Résumés
Résumé
Au Canada et au Québec, assez peu de recherches se sont intéressées au phénomène de la solitude chez les personnes âgées, contrairement aux nombreux travaux réalisés sur la question de leur isolement social. L’état actuel des connaissances suggère pourtant que la solitude représente une problématique sociale d’importance susceptible de compromettre à différents degrés l’état de santé et de bien-être des aînés. À partir d’une approche méthodologique qualitative et d’entretiens semi-directifs menés avec des personnes âgées de 65 ans et plus habitant seuls, cet article propose d’appréhender l’expérience de la solitude des aînés, ses multiples dimensions et logiques d’action, incluant les stratégies pour composer avec elle. Comme nous le verrons, l’expérience de la solitude des aînés est marquée par l’hétérogénéité de ses formes (solitude solitaire, solitude familiale, sociale et affective, solitude existentielle et esseulée). De plus, si la plupart de ces formes de solitude cristallisent une transformation des liens sociaux des aînés allant dans le sens de leur délitement, elles engagent aussi bien souvent, à différents degrés, leur rapport à soi, aux autres et/ou au monde. Il s’agira enfin de mettre en lumière comment des facteurs sociaux, tels que l’âge, l’état de santé, le genre, le statut matrimonial, le réseau social et les conditions socioéconomiques, modulent l’expérience de la solitude des aînés, notamment leur manière de la concevoir et les moyens mis en oeuvre pour l’apaiser.
Mots-clés :
- solitude,
- personnes âgées,
- habitat en solo,
- expérience,
- isolement social
Abstract
In Canada and Quebec, relatively little research has been done on the phenomenon of loneliness among seniors, unlike the many studies on the issue of their social isolation. However, the current state of knowledge suggests that loneliness is a significant social issue that can compromise the health and well-being of seniors to varying degrees. Based on a qualitative methodological approach and semi-directive interviews conducted with people aged 65 and over living alone, this article proposes to understand the experience of loneliness among seniors and its multiple dimensions, including coping strategies. As we will see, the experience of loneliness among the elderly is characterized by the heterogeneity of its forms (solitary loneliness, family loneliness, social and emotional loneliness, existential loneliness and abandonment). Moreover, while most of these forms of loneliness crystallize a transformation of the social ties of elderly people in the direction of their disintegration, they also often involve, to varying degrees, the relationship of elderly people to themselves, to others and/or to the world. Finally, this paper will highlight how social factors, such as age, health status, gender, marital status, social network and socio-economic conditions, affect the experience of loneliness among seniors, including how they view loneliness and the steps they take to alleviate it.
Keywords:
- loneliness,
- seniors,
- solo living,
- experience,
- social isolation
Resumen
En Canadá y en Quebec, pocas investigaciones han abordado el fenómeno de la soledad en los adultos mayores, a diferencia de los numerosos trabajos realizados acerca del tema de su aislamiento social. No obstante, el estado actual de los conocimientos sugiere que la soledad representa una problemática social de importancia que puede afectar el estado de salud y bienestar de los adultos mayores a distintos niveles. A partir de un enfoque metodológico cualitativo y de entrevistas semidirigidas realizadas con adultos mayores, de 65 años o más que viven solas, este artículo se propone comprender la experiencia de la soledad de los adultos mayores, sus múltiples dimensiones y lógicas de acción, incluyendo las estrategias para desenvolverse con ella. Como veremos, la experiencia de la soledad de los adultos mayores se caracteriza por la heterogeneidad de sus formas (soledad solitaria, soledad familiar, social y afectiva, soledad existencial y abandono). Si la mayoría de estas formas de soledad cristalizan una transformación de los vínculos sociales de los adultos mayores hacia la descomposición, a menudo además también abarcan, en diferentes grados, su relación consigo mismo, con los demás y/o con el mundo. Se trata finalmente de subrayar cómo los factores sociales tales como la edad, el estado de salud, el género, el estado civil, la red social y las condiciones socioeconómicas, modulan la experiencia de la soledad en los adultos mayores, en particular su forma de concebirla y los medios aplicados para apaciguarla.
Palabras clave:
- soledad,
- adultos mayores,
- hábitat en soledad,
- experiencia,
- aislamiento social
Corps de l’article
Au Canada et au Québec, assez peu de recherches se sont intéressées au phénomène de la solitude chez les personnes âgées, contrairement aux nombreux travaux réalisés sur leur isolement social[1] (Wu et Penning, 2015 ; de Jong Gierveld, Keating et Fast, 2015 ; van Tilburg, Havens et de Jong Gierveld, 2004 ; Hall et Havens, 1999). L’état actuel de la connaissance laisse pourtant supposer que la solitude représente une importante problématique sociale susceptible de compromettre à différents degrés l’état de santé et de bien-être des aînés[2]. Au Canada, environ un aîné sur quatre (24 %) aurait aimé participer à plus d’activités sociales au cours de l’année et fait preuve d’une certaine solitude (Gilmour, 2012). D’après l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (2008-2009), 19 % des individus âgés de 65 ans ou plus manquent de compagnie ou se sentent délaissés ou isolés (Statistique Canada, 2012). Le phénomène est encore plus marqué chez les personnes âgées de 80 ans et plus, où 50 % disent se sentir seules (ibidem). L’enquête récemment conduite par de Jong Gierveld, Keating et Fast (2015), auprès d’un échantillon représentatif de 3799 aînés canadiens, rapporte qu’une faible minorité d’entre eux présentent un niveau « sévère » de solitude et, de manière générale, qu’ils en vivent moins que ceux des autres pays (c.-à-d. Royaume-Uni[3], France, Allemagne, Pays-Bas, Russie, Bulgarie, Géorgie, Japon) (Department of Health, 2012 ; Victor, 2011 ; de Jong Gierveld et van Tilburg, 2010)[4]. En revanche, les enquêtes soulignent que si la solitude « sévère » est un phénomène qui ne concerne qu’une petite proportion d’aînés — et que ce taux a peu évolué au fil des dernières décennies —, la proportion de ceux qui vivent de la solitude « modérée » ou « occasionnelle » est plus considérable et en progression (Victor, Grenade et Boldy, 2005) et, en ce sens, indissociable de certaines transformations sociales.
1. au-delà de l’approche quantitative des « facteurs de risque » de la solitude
Même si le phénomène de la solitude au Canada n’est pas le propre des aînés, les chercheurs s’entendent en général pour reconnaître que les personnes de cette catégorie d’âge y sont particulièrement vulnérables[5]. Cela en raison des nombreux changements que connaissent leurs conditions de vie, leurs capacités, leur état de santé et leurs liens sociaux, au fur et à mesure qu’ils avancent en âge (Kempton et Tomlin, 2014 ; Bondevik et Skogstad, 1998). Jusqu’ici au Canada, à l’instar de ce qui se fait dans le reste de l’Amérique du Nord, en Europe et en Australie, la solitude a été majoritairement appréhendée dans la littérature scientifique comme un phénomène avant tout individuel et psychologique, à partir de l’analyse quantitative de ses principaux « facteurs de risque ». Cette littérature établit notamment que, pour un aîné, habiter seul (de Jong Gierveld, Fokkema et van Tilburg 2011 ; Wenger et Burholt, 2004 ; Havens et al., 2004 ; Hall et Havens, 1999), être très âgé[6] (Penning, Liu et Chou, 2014 ; Jylhä, 2004 ; Wenger et Burholt, 2004 ; Victor et al., 2000), être une femme[7] (Beaumont, 2013 ; Aartsen et Jylhä, 2011 ; Hall et Havens, 1999), être aux prises avec des problèmes de santé physique ou mentale ou se percevoir comme tel (de Jong Gierveld, Keating et Fast, 2015 ; Beaumont, 2013 ; Grenade et Boldy, 2008 ; Victor et al., 2005)[8], être sans conjoint (veuf/veuve, séparé/séparée ou divorcé/divorcée) (Beaumont, 2013 ; de Jong Gierveld, Fokkema et van Tilburg, 2011)[9], compter sur un réseau social insatisfaisant (Pinquarts, 2003 ; Victor et al., 2000 ; Hall et Havens, 1999) ainsi que compter sur des conditions socioéconomiques défavorisées ou « se percevoir pauvre » (de Jong Gierveld, Keating et Fast, 2015 ; Ajrouch, Blandon et Antonucci, 2005 ; Fokkema, de Jong Giervel et Dykstra, 2005 ; Mullins, Elston et Gutowski, 1996) exposent au risque de vivre de la solitude.
