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Malgré les promesses du cyberespace, les nouvelles technologies n’ont pas rendu caduque l’ancrage des réseaux artistiques dans des lieux spécifiques. Certes, l’engagement des individus dans les collectivités électroniques multiplie les possibilités de contact, d’échanges d’information et de « présence » dans les nouvelles communautés, mais ces communications ne remplacent pas les contacts en face à face, qui sont toujours précieux aux mondes de l’art (Proulx et Latzko-Toth, 2000). Cependant, ces échanges ne se passent pas n’importe où. Maintes études récentes sur des processus de reconnaissance de l’artiste contemporain affirment la persistance de la place centrale du rapport d’appartenance de l’artiste (et de ses interlocuteurs) à un nombre limité de lieux. Par exemple, Alain Quemin a découvert que l’association des artistes à un nombre restreint de pays dominants semble jouer un rôle important dans les processus de mise en valeur de l’artiste dans le monde de l’art actuel à l’échelle internationale, beaucoup plus important que les intervenants ne le prétendent (Quemin, 2001). Guy Bellavance (2000) a mis l’accent sur l’impératif du déplacement dans les processus de reconnaissance d’artistes du Québec et au Québec. Marcel Fournier et Myrtille Roy-Valex quant à eux ont relevé plusieurs types de lieux de diffusion et de reconnaissance, entre autres, musées, foires, biennales, galeries, ateliers d’artistes à l’étranger, revues, journaux, collections privées, qui continuent de jouer un rôle essentiel (Fournier et Roy-Valex, 2002).

Dans ce texte nous proposons un examen de la place des rapports d’appartenance aux lieux de création dans le discours des artistes provenant des régions « périphériques » (en dehors des grands centres de l’art contemporain) à l’aide d’études de cas. Le texte porte sur trois initiatives différentes de diffusion de l’art contemporain en Nouvelle-Écosse qui ont été conçues par des artistes, des conservateurs et des commissaires d’exposition néo-écossais. Nous verrons que ces trois initiatives adoptent des stratégies fort différentes en ce qui concerne la question d’appartenance à la région et de mise en évidence des singularités locales. À un pôle, nous trouvons les activités de la Société des projets d’art contemporain (Contemporary Art Projects Society) qui organise des expositions et des colloques dont le but est de démontrer la nature « branchée » et « internationale » des Haligoniens (habitants d’Halifax) qui s’occupent de l’art contemporain, notamment les conservateurs, les commissaires d’exposition et les critiques d’art, afin de rehausser le statut de la capitale (Halifax) comme centre avant-gardiste. À l’autre pôle, nous trouvons le Rallye des ateliers (Studio Rally), un programme qui vise à promouvoir des visites aux ateliers d’artistes à travers la province. Le Rallye des ateliers met en évidence les singularités de la région et les caractéristiques locales, traitant ainsi le contexte rural et périphérique comme un atout. Le troisième cas, l’initiative appelée Artspots (le titre d’une série d’émissions télédiffusées et d’un projet de diffusion à partir d’un site Web) est fondée sur une stratégie mixte qui présente l’art contemporain dans un contexte local avec une visée nationale.

Nous avons retenu ces trois cas pour diverses raisons. En premier lieu, les trois cas adoptent des positions variées en ce qui concerne la question de l’appartenance et de l’identité régionales, nous présentant ainsi une gamme d’approches. Deuxièmement, ils sont fondés sur des problématiques fort différentes portant sur les formes de reconnaissance appropriées (nous reviendrons sur ce point plus tard avec davantage de détails). Les organisateurs de chaque initiative les présentent comme des approches innovatrices de diffusion. Finalement, les trois cas constituent les principales initiatives soutenues (par opposition à des événements ponctuels) dans la province pendant la période 1992-2002 qui visent la diffusion de l’art contemporain en dehors de la programmation régulière des expositions dans les galeries, les centres d’artistes et au Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse. Ce texte porte sur les activités entreprises dans le cadre de ces initiatives entre octobre 1992 (date de la première édition du Studio Rally) et l’été 2002. Il s’agit d’une décennie qui a débuté, comme nous le verrons, avec un accroissement remarquable d’emplois dans le secteur culturel dans la province. Notre analyse s’appuie sur des renseignements recueillis par des méthodes multiples : des entrevues avec des représentants d’associations d’artistes et avec des organisateurs d’événements-clés, une analyse de contenu des documents (dépliants, articles de presse, catalogues) et de sites Web, et une analyse de données de Statistique Canada[1].

Souvent, les études de l’art « en région » font un plaidoyer pour les caractéristiques distinctives des pratiques artistiques en dehors des grands centres, ou bien elles insistent sur les ressemblances entre périphéries et centres comme principe du départ (Fortin, 2000 et Plattner, 1997). Notre objectif n’est pas de défendre mais de comprendre les stratégies de diffusion des artistes travaillant en région périphérique, ainsi que les activités des réseaux de médiation à la lumière des recherches sociologiques récentes. L’emploi du terme « périphérique » risque de heurter les partisans d’une vision démocratique des mondes de l’art. Nous avons retenu ce terme afin d’indiquer clairement l’emplacement géographique de la Nouvelle-Écosse, ainsi que la place de l’art contemporain de cette province par rapport au marché et aux expositions charnières du monde de l’art international actuel si bien documenté ailleurs (par exemple, dans les études de Quemin et de Fournier et Roy-Valex). Accepter la position périphérique des activités en matière d’art contemporain en Nouvelle-Écosse ne nuit nullement au potentiel de l’étude de faire avancer les connaissances. Au contraire, c’est justement cette qualité clairement « ex-centrique » qui fait de la province un excellent point de repère pour étudier le rôle des rapports d’appartenance dans les stratégies de diffusion et, plus généralement, dans les processus sociaux de reconnaissance dans le champ de l’art contemporain.

Commençons par un bref aperçu de trois types d’approches avec des implications fort différentes en ce qui a trait aux processus de structuration de l’espace social de l’art et à la notion d’appartenance. Ensuite nous présenterons rapidement les principales caractéristiques du secteur culturel de la province afin de situer ces études de cas. Finalement nous examinerons les trois initiatives de diffusion de l’art contemporain en Nouvelle-Écosse afin de mieux comprendre la place des rapports d’appartenance dans ces stratégies de diffusion.

Comment situer les pratiques artistiques en région périphérique par rapport aux processus de reconnaissance associés au monde de l’art international ? Toute analyse des activités en région pose d’emblée des questions fondamentales sur l’appartenance à ce que Pierre Bourdieu a appelé « le champ de la production artistique » (Bourdieu 1993). Les activités des artistes, des médiateurs (galeristes, commissaires d’exposition, etc.) et des publics qui n’ont pas de liens avec les centres artistiques majeurs, constituent-elles des mondes distincts ? Y a-t-il un seul champ de production artistique ou plusieurs ? Nous allons examiner trois formulations différentes de l’espace social de l’art contemporain : (1) les approches « culturelles » qui mettent l’accent sur la place des arts en tant que pratique culturelle dans les processus sociaux liés aux enjeux identitaires et qui insistent sur la commensurabilité des formes différentes ; (2) celles fondées sur des théories de souche structuralistes qui sont associées à ce que DiMaggio a appelé « le modèle organisationnel de la haute culture » (DiMaggio, 1992) ; et (3) le modèle hybride de Becker fondé sur l’interactionisme symbolique.

