Chroniques

Pour en lire plus : Study Abroad Pedagogy, Dark Tourism, and Historical Reenactment. Kevin A. Morrison, Study Abroad Pedagogy, Dark Tourism, and Historical Reenactment. In the Footsteps of Jack the Ripper and His Victims, Cham (Suisse), Springer Nature Switzerland, Palgrave Macmillan, 2019, 150 p. [Notice]

  • Pascale Marcotte

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  • Pascale Marcotte
    Professeure titulaire, Département de géographie, Université Laval ; pascale.marcotte@ggr.ulaval.ca

Le livre de Kevin Morrison est aussi inattendu que son titre est intrigant. L’auteur y combine une réflexion pédagogique sur les programmes universitaires courts à l’étranger et une analyse du « tourisme noir », à travers les visites touristiques liées à l’histoire de Jack l’Éventreur, meurtrier en série ayant sévi dans le quartier de Whitechapel (Londres) en 1888. Par l’étude d’un sujet qui peut être considéré comme du « tourisme noir » et potentiellement critiquable d’un point de vue éthique, l’auteur cherche à savoir comment les courts séjours peuvent participer au développement d’un sentiment de citoyenneté et développer de l’empathie historique. Le livre relate son expérience personnelle alors qu’il était professeur de littérature dans une université américaine et responsable de programmes de mobilité à l’étranger. Son analyse porte tant sur les effets de l’apprentissage expérientiel réalisé par les étudiants en mobilité que sur son rôle de professeur dans le cadre d’une formule d’enseignement atypique, à la fois courte (quelques semaines plutôt que quelques mois), mais aussi plus sensationnelle (thématique du « noir »). Le livre Le livre se divise en sept chapitres. Morrison alterne entre les contraintes institutionnelles liées à la conception de programmes courts, l’étude de l’histoire de la fin du XIXe siècle et les apprentissages possibles tirés de sites de « tourisme noir ». Dans le chapitre d’introduction, l’auteur argumente les points positifs et négatifs relatifs aux programmes d’études courts offerts à l’étranger. Si plusieurs considèrent ces séjours comme des vacances, d’autres soulignent la pertinence et l’efficacité de l’apprentissage par l’expérience qu’ils permettent. Il ne s’agit pas simplement de donner un cours « ailleurs », mais bien d’amener les étudiants à expérimenter cet « ailleurs ». L’auteur présente également les objectifs poursuivis par les programmes qu’il a développés, qui portaient sur la fin du XIXe siècle en Europe. Constatant que les étudiants considéraient la séance de cours portant sur Jack l’Éventreur comme une forme de divertissement, plus proche de la fiction que de l’histoire, Morrison eut l’idée de développer un séjour se consacrant entièrement à l’histoire sociale, économique et culturelle entourant ces meurtres. Cette fin de XIXe siècle a été marquée par l’antisémitisme, la précarité et la pauvreté des classes ouvrières, par un urbanisme débridé. Les journaux de l’époque tout comme les autres formes de médias culturels (tels les romans) ont participé à alimenter les craintes à l’égard du meurtrier et à dépeindre un quartier de pauvres « étrangers » (notamment de juifs et d’immigrants) et de malheureuses prostituées. Cette façon de raconter l’histoire du meurtrier en série s’est maintenue et continue, encore aujourd’hui, d’influencer la perception des événements et des protagonistes. Le second chapitre porte sur la création des programmes courts pour les étudiants de cycles supérieurs en sciences humaines. Morrison rapporte des difficultés et des possibilités institutionnelles qui président à la mise en place de tels séjours. Outre les conseils sur la gestion de ces programmes, le lecteur y trouvera également des idées intéressantes pour rendre ce genre de séjour pertinent, par exemple grâce à l’organisation de conférences et de discussions informelles avec des professeurs du lieu d’accueil. Le troisième chapitre établit une concordance entre l’actualité contemporaine et ses informations fallacieuses, et celles de l’époque victorienne, où nombre de « fausses nouvelles » ont été publiées sur le meurtrier en série. Morrison explique qu’il a souhaité développer chez ses étudiants un esprit critique à l’égard des sources ayant impulsé et formé l’imaginaire et l’histoire de Jack l’Éventreur. Ainsi, les visites sur place et la consultation d’autres sources durant le séjour visent à déconstruire ces histoires, tant celles des victimes, étiquetées comme des prostituées, …