À côté, seul un petit nombre de travaux se sont penchés sur l’expérience que les aînés font de la solitude à partir de méthodes qualitatives (Campéon, 2011 ; Hauge et Kirkevold, 2010 ; Pettigrew et Roberts, 2008 ; Dahlberg, 2007 ; Sand et Strang, 2006 ; Hall, Havens et Sylvestre, 2003 ; McInnis et White, 2001). Ce constat a motivé notre démarche de recherche d’autant qu’à notre connaissance aucune enquête du genre n’a été conduite auprès des aînés du Québec[10]. Qui plus est, certains soulignent la nécessité pour les travaux futurs de réaliser davantage d’analyses qualitatives à même d’apporter un éclairage sur la signification que les aînés donnent à « leur » solitude ainsi qu’aux conditions sociales qui sont communément désignées comme ses principaux facteurs de risque (Hauge et Kirkevold, 2010 ; British Columbia Ministry of Health, 2004 ; Victor etal., 2000). L’habitat en solo, généralement identifié comme facteur de risque de premier plan de la solitude, est particulièrement révélateur de cette nécessité. D’une part, parce que certaines enquêtes constatent que son lien avec la solitude demeure à ce jour en partie incompris (Victor et al., 2000), voire réfuté (Foxall et al., 1993, Bowling et Browne, 1991) et, d’autre part, parce qu’habiter seul est désormais le mode de vie le plus répandu au sein de la population canadienne, et cela toutes catégories d’âge confondues (Statistique Canada, 2016)[11]. En d’autres termes, et dans le prolongement de l’analyse que font, en France, Pan Ké Shon et Duthé (2013) de l’accroissement ou de la « banalisation » du phénomène de la vie sans conjoint[12], il semble sociologiquement avisé de remettre en question la pertinence de continuer à interpréter « l’habiter seul/seule » comme principal facteur de risque de l’expérience de la solitude. L’avancée en âge est un autre exemple de facteur de risque qui invite à une analyse qualitative approfondie. Notamment parce que comme le souligne Valtorta (2016), à trop focaliser sur la solitude des aînés, il arrive qu’on omette de prendre en considération l’influence du parcours de vie et de certains facteurs, comme le statut socioéconomique, dont les enjeux outrepassent largement ceux de l’avancée en âge (Valtorta, 2016).
Cet article propose d’appréhender l’expérience de la solitude vécue par les aînés qui habitent en solo, ses multiples dimensions et logiques d’action, incluant les stratégies pour composer avec elle. Si, comme nous le verrons, la solitude rapportée par les aînés cristallise la plupart du temps une transformation des liens sociaux allant dans le sens de leur délitement, il serait plus juste d’affirmer que cette expérience sensible, bien que vécue au « je », engage, à différents degrés, leur rapport à soi, aux autres et/ou au monde (Schurmans, 2003 ; Dubet, 1994). Également, nous verrons que les facteurs sociaux, tels que l’âge, l’état de santé, le genre, le statut matrimonial, le réseau social et les conditions socioéconomiques, interviennent dans leur manière de parler et de vivre la solitude, et ont une incidence sur les moyens pris par les aînés pour l’apaiser. Il s’agira en somme dans ce qui suit de mieux connaître la solitude des aînés qui habitent seuls et de montrer comment les facteurs sociaux, qui sont généralement appréhendés dans la littérature en termes de facteurs de risque, modulent leurs expériences et les exposent inégalement aux différentes formes de solitude.
2. une étude auprès des personnes âgées de 65 à 93 ans qui habitent seules
2.1 Orientations théoriques : la notion d’expérience
Cette recherche[13] propose d’explorer l’expérience du « vieillir et vivre seul/seule » en privilégiant le point de vue des principaux concernés : les aînés au premier chef (volet 1), puis celui des acteurs (intervenants de milieu, travailleurs sociaux, etc.) qui interviennent auprès d’eux (volet 2)[14]. L’expérience renvoie à la manière dont les individus appréhendent leur réalité, la réfléchissent et y réagissent par différentes pratiques ou conduites individuelles et collectives. Telle que définie par Dubet (1994), l’expérience sociale est une notion complexe qui implique plusieurs dimensions reliées, subjectives et réflexives. Son intérêt est de refléter les rapports entre les conditions de vie objectives et la marge d’autonomie des individus — ici les personnes âgées vivant seules —, tout en prenant en considération leur subjectivité et leur ressenti. Pour Dubet (1994), l’expérience sociale constitue une combinaison, voire une articulation, de logiques d’action adoptées par chaque individu-acteur[15]. Dans chacune des logiques d’action, l’individu met en jeu une définition de lui-même, soit son rapport à soi (principe d’identité), son rapport aux autres (principe d’opposition) et son rapport à la société (principe de totalité) (Dubet, 1994 : 105-111). Ces trois principes ou rapports seront mobilisés dans nos analyses de l’expérience de la solitude.
On comprend dès lors que l’expérience est ainsi appelée à varier d’un individu à l’autre en fonction de l’histoire sociale mais aussi personnelle de l’individu, de sa situation particulière, de son environnement social et des contraintes rencontrées. De même, l’expérience d’un même individu sera elle-même souvent caractérisée par son hétérogénéité, du fait que ce dernier évolue dans différents milieux sociaux et qu’une diversité de références, d’identités et de modèles culturels animent ses actions, aspirations, objectifs et intérêts, qui sont eux-mêmes traversés par des tensions (Dubet, 1994). La notion d’expérience nous est ainsi apparue particulièrement pertinente pour comprendre les rapports à la solitude des aînés qui vivent seuls.
2.2 Méthodologie de recherche : une approche qualitative
Sur le plan méthodologique, une approche qualitative permettant aux aînés de raconter leur expérience dans leurs propres mots, sans imposer d’a priori ni de définition préalable de la solitude, a été privilégiée. Un guide d’entretien constitué de questions ouvertes a été élaboré afin que certains thèmes (3) soient abordés par tous les répondants : 1) leur parcours résidentiel (les circonstances et représentations de la vie en solo) ; 2) leur vie en solo au quotidien, en ce qui a trait à l’habitat (entretien, organisation des repas, etc.), aux relations sociales/familiales et à la solitude ; 3) leurs ressources et stratégies pour se mesurer aux contraintes du vivre seul/seule et de la solitude. Les interviewers, étudiants de deuxième ou troisième cycle, détenaient tous une expérience auprès de personnes aînées en situation de vulnérabilité. Au total, 43 personnes âgées de 65 à 93 ans et habitant seules en région urbaine, principalement à Montréal, ont été rencontrées, majoritairement à leur domicile, tandis que 3 autres ont préféré tenir l’entretien à l’université[16].
D’une durée approximative d’une heure, les entretiens individuels ont tous été enregistrés, retranscrits pour être ensuite codés et analysés par le biais du logiciel de traitement des données NVivo. Pour construire la grille d’analyse des données, nous avons repris l’approche de la théorisation ancrée (Paillé et Mucchielli, 2003 ; Paillé, 1994) qui permet de générer des analyses à partir des significations que les acteurs donnent à leur expérience, en évitant l’imposition de catégories préconstruites. L’analyse s’est faite en trois temps : 1) une première analyse thématique a permis de dégager les thèmes principaux et secondaires abordés dans les entretiens ; 2) une seconde analyse a consisté à regrouper les données thématiques en créant des catégories conceptuelles ; 3) une troisième analyse transversale a permis de croiser les données recueillies avec les différents facteurs sociaux (le genre, l’âge, les conditions socioéconomiques, le statut matrimonial, etc.).
L’échantillon final est composé de 43 aînés vivant seuls qui présentent des caractéristiques diversifiées eu égard à plusieurs variables, dont le genre (32 femmes, 11 hommes), l’âge ou la génération (24 sont âgés de 65 à 79 ans, 19 de 80 ans et plus), le statut matrimonial (15 célibataires, 16 veufs et 12 séparés/divorcés) et le nombre d’années de vie en solo. Les aînés rencontrés ont une expérience de « l’habiter seul/seule » qui varie de 4 mois à plus de 60 ans[17]. Tout au long du processus de sélection des aînés, nous avons favorisé des parcours de vie variés en regard des contextes familiaux (avec ou sans enfants, petits-enfants, fratrie), des appartenances ethnoculturelles (10 répondants ont un parcours migratoire) et des conditions socioéconomiques. À cet égard, un peu à l’image de la population âgée du Québec, la majorité des répondants (30) affiche un niveau de revenus que l’on qualifie de faible ou modeste[18], 10 ont des revenus moyens et 3 des revenus élevés. Seulement 6 des 43 aînés sont propriétaires. En ce qui a trait à la santé, 30 aînés ont déclaré avoir des problèmes de santé physique (arthrite, arthrose, diabète, cancer, hémiplégie [AVC], mobilité, etc.) et 8 des problèmes de santé mentale liés à un état anxieux, dépressif et une limitation intellectuelle dans le cas d’un répondant. La prochaine section vient présenter les expériences de la solitude de ces aînés qui vivent seuls et que nous avons eu le privilège de rencontrer.
3. Les expériences des aînés devant la solitude
L’expérience que les aînés rapportent faire de la solitude n’est ni univoque, ni unidimensionnelle, ni statique. De sorte qu’on ne pourrait certainement pas parler de « la » solitude des personnes âgées. Les visages de leur solitude, qu’elle soit choisie ou subie, se révèlent en effet multiples (solitude solitaire, solitude sociale ou familiale, solitude affective, solitude existentielle ou esseulée, etc.), à l’image des connotations tantôt positives et tantôt négatives qu’elle revêt.
3.1 Entre état « dynamique » et « statique »
Précisons-le d’emblée, ce ne sont pas la majorité des aînés que nous avons rencontrés qui ont rapporté ressentir et encore moins pâtir de la solitude. Pour eux, la solitude réfère la majorité du temps à un état « dynamique »[19], en ce qu’il est appelé à fluctuer dans le temps et l’espace, selon les temporalités (le soir ou l’hiver, par exemple) et les circonstances (les fins de semaine, la période des vacances d’été, des fêtes de Noël ou de la fête des Mères, par exemple). Le cas d’Odette, qui vit pauvrement dans un appartement d’une pièce au 6e étage, illustre comment ces périodes identifiées comme particulièrement propices à l’expérience de la solitude s’inscrivent dans l’histoire de vie et dans des moments communément reconnus comme devant être vécus à plusieurs, être socialement partagés. Ces périodes de solitude sont ainsi amplifiées, certes, par les souvenirs du passé qu’elles peuvent éveiller, mais aussi comme le note avec justesse C. Van de Velde (2011), par la différence sociale dont elles sont la marque.
