaouais à laquelle est affilié un des chercheurs principaux (SB). Les réponses aux thèmes abordés lors des entrevues de groupe et du focus group ont fait l’objet d’une captation sonore et d’une transcription. Le mot pour mot a fait l’objet d’une analyse de contenu mixte selon le modèle de L’Écuyer (1988), combinant des catégories prédéterminées et des catégories émergentes. Les commentaires recueillis se rapportent principalement à « ce qui a été le plus apprécié » et « ce qu’il faudrait améliorer » à l’égard de l’expérience de pair animateur. Ils ont pu être regroupés en fonction de l’opinion générale relativement au programme, au rôle de pair animateur, aux modalités relatives au déroulement du programme, au matériel et aux recommandations pour la poursuite de ces activités.

Pairs animateurs

Pour chacun des groupes d’autotraitement, trois pairs occupaient l’un ou l’autre des rôles suivants : a) animateur ; b) coanimateur ; ou c) animateur substitut. Ce projet pilote a comporté la mise en place de cinq groupes d’autotraitement qui ont impliqué la participation de onze pairs bénévoles de l’organisme Phobies-Zéro (deux pairs aidants ont animé deux groupes chacun, et un pair a participé à l’animation de trois groupes). Ces pairs possédaient tous une expérience préalable d’animation dans des groupes de soutien (Lapalme, Audet, et coll., 2012).

Entrevues de groupe

Les pairs animateurs ont été consultés dans les organismes où ont été tenus les groupes d’autotraitement. Dix des onze pairs aidants animateurs (six femmes et quatre hommes) ont été rencontrés lors de cinq entrevues de groupe d’environ deux heures qui ont eu lieu de janvier 2011 à mai 2012. Un seul des pairs animateurs n’était pas disponible au moment de l’entrevue. Par ailleurs, trois animateurs ont assisté à plus d’une de ces entrevues en raison de leur participation à l’animation de deux, voire trois groupes d’autotraitement.

Focus group

Huit pairs animateurs (cinq femmes et trois hommes) qui avaient participé aux consultations de groupe ont également participé au focus group d’une durée d’environ deux heures. Trois pairs animateurs n’étaient pas disponibles pour participer à cette rencontre qui leur imposait de se déplacer à Montréal. Le focus group a eu lieu en décembre 2012, soit plus de six mois après leur expérience du projet Zéro-ATAQ. Comme les pairs animateurs étaient aussi impliqués dans les activités de groupes de soutien, la plupart d’entre eux avaient pu appliquer les connaissances acquises dans d’autres situations d’aide.

Résultats

Les thèmes après la dernière session du programme sont les suivants : 1) le déroulement de la formation ; et 2) le matériel utilisé lors du programme.

Le déroulement de la formation

La formation suivie par les pairs animateurs a été abordée dans trois des cinq rencontres de groupe. Cinq pairs animateurs ont rapporté avoir souhaité recevoir une formation plus exhaustive sur le programme Zéro-ATAQ (« parce que là, on est arrivés là-dedans, nous, sans aucune expérience de comment ça se faisait. Alors on était un petit peu comme, je ne dirais pas un chien dans un jeu de quilles, mais un petit peu au dépourvu dans c’te sens-là »). Aussi, cinq pairs animateurs mentionnent avoir éprouvé de la difficulté à répondre aux questions qui dépassaient le cadre du programme Zéro-ATAQ et du trouble panique avec agoraphobie. Un consensus parmi les pairs animateurs quant à la prolongation de la formation est ressorti des consultations de groupe (« le temps, trop court pour la profondeur de la matière »).

Le matériel utilisé lors du programme

Plus de la moitié des pairs animateurs consultés ont indiqué avoir apprécié le manuel du pair aidant qui inclut les règles de fonctionnement du groupe, le déroulement et le contenu de chacune des séances, les aspects à explorer lors du retour sur les exercices et les liens à effectuer avec les lectures proposées. Concernant ce qui pourrait être amélioré, des 10 pairs animateurs qui ont participé aux rencontres de groupe, la moitié ont soulevé des problèmes quant au mode de présentation du matériel et ont émis des suggestions quant à sa disposition alors que la moitié des pairs animateurs ont aussi considéré le contenu qui y est traité, par exemple « la substitution de pensées anxiogènes », qui a occasionné des difficultés de compréhension de la part des participants au programme, de même que la section qui porte sur « la désensibilisation aux symptômes physiques » qui pourrait être mieux expliquée, en mentionnant que cela ne s’applique pas à tous les participants au programme.

