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Sans murmurer l’amant heureux et sage

Dans le placard se blottit prestement,

Le nez placé sur un affreux fromage

De Livarot qui puait noblement.

Alfred Bouchard[1]

Dans l’histoire de la sensibilité olfactive retracée par Alain Corbin[2], le mitan du xviiie siècle fait office de charnière. À l’habitude immémoriale des exhalaisons fétides qu’imposait à tout un chacun le voisinage des tanneries, des latrines et des égouts à ciel ouvert[3], à la violence des senteurs animales – musc, civette, ambre gris[4] – prisées en retour par les parfumeurs, succèdera, du moins pour ceux que la fortune favorise, dans la circulation d’un air plus libre, nettoyé puis désinfecté, la recherche de fragrances légères et végétales offertes à leurs virginales muqueuses. Et puisqu’on goûte par le nez autant et plus que par la bouche, sans doute les flaveurs connurent-elles en leur temps un sort comparable, les puissantes épices – assa foetida, gingembre, poivre, muscade[5] – ayant cédé la place aux notes herbacées du bouquet garni et le fumet du faisandage reculant peu à peu.

Ce processus d’abaissement des seuils de tolérance entraîne en vérité moins la disparition que l’atténuation des odeurs incriminées, soit par dosage soit par mélange : ainsi de la civette, dont les glandes anales produisent un liquide très odorant, avec des relents de matière fécale, qui une fois dilué possède une senteur « suave et assez semblable à celle du Musc[6] » ; ou du bdellium, gomme-résine en provenance d’Inde, tirée d’un arbre du genre Commiphora, voisin de l’arbre à myrrhe, et que l’on brûle comme encens, quoique le père Poncelet lui trouvât l’odeur si désagréable qu’il ne lui reconnaissait aucun usage, alors que celle récoltée en Arabie « en belles larmes, pures, claires, odorantes », pouvait selon lui faire « un très-bon effet dans quelques combinaisons[7] ». On peut risquer un parallèle avec ces pharmaka dont l’emploi et la dilution déterminaient seuls la nocivité ou la bénignité, et auquel le développement de l’homéopathie par Samuel Hahnemann, au tournant du siècle, allait donner une vie nouvelle. En effet, dans le paysage olfactif moderne, pareille ambivalence constitutive acquiert une dimension qu’on nommera faute de mieux esthétique, objet du goût au sens où l’entend Kant[8], à la lumière de laquelle on peut lire ce que Baudelaire, dans son étude Du vin et du haschisch, écrit en 1851 à propos de la décoction de chanvre additionnée de beurre qu’il nomme ainsi et qu’il décrit comme une « confiture verte, singulièrement odorante, tellement odorante qu’elle soulève une certaine répulsion, comme le ferait, du reste, toute odeur fine portée à son maximum de force et pour ainsi dire de densité[9] ». Cette formule d’une intuition pénétrante, qui établit la réversibilité du goût et du dégoût, de l’attrait et de la répugnance en fonction de la concentration de l’objet, me servira dans la relecture de quelques oeuvres consacrées en tout ou en partie au fromage, écrites entre 1629 et 1887[10] et dont j’aimerais proposer ici l’analyse olfactive.

Marc-Antoine de Girard, sieur de Saint-Amant, est l’un des principaux poètes bachiques et libertins du règne de Louis xiii[11]. Les fromages figurent aux côtés des charcuteries dans ses pièces à la gloire du vin, car les uns et les autres font boire ; dès leur première apparition, dans La desbauche, on voit défiler sous le patronage de Bacchus des « langues de Boeuf fumées », un « Jambon couvert d’espice » et un « vieux fromage pourry[12] ». Ce n’est toutefois là que prémices : quelques pages plus loin, tout un poème est consacré au fromage de Brie[13] ; et dans la seconde partie des Oeuvres, un caprice intitulé Le Cantal déploie un véritable éloge de la puanteur, qu’on me pardonnera de citer un peu longuement :

Gousset, escafignon, faguenas, cambouis[14],

Qui formez ce present que mes yeux resjouis,

Sous l’adveu de mon nez, lorgnent comme un fromage

A qui la puanteur doit mesme rendre hommage,

Que vous avez d’appas ! que vostre odeur me plaist !