L’approche « culturelle » des arts en région : les arts comme expression d’alliances identitaires

L’approche « culturelle » s’inscrit dans les traditions de la sociologie de la culture ou des études des processus de socialisation plutôt que dans celles de la sociologie de l’art proprement dite[2]. Ce genre d’approche tend à partir d’une prémisse démocratique ayant tendance à tenir pour acquis la commensurabilité des pratiques en région et celles dans le monde de l’art « international ». On retrouve parfois même une insistance sur l’innovation ou l’équivalence des pratiques artistiques au centre et à la périphérie (du moins du point de vue sociologique).

Certains chercheurs ont pris des positions extrêmes sur les qualités de l’art en dehors des grands centres en insistant sur la proposition selon laquelle les pratiques en région sont innovatrices par rapport aux activités dans les centres artistiques où la pesanteur de la structuration du champ empêche l’émergence de nouvelles formes. Par exemple, Guy Sioui Durand (1997) a parlé de l’art contemporain en région (notamment dans les centres autogérés d’artistes au Québec) comme d’une manifestation radicale d’un courant alternatif qui échappe au pouvoir hégémonique des centres. Selon Andrée Fortin, les intervenants qui sont actifs en art contemporain en région (au Québec) sont en train d’inventer de nouvelles pratiques identitaires d’importance mondiale. Ces nouvelles pratiques, associées aux festivals d’art contemporain en région, démontrent une ouverture accrue aux tendances globales et s’emparent de la place publique pour présenter, à l’aide des interventions artistiques, une nouvelle formulation de l’identité culturelle en région. Elle y voit une reconfiguration de l’ancrage local et de l’ouverture internationale « aboutissant à une occupation culturelle inédite de l’espace régional » (Fortin, 2001). Fortin croit que cette combinaison singulière du goût local, des alliances identitaires et des pratiques esthétiques globales rend distinctive la culture régionale du Québec.

D’autres chercheurs dans cette veine misent sur des ressemblances entre les activités en régions périphériques et celles dans les centres artistiques. Par exemple dans une étude ethnographique du marché de l’art contemporain à St. Louis, Missouri, Stuart Plattner soutient que la plupart des artistes contemporains travaillent dans les communautés que l’on peut considérer comme périphériques — même les artistes qui vivent dans les grands centres — puisque, à son avis, très peu d’artistes arrivent à percer les cercles qui dominent la scène artistique internationale. Plattner affirme que les pratiques hégémoniques du monde de l’art contemporain n’ont aucune importance pour l’étude des pratiques en dehors des grands centres. Cependant son analyse présente des tensions. Il semble insister sur l’équivalence sociologique des pratiques en région et dans les centres artistiques, mais en même temps, il reconnaît le pouvoir ultime des centres dans les processus de reconnaissance de l’art et des artistes. Selon Plattner, on peut accepter le fait que la ville de New York domine le marché américain de l’art contemporain et le fait qu’elle a de l’importance pour les collectionneurs d’autres nations, tout en conservant l’idée que le vécu des communautés d’artistes en région est semblable au vécu des artistes installés à New York. L’organisation du monde de l’art contemporain est donc hégémonique dans un sens restreint. Plattner écrit :

sur le plan national voire même international... seule l’exposition dans une galerie d’élite à New York peut créer de la signifiance en termes de l’histoire de l’art. Il ne s’agit pas simplement du fait que la ville de New York a le plus grand marché, mais New York a contrôlé la définition de l’art « intéressant » ou « important » pour le pays entier. C’est le siège des périodiques nationaux majeurs, et, lorsque les écrivains et les rédacteurs cherchent des sujets, ils n’ont pas à chercher au delà des frontières de Manhattan...[3].

Plattner, 1996, p. 8

Plattner observe que le marché de l’art contemporain national est un réseau formé de nombreux systèmes régionaux et cette interdépendance lie des activités en région périphérique aux centres. Dans son modèle, la création de la croyance dans la valeur de l’art contemporain en région suit les mêmes principes que des pratiques communautaires observées dans les « marchés paysans » (peasant markets) : la confiance s’établit en fonction de liens d’amitié et de parenté (Plattner, 1997). Nous verrons la mise en oeuvre de cette tendance en Nouvelle-Écosse.

Malgré l’insistance sur le manque de pertinence des centres de la haute culture, son travail sur le terrain ne confirme que partiellement son hypothèse d’équivalence entre la pratique de l’art en région et dans les centres. Plattner termine son étude par une réflexion sur « la valeur existentielle des mondes de l’art chez nous » (the existential value of down-home art worlds). Les artistes, les collectionneurs, les marchands, les commissaires, les critiques et les autres membres des mondes de l’art en région périphérique font face au même problème : « Ils peuvent profiter de la qualité de vie plaisante à St. Louis et de son coût de vie raisonnable tout en souffrant du manque de stimulation et du manque de défi local. »

Quoique intéressantes du point de vue des recherches sur la socialisation, les analyses qui font un plaidoyer en faveur des contributions des arts à la cohésion sociale et aux alliances identitaires s’inscrivent essentiellement dans la logique de la sociologie de la culture et non pas dans celle de la sociologie de l’art. Elles ne tiennent pas compte de la spécificité des arts par rapport à d’autres marqueurs identitaires (tels que la langue maternelle, les pratiques alimentaires, etc.). Par conséquent, elles sont d’une utilité limitée pour notre analyse de la place des rapports d’appartenance dans la constitution de l’espace social de l’art contemporain.

Des modèles hiérarchiques du champ artistique : observations empiriques ou « discours de pouvoir et de confinement » ?

Un autre type d’approche — celui qui se fonde sur le modèle de la haute culture — est associé à une conception d’un champ de production artistique très hiérarchique avec un noyau central d’agents puissants. Nathalie Heinich et Pierre Bourdieu ont fait des études de la structuration du champ artistique qui mettent en valeur les lieux de pouvoir du monde de l’art international. Dans leurs travaux, ce champ dynamique est fort centralisé même s’il est sans cesse en voie de changement. Les processus de diffusion et de consécration (qui assurent le transfert de capital symbolique dans un ensemble d’évolutions parallèles) sont de plus en plus focalisés sur la logique d’un marché international (voir par exemple, Bourdieu, 1999).

Dans son analyse bien connue de l’histoire des formes de réussite artistique, Heinich a tracé l’évolution des paradigmes sous-jacents à la création de la croyance dans la valeur de l’art (voir entre autres, Heinich 1991, 1993, 1998a). Pour ce qui est de l’art contemporain, l’auteure propose un processus séquentiel de transgression (des normes esthétiques en vigueur par les artistes), du rejet (par des publics non initiés) et d’intégration (des nouvelles formes de création par des leaders de l’avant-garde — critiques, collectionneurs, commissaires, etc.). Les arbitres initiés — critiques, collectionneurs, commissaires d’exposition et experts ayant le pouvoir de défendre les nouvelles formes de création — déterminent les frontières du champ afin de distinguer l’« art » du « non-art ». Ce processus encourage des pratiques artistiques de plus en plus provocatrices qui repoussent les limites de la notion d’oeuvre d’art et qui entraînent l’aliénation des publics non initiés (Heinich 1998). Ce « triple jeu de l’art contemporain » érige des frontières matérielles et mentales autour des pratiques reconnues par un nombre restreint d’initiés situés largement dans les centres d’importance pour le marché de l’art international.