Moi je suis chronique. Je veux dire, les fêtes. Mois de décembre. Puis le mois de juillet. (…) Ça c’est deux choses dans ma tête. Ça va être toute ma vie. (…) C’est que le mois de juillet, mon mari a toujours pris des vacances. Toute ma famille, tout le monde. Voilà plusieurs années… Là je suis, j’ai tellement travaillé sur moi, que je n’ai plus mal maintenant. Mais tout le mois de juillet, j’ai tellement pleuré, (…). Moi j’adore les lacs, parce que j’ai déjà eu des chalets, puis j’ai eu une roulotte. Toujours été vers l’eau. (…) Puis le mois de décembre, bien je le déteste. (…) Oui, j’aimerais me faire geler, jusqu’à ma fête (rires). (…) Parce que le mois de décembre, c’est souffrant. C’est les cadeaux, la musique, la famille. C’est tout ensemble, puis il n’y en a plus de famille. Tu sais, je veux dire. Je suis toute seule dans le temps des fêtes. Quand ma fille n’est pas avec moi, mon fils n’y est pas, bien je souffre de ça. C’est la famille. (…) À part de ça, le restant [du temps] je ne me sens pas seule.
Odette, 79 ans, veuve avec enfants, 27 ans de vie en solo
De même, leurs récits révèlent qu’ils cumulent parfois l’expérience de plusieurs formes de solitude, sans que celles-ci soient forcément concomitantes dans le temps. Ces premières observations rejoignent ainsi les résultats d’A. Campéon sur les aînés français qui montrent « […] que le sentiment de solitude advient par phases, à savoir qu’il peut être « activé » ou plus durement redouté à certains moments particuliers de la journée ou dans certains endroits » (Campéon, 2011 : 221). À côté, seul un petit nombre des aînés que nous avons rencontrés ont rapporté faire l’expérience d’une solitude « statique ». Cette solitude peut être soit inexistante, comme pour Édith, une femme qui entretient et apprécie plusieurs activités, ou « permanente »[20], en référence à un sentiment qui ne semble à peu près jamais les quitter[21]. L’expérience témoignée par Thy, un homme d’origine vietnamienne qui vit seul depuis 35 ans, est révélatrice de ce dernier cas de figure.
Moi, je n’ai pas le temps de m’ennuyer avec mes activités. Il y a aussi mon petit jardin. Justement j’ai commencé mon petit jardin il y a quelques semaines, les semences. C’est un plaisir de voir pousser ça. Ça fait du bien au coeur… Je me tiens pas mal occupée en réalité. J’ai quelques amis. J’en ai pas beaucoup, mais ce n’est pas nécessaire d’en avoir beaucoup non plus. J’ai aussi mes enfants qui viennent régulièrement. S’ils ne viennent pas, ils m’appellent. Quand même s’il y a deux semaines où ils ne m’ont pas appelé, donné des nouvelles et je sais qu’ils sont occupés, donc ça ne me dérange pas.
Édith, 70 ans, séparée avec enfants, 25 ans de vie en solo
I : Vous la solitude donc…
Ça ne me pèse pas sur le coeur (…) j’ai aussi mon chum qui fait beaucoup dans ma vie. On partage beaucoup de choses ensemble qu’on est semblable. Après 20 ans qu’on est encore ensemble…
I : Est-ce qu’il y a des moments dans l’année où vous ressentez la solitude plus qu’à d’autres moments ?
Thy, 88 ans, veuf avec enfants, 35 ans de vie en solo
Toujours. Parce que je suis seul toujours. Dans mon appartement il n’y a rien d’autre que les quatre murs. Comment faire ? Je dois supporter, c’est tout. La solitude je dois la supporter. (…) Toute ma vie.
3.2 Entre expérience « choisie » et « subie »
Parmi les aînés qui relatent vivre de la solitude, la plupart ont en commun de l’entrevoir comme une expérience intimement liée à la transformation plus ou moins marquée de leur rapport aux autres (ou de leurs liens sociaux), de leur rapport à soi et/ou de leur rapport au monde. L’une ou l’autre de ces dimensions, qui renvoie aux principes de l’expérience (Dubet, 1994), structure chaque fois, de façon plus ou moins prégnante, leur manière de parler de « leur » solitude. La pluralité de ces dimensions suggère en outre la reconnaissance d’origines différenciées à l’expérience qu’ils font de la solitude, selon que ces dernières mettent en cause — ou non — l’action de facteurs sociaux[22].
En effet, une partie des aînés envisagent leur expérience de la solitude à travers le prisme de l’identité. Pour ces derniers, en effet, la solitude vécue est le résultat d’un trait individuel qu’ils interprètent soit comme « inné », soit encore comme acquis au fil du temps et de leur parcours de vie, comme l’illustre l’exemple de Claudette, 81 ans, qui se définit comme étant « une solitaire » et Jules qui, à 82 ans, se considère « un peu mystique ».
Bien moi je dirais, je suis, depuis toujours, une solitaire, qui aime le monde, mais quelqu’un qui aime beaucoup se retirer pour être dans son univers. Alors, lorsque j’étais jeune, j’ai souvent dû cesser d’aller à l’école parce que j’avais des problèmes de santé. Puis à un moment donné, j’ai fait de la tuberculose à 16 ans, et là, j’ai été amenée dans un sanatorium, quelques années.
Claudette, 81 ans, célibataire sans enfants, plus de 50 ans de vie en solo
Moi, écoutez, moi je suis un peu mystique. La solitude, ma solitude, n’est pas une nuisance, puis, quand j’écris des livres, mon livre est là, hein. Donc dans ce sens-là, je ne suis pas seul. C’est pour ça que je n’aime pas ça quand je n’ai pas de livre, en marge, parce que là je suis seul.(…) Là je suis avec Charles Taylor. Quel bénéfice ! (rires) Profitons-en, il va mourir, mais, bon. Moi, le livre a toujours été, je me souviens j’étais adolescent, dans une période là, c’était, vous savez quand vous n’êtes plus un enfant, puis pas encore… Je lisais l’été, on avait une maison de campagne, je lisais quasiment toute la journée. J’ai lu de tout.
Jules, 82 ans, célibataire sans enfants, 37 ans de vie en solo
Pour ces aînés qui partagent les mêmes caractéristiques sociales : niveau de scolarité élevé, célibat, vie en solo depuis plus de 35 ans, la solitude prend la forme d’une expérience conçue avant tout comme volontaire ou « choisie »[23].
En parallèle, une autre partie des aînés situent plutôt l’origine de leur solitude du côté de l’action conjuguée — ou non — de divers facteurs sociaux (par exemple, l’âge, le statut socioéconomique, le statut matrimonial, l’état de santé, etc.) ayant pour effet de les priver, plus ou moins sévèrement et dans la longue durée, de liens sociaux significatifs. Denise, une femme de 81 ans qui souffre de maladies chroniques et qui vit pauvrement, identifie l’avancée en âge[24] (« l’âge d’or » comme elle l’appelle sur un ton sarcastique) et son statut matrimonial de femme célibataire sans enfants[25] comme sources principales de la solitude qu’elle ressent :
En tout cas. Je suis aussi bien de crever (…).
Denise, 81 ans, célibataire sans enfants, 30 ans de vie en solo
Ah ! des fois je me dis, bien c’est sûr qu’il y en a des mieux que moi, mais il y en a des pires que moi (….). C’est sûr qu’il y en a qui ont des enfants, tout ça, mais ils ne les voient pas, fait que ce n’est pas mieux. Il y en a qui me disent ça des fois : « Ah oui, on a des enfants, mais on ne les voit pas. »
Ces façons de décrire la solitude supposent ainsi chaque fois l’action conjuguée de facteurs sociaux menant plus ou moins progressivement et définitivement au délitement des liens sociaux significatifs jusque-là entretenus par les aînés. Ceux qui y font référence évoquent souvent soit l’absence regrettée et trop marquée d’autrui dans leur vie, soit encore un temps et un espace ressentis comme trop vastes à n’occuper qu’avec soi. Marco, un homme divorcé âgé de 81 ans qui ne voit plus ses enfants et se débat contre l’isolement social, puise quant à lui dans ces deux registres pour détailler les formes prises par cette perte des autres significatifs dans sa vie et les conséquences personnelles et psychologiques que cela a signifié pour lui :
Une personne qui me dirait : « Je vis seule et je veux vivre seule. Je vais continuer de vivre seule. Je n’ai pas l’idée de m’accoter, de me remarier », quelque chose comme ça. Eh bien : « As-tu des amis ? As-tu des occupations ? » Pour ne pas tomber en dépression ou en angoisse. De se souvenir que le beau temps passé en arrière embarque sur toi et il te cale, comme on dit. Des crises d’angoisse au point de te retrouver à l’hôpital comme je me suis ramassé. « Tiens-toi occupé 24h/24h. (…) Ça te prend des activités, ça te prend quelque chose pour remplacer ce qui manque. Si tu as manqué ta femme, tes enfants, une vie sociale tu n’en as pas… Il faut que tu aies quelque chose, autrement tu vas capoter. Et là, ça fait mal en sacrament.
Marco, 81 ans, veuf, avec enfants, 40 ans de vie en solo
Il semble ainsi tout indiqué de parler de solitude contrainte ou « subie » pour qualifier l’expérience d’une solitude envisagée avant tout comme le produit de l’action de facteurs sociaux, et donc comme échappant à la volonté des individus, et se traduisant à l’échelle de la vie des aînés par la perte, plus ou moins subite et définitive, de la plupart de leurs liens sociaux significatifs.
