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Au moment de la publication du nouveau Rituel romain intitulé « Ordo Paenitentiae[1] » (Sacra Congregatio pro Cultu Divino 1974), plusieurs personnes se demandaient si les catholiques devaient encore se confesser. En effet, suite à la demande de réforme faite par Vatican II[2] et en tenant compte de la diminution de la pratique de la confession, le Rituel romain avait mis en oeuvre la célébration communautaire du sacrement de réconciliation avec confession et absolution collectives. De plus, dans un esprit d’ouverture, ce Rituel parlait moins de péchés commis par les humains que de l’amour miséricordieux et pardonnant de Dieu. Pour expliquer la pertinence de cette réforme, pasteurs et théologiens l’accompagnèrent de commentaires sur le changement du contenu du Rituel[3]. Aujourd’hui, nous découvrons que cette réforme ne consistait pas seulement à changer le contenu, mais aussi la forme littéraire. En suivant la grille de lecture ou le cadre théorique que propose O’Malley (2006), nous examinerons les notes doctrinales et pastorales de l’Ordo Paenitentiae (les Praenotanda) en sa version française, que nous comparerons avec sa version latine pour repérer les changements de forme apportés.

Il est important de noter que le Rituel francophone est le résultat d’un long travail d’équipe des commissions liturgiques des pays concernés. L’oeuvre manifestait déjà une collaboration entre les différents membres du peuple de Dieu[4]. Ce travail de collaboration, d’un style moins autocratique et plus collectif, était indispensable pour mettre en application le nouveau Rituel romain dans lequel, aux dires de certains, interfèrent deux couches rédactionnelles, appartenant l’une à la théologie de la réconciliation, l’autre à la perspective pénitentielle du sacrement[5]. Si la théologie de la réconciliation insiste sur la démarche communautaire des pénitents, la théologie de la pénitence met l’accent sur l’aveu personnel des péchés commis. En reprenant l’intégralité du Rituel romain, ce Rituel francophone avait ajouté certains éléments pour s’adapter aux pratiques pastorales actuelles. Également, il déplaçait certains enjeux théologiques par l’utilisation du vocabulaire[6].

Avant d’annoncer notre plan de travail, présentons le contexte où le jésuite états-unien John O’Malley situe la question de sa recherche (dans la ligne de laquelle nous nous inscrivons). Le débat actuel sur l’interprétation du concile Vatican II s’oriente dans deux directions diamétralement opposées : « une herméneutique de continuité » et « une herméneutique de discontinuité ». Les partisans de la première prétendent que le Concile ne fait qu’ajuster la foi de toujours en fonction de l’exigence des temps modernes, tandis que les partisans de la seconde considèrent que le Concile a mis fin à un catholicisme issu de Trente pour ramener l’Église dans une perspective totalement nouvelle.

Tenant en compte l’actualité de ce débat, O’Malley (2006) s’intéresse davantage à la question de la discontinuité de Vatican II par rapport aux enseignements et aux pratiques antérieurs. Selon l’auteur, Vatican II affirme à plusieurs reprises la continuité avec la tradition catholique, spécialement avec les conciles de Trente et de Vatican I. Ce concile ne change rien en ce qui concerne l’enseignement essentiel de l’Église. Il ne diminue pas non plus l’autorité de celle-ci. Toutefois, une question revient : y a-t-il un « avant » et un « après » Vatican II ? Y a-t-il une discontinuité entre ce concile et les conciles précédents ? Quelque chose s’est-il passé ? La réponse à ces questions est affirmative au moment même de la clôture du Concile, quand Mgr Lefebvre condamne ce concile comme hérétique et conduisant à un schisme. Le concile Vatican II a donc voulu des changements. Le contenu de ceux-ci a souvent été commenté et il est connu.

Or, O’Malley se demande si nous ne devrions pas changer l’orientation du questionnement : passer du contenu à la forme. Est-il possible de déplacer la question du « qu’est-ce que » le concile dit à la question du « comment » le concile le dit ? Cela exige l’analyse de la forme. Pour ce faire, il faut prendre en compte les caractéristiques les plus évidentes des seize documents du Concile et en tirer les conclusions. Ce qui est le plus caractéristique dans ce concile, c’est la forme « pastorale » qui est un nouveau genre littéraire, un nouveau mode de discours. Cette nouveauté distingue Vatican II des conciles précédents. Le dernier concile a donc adopté un nouveau style de discours à travers lequel doit être posée la question de « comment faire Église ? ».