Quel est le lien entre les pratiques en région et les formes de reconnaissance proposées par Heinich ? Celle-ci a répondu à cette question lors d’une conférence en 1991. Selon Heinich, on pourrait considérer les carrières d’artistes en région périphérique comme les formes historiques connues il y a des siècles dans les centres artistiques qui sont actuellement importants[4]. Cependant, classer les pratiques artistiques en région selon les formes historiques semble condamner la vie des arts dans les régions périphériques à un cheminement douteux qui retracerait l’évolution historique du champ artistique de l’Europe de l’Ouest. La pratique de l’art et des initiatives de médiation en région périphérique semble constituer des gestes sans intérêt pour l’étude du « champ », puisque ces activités ont lieu en dehors de l’histoire de l’art contemporain telle que tracée par des centres d’importance. Ce modèle de la haute culture exige des traces empiriques d’un véritable échange (voire exportation ou effet observable) qui démontreraient l’influence des régions sur les centres et des indicateurs d’une présence palpable des acteurs des régions périphériques dans les réseaux internationaux.

Des dénonciations de ce genre de modèle hiérarchique du champ artistique sont devenues de plus en plus incisives depuis une vingtaine d’années. Parfois il s’agit de demandes d’ouverture aux réalités multiples. Par exemple, le critique postcolonialiste Olu Oguibe a qualifié le discours des critiques et des historiens de l’art occidentaux de « discours de pouvoir et de confinement » de l’artiste africain contemporain (Oguibe, 1999). Cependant, les revendications postcolonialistes réclament parfois l’accès à un monde d’élites, tout en conservant une vision hiérarchique du monde de l’art contemporain.

Les modèles hégémoniques qui postulent un champ de production de l’art contemporain unique, fort centralisé et peu accessible aux participants des périphéries, peuvent être difficilement délogés par une argumentation basée sur les observations empiriques comme vont nous le montrer nos études de cas.

Les mondes de l’art : une typologie des rapports d’appartenance

À première vue, le sociologue américain Howard S. Becker semble nous proposer des outils conceptuels mieux adaptés à l’étude sociologique de l’art en région périphérique. Son modèle de la création artistique stipule l’existence simultanée de plusieurs champs de production artistique qu’il appelle des mondes de l’art (v.o.a. 1982, v.f. 1988). Fondé sur l’interactionisme symbolique, ce modèle reconnaît une grande variété de participants, y compris des catégories de travailleurs culturels souvent invisibles (ex. : fabricants d’instruments de musique ou de matériaux d’artiste, assistants techniques, etc.). Il tient compte de genres variés, y compris ceux qui ne sont pas associés à l’art des élites (ex. : l’artisanat et l’art naïf). Suivant la logique de sa propre théorie de « l’étiquettage » (labeling theory), Becker insiste sur le fait que les participants aux mondes de l’art vont se définir eux-mêmes dans les processus de coopération routinière :

Un monde de l’art se compose de toutes les personnes dont les activités sont nécessaires à la production des oeuvres bien particulières que ce monde-là (et d’autres éventuellement) définit comme de l’art.

Becker, 1988, p. 58

Cependant, tous les participants ne sont pas égaux dans le modèle de Becker. Malgré l’apparence inclusive du modèle, les relations entre les mondes de l’art sont basées sur une vision de l’organisation sociale de l’art qui est fondamentalement hiérarchique. Les mondes de l’art de Becker sont loin d’être démocratiques quant au statut des différentes pratiques et des lieux d’activité connexes. Les pratiques qui sont associées aux centres de la haute culture fournissent des éléments qui servent à classer d’autres « mondes de l’art ». Les types d’artistes (et les mondes auxquels ils appartiennent) sont classés selon leur niveau d’intégration (et d’organisation). « Des professionnels intégrés » sont aux premiers échelons de l’échelle et des artistes populaires aux derniers échelons (Becker, 1988, p. 267-75). Les créateurs d’art naïf ne font pas partie d’un monde de l’art quelconque avant d’être reconnus par des critiques et par d’autres intervenants des mondes de l’art organisés. Dans ce modèle, les critères élaborés au sein des mondes de l’art organisés servent à juger des créations d’autres mondes afin de décider si elles sont de l’art ou non. Le pouvoir esthétique et social est centralisé dans les mondes organisés de professionnels intégrés. Et ce pouvoir est associé à l’accès aux lieux cotés — par exemple, dans le cas des artistes visuels, des lieux d’exposition d’importance pour la reconnaissance (critique et monétaire) de leurs créations. Ceci ne veut pas dire que ce qu’on fait en dehors des circuits connus n’est pas de l’art dans un sens très large. Mais les activités périphériques ne font pas partie des activités du monde de l’art « international » avant d’être « découvertes » par une élite intégrée aux activités des centres.

Depuis le premier jet de ce modèle, Becker a apporté des précisions sur la place des genres non conformistes et des activités en région périphérique, les considérant comme alternatives à l’inertie et comme moteurs pour l’innovation et le changement (Becker, 1995). Dans cette perspective, des nouvelles pratiques sont toujours largement conçues à l’insu des mondes de l’art organisés pour ensuite être découvertes et intégrées aux pratiques reconnues en tant qu’expressions esthétiques légitimes (il cite à titre d’exemple la musique funk brésilienne). Nous reviendrons à ces modèles dans notre analyse des cas de diffusion.

Un aperçu du secteur culturel en nouvelle-écosse :quelques chiffres à l’appui

Afin de situer nos études de cas, dressons rapidement un portrait chiffré de la Nouvelle-Écosse et de son secteur culturel. La province elle-même possède un caractère périphérique en plusieurs sens. Du point de vue géographique, elle est située au bord de la mer sur la côte atlantique. Le peuplement suit les périphéries de la province. Les villes, les villages et les communautés rurales se trouvent principalement sur les côtes de la presqu’île et de l’île du Cap Breton et dans la vallée d’Annapolis qui longe la côte de la Baie de Fundy. La population de la Nouvelle-Écosse ne compte que 908 007 résidents et une population active d’environ 473 500 personnes (recensement de 2001 et Statistique Canada, 2002). La plus grande communauté métropolitaine de la province — celle d’Halifax — a une population d’environ 359 200 habitants (données du recensement de 2001). Il y a un certain nombre d’autres villes de taille moyenne dans la province, mais environ 50 % des habitants vivent dans les communautés rurales. L’intérieur de la province est boisé et peu peuplé.

