Liminaire[Notice]

  • François Ouellet

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  • François Ouellet
    Université du Québec à Chicoutimi

Quand Eugène Melchior de Vogüé (1848-1910) publia Le roman russe en 1886, une étude regroupant des articles préalablement parus dans la Revue des deux mondes, le public français connaissait et appréciait déjà Pouchkine, Gogol et surtout Tourgueniev, qui avait été un ami de Flaubert. Mais la découverte des oeuvres d’un jeune écrivain comme Tchekhov (1860-1904) et surtout de ses aînés Dostoïevski (1821-1881) et Tolstoï (1828-1910) fut une véritable révélation. Dès cette période, les traductions de romans russes se multiplièrent, si bien qu’au tournant du siècle, presque tout Tolstoï et tout Dostoïevski avaient été traduits, malgré, dans ce dernier cas, des éditions parfois tronquées ou adaptées par le traducteur (par exemple, Élie Halpérine-Kaminsky inversant des parties des Frères Karamazov !). L’introduction de romanciers étrangers en France, par le biais de traductions toujours plus nombreuses, devint l’un des aspects par lesquels se manifesta la crise du roman dans les lettres françaises de la fin du naturalisme aux années 1920, moment où cette crise atteignit son apogée . Aux côtés du roman russe, le roman anglais plus particulièrement, avec James Joyce, Virginia Woolf, Joseph Conrad, Aldous Huxley ou Edward Morgan Forster, parmi d’autres, proposait aussi de nouvelles formes d’écriture qui contribuaient au renouvellement du roman français. C’est tout le champ éditorial qui se trouva alors changé. De nombreux éditeurs eurent leurs collections de littérature étrangère et les revues littéraires y consacrèrent des chroniques et parfois des numéros d’hommage. À titre d’exemple, au début des années 1920, les Éditions Bossard s’étaient employées à éditer en traduction nombre de romanciers russes exilés en France, comme Alexandre Kouprine et Ivan Bounine, lequel reçut le prix Nobel de littérature en 1933. En 1926, afin de faire connaître au public les jeunes prosateurs russes contemporains (non exilés), les Éditions de la Nouvelle Revue française (bientôt Gallimard) lancèrent la collection « Jeunes Russes  », dirigée par Boris de Schloezer, qui avait donné quelques années auparavant sa première traduction de Dostoïevski dans la NRF (« La confession de Stravroguine », en juin et juillet 1922). Quinze ouvrages contemporains, mettant à contribution divers traducteurs, y furent publiés en une douzaine d’années, notamment Nous autres d’Evgueni Zamiatine, L’année nue de Boris Pilniak, Rastratchiki de Valentin Kataev et La horde de Viatcheslev Chichkoff, ces deux derniers titres traduits par André Beucler. En 1934, les Éditions Gallimard rachetèrent le fonds russe de Bossard qu’elles rééditèrent ensuite. C’est aussi à la même époque que cet éditeur mit sur pied la collection « Classiques russes », où parurent de nouvelles traductions de Dostoïevski et de Tolstoï, et qu’il racheta le catalogue des Éditions de la Pléiade, qui avaient été fondées par Jacques Schiffrin, un émigré russe, et où notamment Pouchkine, Tchekhov et Lermontov avaient été publiés dans la collection « Les auteurs classiques russes ». Outre qu’elle s’exprima dans le champ éditorial, la référence russe devint aussi un sujet romanesque pour les écrivains français, qui empruntèrent à l’Histoire, spécialement à la Révolution russe. C’était notamment le cas de romans de Georges Imann (Les nocturnes chez Fayard en 1922, La Russe à la Nouvelle société d’édition en 1929), de Robert Bourget-Pailleron (Coeur de Russie chez Gallimard en 1935), de Louis Dumur  (Dieu protège le Tsar ! Le sceptre de la Russie et Les fourriers de Lénine, chez Albin Michel respectivement en 1927, 1929 et 1932), de Georges Normandy (Le charnier chez Flammarion en 1928), de Raymond Recouly (Le printemps rouge aux Éditions de France en 1925) de Jean Vignaud (Niky chez Plon en 1922) ou d’Émile Zavie (Potnick le proscrit à la Renaissance du livre en 1922). La …

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