Corps de l’article

Pentecôte,

où l’Esprit qui souffle

nous pousse dans un courant de transformation.

Le mouvement des femmes bien vivant se déploie

avec éclat et démesure.

Dumais 1997, 204

Pionnière de la théologie féministe au Québec, Monique Dumais a oeuvré également dans les secteurs disciplinaires de l’éthique séculière et de l’éthique féministe chrétienne. Elle a fait carrière comme professeure à l’Université du Québec à Rimouski pendant 27 ans, entre 1970 et 2001, où elle a occupé le poste de directrice du département de sciences religieuses et d’éthique pour une période de huit ans. Elle est l’autrice de 8 monographies et de plus de 160 articles. Une recherche à la rubrique « Auteures » du site internet de la collective féministe et chrétienne L’autre Parole, qu’elle a cofondée en 1976, renvoie à 142 mentions, des textes de tous ordres rédigés par elle, le tout pour les 147 numéros de la revue L’autre Parole, publiés à ce jour[1].

Le décès de Monique Dumais, survenu le 16 septembre 2017, a suscité le désir de revisiter sa production écrite. Comme théologienne, elle a concentré sa recherche sur ce qui est essentiel en théologie féministe de sorte que la relecture de ses textes nous convie à faire et à refaire nos gammes en ce qui la concerne.

Monique Dumais avait une manière unique d’incarner une posture féministe et chrétienne qu’elle a exprimée, entre autres, par sa passion pour des créations artistiques et par quelques essais artistiques de sa part. Afin de transmettre des idées au-delà de la rationalité « patriarcale », dans le cadre d’activités du groupe L’autre Parole, notamment, il n’était pas rare de la voir arriver déguisée, avec ses compagnes du groupe de Rimouski, pour utiliser l’humour ou la parodie, pour lire un poème ou pour performer une saynète féministe avec costumes et de décors originaux faits de mains de femmes. Le tout rendait possible l’expression d’un indiscernable à propos de la vitalité des expériences des femmes.

Lors de l’événement québécois de clôture de la Marche mondiale des femmes, en octobre 2010, tenu à Rimouski, son lieu de résidence, événement auquel quelques milliers de personnes ont participé, c’est avec audace que la religieuse ursuline Monique Dumais, âgée de 70 ans, figurait sur la grande scène, vêtue de collants, participant à la performance de la troupe de danse organisée par un groupe de femmes de Rimouski qui avait décidé d’exprimer le féminisme par des mouvements des corps.

Comme critique, elle a rédigé d’innombrables recensions de productions artistiques, que l’on trouve pour la plupart dans la revue L’autre Parole. Elle s’est intéressée plus particulièrement, mais pas uniquement, à la poésie, au théâtre et à la littérature.

L’art a occupé une place notable dans la vie et dans les écrits de Monique Dumais. Voilà qui donne à penser au moment où l’on s’apprête à revisiter sa théologie féministe. Un angle d’approche de celle-ci, qui s’annonce productif, consiste à poser les questions suivantes : quelle fonction y occupe l’art ? Comment l’intégration de l’art dans ses travaux a-t-il marqués, voire transformés, ceux-ci ? Quels sont les liens intrinsèques entre des modes d’expression artistique et des éléments fondamentaux de la théologie féministe de Monique Dumais ? Le présent article rend compte d’une recherche qui a pris son point de départ dans ces questions.

La première section de l’article abordera le cadre théorique et méthodologique choisi. Les sections suivantes présenteront, d’abord, les créations conceptuelles de la théologie féministe de Monique Dumais, puis, une mise en contexte de son traitement de créations artistiques ; s’ensuivra une construction de liens entre les deux domaines. L’objectif premier de l’étude consiste à analyser sa théologie féministe. Comme on le verra, mener à bien ce projet en les reliant à l’art ouvre à des pistes fructueuses et innovatrices.

1. Cadre théorique et méthodologique

Trois séries de questions se posent. D’abord, quels groupes de textes choisir pour y lire ce que j’ai appelé « la théologie féministe de Monique Dumais » ? Le défi consiste à identifier un corpus délimité, qui permet cependant d’offrir une perspective d’ensemble de cette théologie.

Ensuite, quelle conception de l’art adopter ? La question importe, car le concept choisi orientera l’analyse des créations artistiques de l’autrice. Il déterminera également la construction de liens entre le travail conceptuel et artistique de l’autrice.

Enfin, comment lire les textes choisis à partir d’eux-mêmes ? Quelles procédures de lecture adopter afin de lire un corpus parfois trop bien connu pour entendre un inédit et pour apprendre à penser ?

Reprenons chacune de ces questions.