Jobin résume le résultat de recherche d’O’Malley en ces termes :

la parole conciliaire a subi, en modernité, des déplacements de genre d’éloquence. Les conciles de Trente et de Vatican I condamnaient et, ce faisant, mobilisaient le genre rhétorique judiciaire, comme dans un procès où, devant le tribunal, il faut établir la solidité de la preuve afin d’en arriver à un jugement. L’éloquence conciliaire traditionnelle faisait du prononcé de l’anathème la fine pointe de l’énonciation et de l’obéissance la visée de l’énonciation. Vatican II évite le vocabulaire de l’anathème en mobilisant le genre épidictique avec une nette tendance au panégyrique. Le genre épidictique s’effectue dans un autre contexte discursif que le procès. Il s’agit d’une autre situation de parole, celle de l’éloge, où l’on rappelle les qualités de l’objet du discours. Ce genre possède comme finalité « d’intensifier l’adhésion à des valeurs, sans lesquelles les discours visant à l’action ne pourraient trouver de levier pour émouvoir et mouvoir leurs auditeurs[7] ».

Jobin 2012, 20

Pour O’Malley, la nouveauté du concile Vatican II consiste donc dans l’événement de langage qu’il représente. Ce concile a adopté le genre épidictique et un vocabulaire qui lui est ajusté pour susciter l’imitation d’un idéal qu’il propose à ses auditeurs. Le style de Vatican II c’est la rhétorique d’invitation. Ses documents déterminent un idéal, tirent les conclusions et explicitent les conséquences. Ils ne donnent pas un code de conduite à appliquer, mais un idéal à atteindre avec une capacité d’adaptation en fonction du temps et de l’espace.

C’est à partir de ce cadre théorique proposé par O’Malley que nous structurerons notre exposé, qui comportera trois parties : 1. la rhétorique d’invitation, 2. le genre épidictique, 3. le vocabulaire caractéristique. À travers ces pages, nous observerons l’empreinte stylistique du concile Vatican II dans le nouveau Rituel. Cette empreinte stylistique se manifeste par une nouvelle manière de parler que nous pouvons qualifier de rhétorique de réconciliation. Cette rhétorique parvient à réconcilier deux aspects souvent opposés, à savoir la dimension communautaire et la démarche individuelle du sacrement de la réconciliation ; la proclamation de l’amour de Dieu et la confession de nos péchés. En outre, on constatera que le Rituel francophone accentue encore plus la prégnance de cette rhétorique de la réconciliation, par rapport à la version première du Rituel romain, dont il constitue la réécriture.

1. Rhétorique d’invitation

1.1 Entrer dans le mystère de la miséricorde de Dieu

Les Praenotanda commencent par un premier chapitre intitulé « Le mystère de la réconciliation ». C’est un style propre à Vatican II qui cherche moins à parvenir à une définition qu’à susciter l’émerveillement devant l’oeuvre de la miséricorde de Dieu. Ce style nous conduit dans une rhétorique de louange et d’éloge, dans le panégyrique et dans l’ars laudandi (O’Malley 2006, 25). Le chapitre s’ouvre par un rappel de la miséricorde de Dieu manifestée en Jésus Christ, qui a lui-même commencé sa mission par une invitation à la conversion, à la pénitence : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15). C’est ce style qu’utilise le pape Jean XXIII lors de son discours inaugural, le 11 octobre 1962 : « Aujourd’hui, l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité […]. L’Église catholique […] veut être pour tous une mère très aimante, bonne et patiente, pleine de bonté et de miséricorde » (Vatican II 1966, 588).

Cette mention du remède de la miséricorde pour faire avancer le pénitent dans le mystère du salut se trouve également dans le texte du Rituel :

Le genre et l’ampleur de la satisfaction seront adaptés à chaque pénitent. Elle doit, en effet, être pour lui remède pour sortir du péché et renouveler sa vie. C’est ainsi que le pénitent, « oubliant ce qui est derrière lui » (Ph 3,13), s’insère à nouveau dans le mystère du salut et s’élance vers l’avenir.

RR 6[8]

Par ailleurs, les mots « inviter » et « invitation » se trouvent dans presque toutes les pages du document. Nous les classons en deux catégories : l’invitation de la part de Dieu et de sa Parole, et l’invitation de la part de l’Église et de ses ministres.

1.2 Invitation de la part de Dieu et de sa Parole

Par les prophètes, Dieu adressait une invitation à la pénitence (RR 1). En Jésus Christ, Dieu se révèle comme un Dieu qui aime les êtres humains et les invite à aimer (RR 3). « Invités à manifester et à vivre la communion que crée entre eux l’Esprit Saint, les chrétiens sont conduits à la reconnaissance commune de ce qui les divise ; ils sont appelés à une conversion à faire ensemble, ainsi qu’à une démarche de réconciliation entre eux. » (RR 8) Les chrétiens sont invités à répondre aux appels de l’Évangile par des gestes concrets (RR 4). « À certains moments importants de l’existence […], les chrétiens peuvent être également invités à trouver dans la célébration du sacrement les lumières et les forces nécessaires pour reconnaître les appels du Seigneur et y répondre. » (RR 7)

Quant à la Parole de Dieu, elle annonce la réconciliation et invite à la conversion et à la pénitence (RF 16). « La Parole de Dieu éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde divine. » (RR 17) « Une célébration commune manifeste plus clairement la nature ecclésiale de la pénitence. Car les croyants entendent ensemble la Parole de Dieu qui, proclamant la miséricorde divine, les invite à la conversion » (RR 22).

