Tourisme numérique

Le tourisme à l’ère des technologies numériques [Notice]

  • Larbi Safaa,
  • Gwenaëlle Oruezabala et
  • Marc Bidan

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  • Larbi Safaa
    Enseignant-chercheur HDR, École supérieure de technologie d’Essaouira, Université Cadi Ayyad (Maroc), saafa.larbi@uca.ma

  • Gwenaëlle Oruezabala
    Maître de conférences HDR, Faculté des langues et cultures étrangères, Université de Nantes (France), oruezabala-g@univ-nantes.fr

  • Marc Bidan
    Professeur des universités, École polytechnique de l’Université de Nantes (France), marc.bidan@univ-nantes.fr

En deux décennies, les technologies numériques (TN), c’est-à-dire celles qui traitent des contenus numériques via des contenants, des protocoles et des chartes informatiques (Thenoz, 2020), se sont imposées comme l’un des facteurs clés de la performance des entreprises, mais également des destinations touristiques (Paquerot et al., 2011 ; Lemoine et Salvadore, 2018). Leur développement, leur usage et les données captées, traitées et mises en réseau bouleversent les paradigmes économiques et sociétaux et remettent en question la conception classique du phénomène touristique. Cette contribution a pour objet de remettre ces transformations en perspective et de présenter les travaux sélectionnés dans ce numéro spécial de la revue Téoros. Nous proposons une lecture en quatre étapes assez usuelles (Lena et Bidan, 2021). Au fur et à mesure de la montée en puissance des capacités de stockage et de traitement – donc d’interaction – et du nombre d’objets dits « connectés », nous notons qu’un simple canal de communication unilatérale (Internet 1.0) va devenir un véritable prescripteur de stratégies de mise en réseaux (Internet 2.0), puis un puissant outil de co-construction des expériences et des destinations (Internet 3.0 en 2015 et Internet 4.0 en 2020). Cette évolution est expliquée par l’avènement des plateformes et des réseaux qui transforment le tourisme et les modalités d’intégration de son écosystème. Ainsi, le tourisme fait désormais partie des secteurs les plus touchés par l’usage et la diffusion des TN : raccourcissement des distances, plateformisation des canaux de distribution des prestations touristiques, redistribution du pouvoir entre les parties prenantes et les parties impliquées, conversion de la chaîne de valeur linéaire et cloisonnée en un réseau d’acteurs interconnectés, sont quelques éléments symptomatiques des transformations sectorielles et organisationnelles perceptibles. Les technologies et les outils matériels et logiciels qu’elles imposent – au premier rang desquels le téléphone intelligent ou multifonction – questionnent les usagers, les cibles et les collectivités sur les enjeux de pouvoir autour de leurs appropriation, routinisation et contournements (Karoui et Dudézert, 2012). De même, ces outils instaurent un nouvel ordre touristique mondial qui semble avoir été largement confirmé par la pandémie de COVID‑19 et ses disruptions majeures, notamment sur les mobilités et les territoires (Marcotte et al., 2020). Dès lors, ce numéro spécial sur la question du tourisme à l’ère des technologies numériques tente d’apporter une vision à la fois empirique, pragmatique et théorique du déploiement des TN et leurs conséquences sur l’écosystème touristique. Il s’agit également d’analyser leur rôle dans la gestion et la fabrication de l’information, puis les modalités de diffusion dans et par l’organisation touristique. Nous proposons donc, d’une part, d’aborder cette convergence et, d’autre part, de jeter un regard prospectif sur certaines mutations qui transparaissent dès lors dans ce secteur profondément affecté par la crise sanitaire mondiale. La littérature en études touristiques, inspirée de la géopolitique, est très sensible à la question du déséquilibre structurel des flux économiques et touristiques. Un double déséquilibre est pointé. Le premier est celui qui existe entre les producteurs/concentrateurs d’offres (voyagistes et organisateurs de voyages internationaux) et les prestataires locaux. Le deuxième est celui qui existe entre les pays du Nord et les pays du Sud (Cazes, 1989). Jean-Michel Hoerner (2008) qualifie cette situation de « tourisme captif », où le destin de destinations entières est entre les mains d’un petit nombre d’entreprises multinationales. Cependant, la courte et dense histoire de la convergence des TN et du tourisme est riche d’enseignements. En un peu moins de deux décennies, la littérature consacrée à cette thématique marque une évolution soutenue et renouvelée des problématiques liées à la capacité des artefacts technologiques à transformer, à repenser et à remodeler l’intégralité …

Parties annexes