1.1 Le corpus de textes

Comme groupe de textes susceptible d’offrir une perspective d’ensemble de la théologie féministe de Monique Dumais, je choisis les onze chapitres qu’elle a publiés dans les ouvrages collectifs de la Société canadienne de théologie (SCT) sur une période de trente ans (Dumais 2016, 2009a, 2009b, 2007a, 2007b, 2004b, 2002, 1997, 1994, 1988, 1986). Membre active et assidue de la SCT sur une longue durée, Monique Dumais s’était assignée la tâche de faire connaitre la théologie féministe au milieu universitaire théologique québécois, qui y était ouvert, mais sans trop s’y investir. Notons qu’elle a reçu, en 2008, le titre de membre honoraire de la SCT. Soulignons également qu’elle y oeuvrait dans un milieu majoritairement masculin où ses collègues lisaient et citaient peu la théologie féministe.

La Société canadienne de théologie a été masculine sur le plan des effectifs et des contenus théologiques pour la période 1986-2016. Ses publications collectives prennent la forme d’actes des congrès annuels et regroupent entre 15 et 20 chapitres. Dans une vingtaine de ces volumes consultés, on compte en moyenne 1,5 autrice, soit 10 %. Convenons que ce chiffre est peu élevé. Deux ouvrages font exception pour leur respect de la parité entre les femmes et les hommes. Ils ont été dirigés ou codirigés par Monique Dumais, en 2007.

Dans les textes qu’elle a rédigés pour la collection de la SCT, la théologienne montre comment aborder la question thématique annuelle du congrès d’un point de vue de théologie ou d’éthique féministes. Les chapitres placent en leur centre l’approche féministe, à l’exception d’un seul qui la mentionne en mineure (2007a). De plus, le corpus fournit des constructions conceptuelles sur trente ans où l’on découvre les problématiques privilégiées par l’autrice au fil du temps et où elle réfère à ses textes théoriques les plus importants dont elle synthétise les idées fortes.

Comme il convient de s’arrêter à un nombre circonscrit de parutions, mais qui forment une certaine unité, ce corpus offre une coupe substantielle de ses travaux dont on peut dégager des éléments clés de sa théologie féministe.

1.2 Le concept d’art

Pour la présente étude, j’adopte le concept d’art suggéré par Gilles Deleuze et par Félix Guattari dans Qu’est-ce que la philosophie ? (1991)[2] Les auteurs distinguent trois formes « d’Idées créatrices » (13), trois formes de pensée : la philosophie, qui pense avec des concepts (il s’agit de la philosophie au sens large, qui inclut la pensée en sciences humaines et, ici, les créations conceptuelles de Monique Dumais en théologie féministe) ; la science, qui pense avec des fonctions (on n’en explicitera pas plus avant la spécificité dans le présent travail) ; et l’art, qui pense avec des « composés de sensations ». Dans les trois cas, selon Deleuze et Guattari, penser consiste à tracer un plan entre le chaos et l’opinion. Nous désirons échapper au chaos, expliquent-ils, mettre de l’ordre, pouvoir nous situer, prendre appui sur du consistant. Tendue vers une forme de consistance, la création de la pensée se distingue cependant de l’opinion, car celle-ci, doxa, arrête le flux créatif.

Cette conceptualité présente l’intérêt de délimiter clairement deux domaines, les créations conceptuelles et les créations artistiques, entre lesquelles il devient possible de construire des liens.

Deleuze et Guattari posent ainsi le problème : « L’art et la philosophie recoupent le chaos, et l’affrontent », mais différemment. « L’art ne pense pas moins » que la philosophie, « mais il le fait autrement » (63). Avec la philosophie, ‘je’ ‘conçois’ ; avec l’art, ‘je’ ‘sens’. Que fait donc l’art ? Il conserverait « un bloc de sensations » (154) et ce qui est conservé « doit tenir tout seul » (155) sous la forme de ce que les auteurs appellent un « monument » [une oeuvre d’art]. Retenons provisoirement cette proposition : « L’art est le langage des sensations » qui passe « par les mots, les couleurs, les sons ou les pierres » (166).

1.3 Les modes de lecture

Je combinerai deux modes de lecture dans le but de faire ressortir des éléments clés de la théologie féministe de Monique Dumais.

Le premier est celui d’une généalogie féministe, d’une fille qui lit une mère, attentive aux forces d’une pensée qui nourrissent les questions et les créations du présent. Cette approche est appelée par l’entrecroisement des positions respectives de l’autrice et de sa lectrice.

Monique Dumais a développé une théologie féministe oecuménique chrétienne, produite dans la localisation du contexte nord-américain et québécois, du point de vue d’une femme blanche et catholique, ouverte aux enjeux de la mondialisation et de la diversité des postures. À titre de lectrice de ses textes, je me situe une génération plus jeune qu’elle, occupant une localité similaire à la sienne. L’ayant côtoyée de longue date, comme collègue universitaire et comme membre de L’autre Parole, nous nous sommes retrouvées cocréatrices de savoirs et de pratiques en perpétuel mouvement. Comme la plupart des femmes de ma génération, je me suis inscrite dans des postures constructivistes, décoloniales et intersectionnelles. Celles-ci diffèrent de celles de la « mère féministe » que je m’apprête à lire.