La majorité des pairs animateurs ont indiqué avoir aimé travailler avec le cahier du participant, qui inclut des exercices, des grilles d’observation, des outils pour l’exposition et des éléments de réflexion. Ils ont souligné l’importance du format (c.-à-d. dans un cartable dans lequel les sections sont insérées une à une au fil de l’évolution afin de bien marquer la progression). Quant aux améliorations qui pourraient être apportées, des dix pairs animateurs qui ont participé aux rencontres de groupe, huit ont émis des commentaires pour ce qui est de son contenu afin de le rendre plus convivial. Aussi, quatre répondants ont émis des commentaires d’amélioration sur la présentation de ce document (c.-à-d. : regroupement des objectifs qui devraient être regroupés dans un tableau).

Les thèmes abordés lors du focus group qui a impliqué des échanges entre l’ensemble des pairs animateurs sont les suivants : 1) la satisfaction générale ; 2) l’appréciation de l’expérience en tant que pair animateur ; et 3) les recommandations pour améliorer le programme.

Satisfaction du programme en général

Les huit pairs animateurs rencontrés lors du focus group ont mentionné que leur expérience a été positive dans l’ensemble. Ils ont rapporté être satisfaits d’avoir pu aider les participants. Toutefois, la majorité des répondants auraient souhaité revoir les participants après le programme pour avoir de leurs nouvelles et pour savoir s’ils poursuivaient leurs exercices (« après le groupe, ils étaient confiants, mais n’ont pas nécessairement poursuivi les exercices »). Par ailleurs, plusieurs des répondants présents ont exprimé le souhait que les candidats au programme d’autotraitement soient évalués par un processus de sélection plus restrictif, centré sur le trouble panique avec agoraphobie, avant de pouvoir être admis dans un groupe. Ces derniers ne profiteraient pas vraiment des rencontres et retarderaient le cheminement des autres participants en abordant des difficultés qui ne sont pas ciblées par le programme (« les gens qui ne fittent pas dans l’programme là, y restent pas les 12 semaines parce qu’ils se reconnaissent pas »).

L’appréciation de l’expérience en tant que pair animateur

La majorité des pairs animateurs consultés lors du focus group ont indiqué que le rôle qui leur avait été assigné (animateur, coanimateur ou animateur substitut) est celui qu’ils désiraient au départ. Tous indiquent avoir apprécié la possibilité de changer de rôle en l’absence de l’un ou de l’autre de leurs collègues. De plus, ils rapportent que le fait de se connaître au préalable, par leur travail d’animateur dans d’autres groupes de soutien, a représenté un avantage appréciable (« on s’est sentis bien confortables… On se complétait vraiment »). D’autre part, quelques pairs animateurs ont suggéré d’abolir le rôle du substitut, car, en limitant à deux le nombre d’animateurs par groupe, cela permettrait de monter plus de groupes.

Plus de la moitié des pairs animateurs ont rapporté qu’il leur avait été difficile de saisir les attentes précises que les responsables de l’implantation du programme Zéro-ATAQ avaient à leur sujet (« est-ce qu’y’avait des attentes ou si c’était plus : ‘’on va prendre les résultats comme ils viennent et on va enrichir notre banque’’ ? »). Les propos de sept pairs animateurs indiquent qu’ils n’avaient que peu de connaissances sur leur rôle dans le cadre du programme d’autotraitement au début du processus (« on n’avait pas vraiment d’attentes parce que c’était quelque chose de complètement inconnu »). Par contre, les huit pairs animateurs rencontrés ont mentionné que leur expérience antérieure en tant qu’animateur de groupes de soutien à Phobies-Zéro les a aidés dans l’animation des groupes. Ils ajoutent que seule la formation reçue, considérée « de base », ne leur aurait pas permis de mener à bien ce mandat. Plusieurs mentionnent avoir appris tout en animant le programme (« c’était une expérience très enrichissante pour moi. Premièrement, il a fallu qu’on apprenne des choses, qu’on se structure selon la formation qu’on a eue… Y’a des choses qu’on ne savait pas. Y’a des choses qu’on a appris… L’évitement subtil surtout »).