1.3 Invitation de la part de l’Église et de ses ministres

Non seulement l’Église « invite à la pénitence par la proclamation de la Parole de Dieu, mais encore elle intercède pour les pécheurs. » (RR 8) En proclamant la Parole de Dieu, les prêtres invitent les fidèles à la conversion et leur annoncent le pardon des péchés (RR 9). Le prêtre invite le pénitent à la confiance en Dieu par des paroles bienveillantes (RR 16). Le prêtre ou un autre ministre « invite tout le monde à prier et, après un temps de silence, il conclut la prière. » (RR 23) « Lorsque les confessions sont achevées, le président de la célébration invite tout le monde à l’action de grâce. » (RR 29)

1.4 Des formules de l’ordre de la proposition

Dans le Rituel romain, nous trouvons ces formules : « il est souhaitable » (RF 18), « il convient que » (RR 22), « s’il en est besoin », « si c’est nécessaire » (RR 18), « s’il le faut » (RR 22), « il est bon » (RR 24), « il sera bon » (RR 25), « on choisira… en préférant » (RR 24), « on fera bien de » (RR 25), « si cela semble opportun » (RR 26), « si on le juge préférable » (RR 27), « il est très souhaitable » (RR 37).

À côté de ces formules de proposition, nous trouvons également les mots d’ordre impératif, mais ils sont très limités. Ces mots concernent :

1.4.1 Le confesseur

« Le confesseur doit toujours se montrer prêt à recevoir les pénitents, chaque fois que ceux-ci le demandent raisonnablement. » (RR 10) Il « doit acquérir les connaissances et la prudence nécessaires » pour « accomplir fidèlement et correctement son rôle » (RR 10). Il est tenu à « garder inviolablement le secret sacramentel. » (RR10) « Le prêtre donne au pénitent une satisfaction, qui ne doit pas être seulement une compensation pour le passé, mais encore une aide pour renouveler sa vie et un remède à sa faiblesse ; c’est pourquoi elle doit correspondre, autant que possible, à la gravité et à la nature de ses péchés. » (RR 18)

1.4.2 Le pénitent

Le pénitent doit réparer les dommages ou les scandales causés (RR 18). Nous remarquons ici un autre devoir qui devient polémique et qui porte la trace du courant pénitentiel. Il s’agit du numéro 34 (RR) qui parle du devoir de faire une confession individuelle de tous les péchés graves remis par une absolution collective[9].

1.4.3 La nécessité d’écouter la Parole de Dieu

« Le sacrement de pénitence doit débuter par l’audition de la Parole, car Dieu par sa Parole appelle à la pénitence et conduit jusqu’à la véritable conversion du coeur. » (RR 24) Le fait que l’écoute de la Parole de Dieu soit obligatoire manifeste la nouveauté mise en place par le Rituel et son importance dans la démarche communautaire de réconciliation[10]. C’est en écoutant la Parole de Dieu que les ministres et les pénitents « sont conduits à confronter leur vie à cette Parole et à découvrir les appels de l’Évangile. » (RR 8). Il en va ainsi pour l’examen de conscience en commun qui « peut remplacer l’homélie, mais, en ce cas, il doit clairement trouver son point de départ dans le texte de l’Écriture Sainte lu préalablement. » (RR 26).

Un autre cas concerne la nécessité du sacrement : le Rituel reprend l’enseignement de Trente avec quelques modifications. Le concile de Trente considérait « de droit divin la nécessité de recourir à la confession de tous et chacun des péchés mortels » (canon 7, Denzinger, 1707). Dans le Rituel, l’expression « de droit divin » a disparu[11] et l’adjectif « grave » a remplacé celui de « mortel » (RR 7 et 31). Selon Rey,

la notion de péché grave avait été introduite dans le cadre de la pénitence antique où elle ne désigne pas seulement l’aspect moral de la faute mais la « gravité » de ses conséquences sociales y compris dans l’Église. Le fait que le Rituel ait préféré l’expression « péché grave » à celle de « péché mortel », qu’il n’utilise jamais, marque donc une volonté de se situer dans la perspective ecclésiale souhaitée par le concile Vatican II.

Rey 1995, 138

La rhétorique d’invitation développée dans le nouveau Rituel est donc située dans le style de Vatican II. Cette rhétorique est renforcée par la mise en oeuvre d’un nouveau genre littéraire, à savoir le genre épidictique. C’est ce que nous développerons dans la deuxième partie.

2. Le genre épidictique

L’art épidictique consiste à faire les éloges de l’autre ou à le blâmer (O’Malley 2004, 35). Le Rituel a choisi le premier aspect de cet art. Loin d’enfermer les pénitents dans leur culpabilité, le nouveau Rituel veut les conduire vers la confession de l’amour de Dieu. Il est important de noter qu’en version latine, le verbe confiteri est pris soit dans le sens de louer (RR 20, 29), soit dans le sens de se confesser (RR 33, 34), voir De Clerck (1982, 398).

