Résumés
Résumé
Le dernier article publié par Aldina da Silva avant son décès s’intitulait : « La peur du changement. Jonas et la « baleine » ». Elle y présente le prophète Jonas, qui ose désobéir à la parole de son Dieu, comme étant le symbole de l’« anti-héros » par excellence. Lorsque Dieu lui demande d’aller prophétiser contre Ninive, la capitale du puissant empire assyrien, Jonas prend la fuite. Il a, selon elle, peur du changement.
Bien que nous soyons en partie d’accord avec l’auteure sur l’importance de la peur du changement dans le livre de Jonas, nous proposons une lecture différente. Dans cet article, nous développerons certaines hypothèses avancées par da Silva, en critiquerons certaines et proposerons une nouvelle façon d’aborder cette peur du changement. Après avoir présenté certaines découvertes liées à notre nouvelle traduction du livre de Jonas, nous insisterons sur l’utilisation que le rédacteur final fait du thème de la peur, celle de Dieu en particulier, et démontrerons que le livre de Jonas s’apparente davantage à la littérature de sagesse qu’à la littérature prophétique.
Abstract
The last article published by Aldina da Silva before her death was entitled: “The fear of change. Jonah and the “whale””. She presents the prophet Jonah, who dares to disobey the word of his God, as being the symbol of the “anti-hero” par excellence. When God asks him to prophesy against Nineveh, the capital of the powerful Assyrian empire, Jonah flees. He is, she says, afraid of change.
Although we partly agree with the author on the importance of the fear of change in the book of Jonas, we offer a different reading. In this article, we will develop some of da Silva hypotheses, criticize some and propose a new way to approach this fear of change. After presenting certain discoveries related to our new translation of the book of Jonah, we will insist on the use that the final writer makes of the theme of fear, that of God in particular, and will demonstrate that the book of Jonah is more akin to wisdom literature than to prophetic literature.
Corps de l’article
« La crainte du Seigneur est le principe du savoir ; sagesse et éducation, seuls les fous s’en moquent ».
Pr 1, 7
Le dernier article publié par Aldina da Silva (2000) avant son décès s’intitulait : « La peur du changement. Jonas et la “baleine” ». Elle y présente le prophète Jonas, qui ose désobéir à la parole de son Dieu, comme étant le symbole de l’« antihéros » par excellence. Lorsque Dieu lui demande d’aller prophétiser contre Ninive, qui fut un temps la capitale du puissant Empire assyrien[1], Jonas prend la fuite. Il a, selon elle, peur de l’inconnu, peur de « briser ses petites sécurités d’un quotidien trop bien ordonné » (2000, 49). Bref, il a peur du changement. Selon da Silva (2000, 49-50), Dieu lui en demande trop : de laisser son confort quotidien, de changer ses habitudes, d’interroger sa pratique religieuse. De s’ouvrir à de nouvelles possibilités. L’ordre de Dieu le bouleverse, le dérange et lui fait peur. L’inconnu lui fait peur. Jonas préfère donc fuir. Toutefois, selon da Silva (2000, 51), « croyant prendre le chemin le plus facile, celui de ne pas vouloir faire face au changement que de Dieu lui propose, Jonas s’engage dans un chemin autrement plus difficile ».
Bien que nous soyons en partie d’accord avec l’auteure sur l’importance de la peur du changement dans le livre de Jonas, nous proposons une lecture différente. Dans cet article, nous développerons certaines hypothèses avancées par da Silva, en critiquerons certaines et proposerons une nouvelle façon d’aborder cette peur du changement. Nous verrons que ce sont les étrangers, les marins d’abord (chapitre 1) puis les Ninivites et leur roi ensuite (chapitre 3), et non Jonas, qui acceptent de changer d’attitude ; parce qu’ils ont, selon le narrateur, une crainte sincère de Dieu. C’est du moins ainsi que les choses sont présentées dans le livre. Or, pour bien comprendre les messages théologiques véhiculés dans ce livre, il est essentiel de se pencher sur le concept de la « peur/crainte de Dieu » et de le faire en lisant le livre de Jonas non pas comme un écrit prophétique, mais plutôt comme un écrit de sagesse[2]. Ce rapprochement entre le livre de Jonas et la littérature sapientiale a somme toute été assez peu exploité. On peut citer Wolff (1986, 83; 97-98 et 123) qui considère le livre de Jonas comme un roman satirique qui utilise une didactique sapientielle dont le but est de convaincre les communautés israélites qu’elles ne peuvent échapper à leur rôle de peuple élu[3]. Ou encore Human (2004, 323) qui, sans toutefois poser que Jonas appartient à une littérature proprement sapientielle, propose que des motifs de sagesse et des pensées sapientielles ont influencé le cadre du récit. Pour sa part, Blenkinsopp (1996, 242) écrit, sans toutefois développer davantage, que le livre de Jonas présente une critique sapientiale du prophétisme.
