DébatDebate

Une américanité cosmopolitePour la suite d’un débatCosmopolitan Americanity.An Ongoing Debate[Notice]

  • Jean-François Côté

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  • Jean-François Côté
    Université du Québec à Montréal
    Département de sociologie
    C.P. 8888, Succursale Centre-ville
    Montréal, Québec, Canada — H3C 3P8.
    cote.jean-francois@uqam.ca

La question de l’américanité continue d’habiter l’horizon de la réflexion au Québec, et le débat de fond soulevé par cette question, qui s’est poursuivi dans les pages de cette revue (Miguelez, 2004 ; Thériault, 2004), m’incite à répondre à l’invitation au moins implicite qui m’est faite de m’y engager. Pour ce faire, je tenterai de déceler, surtout à travers deux dimensions (idéologique et sociologique), des points de désaccord profonds avec l’analyse proposée par Thériault (2002), qui a servi à lancer le débat autour de cette question sur des bases polémiques. À cet égard, je confesse d’abord et avant tout un malaise sérieux ressenti à la lecture du livre de Thériault (malaise ressenti initialement, mais toujours présent), qui me semble préfigurer bon nombre de complications superflues dans le débat ; ce malaise tient à une formulation qui apparaît fréquemment dans l’ouvrage, et qui conduit à mes yeux à une mauvaise appréhension fondamentale de cette question de l’américanité. On trouve en effet assez souvent, au fil des pages de Critique de l’américanité, une structure grammaticale qui conduit l’« objet » de l’interrogation à se transformer en « sujet », comme par exemple lorsqu’on lit : « L’américanité s’affirme au départ comme l’idéologie anti-canadienne-française par excellence », ou encore : « En extirpant de l’Amérique ce qui est américain, l’américanité dresse un portrait d’une Amérique sans âme, idéaltype de la modernité radicale avant d’être celui d’une société réelle » (2002, p. 24, 58 ; je souligne). Ce qui est embêtant dans de telles formulations, c’est qu’elles empêchent de voir que l’on parle véritablement de l’« objet » de la réflexion de la part d’un « sujet » quelconque de cette réflexion, comme si l’on présumait en fait que tous les sujets qui prennent l’« américanité » comme objet de réflexion le faisaient exactement de la même manière, sans possibilité de repérer des différences de position à son égard, et sans possibilité que l’on situe plus exactement l’« objet » que ces sujets tentent eux-mêmes de cerner dans leur propre réflexion — et sans que l’on puisse tout autant entrevoir finalement la forme de relation entre le ou les sujets de la réflexion et leur ou leurs objets comme étant au centre de l’examen proposé. Dans la (con)fusion entre le sujet, l’objet, et la forme de leur relation dans la réflexion, il n’est donc pas étonnant que l’on rencontre le point de départ de l’analyse dans cette formule lapidaire :« L’américanité est un concept-poubelle. Poubelle dans le sens d’un ramassis hétéroclite d’énoncés dont on réussit difficilement à trouver la forme » (Thériault, 2002, p. 23). En effet. En l’absence de distinctions élémentaires sur la structure des énonciations qui empêchent de repérer les places respectives du sujet, de l’objet, ainsi que la forme révélant le contenu de leur relation, nous sommes dans la plus totale confusion. Cela peut s’expliquer, à mon sens, uniquement du point de vue où le parti pris de Thériault est illustré par le fait de considérer comme une idéologie, sinon comme une mode ou un « large consensus », cette question de l’américanité, sans faire l’effort préalable de lui accorder le statut d’objet de réflexion légitime. Or, je rappelle que l’« américanité », comme objet de réflexion, pose avant tout la question de l’« identité américaine », c’est-à-dire, selon une formulation que je serai appelé pour ma part à détailler plus bas, une interrogation sur l’« identité des Amériques » — que Thériault réduit par ailleurs aux États-Unis, tout comme certaines des réflexions produites dans ce contexte qu’il examine. Qu’une telle interrogation puisse être réfléchie au Québec, comme partout ailleurs …

Parties annexes