La philosophe Rosi Braidotti a théorisé les composantes d’une lecture féministe de type généalogique (Braidotti 1994). Elle a montré comment un pli de la modernité occidentale a conduit des filles blanches à se définir en opposition à leurs mères et comment ce pli a pu entraver une transmission de la seconde vague féministe entre mères et filles. En ce qui concerne les lectures de travaux universitaires de leurs mères féministes, des filles ont focalisé leur lecture sur ce qui leur apparaissait comme des lacunes épistémologiques ou théoriques de leurs mères, les jugeant « dépassées » par des théories universitaires de pointe sur le marché. Une lecture généalogique féministe résiste à cette tendance qui, explique Rosi Braidotti, relève de prérogatives externes à la formation du féminisme. Il s’agit plutôt de se concentrer sur les points forts du texte en ce qui concerne un apprentissage à s’inscrire dans une posture féministe, supposant qu’on peut le faire à travers une diversité de postures épistémologiques. De la sorte, ma lecture sera délibérément centrée sur les éléments-clés d’une posture féministe.

Le deuxième mode de lecture mis en oeuvre se situe en cohérence avec le concept d’art choisi. Je le tire de l’ouvrage Qu’est-ce que la philosophie ? (Deleuze et Guattari 1991). Cette option présente l’avantage de favoriser, pour moi, une lecture non habituelle de textes familiers. Deleuze et Guattari proposent en effet une technique spécifique de lecture des « créations conceptuelles ». Ils en distinguent trois entités : un personnage conceptuel, un plan d’immanence et des concepts interreliés.

Le plan d’immanence correspond à une coupe située entre le chaos et l’opinion. Imaginons-le en deux dimensions sous la forme d’un acétate. Le personnage conceptuel y dépose des concepts, situés et en interrelation entre eux. Le tout prend la forme d’une hypothèse temporaire, à la fois solide parce qu’enracinée, et fragile parce que construite et temporaire. Le personnage conceptuel correspond à une posture énonciatrice ; imaginons concrètement l’autrice, actrice-créatrice, courant sur le plan, rédigeant ses textes, fabriquant des concepts et tissant des liens entre eux[3].

En ce qui concerne la posture énonciatrice, comme souligné supra, Monique Dumais a situé son travail dans les domaines de la théologie féministe et de l’éthique (théologique) féministes. Les sources qu’elle cite, dans le corpus choisi, sont essentiellement des théologiennes et des féministes sur la scène mondiale, surtout étatsuniennes et québécoises.

Une manière d’aborder le plan d’immanence, dans le contexte de la présente étude, est de faire ressortir une question principale du groupe de textes choisis. Je retiens celle qui suit : comment analyser une transformation en cours qui consiste en une sortie des « ornières patriarcales » vers de « nouvelles avenues en les créant » à partir d’un retour à soi et à son propre souffle de femme (2007b, 295, voir 2002) ? L’autrice nomme ce changement libérateur, qui est en train de se produire, une Pâque des femmes. Un fil conducteur de sa pensée est le suivant : « Un revirement sous le souffle de l’Esprit dans toute la création s’avère nécessaire pour que soit manifestée l’incarnation dans toute sa vigueur » (1994, 57).

2. Les créations conceptuelles

Le troisième élément de la technique de lecture proposée par Deleuze et Guattari consiste en des concepts interreliés (déposés sur le plan d’immanence). On peut les identifier comme des idées fortes qui fournissent une architecture à la pensée et autour desquelles s’articulent les thèmes abordés. Ma lecture du corpus, selon les modalités expliquées, a résulté dans un regroupement en quatre pôles de concepts : (1) les expériences des femmes, (2) la domination et la libération, (3) le corps et le souffle, (4) la création-créativité et l’incarnation-[incarnativité]. Reprenons ces concepts un à un[4].

2.1 Les expériences des femmes

Monique Dumais accorde une fonction cruciale au concept d’expériences des femmes. Elle en a fait le sujet d’une recherche à laquelle elle a accordé de l’importance (Dumais 1995, 1993).

Pour Monique Dumais, la sortie du patriarcat passe par la voie obligée d’une remise en question du langage neutre et universel qui correspond au masculin. Ce mouvement exige l’émergence d’un devenir particulier des femmes dans un retour à soi. Voilà ce que vise spécifiquement le concept d’expériences des femmes (2007b, 293). Le péché, pour les femmes, consiste à continuer de se définir dans le langage universel, leur lieu d’aliénation. Leur péché se manifeste comme un « manque d’affirmation d’elle[s]-même[s] » (1986, 152), comme une incapacité d’éprouver leurs propres expériences, comme une absence de retour à soi (2007b, 295). Dans cette lignée, Monique Dumais interprète la « virginité », non comme un être femme soumis à des normes patriarcales, mais comme une capacité d’un tel retour à soi (2007b, 293 ; 2009a, 156).

