Comptes rendus

Fiona Magowan, Louise Wrazen (dir.), Performing Gender, Place, and Emotion in Music. Global Perspectives, Rochester, University of Rochester Press, 2013, 208 p. Cartes, figures, tableaux ISBN 978-1-58046-464-2[Notice]

  • Bruno Deschênes et
  • Catherine Harrison-Boisvert

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  • Bruno Deschênes
    Musicien, spécialiste de musique japonaise, Montréal

  • Catherine Harrison-Boisvert
    Maître en ethnomusicologie, Montréal

Prenant pour point de départ théorique le constat d’une lacune dans la manière relativement isolée dont ont été généralement traités, dans les recherches en musique, les enjeux liés au genre, aux émotions et à la relation que nous entretenons avec notre environnement physique, cet ouvrage collectif propose de les considérer dans leurs liens réciproques. Plus précisément, le lecteur est amené à découvrir comment la musique est porteuse de liens de co-construction entre le sens attribué à un lieu, aux émotions humaines, et à l’identification à un genre en particulier, cette identification pouvant relever à la fois de la prescription sociale et de la quête de sens individuelle. S’ouvrant sur une introduction de Fiona Magowan (Queen’s University Belfast) et de Louise Wrazen (York University), qui posent les bases épistémologiques de l’ouvrage et passent en revue sa structure, celui-ci se divise en trois parties, lesquelles comprennent chacune deux ou trois chapitres (pour un total de huit) et proposent différents angles d’approche de la problématique principale : « Landscape and Emotion » (« Paysages et émotions ») s’intéresse à la manière dont la musique véhicule de manière performative des champs de signification (fields of meaning) collectifs associés à l’espace géographique, ceux-ci se déclinant parfois selon une perspective genrée ; « Memory and Attachment » (« Mémoire et attachement ») se penche plus spécifiquement sur la voix, examinant comment celle-ci est porteuse d’émotions associées au lieu d’appartenance ; enfin, « Nationalism and Indigeneity » (« Nationalisme et “indigénéïté” ») examine comment la musique traduit dans toute leur complexité les enjeux du nationalisme en une ère postcoloniale de plus en plus concernée par l’affirmation identitaire des peuples colonisés. L’ouvrage se conclut sur un épilogue de l’ethnomusicologue canadienne Beverley Diamond (Memorial University), qui propose une synthèse des différentes idées exposées dans ces textes, et ce, à la lumière de ses propres expériences de terrain, en plus de s’inspirer des réflexions émises par les auteurs pour proposer de futures avenues de recherche. Globalement, la mise en interaction des problématiques associées au genre, au lieu et aux émotions en musique permet aux auteurs de conclure en soulevant deux questions jugées fondamentales tant sur le plan théorique que proprement humain, soit celle de la reconnaissance de l’autodétermination des peuples autochtones et celle des transformations environnementales sans précédent auxquelles l’humanité fait actuellement face, transformations qui auront sans conteste une influence déterminante sur notre rapport à la géographie et sur la manière dont celui-ci se traduira en musique. Avant de se pencher sur la façon dont le sens attribué au genre, au lieu et aux émotions se coconstruit à travers l’expérience musicale, il importe de situer la manière dont chaque concept est envisagé théoriquement par la direction scientifique de l’ouvrage. En ce qui a trait au genre, Magowan et Wrazen le considèrent dans sa dimension socialement construite, la musique contribuant à révéler de manière performative comment, au sein d’une collectivité, on développe l’appartenance à un genre et comment ce genre définit notre rôle au sein du groupe. À cet égard, la musique produit de l’interdépendance, de l’intimité et de la réciprocité (p. 2). Par exemple, comme l’illustre le chapitre 2 (« Gendering Emotional Connections to the Balinese Landscape : Exploring Children’s Roles in a Baring Performance »), rédigé par l’ethnomusicologue Jonathan McIntosh (University of Western Australia) sur la performance infantile du Barong — rituel balinais ayant cours durant les célébrations du Nouvel An —, la place occupée par les enfants dans le rituel selon leur genre contribue à leur inculquer le rôle qu’ils auront à jouer dans la société balinaise une fois adultes. Par ailleurs, la performance du genre …

Parties annexes