Notre étude porte sur des collectivités d’artistes et d’autres personnes intéressées par les activités de création, de médiation et de diffusion de l’art contemporain. Il s’agit d’une population relativement petite qui réside majoritairement mais pas exclusivement dans les régions près de la capitale, Halifax. Les artistes habitent souvent les petites communautés rurales en dehors de la communauté urbaine proprement dite puisque l’espace pour les ateliers y est moins dispendieux. La représentation relativement élevée des professions du secteur de la culture et des communications en Nouvelle-Écosse dans l’effectif de la main-d’oeuvre est notable. (Nous avons regroupé ici les emplois des deux secteurs de culture et des communications en raison de la présence des artistes contemporains dans les milieux des multimédias qui chevauchent les catégories professionnelles de ces deux secteurs.) Environ 8,8 % de la main-d’oeuvre active néo-écossaise travaillait dans le secteur de la culture et des communications en 1996 (10 225 personnes dans le secteur de la culture et 27 495 dans le secteur des communications). Ces professions représentent une proportion nettement supérieure aux 6,% dans l’ensemble des professions au Québec pour cette même période, une situation surprenante en raison de la place importante qu’occupe déjà la culture au Québec et en raison du caractère excentrique de la Nouvelle-Écosse (Marontate, 2002, Québec, ministère de la Culture et des Communications, 1999, p. 21).

Tableau 1

Allocations per capita aux conseils et agences de soutien aux arts par province en 2001

Allocations per capita aux conseils et agences de soutien aux arts par province en 2001
Source : nscn, 16 avril 2002.

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L’accroissement des emplois dans ce secteur constitue pourtant une source d’espoir devant l’effritement de l’industrie de la pêche et d’autres industries du secteur primaire. Au début de la décennie, on a constaté un accroissement général de l’emploi dans le secteur culturel au Canada. Le nombre de personnes actives dans le secteur est passé de 313 605 (au recensement de 1986) à 357 620 en 1993 (Labelle, 1993) et à 717 900 en 2002 (Statistique Canada, juin 2002). Entre 1990 et 1996, l’emploi dans ce secteur au Canada a progressé de 5,% (Statistique Canada, 1997). Pendant cette même période, en Nouvelle-Écosse, le nombre de travailleurs dans le secteur culturel a bondi de 19,%, et ceci durant une période au cours de laquelle le nombre total d’emplois dans la province a baissé de 1,% (Statistique Canada, 1997).

L’activité dans les professions culturelles en Nouvelle-Écosse est encore plus remarquable si l’on tient compte du soutien extrêmement modeste alloué aux arts et à la culture dans cette province. Les quatre provinces de l’Atlantique se retrouvent en dernière position au chapitre des allocations per capita des organismes chargés des subventions provinciales destinées aux artistes (Tableau 1).

On constate des tendances identiques dans l’octroi des fonds par des organismes du gouvernement fédéral. Par exemple, les provinces de l’Atlantique dans leur ensemble n’ont reçu que 0,% des allocations du ministère des Affaires étrangères destinées aux groupes artistiques en 1991-1994 et 2,% en 1996-1997 (cf. Tableau 2).

Quoique rapide, cette esquisse nous donne un aperçu du contexte des nouvelles stratégies de diffusion, un contexte marqué par l’activité croissante dans le champ de la culture en général au début de la période étudiée, et ceci, malgré le peu de soutien fiscal aux activités dans le secteur culturel. Cependant, ces statistiques produites par Statistique Canada dans le cadre des recensements et des enquêtes sur la main-d’oeuvre ne donnent qu’une vague idée des activités se rapportant à l’art contemporain pour diverses raisons. Entre autres, il est impossible de situer des pratiques contemporaines par rapport aux catégories professionnelles en vigueur. Les nouvelles pratiques de création traversent les frontières traditionnelles entre disciplines artistiques. De plus, le caractère « contemporain » de l’art et de l’artiste repose sur des critères qualitatifs fort complexes (Heinich, 1999). De plus, il faut signaler la méthode de Statistique Canada qui consiste à retenir comme champ d’activité principale celui qui rapporte le plus de revenus dans le cas des individus ayant des emplois multiples, ce qui entraîne une sous-estimation probable du nombre de personnes engagées dans les arts en général. Pour ces raisons, entre autres, une analyse plus détaillée des groupes professionnels dans le secteur à partir des données « officielles » n’éclaircira pas beaucoup plus à nos connaissances sur les pratiques ayant un rapport avec l’art contemporain en Nouvelle-Écosse. Passons maintenant à notre examen des stratégies de diffusion de l’art contemporain.

Tableau 2

Subventions aux groupes artistiques selon le lieu d’appartenance du ministère des Affaires étrangères

Subventions aux groupes artistiques selon le lieu d’appartenance du ministère des Affaires étrangères
Source : Skelton, 1998.

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Se brancher aux réseaux internationaux : les initiatives de la société des projets d’art contemporain

La Société des projets d’art contemporain (Contemporary Art Projects Society — caps) est née en 1997 d’une conjoncture fortuite : en 1997, la Biennale de Venise, la Documenta de Kassel en Allemagne et le Projet de la sculpture de Münster ont eu lieu pendant la même saison — un événement rare. Cet été-là, plusieurs conservateurs de galeries et commissaires indépendants d’Halifax ont décidé (indépendamment) de faire le tour de ces événements qui occupent une place très visible dans le monde de l’art contemporain international. De retour en Nouvelle-Écosse, ces conservateurs ont décidé d’entreprendre une initiative ambitieuse en art contemporain, dans le but de s’établir comme membres actifs de la scène internationale de l’art contemporain :

Nous avions formé une impression commune que nous étions capables de faire quelque chose ici à Halifax qui mériterait l’attention du monde de l’art et que nous avions un désir commun d’élargir nos pratiques professionnelles à l’échelle internationale[5].

Metcalfe 2000, p. 1

Selon Metcalfe (qui était, à l’époque, conservateur indépendant et critique d’art à Halifax), plusieurs des membres fondateurs de la caps avaient eu des discussions avec des commissaires de ces grandes expositions en Europe. Ils ont tous eu l’impression que, dans l’imaginaire de ce monde international, on ne pensait pas au « Canada » mais plutôt à un nombre limité de lieux associés aux activités en art contemporain. Les protagonistes de ce monde international « ne parlaient pas de l’art contemporain à l’échelle du pays mais ils connaissaient des centres d’art contemporain du pays... des villes d’Halifax, Vancouver, Toronto... » (entretien avec Metcalfe, 2001). La ville d’Halifax était déjà relativement bien connue comme centre d’art contemporain grâce aux activités du Nova Scotia College of Art and Design — nscad(Metcalfe, 2000, p. 2). Depuis les années 1970, le collège a une réputation internationale en art contemporain, entre autres dans les mouvements de l’art conceptuel et du néoexpressionnisme. Le collège a souvent accueilli des artistes très connus comme professeurs invités ou artistes en résidence tels que Lucien Freud ou Joseph Beuys.

L’objectif initial de la caps était d’améliorer la visibilité du monde de l’art contemporain d’Halifax et de faire valoir les talents des médiateurs (des conservateurs et des commissaires d’exposition) plutôt que de diffuser l’art de la Nouvelle-Écosse. Le noyau de la caps est formé des conservateurs de galerie ou de musée et des commissaires d’exposition, mais les autres catégories de « professionnels de l’art » y participent aussi (i.e. des artistes, des critiques, des professeurs et des militants). Depuis sa création, le comité de direction est dominé par des directeurs des galeries d’art des principales universités d’Halifax (Université Dalhousie, U. de Saint Mary, U. du Mont Saint Vincent et nscad) et du Musée des beaux-arts de la province. La plupart des autres membres actifs sont associés aux centres d’artistes et aux galeries qui se situent également dans la capitale.

