Comptes rendus

Normand Cazelais, Éva Gauthier, la voix de l’audace, Montréal, Fides, 2016, 288 p. ISBN 978-2-7621-3976-1[Notice]

  • Marie-Thérèse Lefebvre

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  • Marie-Thérèse Lefebvre
    Professeure émérite et associée en musicologie, Faculté de musique, Université de Montréal

La parution récente d’une biographie romancée de la chanteuse Éva Gauthier (1885-1958) suscite plusieurs réflexions que nous souhaitons partager avec le lecteur, tant musicologue que journaliste du milieu culturel. Ce document présente en effet plusieurs citations dites originales qui induiront le lecteur en erreur s’il s’y réfère pour en extraire quelques références. Normand Cazelais (1944), géographe de formation, a publié chez Fides en avril 2016 un ouvrage inspiré de la vie de cette musicienne canadienne hors du commun. À ce jour, cet auteur a déjà écrit 23 livres sur la géographie et le tourisme au Québec, 2 romans et 2 biographies, la première ayant été consacrée à l’écrivain Robert de Roquebrune en 2011. Cazelais précise qu’être biographe « c’est faire un travail de limier, retracer le parcours à la fois physique et mental d’une personne ; c’est vérifier et recouper les faits, ordonner le tout afin qu’en émerge un portrait conforme à une réalité qui a souvent plusieurs visages » (Cazelais 2011, 9-10). L’auteur sait donc faire preuve de rigueur dans la recherche des sources tout en présentant son sujet de manière conviviale en utilisant des dialogues imaginaires. Alors, pourquoi ne pas avoir suivi cette démarche pour présenter la biographie d’Éva Gauthier ? Lorsqu’un auteur choisit d’utiliser le genre littéraire « biographie romancée » ou « roman historique », c’est soit pour raconter la vie d’un personnage sur lequel tout a été dit (ou presque) ou, à l’opposé, lorsque la documentation sur certains événements fait défaut. Cette technique lui permet alors d’intégrer des éléments fictifs là où les données historiques sont lacunaires. Il peut ainsi imaginer des mises en scène et des décors, inventer des dialogues, assurant ainsi une continuité, un sens et un contexte à cette vie ; un choix qui lui permet aussi de s’éloigner d’une présentation strictement chronologique d’une biographie traditionnelle. Ce genre littéraire a été analysé, entre autres, par André Vanasse (2005), Bernard Andrès (2004) et Robert Dion (2007). Dans le cas d’Éva Gauthier, sommes-nous en présence d’une vie dont la documentation serait à ce point lacunaire qu’il faille la romancer ? Ce genre qu’entend utiliser l’auteur n’est précisé que dans l’avant-propos (p. 12). Et pourquoi « romancée » ? Eh bien, parce que, nous confie l’auteur, tout de même diplômé d’une université, « je ne suis pas un universitaire de carrière ayant accès à toutes les archives disponibles et, chose qui a son importance, aux fonds de recherches idoines » (ibid.). Désolée de contredire Cazelais, mais on n’a pas besoin d’enseigner dans le système universitaire pour écrire une biographie, romancée soit, mais non moins rigoureuse dans l’établissement des faits historiques déjà documentés, et les fonds d’archives publics sont ouverts à tout chercheur qui souhaite se lancer dans cette entreprise. Cazelais précise que les sources consultées qui lui étaient accessibles (via le web surtout) demeuraient « surtout indirectes et peu abondantes », mais il affirme du même coup qu’il s’est fié « à des témoignages et à quelques écrits de la main d’Éva » (p. 12). Du côté des sources directes, il fait mention, dans sa brève bibliographie d’une demi-page (p. 266), du fonds Éva Gauthier déposé à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), mais l’a-t-il vraiment consulté ? Les 23 photos et documents reproduits à la fin du livre ainsi que plusieurs citations proviennent, non pas du Fonds Éva Gauthier, mais du site Le Gramophone virtuel de BAC qui lui a consacré plusieurs pages (BAC 2010a). Parmi les sources secondaires, il ignore (volontairement ?) la thèse magistrale « de première main » de Nadia Turbide (1986) pour ne retenir que trois courts articles de …

Parties annexes