Liminaire[Notice]

  • Jean-François Cottier

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  • Jean-François Cottier
    Université de Montréal

Quand, au début des années 1960, le rapport Parent proposa ladémocratisation des collèges classiques du Québec et une réforme desuniversités, il rejoignait la vision idéologique de la Révolution tranquille,soucieuse de faire entrer le Québec dans la modernité et de démocratiser lasociété. Mais, aussi légitime que puisse être l’idéal de ce mouvement de fond,il marqua, de fait, la fin des études classiques dans les écoles secondaires, eten particulier de l’enseignement du grec et du latin. Comme l’analyse finementBenoît Castelnérac dans un article consacré à cette question  et comme l’explique très bien, en ladéplorant, le sociologue Guy Rocher, ancien membre de la Commission Parent, laconséquence en fut que : À la même époque, mais de l’autre côté de l’Atlantique, Jacques Brelcommençait à fredonner sa célèbre chanson Rosa (1962) , dans laquelle il dénonçait un système scolaire obsolète placésous la tyrannie du latin, langue devenue le symbole odieux d’une sociétéélitiste. Ce « tango des bons Pères et des forts en thème » était aussi lecauchemar des « forts en rien » et le symbole à abattre de deux institutions,l’Église et l’École, qui voyaient leurs bases ébranlées par l’aggiornamento de ces mêmes années. Ainsi, entrès peu de temps, au nom de la modernisation et de la démocratisation, le latinquitta à la fois les autels et les salles de classe, passant du pinacle de lahiérarchie scolaire au rayon des vieilleries, n’ayant plus le droit de cité àl’âge atomique. Au Québec, cette désaffection pour les études classiques a,entre autres, eu pour conséquence d’entraîner l’oubli de tout le patrimoinelittéraire latin moderne, à un moment où justement, ailleurs dans le monde, lesétudes néolatines prenaient leur essor. Aussi les textes latins composés enNouvelle-France et au Québec n’ont-ils jamais vraiment reçu l’attention deschercheurs : les latinistes, par manque de temps ou d’intérêt, les autres, parmanque de maîtrise de la langue latine ou par rejet de ce qu’elle pouvait encorereprésenter idéologiquement. Comme l’a écrit le grand néolatiniste Joseph Ijsewijn, l’un des très raressavants à s’être penché (rapidement) sur la question : « on n’a pas encore écritl’histoire du latin au Canada  ». Toutefois, le terrain n’est pas complètement en friche,puisque plusieurs recherches ont été menées ces dernières années sur l’histoireintellectuelle et culturelle du Québec moderne, histoire dans laquelle la placeet le rôle du latin ont bien sûr été pris en considération. On peut doncs’appuyer, comme sur autant de guides très sûrs, aussi bien pour la méthode quepour les résultats, sur l’ouvrage pionnier qu’Yvan Lamonde a consacré àl’enseignement de la philosophie au Québec , ou sur les travaux plus récents que Marc AndréBernier a menés, pour sa part, sur la rhétorique au xviiie siècle , tandis que l’on peut se référer aux livres que les historiensClaude Galarneau  etClaude Corbo  ontpubliés sur l’enseignement dispensé dans les collèges classiques et sur lesystème scolaire québécois. Enfin, Rainier Grutman, en analysant la place dulatin dans le xixe siècle québécois a non seulement mis en évidence savaleur symbolique (« le latin signe de stratification sociale »), mais il lui aaussi rendu sa juste place au sein de ce qu’il nomme l’hétérolinguisme québécois(« La diglossie comme concurrence culturelle ») . Ces textes et cette tradition représentent néanmoins un point aveugle del’histoire littéraire et culturelle québécoise qu’il est temps d’explorer. Lesarticles qui suivent sont le résultat d’une première journée d’étude qui s’esttenue à l’Université de Montréal le 4 octobre 2009 dans le cadre du CRILCQ,journée où étaient réunis des spécialistes des langues classiques, de l’histoirede la Nouvelle-France et de la littérature québécoise. Les quatre premièrescontributions dressent un premier bilan de ce que nous savons sur les écritslatins de la Nouvelle-France (Jean-François Cottier), tout en ouvrant des …

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