Au début, des fondateurs de la caps voulaient « organiser un festival d’expositions... avec une composante internationale substantielle » (Metcalfe 2002)[6]. Le premier festival d’art contemporain international organisé par les membres du caps — HX (Halifax Exhibition) a eu lieu en 2000 (de début juillet à début septembre). Le festival comportait plusieurs volets :

  • six expositions collectives d’oeuvres d’artistes en six lieux au centre ville d’Halifax en Nouvelle-Écosse sous la direction d’un conservateur invité de l’étranger, Oscar Ho Hing-Kay, directeur des expositions du centre d’art de Hong Kong ;

  • 13 expositions d’art contemporain « international » (avec une forte représentation d’artistes de l’étranger) ;

  • et une série de conférences, d’événements et de performances à Halifax pendant la période du festival sous-titrée « Déplacements : le symposium HX ».

La caps ne s’est pas limitée à l’organisation de ce festival. Ses membres ont aussi collaboré à l’organisation des conférences et des expositions. En 1999 et 2002, la caps a également organisé deux colloques thématiques « Pratiques contestées I et II » sur les enjeux d’actualité en conservation de l’art contemporain : par exemple, les défis des nouveaux médias et des nouvelles formes de catalogues d’exposition. Des conférenciers prestigieux ont été invités de l’étranger et du reste du Canada. Par exemple, en 2002 parmi les invités on comptait Steve Dietz, directeur des initiatives des nouveaux médias, de la réputée galerie Walker à Minneapolis, Paul Chaet Smith du Museum of the American Indian de Washington, D.C., et Johanne Lamoureux, critique et historienne de l’art bien connue pour son travail sur la démarche artistique in situ.

Les organisateurs de la caps signalent l’importance des collaborations amicales dans une communauté de protagonistes circonscrite, une caractéristique des marchés périphériques dans le modèle de Plattner. Cependant leur travail identitaire n’est pas ancré dans les particularités locales (ce qui les aurait rapprochés des initiatives québécoises observées par Fortin et Sioui Durand). Leur identification à Halifax ne constitue en aucun sens un plaidoyer pour la reconnaissance de l’art « en région périphérique ». Au contraire, l’objectif de la société est d’augmenter la présence de ses membres dans les réseaux internationaux. La caps insiste sur la nature « branchée » et « internationale » des pratiques de ce groupe restreint de professionnels de l’art contemporain à Halifax. Dans les témoignages des interlocuteurs interviewés, les membres de la caps se présentent comme membres d’une élite ayant une visée nationale et internationale. Ils adoptent ainsi le modèle hiérarchique de la haute culture. Cependant, comme le démontre le travail d’Heinich, dans ce système de croyance, les formes de reconnaissances doivent nécessairement être associées aux activités des centres artistiques déjà bien établis. Le fait que des protagonistes en région périphérique visent à prouver leur pertinence ne suffit pas comme indicateur de leur appartenance à un champ artistique international dans cette perspective mais c’est une initiative à suivre. La caps présente une approche de la question d’appartenance qui se distancie des particularités locales.

À la découverte des qualités « ex-centriques » de la région :les ateliers s’exposent

Le Rallye des ateliers (Studio Rally) adopte une stratégie fort différente en termes d’identification à la région. Le rallye s’inspire des compétitions où des concurrents, le plus souvent des automobilistes partis de points différents, doivent parcourir des trajets, visitant des lieux souvent difficiles d’accès, afin d’arriver à un ou des lieux déterminés. Le Rallye des ateliers en Nouvelle-Écosse reprend ainsi la formule bien connue des visites d’ateliers d’artiste et la renouvelle dans un contexte rural. Le volet inaugural de chaque rallye a lieu au début de chaque saison culturelle, en octobre.

Comme la caps, l’initiative est née dans un contexte de relations cordiales entre collègues qui voulaient faire avancer leur propre carrière. Le Rallye des ateliers a été conçu au début des années 1990 par deux amies — Beverley McClare et Adriane Abbott —autour d’une bouteille de vin rouge. Toutes les deux sont artisanes en design et ont des liens avec le nscad : Abbott travaille dans les arts du textile et McClare fait de la vannerie (des corbeilles et des objets décoratifs tressés) et tient un petit commerce de fabrication artisanale de conserves aux arômes d’herbes situé dans un village sur la Baie de Fundy. Elles s’inspiraient des initiatives semblables aux États-Unis, en Angleterre et en Ontario (Abbott, 1999, p. 9). L’engagement personnel des deux organisatrices dans les activités de création ainsi que la nature très étroite du réseau des créateurs participant aux rallyes sont souvent mentionnés dans leurs témoignages et dans les publications sur l’initiative comme preuve d’authenticité (entretiens avec Metcalfe, 2002 et Abbott, 2001 et McClare, 2002).

L’idée initiale des organisatrices semblait fort simple : augmenter les possibilités de marketing de l’art et de l’artisanat en créant un événement qui se tiendrait la première fin de semaine d’octobre et qui proposerait des visites d’ateliers à travers la province. Il fallait d’abord dresser une liste de participants, créer un plan routier des ateliers présentés, et concevoir un dépliant distribué gratuitement par les bureaux de tourisme et des établissements ayant des liens avec l’art tels que des galeries et des magasins d’objets décoratifs. Le dépliant devait ensuite servir comme carte et guide touristique des ateliers durant toute l’année. De nouveaux créateurs se sont proposés (et parfois se sont retirés) dans les éditions suivantes. Certains ateliers restaient ouverts durant toute l’année, certains artistes demandaient aux visiteurs de prendre rendez-vous en dehors de la fin de semaine du rallye. Abbott et McClare assumaient le rôle de commissaires d’exposition. Les organisatrices ont tracé les premiers circuits à partir d’un échantillon restreint de créateurs connus et ont révisé les listes chaque année. Elles faisaient elles-mêmes des visites aux ateliers avant de les inclure dans le rallye. Les mécènes publiques et privés ont payé les coûts des déplacements et de l’édition d’un dépliant annuel. Parmi les mécènes, au fil des années, ont figuré le Conseil des Arts du Canada, la Banque Royale du Canada, Postes Canada, le principal fournisseur de télécommunications de la province (Maritime Telephone and Telecommunications), l’industrie pétrolière (Sable Offshore Energy, Imperial Oil) et plusieurs organismes du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Cependant, le coût de la production du dépliant annuel était si élevé que les organisatrices ont décidé, en 2002, de produire un dépliant sans date avec l’intention de le réviser moins souvent.

La première édition du rallye avait lieu en 1992 et 63 ateliers y participaient. L’édition 2001-2002, préparée par Abbott seule, présentait 111 ateliers, 15 galeries et centres d’artistes et une douzaine d’autres lieux d’exposition (ex. théâtres et centres de viticulture). Durant la fin de semaine du rallye, tous les ateliers participants sont ouverts afin de favoriser des visites libres. À d’autres moments de l’année, les heures d’ouverture varient. Parfois, le rallye comporte aussi un volet d’exposition temporaire sous forme d’un salon de printemps qui dure une journée au début du mois de mai, permettant aux participants d’exposer leurs créations conçues durant l’hiver.

