Liminaire[Notice]

  • Justin K. Bisanswa et
  • Kasereka Kavwahirehi

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  • Justin K. Bisanswa
    Université Laval

  • Kasereka Kavwahirehi
    Université d’Ottawa

Les essais qui suivent constituant autant de lectures différentes des rapports entre roman francophone et savoirs, le principal point commun à ces différentes approches est leur attachement à la richesse de la dimension interdisciplinaire du roman. La corrélation entre le(s) savoir(s) et le roman francophone d’Afrique et des Antilles est de ces évidences aveuglantes : chacun doit deviner ce qu’elle recouvre, en l’associant tantôt au contexte colonial, tantôt à l’environnement sociohistorique des pays au lendemain de leur indépendance. Mais, dès qu’on entend la définir et la cerner historiquement, les perplexités se multiplient. Dans Littérature et développement , Bernard Mouralis a montré le rôle du « fait colonial » dans la naissance de la littérature africaine, alors que les théories postcoloniales ont souvent souligné la soumission des littératures des anciennes colonies à ce centre qu’est Paris. Selon cette tradition, le contexte d’émergence sociohistorique du texte est le miroir fidèle d’une société africaine dont il faut rendre compte à la faveur d’un texte devenu pré-texte. Mais on réduit, ce faisant, l’analyse du roman africain à la résistance contre le fait colonial, puis à la dénonciation des nouveaux pouvoirs africains. De même, on se plaît généralement à analyser les différents modes de colonisation, les différences entre l’Indirect rule (colonisation britannique) et le Direct rule (colonisation française), expliquant ainsi le combat de la négritude par le fait que la colonisation française, assimilatrice, ne permettrait pas l’épanouissement des cultures autochtones. Que penser donc ? Du reste, la plupart des ouvrages critiques sur l’histoire de la littérature africaine telle qu’on la pratique, sont des suites de monographies disposées dans l’ordre chronologique, se contentant d’aligner diachroniquement les périodes ou les mouvements : avant l’indépendance (contestation de l’ordre colonial), après l’indépendance (désillusion et désenchantement avec les indépendances africaines) et, enfin, à partir de 1980 (chaos, absurdité, folie et absence de repères à la suite de la déréliction générale du continent et de l’aggravation de la misère). Dans tous les cas, on se retrouve en présence de ce que Jacques Dubois nomme le phénomène d’indexation du texte qui « prend, au moment du décodage, valeur de signification, de sursignification. Le référentiel reflue sur le texte, s’installe en l’instituant : il donne au discours un statut qui le relie à d’autres discours, à d’autres pratiques signifiantes, et qui, par un jeu de concordances ou d’oppositions, le dote de valeurs symboliques ou thématiques  ». Nous voilà dès lors face à la perpétuation quasi générale du découpage (à la française) par siècle, par aires géographiques ou culturelles, des études et des postes, qui implique un enseignement « sécularisé » : dis-moi quel est ton siècle (ta région géographique) et je te dirai quel est ton siège. L’important n’est pas de savoir si les monographies conçues dans cet esprit sont bonnes ou mauvaises, mais de ne pas perdre de vue que l’histoire ne se constitue pas d’une suite de monographies, aussi excellentes soient-elles. Or, et de plus en plus, les événements historiques sont saisis dans l’interstice temporel, l’entre-deux, la traversée. Mais à analyser ces monographies qui se veulent autant d’histoires de la littérature négro-africaine, on a également l’impression qu’il s’agit de l’histoire littéraire de l’Afrique. En fait, ces livres dressent un tableau de la vie littéraire sur le continent, l’histoire de la culture et de l’activité de la foule obscure qui lit. Les auteurs y racontent l’histoire des circonstances, des conditions et des répercussions sociales du fait littéraire en Afrique. Notre librairie, devenu Cultures Sud, en consacrant plusieurs numéros spéciaux à la littérature de chaque pays africain, a du même coup conféré un caractère national, sinon nationaliste, à celle-ci. La …

Parties annexes