Faire l’exercice de qualifier les différentes expériences de la solitude (dynamique, statique, choisie et subie) se révèle riche grâce aux nouveaux éléments de compréhension qu’il met au jour. Mais également parce que, comme nous le verrons plus loin, c’est précisément pour apaiser les solitudes envisagées comme « subies » que plusieurs aînés, forts de moyens inégaux, déploieront diverses stratégies.
3.3 Hétérogénéité de l’expérience : les multiples formes de solitude
Les aînés ont rapporté faire l’expérience de plusieurs formes de solitude que nous proposons de caractériser et d’illustrer à partir de leurs paroles recueillies. Certaines de ces formes, qui ne sont pas mutuellement exclusives, relèvent d’un rapport à soi marqué par un certain repli sur soi ou retrait social (solitude solitaire), d’autres mettent en cause un rapport aux autres vécu comme insatisfaisant (solitude familiale ou sociale, affective), tandis que d’autres encore relaient avant tout un rapport au monde vécu comme étranger à soi (solitude existentielle, solitude esseulée).
3.3.1 Solitude solitaire. Les expériences d’un rapport privilégié à soi
Pour certains aînés, la solitude a pour prérequis un rapport à soi très intime et coupé des autres, avec une fréquence et une intensité qui fluctuent dans leur parcours de vie. Cette expérience de solitude marquée par l’absence d’autrui, contrairement à la solitude esseulée dont il sera question plus loin, est généralement « dynamique » et « choisie », comme le décrit Claudette.
Bien moi je dirais, je suis, depuis toujours, une solitaire, qui aime le monde, mais quelqu’un qui aime beaucoup se retirer pour être dans son univers. (…) Et à un moment donné j’ai rencontré des poètes, et tout. (…) j’ai aussi fait beaucoup de musique (…). Mais, je me retirais beaucoup. Alors, c’est un peu ça. Malgré mon désir profond, parce que j’ai été à l’intérieur de groupes de poètes et de musiciens, malgré tout, je me retire et j’ai envie d’être dans la société sans l’être.
Claudette, 81 ans, célibataire sans enfants, plus de 50 ans de vie en solo
Comme le montrent les exemples de Claudette et Jules rapportés précédemment, chacun à leur façon, ces aînés recherchent et valorisent l’expérience de cette solitude solitaire qu’ils considèrent comme vitale. La solitude solitaire, telle qu’ils la décrivent, s’apparente à un moyen d’émancipation personnelle ou une occasion d’entretenir une relation privilégiée avec soi, par la lecture, les activités artistiques et intellectuelles ou la méditation comme la pratiquent Gaston, 67 ans et Lin, 72 ans, grand maître taï-chi, qui a décidé de rester seule à Montréal lorsque sa fille unique et son gendre sont retournés vivre en Chine.
3.3.2 Solitude familiale, sociale et solitude affective. Les expériences d’un rapport aux autres mis à mal
Pour une partie des aînés rencontrés, la solitude ressentie est associée principalement à l’insuffisante présence des proches (membres de la famille, amis, etc.) dans leur quotidien. Si la plupart apprécient l’autonomie, la liberté et l’indépendance que leur procure le fait de vivre seuls et disent vouloir maintenir une juste distance avec leurs proches, ils déplorent néanmoins les trop longues périodes marquées par leur absence. À ce titre, il y a lieu de mentionner que les aînés ont tendance à accorder autant d’importance aux relations avec les membres de leur famille qu’à celles avec leurs amis lorsqu’ils évoquent les liens entre leur réseau social et l’expérience qu’ils font de la solitude. Les propos d’Irène et d’Armand s’avèrent révélateurs de ce dernier point :
Je te dirais que des fois c’est des périodes où je ne vois pas mes amis parce qu’ils sont occupés. Des distances où je me retrouve toute seule un peu plus longtemps que d’habitude. (…) Ce sont des petites périodes de solitude.
Irène, 66 ans, célibataire sans enfants, 40 ans de vie en solo
I : On a parlé un peu de votre rapport avec la solitude, est-ce que c’est quelque chose que vous vivez des fois ?
Armand, 78 ans, séparé avec enfants, 40 ans de vie en solo
Il y a des fois oui. J’aurais aimé qu’un tel vienne me visiter, comme mon fils j’aimerais ça. Mais je n’y pense pas trop souvent. Ça ne mène à rien. Je l’ai appelé une fois pour m’aider, bien il a dit : « Moi, je ne peux pas. J’ai un locataire qui vient de me mettre 3000 $ de dettes sur le dos. Je suis obligé de réparer un loyer… » Gna, gna, gna, coup de violon. J’ai senti ça tout de suite. Lui, il a fait l’armée, fait que bon. Il n’a pas les mêmes jugements que moi. Il ne voit pas les choses comme moi je les vois. Mais quand même j’aimerais des fois… J’ai des vieux amis qui sont encore vivants, mais ils restent dans le bloc des anciens combattants. Mais ils sont trop vieux et ils ne peuvent pas venir jusqu’ici. Et moi, ça ne me tente pas d’aller jusque-là. Faque on ne se voit pas. On se voit de temps en temps au marché. Très rarement. (…)
Il arrive aussi que la solitude ressentie trouve ses racines dans une vie affective vécue comme insatisfaisante. Plusieurs aînés regrettent en effet de ne pas avoir quelqu’un avec qui partager des repas, le moment du coucher, des activités extérieures (aller danser, marcher, etc.). Parmi eux, certains caressent le souhait de faire la rencontre d’une telle personne afin de réinvestir la sphère intime de leur vie et de pouvoir ainsi mettre fin à leur sentiment de solitude affective.
Ce que j’aime beaucoup, c’est que quand je reçois et que je reçois des amis ou de la famille, qu’ils trouvent que j’ai un beau terrain. Ça, j’aime ça. Ce que j’aime le moins, c’est le soir. Euh… Vers l’heure du souper, entre l’heure du souper où je dois préparer mon souper seule, où je dois m’installer pour la soirée et euh… (…) À ce moment, c’est là où je manque le plus d’avoir un homme que j’aimerais dans ma vie, et de me mettre au lit, aussi. Ça aussi.
Léa, 70 ans, célibataire sans enfants, plus de 40 ans de vie en solo
En général, plus d’aînés ont rapporté vivre une solitude affective qu’une solitude familiale ou sociale, et cela s’avère proportionnellement plus prononcé chez les hommes que chez les femmes[26]. Celle-ci se manifeste le plus souvent à la suite d’une vie conjugale qui prend fin (pour cause de décès, de divorce ou de séparation) et pour laquelle ils entretiennent toujours une certaine nostalgie, et ce, même après 50 ans comme pour Thy, 88 ans, qui dit n’avoir jamais retrouvé une femme comme la sienne et « toujours penser à elle ». Les hommes aînés rencontrés semblent davantage pâtir que les femmes de cette forme de solitude. L’entretien mené avec Elias l’illustre. Cet homme immigrant, qui habite seul au Québec depuis 30 ans, visitait occasionnellement sa femme restée vivre au Liban. Il dit ressentir beaucoup de solitude amoureuse, surtout depuis le décès de celle-ci il y a 4 ans. Monsieur veut ardemment rencontrer une partenaire et croyait que l’intervieweuse aurait pu l’aider en ce sens.
Trop difficile, trop difficile de vivre seul. Moi, je vois que c’est pas quelque chose de naturel. (…) La solitude est très difficile (…). Voilà, j’essaie d’avoir une partenaire.
Élias, 86 ans, veuf avec enfants, 30 ans de vie en solo
Quant aux femmes, nombreuses sont celles qui, à la suite de la perte de leur conjoint[27] et une certaine période d’acclimatation à leur vie de veuve ou de « célibataire »[28], ont choisi d’investir le reste de leur réseau social plutôt que le territoire de leur vie amoureuse. Elles y arrivent notamment en entretenant plus assidument les amitiés et les relations de voisinage, ou encore en en développant de nouvelles, comme l’a déjà révélé Pennec (2010). D’autres travaux sur ces différences selon le genre (Blau, 1981) ont déjà conclu que les femmes souffraient moins de solitude que les hommes par l’habitude qu’ont davantage d’entre elles de nouer des relations interpersonnelles, intimes et propices aux confidences, à l’extérieur de leur entourage familial, alors que la plupart des hommes ont leur femme pour seule confidente. Les relations amicales et les occasions d’activités sociales interpersonnelles tissées par les femmes contribuent bien souvent à rendre l’absence d’un compagnon passablement moins difficile à vivre, sans pour autant effacer tout sentiment de solitude affective[29]. Le cas d’Évelyne, originaire d’Haïti et divorcée de son conjoint depuis plusieurs années, illustre bien cette dernière situation.
C’est sûr que des fois je dis s’il y avait un homme, je pourrais aller danser, aller… Mais ce n’est pas quelque chose qui, comment dirais-je, qui m’obsède et puis, je, non, non. (…) Ah. Pfff. Puis (rires), ça dure peut-être 15-20 minutes, et puis j’ai déjà, pfff, bien non. Mais non, et puis, et puis j’ai beaucoup d’amies filles avec qui je sors aussi. On s’en va manger et, pendant l’hiver, on va aux choses de, Fête des neiges, et puis, donc c’est pour ça que je ne m’ennuie pas.