Dès le début, le but de l’événement était de créer localement de nouveaux marchés et un nouveau public pour les oeuvres d’art et l’artisanat. Un objectif secondaire était de générer un peu de revenus pour les deux artistes-commissaires (entretien avec B. McClare, mai 2002). Cependant, les dépliants mettaient davantage l’accent sur la découverte de différents contextes de la création et surtout sur des visites aux ateliers dans les régions rurales de la province. Le fait que de nombreux créateurs ont leur atelier à domicile donne un ton très familial et plutôt campagnard au discours sur l’événement, notamment dans une monographie par Robin Metcalfe qui présente une cinquantaine des artistes du rallye (Metcalfe, 1999). Metcalfe insiste sur l’importance de la notion du voyage dans le concept du rallye, aspect qu’il a retenu dans son livre : « Il ne s’agit pas d’un livre sur l’art. Ce livre porte sur le voyage » (entrevue mars 2001).

Les parcours des rallyes ont tendance à mettre en valeur les créateurs dans des ateliers dispersés. Les ateliers sont regroupés selon leur situation géographique suivant les principales routes touristiques. Il y a toujours une forte représentation de créateurs éloignés des centres d’art et d’artisanat de la province, même si on retrouve de nombreux artistes de la région métropolitaine d’Halifax-Dartmouth et du Basin de Chester où se situe la plus forte concentration de créateurs et de lieux d’exposition dans la province. Les critères esthétiques ne sont pas explicités, mais la catégorie « fait main » semble valorisée dans les ateliers retenus. Chaque rallye comprend une gamme assez large de genres et de styles.

Même si l’idée de départ était de chercher de nouveaux marchés, les messages dans les dépliants sont très personnels et si peu branchés sur le langage des publicités habituelles qu’ils présentent un discours presque paysan. Les expressions sont très marquées par l’argot de la région et semblent chercher à se doter d’une aura d’« authenticité » en raison de la spécificité culturelle liée aux qualités uniques des créations et de leur région d’appartenance :

Au début, nous avons cru faire beaucoup d’argent, mais nous avons vite découvert que les fruits de ce projet venaient sous forme d’amitiés et d’accueil. [...] La sélection [de créateurs] est variée. Le Rallye des ateliers représente l’artiste rigolo, énergique et hors du commun aussi bien que l’artiste tranquille, intense, paisible et profond. Si vous venez de la Nouvelle-Écosse ou si vous « venez d’ailleurs »[7], suivre cette carte vaut la peine. C’est un voyage qui apporte de la signification à notre environnement. Les objets faits à la main et les oeuvres d’art améliorent notre vie quotidienne. Et quoi de mieux que de connaître un endroit à travers l’imaginaire de ceux qui y sont chez eux ?[8]

Les organisatrices du rallye n’abordent l’objectif commercial de l’événement qu’en 2001 — lors du 10e anniversaire du Rallye des ateliers. Dans son introduction dans le dépliant, Abbott invite fortement les visiteurs à acheter des oeuvres, mais offre également avec politesse des suggestions pour ne pas acheter des oeuvres lors des visites aux ateliers :

[...] permettez-moi de m’abandonner à une tangente qui nous amène à la dimension commerciale de cette carte, tangente qui n’a pas été franchement énoncée auparavant. Les artistes listés (même les plus humbles) savent que leur travail est bon, alors si vous arrivez pour découvrir que ce n’est pas tout à fait votre « tasse de thé », nous vous prions de ne pas vous sentir mal ni maladroit. Savourez la visite tout de même. Cependant, SI vous aimez véritablement ce que vous trouvez — MAGASINEZ !

[...] ne pas s’emparer de quelque chose que vous aimez (et qui va vous faire rêver une fois rentré) va vous rendre fou ! [...] Donnez votre soutien aux producteurs canadiens de la culture et participez au développement du tissu qui apporte la valeur et la signification dans toutes nos vies...[9]   »

Ce glissement du propos sur le rallye vers une logique marchande peut être lié aux difficultés accrues qu’éprouvent les organisatrices du rallye dans l’obtention des subventions nécessaires pour défrayer les activités reliées à la production du dépliant (visites aux ateliers, etc.). McClare a cessé de participer à l’organisation des rallyes en 2001 sans regrets, « il n’y avait plus suffisamment de ressources pour justifier deux commissaires » (entretien, juin 2002). Il y a aussi eu des changements politiques et administratifs avec la transformation de la structure et du mandat des organismes chargés du dossier de la culture à l’échelle provinciale. Lorsque le rallye a commencé, le ministère de l’Éducation et de la Culture était chargé du dossier de la culture sous un régime libéral. À la suite de l’élection d’une majorité du parti conservateur en 1999, ce dossier a été transféré au ministère du Tourisme. Le gouvernement a supprimé des postes. En mars 2002, le premier ministre a aboli le Conseil des arts de la Nouvelle-Écosse. (Au moment de la rédaction de ce texte, la Nouvelle-Écosse est la seule province au pays à allouer des subventions sans l’intermédiaire d’un organisme indépendant, malgré les protestations des regroupements d’artistes qui remettent en question la légitimité de la dissolution du Conseil des arts.)

Prise dans son ensemble, la logique du Rallye des ateliers en Nouvelle-Écosse offre un cas relativement classique d’une tentative de mise en valeur d’une région et de ses artistes dans un programme de diffusion mixte qui tente de franchir les frontières entre le tourisme, l’activité économique, les pratiques identitaires et le champ de création et de diffusion artistique. Cette stratégie de diffusion nous fournit un cas extrême d’une initiative de caractère local sans liens clairs avec le discours et les pratiques du monde de l’art international. Le Rallye des ateliers constitue ainsi un projet d’insertion des arts de caractère socioéconomique et culturel plutôt que strictement artistique. Passons maintenant au troisième cas qui met l’accent sur l’appartenance des créateurs à la région, mais qui les situe dans un discours plus globalisant.

Les annonces-éclairs et la promulgation de l’art contemporain

Artspots est le nom de la troisième initiative majeure de diffusion de l’art contemporain qui a été entamée en Nouvelle-Écosse pendant les années 1990. Le mot spot est un terme technique employé dans l’industrie de la télévision anglophone. Il désigne une émission très courte (habituellement de 30 à 60 secondes) sous forme d’annonce-éclair ou de message publicitaire. La série Artspots a été créée pour le réseau de télévision anglophone du gouvernement fédéral du Canada la Canadian Broadcasting Corporation (cbc). Les émissions sont présentées entre les programmes ou durant les plages de publicité non vendues. Au départ, un des objectifs de la série était de donner plus de visibilité aux créateurs des communautés en dehors des grands centres artistiques, en faisant un portrait de la création actuelle dans un territoire donné (entretiens avec Luka et Gibson, 2001 et 2002).