Dans les Praenotanda, l’art épidictique s’exprime par ces mots : « L’appel de la Bonne Nouvelle rejoint les hommes en ce qu’ils ont de meilleur. » (RF 3) « “Confesser” l’amour de Dieu en même temps que notre péché. Cette confession ne saurait se réduire à la seule accusation des péchés […]. Pénitent et ministre confessent ensemble l’amour de Dieu à l’oeuvre en ceux qui reviennent à lui. » (RF 16) « La célébration de ce sacrement est donc toujours un acte par lequel l’Église proclame sa foi, rend grâce à Dieu pour la liberté en vue de laquelle le Christ nous a libérés (Ga 4,31), et offre sa vie comme un sacrifice spirituel pour louer la gloire de Dieu tandis qu’elle s’avance à la rencontre du Christ. » (RR 7) « Par la prière ils [les chrétiens et les ministres du sacrement] s’entraident à confesser l’amour de Dieu qui sauve du péché. » (RR 8) « Après que chacun [ait] confessé ses péchés et reçu l’absolution, tous ensemble louent Dieu pour les merveilles qu’il accomplit au profit du peuple que son Fils s’est acquis au prix de son sang. » (RR 22) « Celui qui préside conclut la célébration par une prière en louant Dieu pour le grand amour dont il nous a aimés. » (RR 29)

Pour aller plus loin dans cet art épidictique, le Rituel a repris le terme « réconciliation ». Selon O’Malley, « le genre épidictique est une forme d’art de persuasion et ainsi de réconciliation. » (2006, 26, nous traduisons) Ce genre nous rappelle, poursuit cet historien jésuite, que ce que nous avons en commun est plus grand que ce qui nous sépare. Dans notre cas, ce que nous avons en commun, c’est l’amour miséricordieux et pardonnant de Dieu ; ce qui nous sépare de Dieu et de nos frères et soeurs, ce sont les péchés. Il faut donc partager un idéal commun et travailler ensemble en vue de l’atteindre, pour le bien de tous qu’est l’amour de Dieu[12]. S’engager dans la perspective de persuasion et de réconciliation, c’est se mettre soi-même au même niveau que celui qu’on veut persuader et réconcilier. Persuader, réconcilier ne signifient pas commander d’en haut ni contraindre, mais travailler de l’intérieur. Pour persuader, réconcilier, il faut que l’auteur du discours établisse une réciprocité entre lui et ses auditeurs afin que ces derniers puissent comprendre qu’ils partagent les mêmes « joies et espoirs, tristesses et angoisses » (Gaudium et Spes 1 ; voir O’Malley 2006, 26).

L’utilisation du vocable « réconciliation » a été beaucoup appréciée par les commentateurs. Dans l’Antiquité chrétienne, ce terme est employé pour désigner la célébration au cours de laquelle les pénitents sont réadmis dans la communauté chrétienne. Cette célébration avait lieu après l’accomplissement de l’actio paenitentiae de la part des pénitents qui participent alors de nouveau à la communion eucharistique. Quand l’Église abandonne cette discipline pénitentielle antique, elle conserve ce terme. Le concile de Trente emploie ce terme sans préciser davantage. Cet emploi a pour but de désigner l’effet du sacrement : la réconciliation avec Dieu. À aucun moment, Trente ne parle de réconciliation avec l’Église (voir De Clerck 1982, 394).

Vatican II a donc réhabilité le terme biblique de réconciliation qui a un aspect moins juridique[13] et qui a une proximité avec la sensibilité moderne. En ce qui concerne les sacrements, ce vocable est employé en Lumen Gentium 11 et Presbyterorum Ordinis 5 sous une forme juxtaposée à pénitence[14]. Dans le corpus choisi, si nos relevés sont exacts, les mots « réconciliation » et « réconcilier » sont employés 42 fois, et le mot « pénitence » est utilisé 40 fois. Or, aux numéros 9 à 13, une addition de la version française, le vocable « réconciliation » est utilisé 11 fois (le terme « pénitence » y est employé seulement 3 fois). On se demande si la version française n’entend pas déséquilibrer ces deux termes. En plus, l’adaptation de ce Rituel en langue française donne une définition de la réconciliation : « Réconciliation[15] désigne surtout le but et le résultat de tout le processus : l’amitié renouée entre Dieu et l’homme. » (RF 5) Ce vocabulaire est donc très proche du style de Vatican II. Aux dires de Sottocornola, qui fut le secrétaire de la seconde commission de la réforme rituelle,

[e]n parlant du sacrement de la réconciliation, la pratique catéchétique et pastorale fait revivre ce terme et remettra en évidence ce double élément du sacrement lui-même : l’amour de Dieu qui prévient l’homme par son offre de pardon et la réponse de ce dernier qui l’accueille et exprime en échange son amour par sa conversion. En outre, ce terme fait mieux ressortir l’aspect horizontal, ou ecclésial, du sacrement : la réconciliation avec les frères et la communauté, sans laquelle l’homme ne peut être réconcilié avec Dieu.