Évelyne, 71 ans, divorcée, 5 années de vie en solo
3.3.3 Solitude existentielle et solitude esseulée. Les expériences d’un rapport au monde mis à l’épreuve
Quelques aînés ont pour leur part rapporté faire l’expérience de formes de solitude qui puisent dans la conscience aigüe et souvent douloureuse de leur rapport au monde et à la finitude de la vie humaine. Pour certains, cette solitude en est une d’ordre existentiel. Même si personne ne peut complètement y échapper, car chacun se retrouve en définitive seul devant l’en deçà et l’au-delà de la vie[30], certains aînés vivent plus difficilement ce visage pris par la solitude. Quelques-uns, comme Claudette, cherchent depuis longtemps à apprivoiser cette solitude existentielle. D’autres comme Yvonne, particulièrement éprouvée par la vie et une récidive de cancer, expriment comment cette solitude ressurgit et se manifeste à mesure qu’on avance en âge.
Mais, donc, si on parle de solitude, évidemment, c’est assez difficile de, j’essaye de réfléchir comment je pourrais projeter une pensée là-dessus, parce que j’ai toujours aimé la solitude. Je suis une personne qui (…). Je ne me suis jamais ennuyée toute seule. Alors, c’est sûr que je vieillis. Il y a, moi, là où je me reconnais comme quelqu’un qui, pas parce qu’elle a peur de la solitude, je reconnais mon angoisse de la solitude, appelons-la comme ça là, c’est la solitude humaine. Je l’ai sentie depuis toujours. Je me réveillais le matin, puis à ce moment-là j’étais croyante, et tout. Je pensais, je vais mourir un jour. (…) Et puis, ça me rejoint encore chaque jour.
Claudette, 81 ans, célibataire sans enfants, plus de 50 ans de vie en solo
Il y a des moments, généralement, je ne ressens pas de solitude, parce que j’ai tellement d’occupations, tellement d’intérêts. Mais par contre il y a des fois où ça te revient. Des moments où on se sent plus seul. (…) Je sens, quand j’en ressens un, ça m’attrape des fois, la solitude. Tu te sens toute seule. Tu es vraiment là, tu sais, tu dis là, tu penses : « Bon ok, j’ai 73 ans, j’ai fait ci, j’ai fait ça, puis Dieu sait que j’en ai fait. Puis là, bien, je suis toute seule. » Puis ça, c’est moins plaisant parce qu’on sent un petit creux à quelque part là.
Yvonne, 73 ans, séparée avec enfants, 21 ans de vie en solo
Les récits des aînés rappellent les travaux de V. Caradec (2007) qui montrent que la vieillesse, particulièrement le grand âge, s’accompagne souvent de l’expérience d’une déprise plus ou moins douloureuse du monde qui, à mesure qu’on avance en âge, devient « étranger ». Dans les cas d’Yvonne et Claudette, leur solitude existentielle traduit moins le sentiment d’un monde qu’elles ne reconnaissent plus, qu’un rapport entre le monde et le soi qu’elles peinent à ressentir comme allant de soi.
Dans cette dynamique croisée des rapports entre le monde et soi, quelques aînés ont évoqué faire l’expérience d’une solitude plus profonde encore, logée dans un sentiment d’exclusion et d’étrangeté relativement à une société dans laquelle ils peinent à trouver leur place. Il arrive que cette solitude esseulée se manifeste dans la lassitude du temps et des journées qui défilent sans but et dans le silence du quotidien. Comme le dit Pauline, une femme de 85 ans dont les enfants et les amies sont présents mais que le deuil récent de trois soeurs a plongée dans un état dépressif : « C’est vide. (…) Tsé, parce s’il n’y a pas de bruit, il n’y a rien. » Or, ce sentiment d’esseulement se double pour certains d’une mise à l’écart encore plus évidente, comme dans le cas de Lisa et de Gédéon, qui sont coupés d’à peu près tout lien social et qui n’ont ainsi personne à qui parler ou se confier. Chacun à leur manière, ils se retrouvent seuls, isolés dans une société dont ils sont exclus. Lisa, qui n’habite seule que depuis le placement récent de sa mère en centre d’hébergement (CHSLD)[31] et Gédéon, très isolé socialement, traduisent en mots l’expérience silencieuse de cette solitude esseulée.
Ouf. Que… je ne sais pas. Je n’ai personne pour parler, pour m’exprimer, pour partager des moments, un café ou quelque chose. De partager quelque chose tranquille, une bonne conversation. Les bruits que je faisais avec ma mère, c’est ça que j’ai, c’est trop de silence.
Lisa, 65 ans, célibataire avec enfants, 4 mois de vie en solo
Bien présentement, moi, je suis, comme, presque mort. Parce que, ma famille est partie. (…) Il me reste, une soeur, à Trois-Rivières. C’est tout. Puis, on n’est pas en contact (…). On, je viens de la Côte-Nord. (…). Je trouve que les Montréalais s’éloignent tout le temps, comme s’ils ont peur de ceux qu’ils ne connaissent pas. En 35 ans, je connais personne.
Gédéon, 88 ans, célibataire sans enfants, plus de 60 ans de vie en solo
Ce dernier cas de figure illustre des expériences de solitude où des aînés cumulent plusieurs facteurs de vulnérabilité et d’exclusion sociale en raison de leur précarité financière, de l’absence d’un réseau social et familial et d’évènements difficiles en termes de transition de vie (placement de la mère, déménagement récent ou à venir). De surcroît, la solitude esseulée vécue par Lisa, originaire d’Argentine, se croise avec les défis propres à son parcours migratoire.
4. composer avec la solitude : les stratégies déployées par les aînés
Relativement aux formes plurielles de solitude « subies », c’est-à-dire non choisies, de nombreux aînés sont proactifs et mettent en oeuvre des stratégies afin de mieux composer avec elles. Ces stratégies ont tendance à dépendre du type de solitude et des logiques d’action que nous venons d’évoquer. Plus particulièrement, elles sont marquées par un rapport aux autres insatisfaisant, ou encore enracinées dans un rapport au monde devenu « étranger ». Dans la lignée de ce que de précédents travaux ont montré (Pettigrew et Roberts, 2008 ; McInnis et White, 2001), ces stratégies reposent en partie sur des activités et des interactions avec les autres (fréquenter des proches, des organismes communautaires, des lieux publics, etc.) et sur la pratique d’activités en solitaire (ordinateur, télévision, repos, etc.). De plus, la diversité de stratégies d’apaisement déployées par les aînés dissimule des différences de moyens, qui sont pour partie imputables à l’action, pas toujours manifeste et visible, de facteurs sociaux (tels que les limitations physiques et de santé, le réseau social, le genre, les conditions socioéconomiques et l’avancée en âge). Ces facteurs agissent, parfois favorablement, parfois négativement, sur les conditions de possibilités réelles des aînés d’user de stratégies pour tromper la solitude.
4.1 Apaiser la solitude inscrite dans un rapport aux autres insatisfaisant
Parmi les aînés qui associent leur solitude à des liens sociaux devenus au fil du temps insatisfaisants, plusieurs misent sur la création de frontières entre eux et un présent qui semble sans fin pour apaiser leur solitude. A. Campéon avait déjà observé des conduites similaires chez les aînés français, qu’il décrit comme « […] la capacité des individus à pouvoir intérioriser des liens symboliques qui offrent un cadre de contrainte qui fonctionne comme un garde-fou aux errements individuels ». L’auteur en donne plusieurs exemples, notamment la richesse d’une vie passée, la foi, la mémoire et les souvenirs d’un conjoint disparu. Les récits d’aînés laissent toutefois entendre que ces garde-fous peuvent être autre chose que des liens symboliques. Pour certains, comme nous l’avons vu, c’est la pratique de la lecture, pour d’autres la musique ou encore le jardinage. Quelques-uns s’adonnent à une passion (l’écriture, la musique, la généalogie, etc.) et plusieurs consacrent beaucoup de temps à l’ordinateur. Bref, s’adonner à sa passion trace des frontières entre soi et un présent infini, parfois entièrement coupé des autres. Enfin, quelques aînés ont confié avoir beaucoup de peine à trouver par eux-mêmes les moyens de contrecarrer leur solitude. Ils se sont tournés vers le système de services sociaux et de santé pour demander de l’aide, comme dans les cas de Denise et Jules.
Avec le CLSC, bien j’ai mon travailleur social, qui peut venir, quand je l’appelle.
Denise, 81 ans, célibataire sans enfants, 30 ans de vie en solo
I : OK. Il vient vous voir à la maison (…). Régulièrement ou quelques fois ?
Non. À l’occasion. Quand je l’appelle puis qu’il voit que ça ne va pas, bien il dit : « Je vais aller vous voir madame [Denise]. »
Il y avait une, j’avais une habitude, quand je voyais venir le temps des Fêtes, vers le début, quand le mois de novembre arrivait. Là je déprimais, jusqu’au 2 janvier.
Jules, 82 ans, célibataire sans enfants, 37 ans de vie en solo
I : Est-ce que vous faisiez quelque chose pour contrer cette déprime-là ?
Ah, j’ai pris des antidépresseurs. J’en parlais avec l’infirmière du CLSC.
Plusieurs choisissent aussi de saisir toutes les occasions relationnelles possibles (avec un futur conjoint ou une future conjointe, leurs proches, des personnes stimulantes ou des « inconnus »). La capacité à tirer profit des occasions proposées ou encore d’en initier de nouvelles met en évidence des inégalités. Élias et Fernand, âgés respectivement de 86 ans et 77 ans, espèrent mettre un terme à leur solitude affective en faisant la rencontre d’une nouvelle conjointe, mais se heurtent à différentes limitations : physiques et de santé pour l’un, financières pour l’autre.