L’ensemble des pairs animateurs a indiqué que le programme avait été aidant tant sur le plan personnel, dans leurs fonctions d’animateurs de groupes de soutien à Phobies-Zéro qu’auprès des participants au programme Zéro-ATAQ. À la suite de leur participation au programme, cinq pairs animateurs ont exprimé le désir d’aller plus loin dans l’animation et l’aide apportées aux participants. Pour la majorité, il s’agissait de redonner d’une autre façon l’aide qu’ils avaient reçue (NDLR : l’aide reçue par un groupe de soutien) afin de surmonter leurs troubles anxieux (« moi, j’le fais parce que je veux aider les gens… Une fois qu’on est sortis de ça, ce n’est pas si compliqué que ça se sortir de ça. Pourquoi qu’on aiderait pas les autres à s’en sortir ? »). En outre, trois pairs aidants ont rapporté avoir perçu leur expérience comme un exercice de désensibilisation en soi, car cela leur permettait de progresser et d’améliorer leur propre condition tout en venant en aide aux autres.

Quant à la satisfaction à l’endroit du superviseur clinique, qui était disponible tout au long du programme afin d’appuyer les pairs aidants dans leur rôle, quatre pairs animateurs rapportent ne pas avoir eu d’attentes particulières à son sujet au départ, mais soulignent avoir grandement apprécié la rencontre avec celui-ci (« c’était correct d’avoir la réunion avec un professionnel de la santé… Le fait d’avoir quelqu’un à qui s’adresser, je pense que c’est intéressant. Il faut que ça soit maintenu… »). Sept pairs animateurs ont mentionné qu’il était intéressant et rassurant de savoir qu’un professionnel était là pour répondre à leurs questions et les aider.

Les recommandations pour améliorer le programme

Les huit pairs animateurs rencontrés en focus group ont exprimé différents constats afin d’améliorer des aspects qu’ils considèrent importants. Concernant la durée de leur formation, ils estiment que celle-ci pourrait effectivement être prolongée à six jours (donc trois jours de plus), en incluant davantage de jeux de rôles (« les jeux de rôles sont très importants »). Aussi, l’ensemble des pairs animateurs ont exprimé le souhait d’être jumelés à un pair animateur expérimenté dans le but de les accompagner dans leurs tâches.

Enfin, comme mentionné précédemment, il est proposé par la majorité des pairs animateurs de revoir la sélection des participants de manière à ce que le processus de sélection soit mieux ciblé. De plus, la plupart des pairs animateurs ont suggéré qu’il y ait un suivi des participants au terme des séances d’accompagnement. Enfin, la suggestion d’accroître la présence d’un professionnel superviseur au milieu ou à la fin du programme a fait consensus parmi les huit pairs animateurs. Ce professionnel pourrait même assister à une partie de la formation et ensuite être disponible afin de répondre aux questions plus cliniques des participants.

Discussion

La présente étude a permis de documenter le point de vue de 10 pairs animateurs à la suite de leur participation à l’animation de groupes d’autotraitement dans le cadre d’un programme du trouble panique mené dans quatre régions du Québec. Les résultats indiquent : que la majorité de ces pairs s’avèrent satisfaits de leur expérience ; que dans de tels projets, il est prioritaire de s’assurer d’une définition précise de leur rôle et de leur fournir une formation pertinente ; et qu’il importe de prévoir une supervision adéquate dont les modalités d’accès soient bien connues de tous. Ces résultats correspondent globalement à ceux observés dans d’autres expériences d’intervention impliquant des pairs aidants (Davidson et coll., 2006).

Parmi les sources principales de satisfaction rapportées par les pairs animateurs, on retrouve celle d’avoir pu aider les participants tout en ayant la possibilité d’apprendre sur la problématique des troubles anxieux. Il apparaît également que sur le plan personnel, les pairs aidants ont apprécié le fait de pouvoir redonner aux autres l’aide qu’ils ont reçue pour surmonter leurs troubles anxieux. En effet, les bénéfices d’être pairs aidants, indépendamment du rôle occupé et des tâches de travail à accomplir, sont non négligeables du fait que l’aide offerte procure aussi du bien à celui qui la donne (Moran, Russinova, Gidugu, Yim, & Sprague, 2012).