Sottocornola 1974, 92

À l’encontre de cette interprétation, De Clerck, qui a fait une étude détaillée sur le Rituel en version latine, remarque que

[l]’introduction du thème de la réconciliation n’y change finalement rien, ou pas grand-chose ; il offre une piste d’envol, ou une toile de fond. Mais lorsque les choses deviennent précises et que l’on traite de ce qui est considéré comme le sacrement proprement dit, ce vocabulaire disparaît pour laisser place à celui de la Pénitence.

De Clerck 1982, 398

De Clerck avait relevé les occurrences de « pénitence » et de « réconciliation » de l’ensemble du Rituel romain. Les occurrences de « pénitence » sont quatre fois plus que ceux de « réconciliation » : 120 contre 29. Ce liturgiste est allé jusqu’à distinguer l’usage de majuscule et de minuscule de « paenitentia » pour « en faire un principe d’interprétation de la pensée des rédacteurs. » (De Clerck 1982, 397). Le titre du numéro 8 (RR) est intitulé De munere communitatis in celebratione paenitentiae, tandis que le numéro 9 a utilisé une majuscule pour traiter De ministro sacramenti Paenitentiae. Il en va ainsi pour le numéro 22 : Celebratio communis naturam ecclesialem paenitentiae clarius manifestat. Notre auteur en a tiré cette conclusion : « l’utilisation de la minuscule est une habile manière de réduire la nature ecclésiale du sacrement » (De Clerck 1982, 398).

Sans entrer dans ce débat, nous remarquons simplement que, lorsque les Praenotanda invitent les chrétiens à participer à des célébrations pénitentielles non sacramentelles (RR 37), ils précisent qu’il s’agit là de célébrations de la pénitence. La note de bas de page précise encore : « C’est à juste titre qu’on peut les qualifier de “célébrations de la pénitence” et non pas “célébration de la réconciliation”. Cette dernière qualification ne peut s’appliquer, en rigueur de terme, qu’aux célébrations sacramentelles[16]. » De plus, le terme « réconciliation avec l’Église » utilisé dans le Rituel est nouveau. Il est apparu pour la première fois en Lumen Gentium 11 que nous avons cité plus haut (note 14). Ce terme est développé dans les applications du sacerdoce commun des fidèles et est repris intégralement dans le Rituel romain au numéro 4.

Quoi qu’il en soit, le terme de « réconciliation » souligne un aspect horizontal du sacrement. Cette dimension horizontale se manifeste plus clairement avec l’utilisation d’un vocabulaire très caractéristique du style Vatican II. Quels sont ces mots spécifiques ? C’est l’objectif de notre troisième partie.

3. Vocabulaire caractéristique

Notons que « l’analyse rhétorique du style ne se limite pas à identifier un genre d’éloquence. Elle se penche aussi sur le vocabulaire utilisé dans l’effort de persuasion. » (Jobin 2012, 20). Dans le Rituel, nous trouvons des mots de l’ordre de l’accueil, du dialogue, de la relation horizontale entre le ministre du pardon et le pénitent, de l’ouverture, d’appel à la sainteté et de l’intériorité[17] :

3.1 Accueil

Accueil de Jésus et du pardon de Dieu : « Jésus ne s’est pas contenté d’exhorter les hommes à la pénitence pour qu’ils abandonnent le péché et se tournent vers Dieu de tout leur coeur (Lc 15) ; il a accueilli les pécheurs pour les réconcilier avec le Père. » (RR 1) « Accueillir le pardon de Dieu pour en être les témoins. Dans cet acte sont engagés le ministre qui donne l’absolution et le pénitent qui manifestera dans sa vie les fruits du pardon. » (RF 16)

Accueil mutuel : « S’accueillir mutuellement, comme le Christ a accueilli les pécheurs. » (RF 16) « Par les différentes formes d’accueil mutuel, aussi bien de la part des ministres que de l’ensemble des chrétiens, ils peuvent s’aider les uns les autres à rompre l’isolement et à se reconnaître appelés à la conversion. » (RR 8)

Accueil du ministre du pardon : « En les [pénitents] accueillant et en les aidant à faire la lumière, il [le ministre du sacrement] leur révèle l’amour du Père. En même temps, il est pour ses frères visage du Christ venu pour les pécheurs. » (RR 10) « Le prêtre accueillera le pénitent avec la charité d’un frère, s’il en est besoin, le saluera avec des paroles bienveillantes. » (RR 16)

Notons aussi la façon dont il est suggéré au ministre de répondre au pénitent qui lui a demandé : « Bénissez-moi, mon Père, parce que j’ai péché. » Huit exemples sont donnés parmi lesquels deux sont des créations du Rituel francophone ; citons la plus brève : « Que Dieu vous bénisse et que son Esprit nous éclaire l’un et l’autre pour célébrer le sacrement du pardon. » Deux traits sont ici remarquables : tout d’abord, la référence explicite à l’action de l’Esprit et ensuite, la façon dont le ministre se situe du même côté que le pénitent par rapport à Dieu en priant ainsi avec son frère celui qui seul pardonne (Marliangeas 1982, 447). La manière dont le ministre du pardon accueille le pénitent indique déjà le ton du dialogue entre eux.

