Hors thème : DébatNon-Thematic : Debate

Autour de Grammaires de l’individu de D.MartuccelliOn Grammars of the Individual by D. Martuccelli[Notice]

  • Danilo Martuccelli,
  • Cécile Rol,
  • Jonathan Roberge et
  • Yan Sénéchal

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  • Danilo Martuccelli
    CNRS – CLERSE – IFRESI
    2, rue des Canonniers
    59800 Lille, France
    anbarrere@nordnet.fr

  • Cécile Rol
    Faculté de sociologie
    Université de Bielefeld
    P.O. Box 100131
    D-33501 Bielefeld, Allemagne
    cecilerol@freenet.de

  • Jonathan Roberge
    Département de sociologie
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3J7
    jonathan.roberge@umontreal.ca

  • Yan Sénéchal
    École pratique des hautes études
    Ve Section « Sciences religieuses »
    45-47, rue des Écoles
    75005 Paris, France
    yan_senechal@hotmail.com

L’écriture de l’individu moderne demeure un des problèmes majeurs de la théorie sociologique alors même que celle-ci s’efforce de ne pas s’enfermer trop rapidement dans l’opposition entre holisme et individualisme méthodologique. Aussi, est-ce cette question du fondement ou de l’affirmation possible d’une sociologie de l’individu que le dernier livre de D. Martuccelli pose au bénéfice d’une réflexion renouvelée et, doit-on dire, plutôt stimulante. Tel que son titre le laisse présager, Grammaires de l’individu s’intéresse à une seule interrogation : « Mais qu’est-ce que l’individu ? » (p. 12). Pour y répondre, son auteur, au travers de ses érudites analyses, lectures et illustrations, procède par dégradé en étant attentif à la fois à la densité et à la malléabilité des liens que tissent l’individu, à leurs « consistances » — le concept peut-être le plus synthétique, mais également le plus difficile à saisir chez D. Martuccelli. Consistances des supports, des rôles sociaux, du respect, de l’identité et de la subjectivité sont ainsi autant de dimensions par lesquelles se déclinent les grammaires d’une individualité historiquement advenue. La notion de « support » qui occupe l’espace du premier chapitre du livre concerne la possibilité même de l’individu, à savoir comment il se tient face au monde. Mais être face au monde revient aussi à être dans le monde, dans des relations amicales, des réseaux de solidarité, etc. Les supports sont dès lors « une affaire de production différentielle des individus » (p. 81). Ce qui compte en les investissant est davantage leur qualité et leur profondeur que leur quantité. Certains supports sont plus souhaitables que d’autres et, puisque soumis à une évaluation sociopolitique, plus légitimes que d’autres. C’est ce qu’a en outre le mérite de montrer le contraste entre les supports ostentatoires du manque de temps, l’agenda de l’homme d’affaires surtout, d’une part, et les supports stigmatisants comme l’assistance sociale, de l’autre. Faisant suite, le chapitre consacré à la notion de « rôle » tente de cerner ce qui relie des individus et des positions qu’il s’agit de tenir. Classique en sociologie, l’idée de rôles sociaux gagne une nouvelle actualité en permettant de comprendre que « ce qui se modifie à terme, c’est la nature des états intérieurs » (p. 237). De fait, si le décalage s’accentue entre prescription normative et réalisation concrète, c’est en raison d’une stylistique souvent très recherchée de l’incarnation et de la distanciation par laquelle l’individu habite son rôle, le modifie, le joue. Si quelques-uns sont encore immédiatement leurs rôles, ils sont de plus en plus nombreux à s’offrir le luxe de ne plus se sentir concernés par ceux-là. La question des « consistances » commence à trouver ici une prise tangible. L’émergence de la quête de « respect » au coeur du troisième chapitre exhorte à considérer les dimensions de l’individuation relevant de la philosophie morale et politique. La valeur des individus les uns par rapport aux autres se négocie dans des demandes de respect tendues entre la reconnaissance et la dénégation. La sociabilité moderne et démocratique juxtapose ainsi trois « régimes d’interaction » selon D. Martuccelli : la hiérarchie, l’égalité, et la différence. Il ne suffit pas de dire que le modèle hiérarchique a fait place à l’égalitarisme et, de là, au différentialisme, mais de comprendre que c’est grandement les tensions entre ces trois modèles qui façonnent notre réalité. La démocratie, en effet, est aujourd’hui cet espace ouvert dans lequel se heurtent le droit à gouverner des uns, celui d’être régenté de manière égalitaire des autres et celui, enfin, de faire respecter sa particularité malgré ou par le pouvoir de certains autres encore. Le …

Parties annexes