VariaEntretien

L'Union européenne, entre l'ouverture graduée de certains marchés et une dose de protectionnismeEntretien avec Christophe Premat, député des Français de l’étranger résidant en Europe du Nord[Notice]

  • Gérard Wormser et
  • Christophe Premat

La réaction est avant tout due au sentiment d'impuissance des États-membres. La méfiance à l'égard des institutions est fondamentalement liée à la forte demande de protection sociale des citoyens. Il y a une demande d'État qui est significative à l'heure où l'Europe a renforcé les dynamiques régionales. Les inégalités ont considérablement augmenté au cours des dix dernières années et il existe une crainte quant à la dégradation des services publics et à une plus faible protection sociale dues aux difficultés économiques. De plus, l'Union européenne n'est pas non plus épargnée par l'apparition de nouvelles formes étatiques avec certaines régions autonomes réclamant ouvertement une indépendance. L'Écosse organise prochainement un référendum sur cette question, mais on voit que la Catalogne ou la Flandre sont tentées par ce destin. Depuis dix années, les pays de la zone euro sont marqués par une stagnation de l'économie et une très faible croissance. La crise financière de 2008 a aggravé cette situation et les politiques de rigueur ont des effets désastreux sur le bien-être des populations. Le gouvernement Valls a pour la première fois levé le tabou de la politique monétaire pour avoir davantage de marge de manœuvre. La question se complique car elle pourrait signifier des ajustements par rapport à la monnaie unique pour pouvoir stimuler les économies nationales. Dans le même temps, ce serait donner raison aux souverainistes qui dénoncent les effets de la monnaie unique. Les monnaies ne sont pas que des instruments d'échanges, elles recèlent également une valeur symbolique qu'il ne faut pas négliger. Quand on regarde les débats de la campagne des élections européennes, on ne voit que les défauts, la question de l'emploi et de la concurrence des marchés nationaux. Bref, nous restons encore très ancrés dans les imaginaires nationaux, ce qui a été renforcé ces dernières années par le privilège de la coopération intergouvernementale et le poids du Conseil Européen. Le président de l'Union Européenne et le secrétaire des affaires étrangères restent largement méconnus des populations. Tout cela est le résultat logique d'une architecture institutionnelle unique au monde. Nous avons les ressources pour dépasser ces conflits et renforcer la législation européenne, j'aimerais que nous puissions davantage porter le curseur sur ces aspects-là car au fond la question qui se pose est celle de la protection européenne sur le plan de la défense et de l'harmonisation sociale et économique. La situation de l'Ukraine est préoccupante à l'heure où le Donbass et d'autres régions sont déstabilisés. Si l'Union européenne est capable de contenir partiellement les agissements de Vladimir Poutine, il reste à solidifier la transition politique et à élaborer des institutions capables d'éviter un basculement dramatique. Là encore, les pays ont tendance à réfléchir selon leurs propres modèles institutionnels. Tout le monde soutient la tenue des élections présidentielles alors que le pays a besoin d'un système parlementaire consolidé. Dans ce domaine, l'Union européenne peut porter une voix allant bien au-delà des diplomaties bilatérales. Au fond, pour reprendre votre question à une échelle historique plus globale, l'Europe a d'abord été marquée par une concurrence effrénée entre les systèmes d'exploitation coloniale qui se sont progressivement mis en place avec la conquête du Nouveau Monde, et qui a abouti à des guerres mettant en rivalité les appareils de production. L'Union européenne est cette incroyable invention d'une coopération économique pour unifier ces appareils de production et créer une zone de bien-être. Le défi est de pouvoir inventer de nouveaux produits et des régulations inédites pour éviter de dépendre d'une main d'œuvre exécutante et exploitée ailleurs dans le monde. Je pense personnellement que les PME et les PMI doivent être encouragées dans leur stratégie d'internationalisation, non …