3.2 Dialogue et relation horizontale entre le ministre du pardon et le pénitent

Le Rituel francophone nous conduit à parler d’une structure dialogale entre le ministre du pardon et le pénitent. « Le dialogue entre le pénitent et le ministre permet de préciser les signes de conversion et de pénitence qui conviennent à la situation de ceux qui reçoivent ainsi le pardon de Dieu. » (RF 26)

O’Malley a qualifié le dialogue de style prophétique qui est tout, sauf une dimension unilatérale. Dans le Rituel romain, nous voyons que la confession est proposée dans un cadre de prière[18] où le prêtre et le pénitent se situent face à Dieu. Ils se trouvent ensemble comme des frères en présence de la miséricorde de Dieu. Dans le Rituel francophone, le rôle de juge du ministre du pardon est adouci par l’image du « médecin des âmes » (RF 22). En effet, en reprenant le numéro 10 du Rituel romain, le Rituel francophone apporte certaines modifications[19] :

RR 10a : Pour que le confesseur soit capable de remplir correctement et fidèlement cette charge, il faut qu’il discerne les maladies de l’âme, qu’il leur apporte les remèdes appropriés, qu’il exerce le rôle de juge avec sagesse, qu’il acquière les connaissances et la prudence nécessaires par une étude continue.

RF 22a : Le ministre du sacrement est serviteur du pardon de Dieu, tel qu’il s’exerce par l’Église. Suivant la doctrine traditionnelle, que le concile de Trente prend à son compte, son ministère s’apparente autant à celui d’un « médecin des âmes » qu’à celui d’un « juge ». Pour accomplir fidèlement et correctement son rôle, il doit acquérir les connaissances et la prudence nécessaires par une étude continue.

Le ministre exerce donc un « jugement spirituel[20] » au nom du Christ (in persona Christi en version latine, le Rituel francophone traduit cette expression par « au nom du Christ » en gardant entre parenthèses ces mots en latin). Sa tâche est fraternelle et non pas paternelle comme dans RR 10[21]. Le RF diminue autant que possible le caractère judiciaire de l’acte ministériel[22]. C’est dans ce sens que nous pouvons dire qu’« autrefois administré, le sacrement peut être maintenant célébré[23] » en communauté.

C’est dans cette insistance sur la dimension communautaire[24] de la célébration du sacrement que le Rituel francophone a transformé un certain nombre de mots. Lorsque le Rituel romain parle de « réconciliation de plusieurs pénitents », le Rituel francophone parle de « célébration communautaire » (les titres des paragraphes 7 et 8). La transformation du paragraphe 8 de l’Ordo paenitentiae est porteuse de sens[25] :

RR 8 : L’Église entière en tant que peuple sacerdotal, en annonçant l’oeuvre de la réconciliation que le Seigneur lui a confiée agit de diverses façons. Non seulement elle invite à la pénitence par la prédication de la Parole de Dieu, mais encore elle intercède pour les pécheurs et leur vient en aide avec un amour et une sollicitude maternelle pour qu’ils reconnaissent et avouent leurs péchés et obtiennent la miséricorde de Dieu, qui seul peut remettre les péchés. Mais, de plus, c’est l’Église elle-même qui devient instrument de conversion et de pardon pour le pénitent par le ministère que le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs.

RF 20 : L’Église entière, en tant que peuple sacerdotal, agit de façon diversifiée en exerçant l’oeuvre de réconciliation (Mt 18,18 ; Jn 20,23) qui lui a été confiée par Dieu. Car non seulement elle invite à la pénitence par la proclamation de la Parole de Dieu, mais encore elle intercède pour les pécheurs.

Invités à manifester et à vivre la communion que crée en eux l’Esprit Saint, les chrétiens sont conduits à la reconnaissance commune de ce qui les divise ; ils sont appelés à une conversion à faire ensemble, ainsi qu’à une démarche de réconciliation entre eux.

Par les différentes formes d’accueil mutuel, aussi bien de la part des ministres que de l’ensemble des chrétiens, ils peuvent s’aider les uns les autres à rompre l’isolement et à se reconnaître appelés à la conversion. En écoutant la Parole qui proclame la miséricorde de Dieu, ils sont conduits à confronter leur vie à cette parole et à découvrir les appels de l’Évangile. Par la prière, ils s’entraident à confesser l’amour de Dieu qui sauve du péché. Lorsque les ministres du sacrement pardonnent au nom de Dieu, ils exercent leur fonction au coeur même d’une action de l’Église dont ils sont les serviteurs.