Le thème de la peur de Dieu est très peu utilisé dans la littérature prophétique, à l’exception du livre de Jonas. Ce dernier se présente comme un « Hébreu craignant Dieu » ; ce faisant, il aurait dû être obéissant envers Dieu et agir sagement puisque, selon l’expression consacrée, la « crainte de Dieu est le début de la sagesse » (Prov 1, 7). Or, c’est tout le contraire qui se produit. D’entrée de jeu, Jonas désobéit à Dieu et se comporte davantage comme l’insensé et non le sage présenté dans les écrits sapientiaux.
L’histoire du prophète Jonas était, semble-t-il, suffisamment connue pour que l’on puisse se servir de lui pour véhiculer des messages théologiques importants, en faveur des étrangers, du culte unique de Dieu et de la bonne attitude à avoir envers Lui, c’est-à-dire une peur ou une crainte révérencielle. Nous proposerons d’abord une brève analyse du thème de la peur, non seulement celle de Dieu, mais également celle du changement. Comme le thème de la peur n’est pas évoqué aux chapitres 2 et 4 et qu’abordé indirectement au chapitre 3, nous nous concentrerons particulièrement sur le chapitre 1. Nous verrons que les personnages du récit ont des réactions différentes face à la peur, et leur acceptation ou non du changement a une incidence sur le déroulement du récit. La peur est ici au service d’un message, d’une théologie. La peur de Dieu mène au changement, mais pas dans le cas de Jonas.
En suggérant une réflexion théologique par l’outil narratologique, cet article, qui se présente davantage comme un ensemble de notes exégétiques sur le texte de Jonas, propose de relire le livre de Jonas non dans le cadre habituel des livres prophétiques, mais en tirant un lien avec la littérature de sagesse. Comme da Silva, nous privilégierons ici une approche synchronique et nous adopterons une division semblable à la sienne (1. La fuite ; 2. L’abîme ; 3. Le risque) à laquelle nous ajouterons une brève section dédiée au thème de la peur dans l’Ancien Testament. Nous espérons que ces quelques réflexions inciteront d’autres collègues à creuser la question et à développer davantage l’étude du livre de Jonas sous l’aspect sapientiel plutôt que prophétique.
Avant de proposer une nouvelle analyse du premier chapitre de Jonas, il est nécessaire de bien définir ce qu’est la « peur/crainte de Dieu », ce qui nous permettra d’éclaircir comment nous comptons exploiter ce concept et proposer une lecture différente de ce chapitre.
1 La « peur/crainte de Dieu »
Le concept de la « peur/crainte de dieu » semble avoir été directement inspiré de l’Empire assyrien. Il était raisonnable, voire sage, d’avoir peur de l’Empire. Isaïe a toutefois été le premier auteur à inciter les Israélites à craindre YHWH et non les Assyriens. En plein contexte où les Assyriens sèment la terreur en Syrie-Palestine, à la fin du 8e siècle, Isaïe proclame : « C’est le Seigneur de l’univers que vous tiendrez pour saint, c’est lui que vous redouterez » (Is 8, 13)[4]. Dans un contexte similaire, le prophète Michée s’exclame : « La voix du Seigneur appelle la ville – il sauvera ceux qui craignent son nom […]. » (Mi 6, 9) Isaïe et Michée ont donc été les premiers, semble-t-il, à transposer la crainte du seigneur humain (le roi assyrien) au seigneur divin[5]. Dans le Deutéronome, la peur/crainte de Dieu est associée à l’observance des commandements de Dieu[6]. Il y a un lien entre « crainte/peur » et respect des commandements. La peur de représailles devrait être suffisante pour que le peuple obéisse aux commandements. Cette idée de peur, d’obéissance et donc d’absence de châtiments se retrouve aussi en 1 Sam 12, 14. Dans ce cas, il n’est pas question des Assyriens, mais l’idée est la même qu’en Dt 5, 29.