Et que de vostre goust, tout horrible qu’il est,

Je fay bien plus d’estat que d’une confiture

Où le fruit deguisé brave la pourriture !

Par luy le vert guinguet fait la figue au muscat ;

Par luy le plus gros vin semble si delicat,

Que le piot du ciel, dont on fait tant de conte,

S’il estoit blanc, auprès en rougiroit de honte. […]

M…. sans pareil, homme aux nigaux fatal,

Où diantre as-tu pesché ce bouquin de Cantal,

Cet ambre d’Acheron, ce diapalma briffable,

Ce poison qu’en bonté l’on peut dire ineffable,

Ce repaire moisi de mittes et de vers,

Où dans cent trous gluans, bleus, rougeastres et vers

La pointe du couteau mille veines evente

Qu’au poids de celles d’or on devroit mettre en vente !

Ha ! qu’il me fait bon voir lors qu’en le furetant

J’en decouvre quelqu’une et le crie à l’instant !

Quelle faveur me cuit quand ma langue appastée

En enduit mon palais et s’en trouve infectée ! […]

O Brie ! ô pauvre Brie ! ô chetif angelot

Qu’autrefois j’exaltay pour l’amour de Bilot,

Tu peux bien aujourd’huy filer devant ce diable :

Ton beau teint est vaincu par son teint effroyable ;

Tu m’es plus insipide auprès de son haut goust

Que l’eau ne le seroit auprès du friand moust,

Et ta platte vigueur, sous la sienne estouffée,

Est de ma fantaisie entierement biffée[15].

Cette puanteur superlative, seigneuriale, à laquelle tout autre rend hommage, reçoit l’aveu de Saint-Amant, auquel décidément elle plaît, par un renversement carnavalesque, typique de l’éloge paradoxal, qui place l’ignoble odeur sur le trône et le poète à ses pieds ; de manière analogue, celui-ci fait grand cas du goût « horrible » de la fourme, et lui oppose la confiture dont les fruits sucrés ne pourrissent pas, car le fromage est pourriture, « repaire moisi de mites et de vers » tout sillonné de veines infectes, mais pierre philosophale du buveur, qui transmute en nectar le vin le plus grossier. L’alchimie poétique fait permuter le haut et le bas, le Ciel et l’Enfer. Aussi le parfum d’« ambre » du Cantal est-il celui d’un vieux bouc, digne de l’Achéron, et son teint, effroyable, celui d’un démon ; la table sur laquelle on le déguste en devient presque l’autel d’une messe noire. Il n’est du reste pas fortuit que, pour un libertin, le fromage fasse l’objet d’une telle dilection, car la littérature religieuse avait fait du lait caillé l’image de la nature pécheresse[16] : la violence de l’odeur et du goût exerce sa séduction sur l’esprit de révolte, la corruption apparaissant comme le signe d’une infraction aux équilibres naturels. Certes. Mais dans cette surenchère olfactive, on peut aussi percevoir la trace d’un univers saturé par la puanteur, dans lequel seul l’effluve le plus puissant surnage et s’impose aux sens comme à l’imagination ; ainsi le fromage de Brie, que Saint-Amant avait loué naguère au détriment du Pont-l’Évêque, déclare forfait face au Cantal : « Et ta platte vigueur, sous la sienne estouffée/Est de ma fantaisie entièrement biffée. »

Cette lutte fromagère allait produire sous le règne suivant deux répliques en faveur du Pont-l’Évêque, lui aussi ferme et coloré à cette époque, le blanc du lait s’« assortissant au pourpre en sa couleur[17] », comme le tourne élégamment Alexandre Lainez, alors que sous la plume du médecin Hélie Le Cordier, « Il est comme gris, demy-bleu,/Et marqueté de rouge un peu ». Cependant cet auteur ajoute : « Il n’est point d’une odeur mauvaise/Ny d’une plûre qui déplaise[18] », car ce ne sont point ici des vers de mécréant qui trouverait des charmes à la puanteur ; reste que la litote laisse fleurer la concession et subodorer quelque remugle ammoniaqué de sels volatils que le poète veut tempérer.