Selon Rey,

les transformations et compléments apportés au texte romain soulignent bien que pour les rédacteurs de la version francophone la communauté est une réalité sociale spécifique, irréductible à la somme des individus qui la composent. Elle n’est pas seulement un rassemblement permettant à chacun de se préparer à rencontrer Dieu dans le sacrement, elle est le sujet d’une action collective où se donnent à vivre cette rencontre et la réconciliation.

Rey 1995, 163, l’auteur souligne

C’est en assumant le sujet d’une action collective que la communauté au sens plus large qu’est l’Église est appelée à ne plus être repliée sur elle-même.

3.3 Ouverture

Pour être fidèle à l’appel de l’Évangile, l’Église, en célébrant le sacrement de réconciliation, est invitée à être ouverte aux réalités sociales.

C’est l’Église, comme corps, qui est provoquée à changer de visage et de comportement, dans un certain nombre de situations où sont en cause les comportements collectifs des chrétiens. L’Église, en effet, n’échappe pas à la lourdeur qui marque les réactions des groupes sociaux humains : réactions de repli sur soi, réactions d’exclusion des faibles et des marginaux. Or l’appel de l’Évangile est contredit chaque fois que l’on se ferme aux pauvres, aux délaissés. (RR 4)

La note de bas de page de ce paragraphe précise : « C’est ainsi que les communautés chrétiennes ont à trouver une attitude positive vis-à-vis de tous ceux que leur situation éloigne des sacrements. » Nous trouvons ici une allusion aux personnes divorcées remariées que le RR 37 invite à participer aux célébrations non sacramentelles pour « se joindre à une démarche communautaire ecclésiale. »

Également, l’Église est appelée à prendre en compte différentes formes de la pénitence en fonction de la diversité de la vie ecclésiale, des situations (RR 7). C’est « un style voulant écouter les différents points de vue et en tenir compte, un style ouvert et honnête » dont parlait O’Malley (2006, 31, nous traduisons). Les chrétiens se réunissent pour célébrer le sacrement de réconciliation non pas seulement pour s’aider à reconnaître leur péchés personnels, mais encore et surtout pour être à l’écoute les uns les autres dans un esprit d’ouverture. En même temps, ils sont appelés à porter ensemble la responsabilité ecclésiale. Il s’agit ici de « l’aspect social de la grâce et du péché, car les actes individuels retentissent d’une certaine façon sur tout le corps de l’Église » (RR 25). C’est dans cet aspect social de la grâce et du péché que nous pouvons dégager une manière de vivre la réciprocité : de même que le péché nuit les uns aux autres, la sainteté des uns profite aux autres (RR 5).

3.4 Appel à la sainteté

L’Église est à la fois sainte et appelée à se purifier (RR 3). C’est l’image de l’Église pèlerine qui « poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement » pour témoigner de « la sainteté de Dieu à l’oeuvre au coeur du monde. » (RR 3) En écoutant et proclamant la Parole de Dieu, l’Église aide les hommes et les femmes dans leurs besoins d’être transformés individuellement et collectivement dans un monde marqué par l’injustice. En même temps, elle reconnaît qu’elle a besoin de se convertir continuellement. C’est une attitude de modestie de l’Église. Cette attitude modeste est très proche du style de Vatican II. Selon le concile, l’Église qui, « est sainte et, en même temps, doit toujours être purifiée, recherche sans cesse la pénitence et le renouvellement. » (Lumen Gentium 8) L’appel à la sainteté n’est pas un appel à la conformité externe à un code de conduite. Il est l’effusion de l’Esprit Saint dans le coeur, dans ce qui est intime à chaque fidèle (voir O’Malley 2006, 29).

3.5 Intériorité

Aux dires d’O’Malley, ce qui est nouveau dans le concile Vatican II, c’est la prise en considération de la primauté de la conscience et de la « loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme » (Gaudium et Spes 16). Dans le nouveau Rituel, nous rencontrons des mots de l’ordre de l’intériorité.

Les prophètes comme Jérémie et Ézéchiel « annonçaient une nouvelle alliance où Dieu prendrait l’initiative d’inscrire sa Loi au coeur même de l’homme. » (RR 1) « Le disciple du Christ qui, après avoir péché, recourt au sacrement sous la motion de l’Esprit Saint doit, avant tout, se tourner vers Dieu de tout son coeur. » (RR 6)

Nous remarquons aussi des mots de l’ordre du « changement intérieur de l’homme tout entier », de la « contrition intérieure » (RR 6). En effet, « la conversion de l’homme doit l’affecter intérieurement pour l’éclairer plus profondément chaque jour et le transformer de plus en plus à l’image du Christ. » (RR 6)

Également, le Rituel nous parle de « la véritable conversion du coeur » (RR 24), d’« un assentiment intérieur » (RR 24), sans oublier « la nécessité de la pénitence intérieure, par laquelle nous sommes disposés aussi à réparer les dommages causés par le péché » (RR 25).