Cette dichotomie, récompense/châtiment, rappelle la méthode assyrienne. YHWH se comporte comme un roi assyrien : clément lorsqu’on lui obéit, terrible dans le cas contraire. La peur est donc un élément inextricable de cet enseignement. Comme l’a souligné Römer (1996, 93), le Deutéronome a été construit sur le modèle d’un traité de vassalité assyrien, mais, comme l’a suggéré Lohfink (1977, 12-22), avec une intention polémique, subversive. YHWH remplace en quelque sorte l’Empire assyrien et son dieu Aššur – à qui les peuples soumis devaient jurer obéissance. Après la chute de l’Empire assyrien – où à partir de l’époque où sa chute semble inévitable, dans les années 620 av. J.-C. – le seul suzerain d’Israël n’est plus le roi d’Assyrie, mais YHWH que l’on tente alors de promouvoir comme Dieu unique. Bel exemple de mimétisme colonial[7] alors que les auteurs du Deutéronome – autant ceux de l’époque de Josias que ceux de l’époque exilique – repensent la religion d’Israël en empruntant la rhétorique et l’idéologie développées dans les traités assyriens où les conséquences du non-respect d’un traité sont terribles[8]. Or, les formules de malédiction que l’on retrouve dans le Deutéronome – qui reprennent, en subvertissant l’impérialisme assyrien, des éléments que l’on retrouve dans les traités d’alliance des rois assyriens – sont au fondement de la « crainte de Dieu[9]». Celle-ci est d’abord essentielle à la survie du peuple de Dieu et elle sera plus tard assimilée à la sagesse suprême. C’est le cas, par exemple, en Pr 3, 7 (« Ne sois pas sage à tes propres yeux, crains plutôt YHWH et détourne-toi du mal ») et en Qo 12, 13 (« […] Crains Dieu et observe ses commandements […] »). Il est clair que la peur de Dieu est associée à l’obéissance fidèle et intègre aux commandements de Dieu. Le contraire entraîne des conséquences négatives. Il s’agit en somme d’un raisonnement très simple qui s’inspire de la rhétorique impériale assyrienne.
Il faut cependant faire une distinction entre le sentiment de crainte et celui de la simple peur qu’un individu ou un peuple peut ressentir face à une menace quelconque. On peut penser à Jacob qui est effrayé lorsqu’on lui apprend que son frère, Ésaü, marche à sa rencontre avec 400 hommes (Gn 32, 7) ou encore des Judéens qui s’enfuient en Égypte par peur des Babyloniens (2 R 25, 26). Les exemples sont nombreux. La crainte, au contraire, selon le Dictionnaire encyclopédique de la Bible (DEB) (2002, 316), « embrasse toute la religion ; elle est le “commencement de la sagesse”, non pas au sens de “début”, mais d’“essentiel” de la sagesse, le fondement de la religion ». La crainte de Dieu serait quant à elle associée au mysterium tremendum et fascinosum, ce mystère qui repousse, mais attire à la fois. Le DEB (2002, 316) donne comme exemples celui de la Vierge au moment de l’annonciation (Lc 1, 30), des bergers de Bethléem lorsque l’ange du Seigneur se présente devant eux (Lc 2, 9) ou des témoins des miracles de Paul (Ac 19, 17). On ajoute, toujours dans le DEB (2002, 316), que « […] la crainte ne se limite pas à l’angoisse, elle est accompagnée du désir de l’amour de Dieu : à l’idée que Dieu est un roi inspirant la crainte, Israël ajoute celle qu’il est aussi un père aimant. Ces deux sentiments ont été mis en lumière par les prophètes ». Selon cette définition, le concept de mysterium tremendum et fascinosum ne s’applique pas au personnage de Jonas. Sa réaction n’est pas inspirée par la crainte, mais par la simple peur. Peur devant une mission suicidaire et vouée à l’échec. Bref, même si Jonas affirme craindre Dieu, son comportement démontre tout le contraire. Alors que la crainte de Dieu – autant dans la littérature deutéronomiste que sapientiale – implique une obéissance complète, la première action de Jonas est de désobéir à Dieu en fuyant son appel.