Dans un texte qui précède le corpus étudié, l’autrice écrit : la foi chrétienne fait prendre position « contre la femme courbée » et « pour la vie en abondance » (1983, 62). Cela suppose « d’intégrer complètement » les « expériences des femmes » à « notre vie dans la foi chrétienne » (1983, 70).

C’est la « vitalité de nos expériences de femmes » (2016, 198) qui est visée, car elle a la force de provoquer le mouvement de sortie du patriarcat. Monique Dumais se décrit comme étant « attentive aux forces vitales des femmes » (2007b, 294). En ce qui concerne la théologie, pour le dire avec les mots de l’autrice glanés dans les textes, l’entreprise consiste à « intégrer nos expériences de femmes » (2016, 197) dans « l’institution du savoir qu’est la théologie » (2002, 265 ; voir aussi 2007b, 294) en vue de créer de « nouveaux modèles » (2002, 267).

En 2002, Monique Dumais souligne qu’après toutes ces années de mise de l’avant des expériences féministes, en théologie québécoise, l’« influence [des voix des femmes] n’est pas devenue majeure » (2002, 271). L’autrice a continué jusqu’en 2016 de placer les théologies féministes au centre de ses interventions à la Société canadienne de théologie et de les considérer comme un « exode nécessaire hors des territoires patriarcaux pour aller vers des terres nouvelles ouvertes aux expériences des femmes » (2002, 262).

Plus précisément, il s’agit des expériences féministes des femmes, c’est-à-dire de celles qui sont analysées sous le prisme de la domination et de la libération (2016, 198). Le concept d’expériences des femmes demeure étroitement lié à ceux de domination et de libération.

2.2 La domination et la libération

L’approche féministe comporte deux mouvements : celui de « montrer les distorsions, les perversions, les oppressions » et celui de créer des alternatives (2002, 267). Elle présente deux aspects : une critique des oppressions vécues par les femmes et une création de nouvelles avenues libératrices dans la diversité. Il en est ainsi de la théologie féministe qui refait ce même parcours, déconstruire et reconstruire (1994, 54), avec les mots et avec la grammaire du christianisme, à travers des lectures bibliques et théologiques.

Cette posture s’amorce avec un refus de ce qui asservit « pour exister réellement dans tout son être physique, émotionnel, rationnel et spirituel » (2007b, 292). Pour y arriver, on a besoin de la dénonciation (2002, 265) ; de « décaper les mythes stéréotypés » (2004b, 45) ; de se libérer de « la symbolique collective » de domination (2004b, 40). Il s’agit de passer de la soumission à l’affirmation (2007b, 297), de « tenter avec et pour des femmes des paroles nouvelles énonciatrices de libération et d’accomplissement » (2007b, 294), d’« imagine[r] » (2004b, 39) de nouvelles voies, de cultiver un « désir de libération » (2004b, 39).

Dans le langage de la théologie chrétienne, Monique Dumais appelle ce passage « la Pâque des femmes » (2002, 262). Il se produit une transformation, une métamorphose (2004b, 40), un changement est en train de s’effectuer (2004b, 45 ; voir 2002, 272). Dans les textes analysés, l’attention est tournée vers l’acte du passage, vers ses obstacles et ses conditions, plus que vers les résultats des créations libératrices dans leur multiplicité.

2.3 Le corps et le souffle

La posture féministe de Monique Dumais s’énonce avec les mots du christianisme et selon une grammaire chrétienne. Elle parle du souffle de vie (l’Esprit) qui traverse les corps des femmes (le tout de leur être matériel).

Pour l’autrice, la sortie de la domination se traduit par une échappée du dualisme dans une réconciliation du corps et du souffle. Elle décrit la Pâque des femmes comme « sortie d’un corps clos à la façon patriarcale et entrée dans un corps habité par des émotions et libre de donner » (2009a, p. 157).

Un concept principal de la construction théologique de Monique Dumais est en effet « le corps ». Il signifie le tout de la personne en sa matérialité. L’autrice indique qu’elle parle « indistinctement du corps et de la chair dans leur réalité concrète, tangible, limitée et ouverte » (1983, 54).

C’est que les femmes vivent leur corps de manière négative dans la logique patriarcale (2009a). Celle-ci assigne au corps de la femme une nature précise, celle d’un être clos (1988, 144), différente de celle de l’homme, lui culturel, elle, naturelle. Le corps féminin serait ainsi incapable d’innovation culturelle. Il aurait à conserver son modèle éternel (1988, 145). Du corps maternel sont déduits les rôles de service et le contrôle des femmes (1994, 50). L’autrice souligne que c’est « dans leur corps réel que les femmes sont dénigrées et contrôlées » (1988, 150). La posture féministe refuse la crucifixion des corps des femmes ; elle rejette la résignation à l’exclusion et à la violence subie par les corps des « femmes battues, violentées, mutilées, démembrées […] » (2009b, 89).