Dans le champ lexical des mots de l’ordre de l’intériorité, nous constatons que le mot « Esprit Saint » ou « Esprit » est employé 16 fois dans les Praenotanda. En ce qui concerne le ministre du pardon, la référence à l’Esprit Saint nous aide à comprendre que ce ministère n’est pas d’abord « une fonction juridique et disciplinaire, mais un ministère spirituel et “charismatique”, dont l’exercice doit être inspiré intérieurement par l’Esprit du Christ. » (Rouillard 1975, 182) Englobée dans un mouvement pneumatologique, la réconciliation n’est donc pas considérée d’une manière extérieure. Elle n’a pas pour seul objectif d’« effacer » et d’« enlever » les péchés, mais elle invite les pénitents à opérer un changement d’esprit, d’intériorité et d’orientation (voir Rouillard 1975, 182). Sur cette belle perspective d’un changement d’esprit, d’intériorité et d’orientation, nous parvenons à notre conclusion.

Conclusion

Réfléchissons ici davantage sur la question que plusieurs ont posée en étudiant ce Rituel : « Célébrer la réconciliation ou la pénitence ? » En analysant la forme littéraire du nouveau Rituel, nous voyons qu’il porte le nom traditionnel du sacrement du pardon (paenitentia) en ouvrant une fenêtre sur une longue pratique de huit siècles[26]. En effet, le nouveau Rituel avait mis en oeuvre la célébration communautaire du sacrement de réconciliation avec confession et absolution collectives. Cependant le Rituel romain s’était tenu entre deux théologies, à savoir celle de la réconciliation et celle de la pénitence. Quant au Rituel francophone[27], dans son développement, c’est la théologie de la réconciliation qui l’emporte. Ce Rituel est allé aussi loin qu’il pouvait en rendant souple la fermeté de l’unique moyen ordinaire de réconciliation[28]. En respectant la discipline donnée par les documents romains, le Rituel francophone reconnaît la complémentarité des diverses formes de célébration de réconciliation : « Chacune de ces formes a sa valeur propre. Elles sont des expressions complémentaires d’une même réalité qu’aucune forme, à elle seule, ne peut prétendre épuiser dans sa totalité. » (RF 17) Pour Rey, il est important de remarquer que, « malgré cette divergence sur un point essentiel, les autorités compétentes[29] du Siège apostolique acceptent d’approuver le Rituel francophone, reconnaissant ainsi officiellement son intérêt pastoral et son orthodoxie doctrinale. » (1995, 167)

Le changement dans le contenu doctrinal et dans la forme pastorale du Rituel francophone trouve donc son appui dans le changement de style de Vatican II. Ce faisant, ce Rituel avait pu honorer l’enseignement conciliaire : « Chaque fois que les rites, selon la nature propre de chacun, comportent une célébration commune, avec fréquentation et participation active des fidèles, on soulignera que celle-ci, dans la mesure du possible, doit l’emporter sur leur célébration individuelle et quasi privée. » (Sacrosanctum Concilium 27) C’est pourquoi, nous pouvons nous engager ensemble sur une nouvelle voie vers le sacrement de la réconciliation. Pour De Clerck, la réconciliation est définie

comme une réalité à double face, sacramentelle. Elle désigne tout à la fois l’initiative de Dieu réconciliant l’humanité avec lui dans le Christ, […] telle que les Praenotanda la développent dans leur premier chapitre. Et aussi la répercussion sociale et particulièrement ecclésiale que cette attitude de Dieu peut avoir lorsque des hommes et des femmes en font l’expérience, qu’ils la célèbrent dans la foi grâce au ministère de l’Église, et qu’ils tentent à leur tour de pardonner et d’être facteurs de réconciliation en toutes les dimensions de leur existence.

1982, 402

Pour mettre en oeuvre cette théologie du sacrement de réconciliation, chacun est invité, individuellement et en communauté, à entrer dans une double reconnaissance : celle de l’amour pardonnant et réconciliateur de Dieu, et celle du péché de chacun à la lumière de cet amour. De plus, nous faisons de notre mieux pour favoriser les pratiques communautaires de la réconciliation en prenant en compte la possibilité d’une absolution collective mise en oeuvre par le nouveau Rituel[30]. L’Église est en effet le premier sacrement de réconciliation, elle est par la nature « réconciliatrice » (Jean-Paul II 1984, § 8). Mais elle est composée de pécheurs, c’est pourquoi elle est invitée à être d’abord une « Église réconciliée[31] » (Jean-Paul II 1984, § 9) en prenant sans cesse le chemin de conversion pour témoigner d’un amour réconciliateur qui vient au-delà d’elle et qui trouve sa source dans la vie trinitaire.