Lorsqu’il évoquera plus tard dans ses Mémoires les « horrible[s][19] » goûts du duc de Vendôme, Saint-Simon sera plus cru et ne nous épargnera ni ses vices ni sa saleté, ni les bassins pleins d’excréments qu’il rendait le matin devant « force spectateurs » et qu’on « passait sous le nez de toute la compagnie », ni le détail de ses habitudes alimentaires, qui participaient de la même infection puisqu’il ne mangeait que des choses révoltantes. En effet, il était « grand mangeur », comme toute la famille royale, et commençait la journée en déjeunant « à fond » sur sa chaise percée, au milieu des émanations d’urine et de matière fécale ; « d’une gourmandise extraordinaire, [il] ne se connaissait à aucun mets, aimait fort le poisson, et mieux le passé et souvent le puant que le bon. […] [Le fameux] Alberoni fit à M. de Vendôme, qui aimait les mets extraordinaires, de soupes au fromage, et d’autres ragoûts étranges, qu’il trouva excellents » (MSS, t. ii, p. 695-696). Cette abomination, comme le cumul de ses péchés mortels – orgueil, paresse, luxure, gourmandise –, a des relents de soufre. Suite à la victoire de Villaviciosa – toponyme prédestiné ! –, Vendôme, « pour être plus en liberté, […] se sépara des officiers généraux et s’alla établir avec deux ou trois de ses plus familiers et ses valets, qui faisaient partout sa compagnie la plus chérie, à Viñaroz, petit bourg presque abandonné et loin de tout au bord de la mer, dans le royaume de Valence, pour y manger du poisson tout son soûl ». Après un mois de crevaille, il fut pris d’un mal étrange, qu’on crut d’abord être une simple indisposition, mais qui « augmenta si promptement et d’une façon si bizarre » qu’on finit par conclure à l’empoisonnement. Ceci conduisit bientôt le héros de la guerre de Succession d’Espagne à sa dernière demeure : le pourrissoir de l’Escurial. C’est là que Saint-Simon lui rendra une ultime visite lors de son ambassade. En principe, les corps étaient murés dans l’antichambre du Panthéon jusqu’à ce que « tout soit consommé et ne puisse plus exhaler d’odeur », avant d’en être tirés et placés dans un cercueil. Après neuf ans, « le corps du duc de Vendôme était encore […] dans cette muraille » (MSS, t. iv, p. 501-503) et, selon les moines chargés de la visite, on ne songeait point à l’en tirer jamais[20].

Associé à la pourriture des déjections, des poissons et des cadavres, le fromage n’est chez Saint-Simon racheté par rien : la puanteur fonctionne comme le signe d’une corruption morale sans appel et vigoureusement condamnée. Peut-être au reste les années passant, la décennie 1740, pendant laquelle ces lignes furent écrites, commença-t-elle à voir le seuil de tolérance olfactive s’abaisser peu à peu[21] (MJ, p. 67). Plus tard dans le siècle, un autre mémorialiste, viveur autant quoiqu’autrement que le duc de Vendôme, fournira une liste de ses mets de prédilection, tous de « haut goût » et d’odeur forte :

[L]e pâté de macaroni fait par un bon cuisinier napolitain, l’Ogliopotrida, la morue de Terre-Neuve bien gluante, le gibier au fumet qui confine, et les fromages dont la perfection se manifeste quand les petits êtres qui les habitent commencent à se rendre visibles. Pour ce qui regarde les femmes, j’ai toujours trouvé que celle que j’aimais sentait bon, et plus sa transpiration était forte plus elle me semblait suave[22].