Pour les autorités de l’Église catholique romaine, les femmes revêtent « un corps autre dans l’institution » (1988, 142), celui de la mère et de l’épouse (1988, 148). Il se produit ainsi un « corps à corps » entre les femmes qui aspirent à la liberté et les autorités ecclésiales. La théologie féministe vise à ce « que ce “corps à corps” devienne un enjeu qui soit source d’une grande vitalité pour l’Église » (1998, 150).

La libération passe par une nouvelle conception des corps des femmes, hors du « déterminisme biologique » (2009b, 87), comme lieu d’incarnation de forces vitales dans la diversité. Une femme a le défi de « faire corps avec son corps » (2009a, 155), celui d’une réappropriation du corps qui laisse couler le sang menstruel, qui donne naissance, qui vit des rapports charnels, qui goûte ses forces vitales (2002, 264). Les éléments de l’expérience corporelle féminine auront ainsi à être repris dans les constructions théologiques libératrices jusqu’à la parole de Jésus « ceci est mon corps, ceci est mon sang », reprise dans la liturgie chrétienne, qui, selon Monique Dumais, renvoie au corps et au sang matériels des femmes (2002, 264).

La « danse de la rédemption », écrit Monique Dumais, survient dans le monde matériel créé (1994, 61). La déconstruction féministe du dualisme entre la matière et l’esprit, reprise en théologie, résulte en un corps réapproprié des femmes rempli de la ruah, du Souffle de l’Esprit, qui inspire les femmes. Le Souffle-énergie (2016, 198) donne « une poussée » pour le passage de la transformation (2016,199).

Le souffle, voilà un autre concept central de l’architecture étudiée, relié au corps et à la transformation.

Le féminisme nous donne du souffle, écrit l’autrice. Comme « une brise d’air frais » ou comme un « vent impétueux », il pousse vers de « nouveaux horizons » (2007b, 291). Retrouver leur souffle, pour les femmes, signifie « naître à elle-même » spirituellement et s’approprier leur parole (2007b, 292). « La reprise de contact avec son propre souffle, écrit Monique Dumais, mène à laisser émerger ce qui est au centre de son énergie, de ses forces vitales » (2007b, 292). Qu’on ne vienne pas « pomper l’air » aux femmes (2004b, 40), qu’elles puissent retrouver ce qui les anime ». Le souffle agit comme dynamisme de libération. L’Exode appelle à « quitter nos territoires bien établis, à passer à l’autre rive, à laisser le souffle nous envahir ». Avec pneuma, spiritu, ruah, on passe de la soumission à l’affirmation (2007b, 297 ; voir 2004b, 35). Un lien étroit est ainsi construit entre la Pâque (le passage) et la Pentecôte (la force du souffle en soi).

« Pentecôte, écrit Monique Dumais,

où l’Esprit qui souffle

nous pousse dans un courant de transformation »

1997, p. 204

L’Esprit souffle en toutes et en tous, pas seulement pour les successeurs des apôtres (1994, 54). Pour les femmes, agir en Église, c’est se situer dans la lignée de la Pentecôte (2007b, 296).

2.4 La création-créativité et l’incarnation-[incarnativité]

Pour passer sur l’autre rive, les femmes sont appelées à cultiver le « désir de libération » (2004b, 39) et à exprimer cette dernière dans l’acte de créer, d’imaginer de nouvelles avenues. Le salut pour les femmes consiste à oser, à exprimer leur désir, à faire de l’inédit (2007b, 295). Un mode de création des femmes est le tissage, avec des fils, pour tramer des liens (2004b, 44).

En théologie, on peut alors inverser la chronologie habituelle qui part de la création pour aller à l’apocalypse, et partir plutôt de l’apocalypse pour aller vers la création, c’est-à-dire partir d’une situation d’oppression vers une libération à travers l’imagination de nouvelles manières de faire. Cette création est envisagée comme étant en acte. Le concept de créativité exprime cette mise en action. Il signifie le « pouvoir en acte de création » en vue d’une régénération de la vie (1994, 53). La créativité représente ainsi une capacité d’agir libératrice.

En théologie féministe, on imagine de nouvelles métaphores (1994, 55). On propose des symboles théologiques féministes qui remettent en question un Dieu légitimant la domination. Jésus apparait comme un prophète qui s’oppose à la domination. Christ ou Christa se révèle comme une manifestation cosmique de Dieu, source immanente de vie et critique transcendante des dominations (1994, 59). La bible apparait comme un texte paradoxal qui comporte des éléments oppresseurs et libérateurs. Dans la perspective de Monique Dumais, une lecture féministe de la bible fait plus que discriminer ces dimensions pour retenir les éléments libérateurs. Comme elle se réalise dans la créativité, par des femmes inspirées de l’Esprit, une lecture féministe de la bible se présente comme une réécriture dans la liberté de créer un corps libéré. Cette proposition d’une réécriture féministe de la bible (2016, 197), réalisée collectivement par des femmes inspirées de l’Esprit, est devenue une pratique de longue date et une marque distinctive de la collective L’autre Parole (2002, 267)[5].