Le projet a été conçu par Mary Elizabeth Luka, sociologue de formation et diplômée du Nova Scotia College of Art and Design où elle a étudié la sculpture et la cinématographie. Elle a tourné la première série d’Artspots en 1998 en Nouvelle-Écosse. La deuxième série portait sur les créateurs des autres provinces de l’Atlantique. Ensuite, elle a étendu le projet aux provinces de l’Ouest canadien et en Ontario. En juin 2002, 85 créateurs avaient fait l’objet de plus de 200 programmes d’Artspots. Au début, les séries d’émissions ont été télédiffusées uniquement dans les régions où elles avaient été tournées, entre 10 fois et 100 fois par mois (lettre de Johanne Gibson du 28 mai 2002). En 2001, la cbc a commencé à les télédiffuser sur son réseau national. Depuis février 2001, les Artspots ont aussi été télédiffusés les jeudis soirs pendant une émission consacrée aux arts d’interprétation Opening Night. L’équipe a par ailleurs développé un site Web qui présente les créateurs, leur trajectoire artistique et leur travail (http://www.cbc.ca/artspots/). Déjà en 2002, le site comptait environ 75 visiteurs par jour qui passaient en moyenne 8 à 10 minutes sur le site.

Les artistes retenus pour chaque série sont sélectionnés en fonction des consultations avec des membres des communautés artistiques de la région visée — artistes, conservateurs, critiques et gestionnaires. D’habitude, l’équipe de production anime entre 8 et 10 réunions des membres des communautés artistiques afin de dresser une liste de candidats. Les critères de sélection ne sont pourtant pas très explicites. Selon les organisateurs, l’objectif est de représenter la diversité des pratiques de création artistique de chaque région. Luka a indiqué qu’on cherche aussi à « découvrir » des artistes moins connus (souvent relativement jeunes) plutôt que de rester avec des vedettes de la scène locale. On cherche aussi à assurer une représentation variée de groupes ethniques — dans une perspective qualitative plutôt que quantitative. Dans les premières séries (tournées en Nouvelle-Écosse et ensuite dans les autres provinces de l’Atlantique), beaucoup des artistes vivaient en dehors des grands centres. Sur le plan artistique, les premières séries d’Artspots semblaient favoriser deux tendances esthétiques : soit des créations plutôt avant-gardistes (ex. l’art abstrait, la performance) ; soit des créations qui puisaient dans les traditions esthétiques des Premières Nations. Beaucoup d’émissions sont consacrées aux genres artistiques contemporains (par exemple, la performance) qui ne figurent généralement pas dans les publications sur l’art en « région », du moins en Nouvelle-Écosse. La presse populaire et les publications destinées aux touristes dans cette province ont tendance à favoriser l’art naïf (par exemple, les oeuvres de Maude Lewis) et la figuration dans la tradition du Magic Realism d’artistes comme Alex Colville, Christopher Pratt et Mary Pratt.

Les processus de consultation avec des communautés artistiques pour la sélection des artistes dans les contextes ruraux n’ont cependant pas toujours fonctionné dans les centres urbains. Lorsque l’équipe a essayé d’entamer les processus de consultation à Toronto, elle a eu du mal à repérer des représentants des communautés multiples afin de constituer un comité de sélection en raison de la diversité des pratiques dans les métropoles (entrevue avec Johann Gibson 2001). Par conséquent, dans les grandes villes comme Toronto, Luka a décidé de mettre l’accent sur les artistes sélectionnés par des comités de pairs déjà en place, par exemple les finalistes du concours d’artisanat de la Fondation Samuel et Saidye Bronfman.

Les créateurs sont encouragés à participer à la conception de chaque émission. La présentation des artistes varie beaucoup dans ces annonces-éclairs et sur le site Web. Souvent, les créateurs sont filmés dans des paysages distinctifs de la région, par exemple l’artiste Mi’kmaq Leonard Paul a été filmé sur les aboiteaux dans la région de Grand-Pré. Toutefois, Luka façonne les émissions selon des modes de présentation actuelle dans les cercles de l’avant-garde, notamment dans le cadre des expositions virtuelles des musées d’art contemporain. Le style du site Web, son lettrage et les qualités de production des vidéos sont très actuels et facilement accessibles pour les initiés à l’art contemporain, tout en affirmant les liens d’appartenance de l’artiste à une région périphérique singulière.

L’initiative Artspots combine les nouvelles technologies de communications (l’Internet) avec un des médias des plus démocratiques — la télévision. La stratégie diffère de celles du Rallye des ateliers et de la caps à plusieurs égards. Elle met l’accent sur le caractère immobile des téléspectateurs et s’empare de ce public captif, sans objectif marchand ou professionnel spécifique par rapport aux mondes de l’art en tant que tel. Luka insiste sur l’importance de toucher des publics qui n’ont pas beaucoup de contacts avec les arts. Elle note avec fierté que les supporteurs du hockey figurent parmi les publics d’Artspots. Elle ne parle pas, pourtant, explicitement de la création des nouveaux publics pour l’art actuel. Il s’agit plutôt d’une initiative visant la solidarité sociale pour soutenir les créateurs et pour rehausser le profil des arts dans les communautés locales à travers le Canada. Luka et son équipe continuent à travailler avec des artistes après le tournage sur le développement des sites Web. Les artistes ont par conséquent l’occasion de relater leur vécu des réactions du public. Selon Luka, les artistes qui travaillent dans les régions rurales sont souvent très isolés et plusieurs des artistes qui figurent dans Artspots ont noté avec plaisir que les émissions les font connaître à leurs voisins et aux commerçants. Elle cite comme exemple le cas du propriétaire d’une quincaillerie locale qui a annoncé à un des artistes : « Maintenant je comprends ce que vous faites, je vous ai vu à la télé ! »

Dans le discours de Luka, comme dans celui des coordinateurs du Rallye des ateliers, on retrouve une insistance sur les questions identitaires et sur l’importance des traits distinctifs de la région. Cependant, Luka maintient que l’identité culturelle est à la fois locale et globale. Selon Luka, les volets multiples de l’initiative d’Artspots cherchent à rendre visibles les artistes avec l’objectif ultime d’accroître la présence des créateurs des régions périphériques au plan national.

Initiatives de diffusion en région : pratiques artistiques ou projets de société ?

Ces initiatives de diffusion s’inscrivent-elles dans les mondes de l’art ou s’inscrivent-elles plutôt dans les projets de transformation sociale ou culturelle ? Les questions d’identité figurent dans le discours des trois initiatives de diffusion de l’art contemporain en Nouvelle-Écosse. Les membres de la caps s’identifient à une vision d’Halifax comme centre international d’art contemporain. Les organisateurs du Rallye des ateliers présentent des créateurs ancrés dans des contextes spécifiques à la fois « uniques » et « typiquement » néo-écossais. Dans les Artspots, la présentation des liens d’appartenance est plus mixte, mais la problématique tourne autour d’un projet de société qui fait de la place aux arts dans un contexte communautaire. Cependant, dans nos trois cas, la question de l’identité culturelle et de l’identification à la culture régionale n’est qu’un élément du discours.