Mais c’est ça, je trouve une solution de… Voilà, j’essaie d’avoir une partenaire.
Élias, 86 ans, veuf avec enfants, 30 ans de vie en solo
(…) Mais c’est ça, maintenant je n’ai pas la capacité, la force. Peut-être dans le temps je pouvais aller rencontrer des établissements, des sociétés. (…) Mais je ne peux plus faire ça.
En dépit de tout j’aime le monde. Je ne te parle pas de la société mais j’aime le monde. Je trippe sur le monde. J’ai toujours dit quand j’étais plus jeune que je trippais sur le monde. C’est pour ça que je te dis que si j’étais riche là j’en aurais des copines. Oui, ça peut aider dans tout. Hey, la pauvreté, va me chercher du positif là-dedans toi.
Fernand, 77 ans, célibataire sans enfants, 8 ans de vie en solo
D’autres, comme Georgette, une nonagénaire célibataire sans enfants, vont plutôt chercher à parler ou à fréquenter leurs proches, qu’ils soient des membres de leur famille ou des amis. Dans leur cas, l’idée est de saisir toute bonne occasion ou invitation qui permet d’être occupée, de sortir de chez soi et « de soi ».
Mais, dans ce temps-là, bien, je prends le téléphone, je vais appeler mon amie là qui n’est pas bien, ou bien donc, je vais appeler, il y a un de mes neveux, il m’appelle régulièrement. (…) La semaine prochaine, il y a un long week-end. (…) Il vient me chercher le jeudi soir, on va coucher chez lui, puis le lendemain matin, on va partir pour Sainte-Béatrice. (…) Et puis, fait qu’il dit : « Tu vas venir souvent cet été. » J’ai dit : « Ah, c’est bien correct ! » (rires)
Georgette, 87 ans, célibataire sans enfants, 16 ans de vie en solo
Apaiser la solitude liée à un rapport aux autres vécu comme insatisfaisant, chez d’autres aînés, passe par le fait de côtoyer des personnes, moins pour l’affectivité ou la familiarité des liens qui les unissent, que pour la stimulation intellectuelle que ces personnes leur procurent. Pauline, une femme âgée de 85 ans, raconte par exemple privilégier la compagnie de personnes plus jeunes qui la « poussent à être curieuse », tandis qu’Armand regrette la trop faible présence dans les résidences pour aînés de personnes intéressantes partageant sa classe sociale.
D’après moi ce qui améliorait ça le sentiment de solitude, ce serait de rencontrer des gens un peu plus à notre niveau. Quand tu es juste avec des gens qui parlent juste de maladies ou de bingo ou des affaires de même, tu n’as rien à dire. Moi, dans mon cas j’ai rien à dire. Ça prend des gens du même niveau. Si je ne me prends pas pour très haut là mais là ici c’est très bas. Je m’excuse là, en général. Il y a juste le monsieur, l’Espagnol, qui me semble assez intéressant. Lui il fait des dessins d’animation. Alors il commence à m’en parler, à avoir confiance en moi. Et moi aussi j’ai confiance en lui.
Armand, 78 ans, séparé avec enfants, 40 ans de vie en solo
Compter sur une compagnie stimulante et saine est d’ailleurs la seule qui soit jugée souhaitable, insistent même certains. En d’autres termes, si la solitude liée au trop-plein d’absence d’autrui autour de soi peut être pesante et même souffrante par moments, vaut encore mieux être seul qu’encombré par la compagnie de personnes ennuyantes ou troubles, comme le font valoir Irène, une célibataire en couple depuis 4 ans — sans cohabitation, et Jules, qui à 82 ans, choisit sa solitude.
J’aime mieux rester toute seule qu’être mal accompagnée de gens qui viennent prendre mon énergie. Non, je n’en ai qu’une vie, je pense, donc j’aime mieux être toute seule.
Irène, 66 ans, célibataire sans enfants, 40 ans de vie en solo
Mais moi j’aime mieux être seul que d’être avec des gens qui m’ennuient. Ça c’est mon gros choix. Parce que j’ai connu, je connais beaucoup de gens qui aiment être avec des gens, peu importe la raison. Ils ne sont pas capables d’être seuls. Alors là ils parlent de n’importe quoi, mais au moins ils sont avec quelqu’un. Moi j’aime mieux être tout seul, puis lire un livre ou écrire, que de parler de ces choses-là qui ne m’intéressent pas.
Jules, 82 ans, célibataire sans enfants, 37 ans de vie en solo
Jusqu’ici, les stratégies déployées par les aînés pour mieux composer avec une solitude ancrée dans un rapport aux autres insatisfaisant ont en commun, pour être effectives, de dépendre de la vigueur et de la taille de leur réseau social. Or, il n’est pas rare que les aînés, par choix ou parce que leur réseau social est trop restreint (ou même inexistant), cherchent la compagnie de personnes jusque-là « inconnues », avec lesquelles elles n’ont donc aucun lien particulier. La fréquentation d’organismes communautaires ou d’associations d’aînés et le bénévolat sont autant de moyens de créer et de développer de nouveaux liens, susceptibles d’évoluer parfois en de véritables amitiés. Yvonne, qui vient de découvrir les services offerts par l’organisme Les Petits Frères[32], parle de ces nouvelles occasions relationnelles qui promettent d’agir comme un baume sur sa solitude.
C’est incroyable ce qu’ils (Les Petits Frères) font. Moi ça m’a éberluée. Ils ont beaucoup beaucoup d’amis. Ils nous appellent les vieux amis. Et puis il y a des bénévoles. Il y en a quasiment un par personne. C’est incroyable, tous les gens qui viennent là pour faire du bénévole. (…) Là, j’ai pris, samedi qui s’en vient, ils vont faire un café. Alors, prendre un peu de gâteau, puis du café, puis jaser, puis faire… C’est vraiment agréable. Ça, ça va m’aider je pense.
Yvonne, 73 ans, séparée avec enfants, 21 ans de vie en solo
Différents moyens sont donc mis en oeuvre par les aînés pour apaiser la solitude nouée dans un rapport aux autres vécu comme insatisfaisant. S’il ne fait pas de doute que leur personnalité et leur capacité à entrer en lien avec autrui favorisent une partie d’entre eux, les limitations physiques et de santé, les conditions socioéconomiques ainsi que le réseau social constituent des facteurs sociaux qui, indubitablement, influencent la possibilité pour eux d’user — ou non — de certaines de ces stratégies.
4.2 Faire face à la solitude enracinée dans un rapport au monde devenu « étranger »
Un peu en marge de la société, affectés par un grand isolement et des difficultés à établir des liens sociaux significatifs, certains n’entretiennent plus que des rapports utilitaristes avec leurs semblables, notamment les clients et employés du secteur des services (restauration, vente au détail, etc.). C’est le cas de Marco et Gédéon qui pâtissent tous deux d’un profond sentiment de solitude liée à leur condition d’exclusion sociale. Privés d’à peu près tout réseau social, ces derniers errent dans les lieux qu’ils savent très fréquentés par le public, comme les centres commerciaux, les magasins à grande surface et les restaurants. Ils continuent de circuler dans la société mais, comme s’ils étaient des « étrangers », ils éprouvent énormément de difficultés à y appartenir autrement que par des liens contractuels.
Même si les gens autour de moi ne me regarderont même pas. Rien que le fait de dire que je ne suis plus seul, il y a du monde autour de moi… Bien souvent les gens ne me parlent même pas. Et pourtant tout le monde me connaît. La petite serveuse, elle sait mon nom.
Marco, 81 ans, veuf avec enfants, 40 ans de vie en solo
Quand je veux rencontrer du monde-là, la seule fois que, la seule façon de faire, je prends l’autobus, le métro, l’autobus, puis je me rends à McGill. (…) C’est ça. Je fais des magasins. Eux autres ils sont payés. Puis il faut qu’ils montrent qu’ils sont de bonne humeur, alors ils me parlent pour essayer de me vendre. (…) Puis je me laisse attraper souvent.
Gédéon, 88 ans, célibataire sans enfants, plus de 60 ans de vie en solo
Encore plus à court de solutions de rechange et freinés par des barrières dont certaines sont culturelles, quelques-uns mentionnent ressentir une extrême impuissance face à leur sentiment de solitude dont ils n’arrivent plus à calmer la douleur. C’est le cas de Thy, qui se dit seul depuis le décès de sa femme, il y a 50 ans. Il avoue ne plus reconnaître, ni lui comme homme devenu l’ombre de ce qu’il fut jadis sur le plan des capacités physiques, ni son environnement social qu’il ressent depuis nombreuses années déjà comme radicalement étranger. Démuni de moyens pour alléger le poids de sa solitude, Thy pense de plus en plus à la mort et espère secrètement, sans en maîtriser toutes les conditions strictes d’accès, pouvoir bénéficier de l’aide à mourir.
Oui, toujours à penser si le gouvernement, surtout l’hôpital a quelque chose pour aider les personnes âgées comme moi, les personnes qui sont plongées dans la solitude, dans des moments déprimés je ne veux pas vivre plus. Je suis totalement déprimé. Je ne me vois pas rester comme ça tous les jours.
I : Ça fait combien de temps que vous pensez comme ça ? […]
C’est depuis plusieurs années déjà. Ce n’est pas seulement aujourd’hui, mais ça fait déjà plusieurs années que j’ai pensé à la mort parce que je dis que si je reste comme ça tous les jours, il n’y a pas de bon pour moi. Il n’y a pas de bon pour la société. Il faut moi… laisser la place aux autres.