Le concept de création (et de créativité comme puissance et capacité de créer) est central à l’architecture de la théologie féministe de Monique Dumais. Il va de pair avec l’incarnation, celui-ci, central au christianisme. Pour l’autrice, le christianisme a encore de nombreux défis à relever avant de pouvoir assumer l’incarnation qui se situe « au centre de son credo » (1988, 12). La première phrase de l’un de ses textes qui porte sur la manière d’aborder Dieu en théologie féministe se lit ainsi : « Dieu advient dans toute la réalité cosmique » (1994, 49). L’approche se veut holiste, écoféministe et politique. Les pratiques de solidarité sociocommunautaires, chrétiennes ou sociales, sont des lieux « d’incarnation de la Parole de Dieu dans l’humanité » (2016, 203). Tout comme la Terre et le cosmos (1994, 57). On conçoit les éléments, eau, terre, lait, miel dans leur force vitale (2002, 270). Dieu advient dans les expériences et dans les corps des femmes. Un enjeu central de la théologie chrétienne est « l’acceptation de » l’incarnation (1988, 141) mais, pour qu’elle soit manifestée pleinement, on a besoin du Souffle (1994, 57).

« L’incarnation, écrit l’autrice,

c’est s’inscrire dans un corps,

posséder le corps

pour le vivre intensément »

1983, 53

Dans le dernier texte de la série étudiée, soutient Monique Dumais, en 2016, « les bases théologiques de L’autre Parole » sont la ruah et l’incarnation de la Parole de Dieu dans les corps des femmes (2016, 199).

Le souffle est lié à la création/créativité comme il l’est tout autant à l’incarnation : « […] le souffle de l’esprit ne cesse de s’affirmer et pousse à briser toutes les formes de rigidité qui freinent les manifestations de liberté » (2004b, 40).

Faudrait-il former un nouveau mot pour exprimer ce dont il est question, une incarnativité, au sens d’une capacité, d’une habileté d’incarnation. Car, en effet, en christianisme, la créativité manifeste une puissance d’incarnation qui n’est autre que la Pâque et la Pentecôte des femmes.

Les concepts retenus demeurent étroitement liés. Pour les relier en peu de mots, on peut conclure ainsi : l’analyse d’une transformation en cours, d’une Pâque des femmes, advient dans un passage de la domination à la libération qui repose sur l’intégration de leurs expériences féministes dans une créativité et dans une incarnation en acte de leur corps et de leur souffle.

3. Les créations artistiques

Monique Dumais réfère couramment et régulièrement aux arts. Dans le groupe de textes étudiés, elle se reporte, au passage, à la littérature (2009a, 149 ; 2009b, 89 ; 1997, 207), à la poésie (2016,198 ; 2009a, 149 ; 1997, 203), au théâtre (2004b), à des films (2000, 293), à des expositions de sculpture (2009b, 90 ; 2002, 270) et à la danse (2009a, 155). Un texte se consacre à l’analyse de deux pièces de théâtre, Les fées ont soif de Denise Boucher et Les mains d’Edwige au moment de la naissance de Wajdi Mouawad (2004b).

De plus, comme souligné supra, Monique Dumais a publié d’innombrables critiques de manifestations artistiques, en particulier dans la revue L’autre parole.

Sur le plan de ses propres créations, ses expressions privilégiées sont la poésie, le théâtre et la littérature.

3.1 La poésie

En ce qui concerne la poésie, en plus de référer régulièrement à des recueils, la théologienne a utilisé une technique qui consiste à insérer dans ses textes des poèmes de sa main. Les versets éveillent le sujet du texte, le préparent, le résument, le synthétisent. Un article emblématique à ce sujet s’intitule Femmes faites chair (1983). De nombreux poèmes de sa main scandent ses sections théoriques. Ils expriment ce dont il est question de manière unique et forte. Sans les poèmes, le texte ne se tiendrait plus tant ils sont partie intégrante de son articulation. Elle l’annonce en ces mots : « Au fur et à mesure de mon écrit, je laisserai quelques vagues poétiques envahir le texte » (Dumais 1983, 53). Elle l’aura dit une fois. Cela se produit dans Femmes faites chair, mais aussi, assez couramment, dans l’ensemble de ses titres. Les vagues renvoie à la « marée montante » du Bas-du-Fleuve, son lieu enraciné d’inspiration, précise-t-elle (Dumais 1983, 53).

Dans les textes choisis pour cette recherche, elle insère de la poésie plus rarement qu’à son habitude (voir cependant 2009a), probablement parce qu’il s’agit de publications destinées à l’audience universitaire de la Société canadienne de théologie. Monique Dumais ne théorise pas sa propre pratique de la poésie et ses liens avec la conceptualité de la théologie féministe universitaire. Dans Femmes faites chair, elle renvoie en note, sans plus de commentaires, à la pertinence de relier théologie et poésie et à un ouvrage intitulé Theopeotic (Wilder 1976). On ne trouve pas plus d’analyse de son rapport à la poésie dans un article au titre évocateur, « Le souffle en lettres », publié dans un numéro de la revue L’autre Parole sur le thème Arts et spiritualité au féminin. Elle y analyse des dimensions spirituelles de recueils de poèmes (Dumais 2001).