2 Chapitre 1 – La Fuite
D’entrée de jeu, YHWH s’adresse à Jonas pour lui dire : « Debout ! Marche vers Ninive, la grande ville et proclame sur elle que leur méchanceté est montée jusqu’à moi [littéralement : devant ma face][10] ». Jonas se lève comme lui avait ordonné YHWH, mais non pas pour marcher vers Ninive, mais pour fuir. Selon da Silva (2000, 51), l’ordre de Dieu bouleverse Jonas : « Il a peur. L’inconnu lui fait peur[11]». Il faut toutefois souligner que le mot « peur » n’est pas explicitement utilisé dans le récit et que les raisons exactes de sa fuite ne sont pas données. Le contenu de l’oracle que doit prononcer Jonas contre Ninive n’est pas donné non plus. Mais étant donné que Dieu l’envoie parce que la « méchanceté de ses habitants » est montée jusqu’à lui, on peut s’attendre à ce que le message soit semblable ou identique à celui que l’on retrouve explicitement cité en Jon 3, 4b : « Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous ». Il est donc probable, comme le suggère Sasson (1990, 87), que le personnage de Jonas, mis en scène par le narrateur, refuse cette mission par crainte de la colère des Ninivites. Pas celle de Dieu, ajouterions-nous. À noter que cette peur est « normale » ; ce qui n’est pas normal, c’est que le prophète refuse d’écouter son Dieu. De « craindre » son Dieu. Par ailleurs, Jonas s’avère être le seul prophète de toute la Bible hébraïque à refuser un ordre de YHWH[12]. Ce détail n’est pas anodin : le narrateur du chapitre 1 du livre de Jonas s’attache à représenter ce dernier comme un homme faisant le contraire de ce à quoi l’on s’attend d’un prophète. Il s’agit d’un premier exemple.
Revenons à l’affirmation de da Silva (2000, 51) : Jonas a peur de l’inconnu et, par le fait même, du changement. S’il a peur de proclamer une prophétie contre les habitants de Ninive, c’est que Jonas n’a pas confiance en son Dieu. Ce qui le place en porte-à-faux avec toute la tradition prophétique. Mais la question se pose : sa fuite est-elle vraiment motivée par la peur ? Selon notre interprétation du texte, s’il s’enfuit, ce n’est pas parce qu’il a peur. Il n’a pas peur de Dieu. S’il en avait eu peur, il n’aurait pas osé s’enfuir et désobéir à un ordre divin. Bref, il ne semble pas craindre la réaction de Dieu. Or, c’est le fondement même de la « peur de Dieu » : la crainte des conséquences d’un refus d’obéir, de suivre les commandements divins. Le narrateur présente donc Jonas comme un individu qui manque de sagesse, comme l’insensé, le fou, etc., du livre des Proverbes, qui n’a pas compris que la sagesse commence par la crainte de Dieu. On entend ici par sagesse un comportement adéquat, raisonnable, conforme aux volontés divines, etc. Ainsi donc, la crainte de Dieu mène à la connaissance de Dieu puisque c’est ce dernier qui donne la sagesse (Pr 2, 5-6).