Thy, 88 ans, veuf avec enfants, 35 ans de vie en solo
conclusion
Cette étude arrive à un moment où le discours social, politique, médiatique, et même parfois scientifique, tend à présenter la solitude, particulièrement celle qui touche les aînés, comme un « fléau », un problème « épidémique ». À preuve, le Royaune-Uni vient de créer un ministère consacré à la solitude, « une réalité aujourd’hui considérée comme un problème de santé publique aussi criant que le tabagisme et l’alcoolisme » (Paré, 2018). Or, les récits que nous avons recueillis auprès des personnes âgées qui habitent seules, celles qui sont le plus à risque d’être touchées, pour ne pas dire affectées, nous invitent à poser un regard nuancé sur les liens entre la solitude, l’avancée en âge et « l’habiter seul/seule ». Nous sommes en effet loin d’une corrélation simple entre ces phénomènes, comme donne parfois à le penser la littérature. D’une part, parce que, comme on l’a vu, ce ne sont pas la majorité des aînés qui ont rapporté ressentir et encore moins pâtir de la solitude ; cette dernière, rarement permanente, survient plutôt par moments, à certaines périodes de l’année. Et, d’autre part, parce que l’hétérogénéité de leurs expériences de la solitude (solitude solitaire, solitude affective, solitude existentielle, etc.) révèle comment à l’intérieur de chacune d’elles se nouent des liens complexes entre le rapport à soi, le rapport aux autres et le rapport à la société. Ces quelques conclusions rejoignent les observations de Valtorta (2016) qui, à propos de l’avancée en âge, rappelle que « vieillir ne conduit pas irrémédiablement » à l’isolement social et à la solitude (Valtorta, 2016 : 50).
Une autre contribution de cet article aura été de montrer les dynamiques à l’oeuvre dans les expériences de la solitude, mettant en évidence comment les aînés sont inégaux devant la solitude, notamment en vertu de l’action de facteurs sociaux, tels que le genre, l’âge, l’état de santé, les conditions socioéconomiques et le réseau social. En outre, nos données mettent en lumière des différences de genre dans l’expérience de la solitude et dans les moyens mis en oeuvre pour l’apaiser. De façon générale, les hommes sont plus nombreux à vivre une solitude solitaire et souffrent davantage de la solitude affective, alors que les femmes développent plus aisément des relations d’amitié et de voisinage sources d’intimité et de solidarités, surtout féminines (Pennec, 2010). Quant aux conditions socioéconomiques, leurs effets se font sentir de façon marquée chez les aînés plus nantis, qui sont plus nombreux à faire l’expérience d’une solitude choisie, donnant lieu à une émancipation de soi à travers diverses activités intellectuelles et artistiques ; et chez les aînés plus défavorisés, qui sont plus concernés par la solitude esseulée (non choisie), donnant lieu à un sentiment d’impuissance, voire d’aliénation. Soulignons aussi qu’avec l’avancée en âge, l’effritement du réseau social et son difficile renouvellement, surtout lorsque combiné avec des problèmes de santé et de mobilité, peut conduire à une situation de grand isolement qui fragilise les aînés, de tout milieu social, vivant avec le cumul des pertes et des solitudes : sociale, filiale, affective, existentielle. En plus d’étoffer ces quelques conclusions avec la réalisation de futures recherches qualitatives, le défi reste à présent de tirer une leçon jusqu’au bout de ces conclusions en les appliquant aux dispositifs sociaux à déployer pour répondre à l’effort collectif de plus en plus consensuel, au Québec comme ailleurs, visant à prévenir la solitude chez les aînés et intervenir auprès de ceux qui y font face et en souffrent. Avec Van de Velde (2011), nous pensons que les réponses à apporter à la problématique de la solitude ne doivent pas se résumer à celle d’un « surplus d’interactions » (Van de Velde, 2011 : 37), et qu’elles gagneraient plutôt à investir des avenues aussi diversifiées que le sont les expériences que les aînés font de la solitude. À cet égard, le cadre théorique de la sociologie de l’expérience sociale de Dubet (1994), en montrant comment les individus acteurs, ici des personnes âgées habitant seules, mettent en jeu leur rapport à soi, aux autres et au monde dans leurs expériences de la solitude, est riche d’enseignement. Cette hétérogénéité appelle le développement d’interventions sociales variées : individuelles, de groupe et collectives ; allant de campagne d’éducation populaire sur le phénomène de la solitude à la mise sur pied de groupes de socialisation qui favorisent le renforcement du pouvoir d’agir des aînés, en passant par la création de lieux et d’espaces inter et intragénérationnels intéressants (café-causerie, agences de rencontres 50 +, etc.) et bien entendu, le financement de services de soutien communautaire et d’accompagnement professionnel ciblant les aînés en situation de grand isolement et d’exclusion sociale[33] (organismes les Petits Frères, ligne urgence sociale lors de transition telle que le décès d’une personne très significative, un déménagement). Ce n’est qu’à cette condition que les aînés pourront espérer voir leur solitude être soulagée autrement que par leurs propres moyens individuels, véhicules de bien des inégalités sociales.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Selon de Jong Gierveld, Fokkema et van Tilburg (2011), chercheurs renommés du domaine, la solitude « […] est le reflet de l’évaluation subjective que l’individu fait de sa participation sociale ou de son isolement social et constitue le résultat de l’évaluation cognitive d’un écart entre la quantité et la qualité de ses relations sociales existantes, d’un côté, et celles attendues ou espérées, de l’autre » (traduction libre, 2011 : 41-42). Tandis que l’isolement social est communément envisagé comme un état individuel « objectif » et mesurable, qui se caractérise par un minimum de relations interpersonnelles, de contacts et rôles sociaux ou par un bas niveau de participation sociale (Nicholson, 2009 ; Keefe et al., 2006 ; Wenger et al., 1996 ; Molyneux, 1993 ; de Jong Gierveld et Kamphuis, 1985). Ainsi, là où la solitude renvoie à l’appréciation subjective qu’un individu fait de ses contacts et relations sociales, l’isolement social se veut davantage la mesure objective de la quantité de ses contacts et relations (Havens et al., 2004).
-
[2]
Les personnes âgées qui souffrent de la solitude sont exposées à un risque plus élevé de mortalité (Luo, Hawkley, Waite et Cacioppo, 2012 ; Patterson et Veenstra, 2010 ; Tilvis et al., 2012). La solitude est associée significativement à la dépression (Bekhet et Zauszniewski, 2012 ; Drageset, Espehaug et Kirkevold, 2012) ainsi qu’à un risque au moins deux fois plus grand de souffrir d’Alzheimer (Wilson et al., 2007) et d’un problème de démence (Holwerda et al., 2012). Les personnes aînées souffrant de solitude sont proportionnellement plus nombreuses à avoir des problèmes de santé mentale (Cacioppo et al., 2006), à souffrir d’hypertension (Hawkley et al., 2010) et à être admises dans des établissements de soins (Russell et al., 1997).
-
[3]
D’après une série d’enquêtes quantitatives menées au Royaume-Uni, entre 2 % et 16 % des personnes âgées disent se sentir seules souvent ou en permanence, tandis que 40 % à 84 % d’entre elles mentionnent ne jamais avoir ce sentiment (Victor, 2011, cité dans Valtorta, 2016),
-
[4]
La comparaison est pertinente étant donné que la plupart de ces études s’appuient sur la même échelle pour mesurer la solitude, soit le De Jong-Gierveld Loneliness Scale (de Jong Gierveld et van Tilburg, 1999). Les taux mesurés varient considérablement d’une étude à l’autre, et entre les pays, mais la plupart du temps une minorité d’aînés (entre 7 % et 10 % généralement) sont identifiés comme vivant une solitude « sévère » — c’est-à-dire comme se sentant seuls « toujours » ou « la majorité du temps » — (Steed et al., 2006 ; Boldy, Iredell et Grenade, 2005 ; Victor, Grenade et Boldy, 2005 ; de Jong Gierveld, Fokkema et van Tilburg, 2011).
-
[5]
Toutefois, Pan Ké Shon (2002) est l’un des rares à avoir montré que les aînés français pâtissent moins du sentiment de solitude que les personnes de catégories d’âge différentes (cité dans Van de Velde, 2011). On peut également citer les résultats de l’Enquête Sociale Européenne relativement à la situation du Royaume-Uni qui montrent que la fréquence de la solitude chronique chez les adultes de plus de 60 ans (7,4 %) est comparable à celle observée chez les adultes de moins de 30 ans (6,3 %) (Victor et Yang, 2012, cités dans Valtorta, 2016).
-
[6]
De récentes analyses (de type multivarié) ont toutefois passablement nuancé l’impact de l’âge sur la solitude. De Jong Gierveld, Keating et Fast (2015) montrent notamment qu’une fois prises en compte les caractéristiques sociodémographiques (ex. le genre, le statut matrimonial, etc.) et celles du réseau social, l’âge n’est plus associé significativement à la solitude.
-
[7]
Les récents travaux de Jong Gierveld, Keating et Fast (2015) sur les aînés canadiens remettent en question l’idée largement partagée dans la littérature selon laquelle l’expérience du vieillissement est plus problématique chez les femmes que chez les hommes (Charpentier et al., 2014 ; Krekula, 2007). Les auteurs concluent qu’être un homme est plus significativement associé à la solitude qu’être une femme, ce qui laisse entendre une vulnérabilité plus marquée des hommes à la solitude (de Jong Gierveld, Keating et Fast, 2015). Selon Dong et Chen (2017), qui citent plusieurs travaux, la prévalence de la solitude augmenterait chez les femmes de 55 ans et plus et chez les hommes de 75 ans et plus, laissant ainsi présumer que les différences de genre s’atténueraient avec l’avancée en âge.