Bien que la formation reçue ait été globalement jugée satisfaisante par l’ensemble des pairs, plusieurs ont indiqué que leur expérience préalable en animation de groupe avait été primordiale pour accomplir leur rôle d’animateur et d’accompagnateur. Selon eux, sans cette expérience, ils n’auraient pas pu tenir le rôle qui était attendu d’eux dans ce programme.

Ce constat met en lumière certaines limites de l’étude, tout spécialement à l’égard de sa validité externe. En effet, bien que l’on démontre ici la faisabilité d’un programme d’autotraitement animé par des pairs, les résultats ne dévoilent que partiellement les conditions requises pour sa réalisation dans d’autres milieux. En effet, même si le programme comportait une formation sur les troubles anxieux bien appuyée par les travaux de Chartier-Otis (2010) et sur l’autotraitement de l’Anxiety Disorders Association of Manitoba (ADAM), il appert que les connaissances et l’expérience acquises antérieurement par les pairs animateurs ont été nécessaires pour qu’ils parviennent à exercer leur rôle. Cela soulève l’importance des attributs qui devraient caractériser les pairs appelés à jouer ce rôle : il importe de s’assurer qu’ils ont bien surmonté leur propre TPA, qu’ils possèdent les aptitudes à communiquer et à établir une relation d’aide, qu’ils sont ouverts à l’apprentissage et à la supervision, et qu’ils jouissent aussi d’une grande disponibilité pour exercer leur rôle.

Dans leurs travaux entourant le développement de la formation de pairs aidants pour l’accompagnement de personnes avec un TPA, Chartier-Otis et coll. (2015) ont d’ailleurs procédé à une sélection de candidats sur la base de ces critères. Parmi les 82 personnes qui avaient manifesté un intérêt pour la formation, 34 ont été retenues, mais seulement 9 ont accepté de participer à une rencontre de sélection. Parmi celles-ci, 5 se sont présentées à l’entrevue et uniquement 4 ont participé à la formation. Malheureusement, leur disponibilité était trop restreinte pour qu’elles puissent faire de l’accompagnement au traitement de manière efficace. Cela illustre l’importance de se pencher sur les critères de sélection des pairs aidants et sur les conditions les plus propices pour profiter de leur apport.

Parmi ces conditions, on retrouve l’importance de l’étendue et la qualité de la formation qui leur est offerte, des outils qui leur sont fournis de même que la nécessité d’être appuyés par des experts professionnels dans leur rôle (Repper & Carter, 2010). Il importe aussi de s’assurer d’un encadrement des pairs qui facilite les liens entre eux, les professionnels et les personnes sollicitant de l’aide.

Dans cette optique, l’expérience de Zéro-ATAQ démontre la faisabilité d’un partenariat entre des organismes du réseau de la santé (hôpital psychiatrique) et universitaires (deux universités) pour préparer la formation et assurer la supervision clinique des pairs aidants. L’expertise pour rejoindre la clientèle visée, recruter des pairs aidants et implanter le projet dans la communauté est plutôt celle de deux organismes offrant des formations et des groupes de soutien (l’Association des troubles de l’humeur et d’anxiété du Québec [ATHAQ] et Phobies-Zéro). Ce modèle hybride de partenariat est basé sur une structure qui n’est pas gérée par les pairs aidants eux-mêmes, mais où ces derniers peuvent exercer une influence importante sur les orientations des activités (Komaroff & Perreault, 2013). La formule a permis d’offrir aux pairs aidants une occasion d’élargir leur rôle auprès de personnes nécessitant de l’aide pour leur trouble anxieux en améliorant leur expertise en ce qui a trait au trouble panique avec agoraphobie ainsi que dans la mise en place de groupes d’autotraitement. Leurs recommandations, tout au long du projet, ont permis d’améliorer la formation et pourront guider le développement et la recherche sur le programme d’autotraitement du TPA animé par des pairs. Les questions relatives à la durée de la formation, l’inclusion d’activités de mentorat entre les pairs, une sélection plus spécifique des participants aux groupes d’autotraitement mériteront d’être explorées. Enfin, l’évaluation du programme par des participants aux prises avec un trouble anxieux devra aussi faire l’objet d’études futures.