Ces goûts « dépravé[s] » qu’on lui a reprochés, et qui font intervenir presque tous les sens dans une sorte de jubilation – seule l’ouïe n’est pas sollicitée ici –, Casanova les évoque avec sa légèreté coutumière et un peu insolente, dépourvue de vergogne, à rebours des auteurs nés au siècle précédent, qui convoquaient l’esprit du mal pour l’avouer ou le désavouer ; règne seule ici la jouissance amusée de ces matières dont l’appétence ou l’appétit fait la suavité et que l’indifférence trouve malodorantes. Ce sont presque les mêmes que chez Vendôme : sexe bien sûr, poisson passé, viande faisandée, fromages. La perfection paraît confondre en ceux-ci l’élévation sur l’échelle des valeurs et l’achèvement au terme du processus de décomposition, qui fait intervenir « les petits êtres » rendus visibles par les moisissures et respirables dans les émanations de la protéolyse[23]. Le rapport étroit entre le répugnant et le désirable, que scellait le libertinage antérieur sous la forme impie d’une équation, est ici transformé en option : soit on désire et l’odeur est suave, soit on ne désire pas et elle est répugnante. Plutôt que le dosage, comme dans le cas des parfums animaux, c’est ici l’état d’esprit, ou l’intention, qui détermine l’ambivalence.

Le dernier tiers du xviiie siècle vit progresser, avec l’avènement d’une chimie des gaz, l’intérêt pour la composition et la salubrité de l’air, qui renouvelait la doctrine hippocratique des miasmes avec des moyens modernes[24] ; et la médecine aériste, soucieuse d’hygiène publique, fut soutenue par les politiques publiques à partir de l’époque révolutionnaire[25]. « La ventilation constitue désormais l’axe de la stratégie hygiéniste » (MJ, p. 111 ; l’auteur souligne), note Alain Corbin. Elle « restaure l’élasticité et la qualité antiseptique de l’air » (MJ, p. 111). L’architecture et l’urbanisme de l’époque en sont durablement marqués[26] : elles aboutiront à la réforme du baron Haussmann sous le Second Empire.

Ce contexte éclaire les pages saisissantes que Zola, dans son roman Le ventre de Paris, paru en 1873, consacre aux beurres et aux fromages de madame Lecoeur, à leur « odeur infecte », une « buée nauséabonde » qui soulève le coeur, parcourant à cette occasion tout le registre sémantique de la décomposition cadavéreuse. Il faut ici encore citer généreusement, afin de bien rendre sensible la gradation dans l’insoutenable et la violence :

Autour d’elles, les fromages puaient. […] Là, à côté des pains de beurre à la livre, dans des feuilles de poirée, s’élargissait un cantal géant, comme fendu à coups de hache ; puis venaient un chester, couleur d’or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare, des hollande, ronds comme des têtes coupées, barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crâne vide qui les fait nommer têtes-de-mort. […] Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d’une maladie honteuse de gens riches qui ont trop mangé de truffes ; tandis que, dans un plat à côté, des fromages de chèvre, gros comme un poing d’enfant, durs et grisâtres, rappelaient les cailloux que les boucs, menant leur troupeau, font rouler aux coudes des sentiers pierreux. Alors, commençaient les puanteurs : les mont-d’or, jaune clair, puant une odeur douceâtre ; les troyes, très épais, meurtris sur les bords, d’âpreté déjà plus forte, ajoutant une fétidité de cave humide ; les camemberts, d’un fumet de gibier trop faisandé ; les neufchâtel, les limbourg, les marolles, les pont-l’évêque, carrés, mettant chacun leur note aiguë et particulière dans cette phrase rude jusqu’à la nausée ; les livarots, teintés de rouge, terribles à la gorge comme une vapeur de soufre ; puis enfin, par-dessus tous les autres, les olivet, enveloppés de feuilles de noyer, ainsi que ces charognes que les paysans couvrent de branches, au bord d’un champ, fumantes au soleil. Le chaud après-midi avait amolli les fromages ; les moisissures des croûtes fondaient, se vernissaient avec des tons riches de cuivre rouge et de vert-de-gris, semblables à des blessures mal fermées ; […] un flot de vie avait troué un livarot, accouchant par cette entaille d’un peuple de vers. Et, derrière les balances, dans sa boîte mince, un géromé anisé répandait une infection telle, que des mouches étaient tombées autour de la boîte, sur le marbre rouge veiné de gris[27].