3.2 Le théâtre

Parmi les arts, la pratique théâtrale occupe une place spéciale pour Monique Dumais. Son premier texte de jeunesse, intitulé Propriétaire d’un jour, était une pièce de théâtre d’une durée de 30 minutes. Elle l’avait composée pour le Concours des Jeunes Auteurs de Radio-Canada et elle a été jouée à la télévision de Radio-Canada le 21 juillet 1958. L’écriture et la performance de pièces brèves sont demeurées pour elle une pratique constante et importante tout au long de sa vie, mise en pratique en particulier lors des colloques annuels de L’autre Parole. Pour se limiter aux références des dernières années, on peut noter qu’avec son groupe de Rimouski, nommé Houlda, elle a participé à l’écriture collective de saynètes féministes, performées avec décors et costumes, ayant pour thème les saisons (Groupe Houlda 2015, 22-26), le rire de Dieu (Groupe Houlda 2014, 16-18) ou encore le pardon, cette dernière pièce parodique en quatre actes se concluant par ces mots : « Pardon, Seigneur, pour les tenants de l’idéologie et de l’hégémonie patriarcales au service de leur pouvoir » (Groupe Houlda 2013, 19).

Monique Dumais présente le théâtre comme le « lieu de la représentation par excellence […] devenu un lieu où émerge [la] présence du spirituel dans le monde contemporain » (Dumais 2004b, 36). Elle réfère entre autres à Wadji Mouawad qui, écrit-elle, « voit le théâtre comme “le dernier lieu où l’on peut se rassembler autour d’une parole. L’Église ne fait pas événement. Le théâtre oui” » (Dumais 2004b, 41 ; citation de Mouawad 1999, 13). Acquiesçant à cette perspective, pour elle, les pièces de théâtre mettent en scène un changement en cours en ce qui concerne la spiritualité qui « continue de prendre l’air » par rapport aux Églises institutionnelles et qui donne du souffle à toute personne quelle que soit sa posture par rapport au religieux (voir Dumais 2004b, 45).

3.3 La littérature

En ce qui concerne, enfin, la littérature, en plus des références nombreuses dans ses textes à des romans, Monique Dumais a proposé entre autres une pratique de réécriture biblique (2016, 197), réalisée individuellement ou collectivement par des femmes inspirées de l’Esprit, une pratique devenue une marque distinctive de L’autre Parole. La procédure est la suivante : un petit groupe de femmes se réunit autour d’un passage biblique et le réécrit collectivement, tout à fait librement, à partir des expériences des femmes afin de le rendre vivifiant. Parfois, on ne change que quelques mots du texte pour lui donner une tournure féministe, parfois on utilise sa structure tout en modifiant substantiellement son contenu. Dans ces deux cas, les personnes familières avec la bible peuvent reconnaitre le texte initial et ses transformations. Les tournures parodiques et souvent humoristiques des réécritures ont souvent des effets puissants de libération. D’autres fois, les réécritures ouvrent de nouveaux espaces et les textes bibliques initiaux ne sont plus reconnaissables. Pour Monique Dumais, ce qui importe dans cette pratique qui a marqué ses productions théologiques est de reconnaitre que les femmes continuent de créer la Parole de Dieu, inspirées de l’Esprit dans leur lecture/écriture. On trouve une longue liste de telles réécritures bibliques féministes sur le site Internet de L’autre Parole sous l’onglet Réécritures (lautreparole.org).

4. Liens entre les créations artistiques et conceptuelles

Monique Dumais a été professeure à l’université. Professionnellement, elle a construit des concepts. C’était sa spécialité. Les arts ont pris une grande place dans sa vie. Elle les a insérés diversement dans ses pratiques.

Nous avons défini l’art, supra, comme « le langage des sensations » (Deleuze et Guattari 1991, 166). Deleuze et Guattari présentent la philosophie (qui pense avec des concepts) et l’art (qui pense avec des « composés de sensations ») comme deux manières de créer. Un premier lien qui ressort entre les deux domaines est la création et la créativité. Deleuze et Guattari disent que nous avons trop de communication, que « nous manquons de création » (Deleuze et Guattari 1991, 104), celle-ci étant un thème crucial des constructions conceptuelles de Monique Dumais, une condition de possibilité et d’exercice de la Pâque des femmes. Il appert que la création conceptuelle ne suffisait pas à Monique Dumais, il lui fallait une deuxième forme de création, celle artistique.

