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Voilà enfin une mise à jour très attendue de la théorie et de la pratique de l’organisation communautaire au Québec. L’ouvrage, sous la direction de Denis Bourque, Yvan Comeau, Louis Favreau et Lucie Fréchette, arrive à point. Le livre marque une rupture et une continuité avec le livre culte des quinze dernières années en organisation communautaire soit celui de Laval Doucet et Louis Favreau Théorie et pratiques en organisation communautaire (1992). Le contexte de la pratique de l’organisation communautaire s’est transformé de manière significative depuis les années 1990 : évolution des communautés locales, des mouvements sociaux, de l’État, etc. Les pratiques ont évolué sous l’impulsion des multiples mutations de la société. La parution de ce livre permet de faire une mise au point de la situation en organisation communautaire au Québec.

L’objectif du livre est d’introduire à la pratique de l’organisation communautaire. Plus important toutefois, les chercheurs qui dirigent la rédaction de ce collectif, se sont donnés la mission de remettre sur le métier les approches théoriques traditionnellement utilisées pour comprendre et enseigner la pratique de l’organisation communautaire au Québec (développement local, action sociale et planning social). C’est ainsi que le livre s’adresse à un large public : étudiantes en sciences humaines ou sociales, agentes de développement (local, régional ou international), militantes, professeures, etc. Chacun y trouvera son compte.

Le livre est en soit assez imposant pour diverses raisons. Il rassemble plus d’une vingtaine de collaborateurs et de collaboratrices : professeurs, chercheurs et intervenants. Notamment, six universités sont impliquées. Les 26 chapitres s’articulent à l’intérieur de six parties distinctes : 1) Origine, contours et fondements de l’organisation communautaire; 2) Approches stratégiques en organisation communautaire; 3) Principaux champs de pratique en organisation communautaire; 4) Nouvelles dimensions de l’organisation communautaire; 5) L’organisation communautaire dans les pays du Sud et; 6) Conclusion de l’ouvrage.

La première partie du livre permet aux directeurs de l’ouvrage de réitérer des éléments historiques de la pratique de l’organisation communautaires tout en mettant à jour les dernières transformations ayant modulé son évolution. On traite notamment de la professionnalisation de la pratique et de l’évolution des communautés locales et des mouvements sociaux. Bref, on expose différents éléments qui expliquent la transformation des approches stratégiques en organisation communautaire. On nous introduit rapidement alors une nouvelle typologie s’articulant autour de quatre approches : le développement local, l’action sociale ou sociopolitique, les approches socio-institutionnelle et sociocommunautaire. Cette typologie, loin d’être une rupture avec celle de Jack Rothman, se veut une continuité et une actualisation de cette dernière.

Les auteurs présentent dans la deuxième partie du livre les quatre approches proposées. Yvan Comeau (chapitres 4 et 5), Denis Bourque et René Lachapelle (chapitre 6) font respectivement une synthèse de l’évolution des pratiques de développement local, d’action sociale (sociopolitique) et de planning social (socio-institutionnelle). L’innovation de la nouvelle typologie est certainement l’ajout de cette quatrième catégorie qu’est l’approche sociocommunautaire. Cette dernière nous est présentée par Lucie Fréchette (chapitre 7), qui s’inspire de multiples recherches dans le champ de la prévention et en intervention de réseaux, pour « dépolariser » la vision dualiste qui sépare l’intervention auprès des individus et des familles de l’intervention communautaire.

La troisième partie (chapitres 8 à 17) rassemble une série de textes présentant les dernières innovations dans la pratique de l’organisation communautaire au Québec. On y retrouve la grande majorité des chercheurs et praticiens qui ont réfléchi sur la pratique au cours des dernières années et qui nous présentent successivement des chapitres portant sur des pratiques variées et actuelles de l’organisation communautaire : par exemple sur le territoire (Jacques Caillouette et Paul Morin), l’environnement (Ana-Lucia Maldonado-Gonzales et Mathieu Cook), les jeunes (Lucie Fréchette et collaborateurs.), les femmes (Colette Lavoie), la santé mentale (Martine Duperré), les personnes âgées (Roger Fecteau), les communautés culturelles (Delfino Campanile).

La quatrième partie (chapitres 18 à 22) cumule cinq textes exposant de nouvelles dimensions à considérer dans l’étude des pratiques de l’organisation communautaire. On aborde des thèmes tels les conflits de valeurs (Sébastien Savard), les partenariats (Denis Bourque), l’évolution du réseau de la santé et des services sociaux (René Lachapelle), l’importance des technologies de l’information et de communication (Sylvie Jochems) et la conciliation entre professionnalisme et militantisme (Christian Jetté). L’ensemble des auteurs de ces chapitres exposent différents enjeux qui interpelleront, au cours des prochaines années, la pratique de l’organisation communautaire.

Trois chapitres (23 à 25) forment le corps de la cinquième partie qui traite de l’organisation communautaire dans les pays du Sud. On aborde ainsi le thème de la coopération internationale (Favreau, Fréchette et Lachapelle) et plus spécifiquement des questions d’organisation communautaire en Afrique (Yao Assogba) et en Amérique latine (Comeau et Manon Boulianne).

Enfin, les directeurs de l’ouvrage concluent, dans la sixième partie (chapitre 26) sur une synthèse des multiples transformations du contexte de pratique de l’organisation communautaire depuis les quinze dernières années, c’est-à-dire depuis la parution du livre de Doucet et Favreau. L’importance de l’économie, du partenariat, de l’évolution des mouvements sociaux, notamment du mouvement communautaire, démontrent comment l’évolution des pratiques en organisation communautaire ne peut s’étudier et se comprendre que par sa relation avec l’environnement.

Cet ouvrage deviendra la référence incontournable au cours des prochaines années pour tous ceux et celles qui s’engageront dans l’étude de l’organisation communautaire au Québec. Situation assez fréquente à l’intérieur de livres de cette ampleur et rassemblant autant de collaborateurs, les chapitres sont de qualité inégale, particulièrement à l’intérieur de la troisième partie. Malgré ce bémol, ce livre permet de faire le point de manière très efficace sur la pratique et la recherche en organisation communautaire. Enfin, la typologie, au coeur de cet ouvrage, tire sa plus grande force du fait qu’elle offre une possibilité accrue de reconnaissance pour les actions menées par les groupes communautaires dans le développement des communautés.