-
[8]
Maints travaux ont observé en effet un lien entre, d’un côté, la solitude (et/ou l’isolement social) et, de l’autre, les pertes de capacités sensorielles (ex. : l’ouïe, la vue) et l’augmentation des limitations physiques ou fonctionnelles (Ramage-Morin, 2016 ; Kobayashi et al., 2008 ; Savikko et al., 2005 ; Victor et al., 2005 ; Wenger et Burholt, 2004). Les travaux de recherche sous-entendent toutefois un lien entre la solitude et les problèmes de santé qui ne serait pas unidirectionnel ou, tout au moins, dont la nature et la direction demanderaient toujours à être mieux comprises (Victor et al., 2005). Notamment parce que si être en mauvais état de santé (physique et/ou mental) peut favoriser le sentiment de solitude, il arrive aussi que la solitude nuise à la santé d’une personne âgée (Lauder, Mummery, Jones et Caperchione, 2006 ; Havens et Hall, 2001).
-
[9]
L’étude menée par Hall et Havens (1999) relativise toutefois l’importance du rôle joué par le conjoint lorsqu’il est question de solitude. Notamment en montrant que les hommes mariés canadiens, à l’instar des veufs et des divorcés, sont nombreux à vivre de la solitude.
-
[10]
Certains travaux, menés au Québec, ont innové en abordant la question de la solitude chez les adultes à partir d’une approche qualitative (Doucet, 2007 ; Saint-Laurent, 1998), mais jamais cela n’a été fait pour étudier la population des personnes âgées.
-
[11]
Le recensement 2016 montre en effet que, pour la première fois dans l’histoire, l’habitat en solo est le mode de vie le plus populaire au Canada (28,2 % des ménages) et au Québec (33,3 % des ménages) (Statistique Canada, 2016). Au Québec, on évalue à 29 % la proportion des personnes de 65 ans et plus qui vivent seules, et cette proportion grimpe chez celles vivant dans les grands centres urbains, les femmes et les aînés très âgés. Sur l’île de Montréal, 23 % des hommes aînés et de 45 % des femmes aînées vivent seuls. (Statistique Canada, 2011, cité dans CIUSSS, 2017).
-
[12]
Selon les auteurs, « avec la banalisation de la vie sans conjoint, il est devenu impossible de considérer le célibat, la séparation et a fortiori le veuvage comme des dysfonctionnements sociaux, et il faut plus simplement les observer comme de nouvelles façons de vivre les rapports sociaux » (Pan Ké Shon et Duthé, 2013 : 249-250).
-
[13]
Les résultats présentés ici sont issus d’une recherche menée au Québec et subventionnée par le ministère de la Famille et le Secrétariat aux aînés du Québec qui s’intitule : « Vieillir et vivre seul-e. Comprendre la diversité des expériences et repenser les pratiques » (Charpentier, M., Quéniart, A., Roy, S., Chamberland, L., Rose, R. et R. Hurtubise [2016-2019]). L’étude s’appuie sur un partenariat avec des organismes communautaires oeuvrant auprès des personnes âgées, permettant de recruter des aînés habituellement difficiles à joindre dans les enquêtes, en raison notamment de leur isolement, afin de leur donner une voix et de la faire circuler dans divers milieux.
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[14]
Seuls les résultats issus du volet 1 de la recherche seront ici mobilisés.
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[15]
Dubet propose une typologie d’action qui repose sur trois logiques : l’intégration, la stratégie et la subjectivation.
-
[16]
Les participants ont été recrutés par des annonces et des organismes communautaires qui rejoignent des aînés et certains groupes spécifiques : personnes âgées immigrantes, en situation d’isolement social, avec des problèmes de santé mentale.
-
[17]
Mentionnons que l’habitat en solo ne constitue pas le résultat d’un choix individuel pour l’ensemble des aînés rencontrés. Il est l’aboutissement de différentes circonstances de la vie (perte du conjoint, départ tardif des enfants, etc.) pour plusieurs d’entre eux. Néanmoins, la vaste majorité d’entre eux ne voudraient plus à présent changer leur modalité résidentielle : ils ne souhaitent plus vivre avec quelqu’un.
-
[18]
En dollars canadiens, il s’agit d’un revenu annuel de 25 000 $ et moins (8 répondants ont déclaré moins de 15 000 $ par année). Dans le cadre de cette étude, un revenu de 50 000 $ est considéré comme élevé.
-
[19]
Cette solitude s’apparente à la solitude « occasionnelle » ou « modérée » décrite dans la littérature scientifique, telle qu’elle est mentionnée précédemment.
-
[20]
Cette solitude rejoint ce qui est identifié comme étant une solitude « sévère » dans les écrits scientifiques, telle que mentionnée précédemment.
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[21]
Cette différenciation rappelle notamment les travaux de Victor (2012) qui avait fait la distinction entre les aînés qui ressentent continuellement et depuis longtemps une solitude et ceux pour qui elle est davantage une expérience récente qui tend à fluctuer en fonction des moments du jour et de l’année.
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[22]
Nos résultats rappellent à ce titre les travaux de Hauge et Kirkevold (2010) qui ont mis en lumière les différences importantes qui séparent les conceptions de la solitude partagées par les aînés qui souffrent de solitude et ceux qui, à leurs dires, n’en souffrent pas. De l’avis des personnes qui mentionnent ne pas souffrir de solitude, celles qui en souffrent ne peuvent que s’en prendre à elles-mêmes, c’est-à-dire à leur passivité, leur négativité, à leur personnalité et à leur attitude inadéquate, pour expliquer la source de leur solitude. Tandis que le point de vue des aînés qui s’identifient comme souffrant de solitude est en général plus nuancé (Hauge et Kirkevold, 2010).
-
[23]
Nous nous inspirons librement de la distinction d’abord introduite dans les travaux de Schurmans (2003).
-
[24]
Sur ce point, mentionnons les différents travaux qui ont montré que si la solitude croît dans certains cas avec l’âge, comme dans le cas de Denise, ce n’est généralement pas stricto sensu à cause de l’âge, mais bien plutôt parce que le vieillissement s’accompagne souvent d’une augmentation des incapacités individuelles, d’un rétrécissement du réseau social, de la perte de rôles sociaux et d’un engagement moindre dans la communauté (Carstensen, 1995 ; Hovaguimian, Grab et Stuckelberger, 1988 ; Victor et al., 2000 ; Jylhä, 2004).
-
[25]
Notons ici les résultats d’une enquête longitudinale qui ont montré que l’absence d’enfants constituait davantage un facteur de risque d’isolement social que de solitude (Wenger et Burholt, 2004).
-
[26]
Certains travaux ont d’ailleurs montré que l’amorce d’une vie sans conjoint n’a ni la même signification ni les mêmes conséquences pour les hommes et les femmes. En effet, si le départ du conjoint a tendance à libérer les femmes d’une partie de la charge des tâches ménagères, et qu’à l’inverse il signifie souvent pour les hommes d’assumer de nouvelles responsabilités, comme le notent Pan Ké Shon et Duthé (2013), « […] c’est surtout qu’après la rupture, et on suppose par extension après la mort du conjoint, les femmes pâtissent de la réduction de leur niveau de vie et les hommes de la solitude (Gerstel, Riessman et Rosenfield, 1985 ; Umberson, Wortman et Kessler, 1992 ; Fokkema et Dykstra, 2002) » (Pan Ké Shon et Duthé, 2013 : 239).
-
[27]
Les femmes rencontrées étaient majoritairement hétérosexuelles.
-
[28]
Les résultats de l’importante étude de Jong Gierveld, Keating et Fast (2015) suggèrent d’ailleurs que le changement de statut matrimonial est davantage un facteur de solitude que l’absence de conjoint.
-
[29]
Cette observation rejoint les conclusions de Dykstra (1995) selon lesquelles être célibataire ou sans conjoint constitue dans une moins grande mesure un facteur de risque de solitude qu’un soutien et des liens amicaux déficients.
-
[30]
Cela rappelle certains travaux théoriques qui conçoivent la solitude comme un phénomène commun à tout individu, universel, car entendu comme inhérent à la condition humaine ou encore comme une étape de la connaissance de soi et de la croissance personnelle (Karnick, 2005 ; De Grâce, Joshi et Pelletier, 1993 ; Moustakas, 1972).
-
[31]
Certains aspects de l’expérience que Lisa fait de la solitude, depuis qu’elle ne vit plus avec sa mère vieillissante dont elle avait l’habitude de s’occuper depuis de nombreuses années, rappellent l’analyse de Pan Ké Shon et Duthé (2013) du « choc du veuvage ». Dans un cas comme dans l’autre, l’individu traverse une période plus ou moins longue de transition, qui peut signifier une « […] puissante déstabilisation due à la perte des repères, à l’absence de structuration de l’individu par les petites activités quotidiennes réalisées auparavant en fonction du partenaire, par l’absence de ce cadre référent contraignant mais structurant » (Pan Ké Shon et Duthé, 2013 : 240).
-
[32]
Les Petits Frères est un organisme communautaire dont la mission est d’accueillir et d’accompagner les personnes seules du grand âge afin de briser et de contrer leur isolement.
-
[33]
Une attention particulière devrait être portée pour rejoindre les hommes âgés et les personnes célibataires sans enfants en situation de précarité financière et sociale.
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