Je n’ai pas trouvé de théorisation par Monique Dumais de ses rapports à l’art. Elle fait quelques remarques éparses et brèves à ce sujet, notant que le théâtre grec « nous situe en face des mythes, des histoires les plus fondamentales et les plus anciennes de l’humanité » (2004a, 12).

L’autrice associe l’art principalement au volet de déconstruction. Elle réfère à Fernand Dumont, qui a souligné comment « la poésie, le roman, la chanson, le théâtre, le cinéma des années 1960 ont libéré la symbolique collective » (Dumais 2004b, 40 ; cité par Dumont 1987, 303). Dans ce sens, écrit-elle, le théâtre « invite à un certain décapage des mythes stéréotypés qui ont marqué une époque non encore tout à fait close » (Dumais 2004b, 45). Il est intéressant de noter que, pour Deleuze et Guattari, plus que la philosophie et la science, l’art s’attaque aux clichés : « il faut d’abord effacer, nettoyer, laminer, même déchiqueter, disent-ils, pour faire passer un courant d’air [issu du chaos] qui nous apporte la vision » (Deleuze et Guattari 1991, 92).

Monique Dumais souligne également la contribution artistique à la reconstruction : le théâtre est un lieu d’événement de la parole ; il ouvre, note-t-elle, de « nouvelles avenues pour de nouvelles trajectoires avec nos sensibilités contemporaines » (Dumais 2004b, 45). Elle ajoute : « Une spiritualité se laisse découvrir et entendre au théâtre et nous fait saisir de nouveaux aspects d’une tradition religieuse connue et pratiquée » (Dumais 2004b, 45).

En philosophie, ‘Je’ conçois ; en art, ‘Je’ sens (Deleuze et Guattari 1991, 199). Le défi pour les femmes, selon Monique Dumais, avons-nous vu, consiste à sortir du neutre, lieu de leur aliénation, pour retrouver la « vitalité de nos expériences de femmes » (Dumais 2016, 198). L’art aura été, pour elle, une voie de cette expérimentation, une manière de faire ce qu’elle dit.

« L’art est le langage des sensations », disent Deleuze et Guattari, des sensations pensées comme « l’unité […] du sentant et du senti » (Deleuze et Guattari 1991, 168). Une idée-force de Deleuze et Guattari est que le produit de la création artistique « doit tenir tout seul » (155). L’art conserve. Les sensations excèdent celles vécues par l’artiste, elles valent par elles-mêmes. Le corps individualise et singularise. Le souffle fait vivre et donne l’élan de création. La création artistique participe à plus grand que soi, à une structure, au cosmos. Le corps et le souffle deviennent cosmiques, des perspectives en diapason avec l’écoféminisme.

Bouclons la boucle et voilà une piste pour penser l’incarnation. Dans la perspective de Deleuze et Guattari (1991, 168), l’oeuvre d’art [le monument] « incorpore », il « incarne », il « donne un corps, une vie, un univers » à l’événement. Il le fait à sa manière propre à travers les sensations.

Conclusion

Monique Dumais était une passionnée des arts, critique de performances, mais aussi actrice et productrice, particulièrement de poésie, de théâtre et de littérature. L’objectif de cette étude consistait à présenter une synthèse des éléments fondamentaux de sa théologie féministe sous l’angle de la fonction qu’y a occupée l’art. J’ai présenté successivement ses créations conceptuelles et ses créations artistiques, pour ensuite construire des liens entre elles. Une idée force du féminisme chrétien de Monique Dumais est qu’en christianisme, l’on manque d’incarnation. Le salut pour les femmes signifie leur « pleine réalisation » (1986, 139) dans un mouvement vital qui excède, certes, les concepts. Les arts, qui appartiennent au domaine des sensations, y suppléent pour briser les logiques patriarcales.

Dans un texte antérieur de trois années au corpus étudié, Monique Dumais écrivait : « Je ne connais pas, présentement, toute la portée révolutionnaire du travail que j’ai entrepris. […] C’est une tâche qui est merveilleuse, en ce qu’elle fait puiser à mes sources les plus vitales. C’est une tâche inquiétante, aussi » pour les personnes qui se sentent menacées par cette exploration (1983, 70). Vers la fin de sa carrière, vingt-cinq ans plus tard, elle s’est décrite elle-même, reprenant ces termes, comme étant « attentive aux forces vitales des femmes » (2007b, 294). Un fil conducteur de sa pensée est que « la vie animée par la foi chrétienne », ne « peut accepter une réduction des forces vitales » (1983, 62). La libération des expressions de ces dernières demeure un point focal du travail de l’autrice.

Pour Monique Dumais, la création propre à la théologie conceptuelle n’a pas suffi pour vivre la Pâque des femmes. Les modes artistiques d’expression féministe nous font sortir du cadre. Ils nous font sortir de la boite patriarcale et de la raison technicienne, dualiste, objectivante, hiérarchisante ! Ils ouvrent des espaces de non-jugement. Ils s’inscrivent dans l’ouverture et dans l’accueil de la singularité de chaque femme. Ils sont incarnation.