À la lumière du modèle des mondes de l’art de Becker, on peut classer les trois cas selon le niveau d’articulation des conditions d’accès (qui appartient aux mondes de l’art ? qui est exclu ?), les objectifs, les caractéristiques de la structuration organisationnelle et les façons d’entrevoir des rapports d’appartenance (Tableau 3). La caps se définit comme un regroupement d’élites dont la mission n’est pas de desservir tous les arts et les artistes dans la région, mais de formuler des projets qui favorisent la reconnaissance d’un nombre restreint d’experts par les réseaux internationaux d’art contemporain. Les fondateurs de la caps cherchent à démontrer leur appartenance à un monde de professionnels intégrés. Ils adoptent une stratégie visant à se distinguer et organisent des activités qui sont relativement indépendantes des activités en matière de création actuelle dans la ville (ou dans la province). Ils invitent d’avantage d’experts et d’artistes d’ailleurs. Ils mettent l’accent sur leur capacité d’organiser des événements de haut calibre en fonction des normes établies par de grandes expositions internationales d’art contemporain. Ils agissent comme des gatekeepers du monde de l’art contemporain de la communauté locale intéressée par cette forme d’art à Halifax et ils font un travail concerté voué à l’obtention de la reconnaissance à l’échelle internationale.

Tableau 3

Trois stratégies de diffusion de l’art contemporain, trois visions de la constitution de l’espace social des arts et des rapports d’appartenance

Trois stratégies de diffusion de l’art contemporain, trois visions de la constitution de l’espace social des arts et des rapports d’appartenance

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Par contraste, le Rallye des ateliers présente une vision populiste de la pratique de l’art qui ressemble plus au modèle de l’art folklorique conçu par Becker. L’initiative tient compte des contraintes et des possibilités propres à une communauté sociale et non à un monde de l’art (Becker, 1988, p. 256). Le rallye a adopté un processus très informel d’inclusion des participants ; en général les décisions concernant l’inclusion des artistes et des créateurs sont prises par les créateurs eux-mêmes, ceux qui s’estiment créateurs le sont. C’est une organisation régionale de souche. Le rallye a été inspiré par des initiatives d’ailleurs, notamment dans les États de la Nouvelle Angleterre, mais les organisatrices insistent beaucoup sur les singularités locales de la Nouvelle-Écosse dans leur publicité. Les organisatrices présentent leur initiative de diffusion un peu dans le même esprit que les encans de quilts (des couvre-lits piqués) dans les régions rurales. C’est la vision d’une structuration horizontale où les genres, les styles et les créateurs se présentent tous sur un pied d’égalité. Le discours dans les dépliants semble viser des publics plutôt low brow et non pas des initiés.

Les Artspots présentent une vision plus mitigée de l’espace social de l’art contemporain. Publicités sans lieux de vente, les émissions occupent une place un peu floue par rapport aux institutions et aux pratiques de l’art contemporain. Cette initiative est, d’une part, une activité de création artistique elle-même, et, d’autre part, un projet de société qui cherche à augmenter la présence de l’art contemporain dans la société sans clairement expliciter ses intentions par rapport aux dynamiques dans les cercles d’artistes. Les Artspots sont conçus selon une structure organisationnelle plus hiérarchique et plus articulée que les deux autres initiatives de diffusion, avec les comités de consultation recrutés dans les régions et une série complexe de protocoles pour assurer l’intégration des séries aux objectifs des bureaux régionaux du réseau national de la CBC. L’équipe des Artspots travaille de concert avec les instances et les structures en place. Elle recrute des membres d’élites dans les communautés locales pour siéger dans les comités de consultation de chaque région. Les membres des comités de consultation ne sont généralement pas des leaders sur le plan international. Cependant, les modalités de diffusion sont déterminées par des organismes (les réseaux de télévision) qui ne font pas partie des mondes de l’art contemporain et un des objectifs est d’atteindre des auditeurs qui ne deviendront peut-être jamais de véritables publics pour ces formes d’art.

L’initiative Artspots est un peu subversive. La télévision est un genre relativement déclassé par rapport aux formes de création de l’art d’élite. Luka ne présente pas les Artspots comme un projet situé dans un monde de l’art, mais plutôt comme un projet de société qui vise plus généralement la reconnaissance des artistes. Avant d’initier les Artspots, Luka a éprouvé des difficultés à convaincre ses professeurs que l’on pouvait concilier ses intérêts pour la télédiffusion avec ses activités en art contemporain (entretien avec Luka, 2000). Cependant les émissions se transforment parfois en véritables oeuvres commanditées, par exemple dans le cas de la vidéo de Tonia Di Rissio sur le thème des façons de faire le ménage de trois générations de femmes italo-canadiennes. De plus, le site Web fonctionne comme un musée virtuel numérique d’institution de l’avant-garde de l’art contemporain (comme, par exemple, l’aile virtuelle du musée Walker à Minneapolis ou du Media Lounge de la New Museum of Contemporary Art)[10]. Les réalisateurs des Artspots n’expriment pas l’intention d’apporter des changements aux mondes de l’art mais plutôt à la société. Paradoxalement, c’est cette initiative qui a donné lieu à un mode d’organisation original qui reconfigure la dynamique entre périphérie et centre de façon innovatrice et qui semble commencer à avoir une véritable portée à l’échelle nationale.

Conclusion

Les communautés artistiques en région périphérique peuvent-elles vraiment faire partie d’une scène artistique sur le plan international ? Ou, à l’inverse, y a-t-il une logique propre à l’art en territoire excentrique ? La réponse à ces questions dépend en partie des prémisses du modèle d’analyse adopté en ce qui concerne la place des rapports d’appartenance dans les processus de reconnaissance artistique. À un pôle, on trouve une vision démocratique qui insiste sur une conception décentralisée des communautés artistiques où les liens d’appartenance au contexte local sont des manifestations des enjeux identitaires et culturels. À l’autre pôle, se trouvent des théories d’un champ de production artistique qui est unique, hiérarchique, centralisé et exclusif. Les modèles plus axés sur le caractère spécifique de l’art (comme celui de Becker ou d’Heinich) nous offrent des outils plus efficaces pour l’analyse des structures et de la dynamique des pratiques propres à l’art contemporain. Cependant, les chercheurs ont tendance à tenir pour acquis l’uniformité des pratiques. Or, les pratiques actuelles en Nouvelle-Écosse nous montrent la complexité de la problématique des rapports d’appartenance et la diversité des logiques des acteurs en région périphérique en ce qui concerne l’expression des liens d’appartenance.

Les trois initiatives de diffusion de l’art contemporain en Nouvelle-Écosse — les projets de la Société des projets d’art contemporain (la caps), le programme du Rallye des ateliers ainsi que les annonces-éclairs et le musée virtuel des Artspots — adoptent des positions fort distinctes en ce que concerne les définitions des communautés artistiques de référence, les objectifs et les stratégies d’intervention. Chaque initiative met en place de nouvelles structures vouées à la diffusion de l’art contemporain mais le mode d’organisation développé dans le cadre des Artspots semble particulièrement bien adapté à la conciliation des tensions entre l’appartenance au contexte local et la volonté d’une reconnaissance plus étendue. Les Artspots juxtaposent le local et le global dans une formule innovatrice. L’étude de ces cas, notamment l’initiative des Artspots, nous suggère l’intérêt de reconnaître les formes hybrides de diffusion comme pratiques qui sont, à la fois, actes de médiation et de création artistiques, projets de société et interventions artistiques.