Nommée dans le cadre qui l’ouvre, la puanteur recouvre toute la lente déclinaison des pâtes pressées, persillées et molles, même lorsqu’elle n’est pas explicite, même en ses simples prémices – avec la fadeur suggérée du sang et des chairs malades ou l’effluve mâle des boucs – ; elle progresse ensuite, inchoative, du douceâtre au fétide, du fétide au faisandé, du faisandé au nauséabond, à l’odeur de soufre, à celle des charognes enfin, desquelles Baudelaire, une quinzaine d’années plus tôt, rappelait « la puanteur […] si forte, que sur l’herbe/Vous crûtes vous évanouir[28] » ; et cette courbe exponentielle est doublée tout du long par le champ lexical du meurtre : haches barbares, têtes coupées, sang séché, crânes vides, chairs meurtries et blessures infectes des deux pâtes lavées couronnant le carnage, livarot et munster, royaux, régnant sur un peuple d’asticots et de mouches[29], accouchant des uns par une sorte de génération spontanée, les autres asphyxiées, gazées, tombées au combat, sur les marbrures rougeâtres aux veines ouvertes du comptoir.

Le pavillon des beurres, ainsi décrit, évoque l’hôpital militaire, un lieu dont tout désir paraît exclu. La sensibilité olfactive des contemporains de Saint-Amant, qui pouvaient rire de son encanaillement, parce qu’ils le comprenaient, quand celui-ci avouait se délecter de la transpiration caséeuse de son Cantal ; celle des courtisans de Vendôme, qui humaient aussi machinalement ses soupes au fromage et ses poissons pourris que ses fèces[30] ; cette sensibilité s’est si profondément transformée que même les appétits virils de Casanova paraissent désormais relégués dans un ancien régime d’odeurs relevées. La transgression s’est changée en abjection, le sexe en sanie. La réversibilité de la puanteur et de l’arôme n’opère plus, nulle convoitise, nul mélange ne parvient à sauver cette pestilence. À quoi bon couper de tels poisons ? « Elle ne sera pas fameuse, votre maniotte, ma tante… Vous avez là des beurres trop forts[31] », lance la Sariette à madame Lecoeur. Il y faudrait la dilution infinie des préparations homéopathiques, dans lesquelles jusqu’au soufre est anéanti. Et pourtant, cela n’est vrai que pour les personnages, envisagés dans leur univers propre. Car ne pourrait-on dire que, pour le lecteur ou la lectrice, le roman de Zola lui-même est l’alambic où sont atténués ces fromages homicides ?, où l’on peut d’une jouissance paradoxale en savourer la vapeur méphitique ? Est-ce qu’en définitive, la littérature n’aurait pas le pouvoir de fabriquer le pharmakon, nous offrant par sa médiation des toxiques et des immondices rendus supportables, inoffensifs, voire revigorants – et cela quoi que tels contemporains du maître de Médan en aient pensé ? « Il n’est point de serpent ni de monstre odieux,/Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux[32] », rimait déjà Boileau. La secondarité, le décalage de la représentation sauve in fine les fromages du regrat, et leur rend, comme par magie, la fraîcheur, la jouvence qu’ils avaient perdues.