En fuyant, Jonas espère échapper au regard de Dieu et donc à cette mission, à cet appel, se comportant non pas comme un prophète, mais comme un insensé qui pense pouvoir échapper à Dieu. C’est de sa mission qu’il a peur, pas de Dieu. Dès le début du récit, le comportement déployé par Jonas est à l’opposé de ce à quoi le lecteur ou l’auditeur s’attend. Selon Wolff (1986, 103), le livre de Jonas s’adressait à certains groupes d’Israélites à la foi vacillante[13]. L’histoire de Jonas, le prophète qui refuse d’agir conformément au commandement explicite de YHWH, renvoie aux Israélites qui ne croient pas, et j’ajouterais qui ne craignent pas Dieu, l’image de leurs propres agissements. Mais, à notre avis, la leçon va plus loin : le récit s’adresse à ceux et celles qui ne craignent pas Dieu, qui ne sont pas convaincus qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qui semblent avoir un préjugé défavorable envers les étrangers. Dans quel contexte ? Vraisemblablement celui d’après l’exil où les préjugés anti « païens » sont bien présents[14]. En présentant les agissements et comportements des marins étrangers et des Ninivites (au chapitre 3) comme étant plus appropriés que ceux de Jonas, le narrateur plaide en faveur d’une ouverture envers les non-juifs. Il s’en prend donc aux préjugés de son auditoire ou de ses lecteurs.
La tempête
Le thème de la peur devient central à partir du verset 4, et ce, jusqu’au verset 16, le dernier du chapitre 1. Le récit prend une tournure dramatique alors que YHWH provoque une tempête sur la mer dès que le bateau quitte le port. Voulait-il effrayer Jonas ? Pour le faire revenir à la raison ? Le faire changer d’idée ? Quoi qu’il en soit, la tempête crée un climat de peur à bord du bateau. Mais ce n’est pas Jonas qui a peur, ce sont les marins qui l’accompagnent : « Et les marins eurent peur et ils implorèrent/crièrent/pleurèrent chacun vers ses dieux » (Jon 1, 5)[15]. La chaîne de wayyiqtol est interrompue par un we-x-qatal. Ceci permet au narrateur d’apporter une précision pour situer une action qui se déroule ailleurs, mais en même temps : « Jonas était descendu vers le fond du bateau. Il se coucha et il s’endormit profondément[16]». L’objectif du narrateur est apparemment de mettre en contraste l’attitude des marins et celle de Jonas. Les marins ont peur de mourir et agissent, contrairement à Jonas qui ne semble pas être conscient de ce qui se passe et demeure passif. D’ailleurs, quelques auteurs ont avancé que le chapitre 1 est construit autour de l’antithèse activité/passivité[17]. La passivité est du côté de Jonas : il demeure endormi malgré le fracas qui l’entoure, il ne fait rien lorsqu’on lui demande de prier, il se fait jeter à l’eau, etc. L’activité est du côté des marins qui s’activent afin de faire cesser la tempête. L’utilisation de cette antithèse tend à montrer que quiconque prend au sérieux le pouvoir et la colère de YHWH – et j’ajouterais la crainte – et quiconque répond avec empressement aux commandements de YHWH sera entendu par celui-ci[18]. Ajoutons que toute cette idéologie s’aligne parfaitement avec le concept de la « crainte/peur de Dieu » développé dans la littérature deutéronomique et sapientiale.
En panique, les marins « lancèrent à la mer tous les objets qui se trouvaient à bord » (Jon 1, 5). Le terme hakkēlîm, que la Bible TOB traduit par « objets », pourrait faire référence, à notre avis, à des objets sacrés que les marins jettent à la mer pour apaiser les dieux et détourner la malédiction qui est sur eux. Le même mot est souvent associé à des objets cultuels précieux. C’est le cas, notamment, lorsqu’il est question du vaste mobilier destiné au culte lors de la construction du temple de Jérusalem : « Tous ces objets [note : bassins, pelles, coupes à aspersion] que fit Hiram pour le roi Salomon dans la maison du Seigneur étaient en bronze poli » (1 R 7, 47). Et plus loin, dans le même livre :
« Salomon fit aussi tous les objets destinés à la Maison du Seigneur : l’autel d’or, la table sur laquelle on plaçait le pain d’offrande : en or ; les cinq chandeliers de droite et les cinq chandeliers de gauche, posés devant la chambre sacrée : en or fin ; les fleurons, les lampes, les pincettes : en or ; les bols, les mouchettes, les coupes à aspersion, les gobelets, les cassolettes, en or fin […] ».
1 R 7, 48-50
Dans le livre de Jérémie, ce terme fait aussi référence aux objets sacrés que l’on retrouve dans le temple et qui auraient été pillés par Nabuchodonosor II[19]. Bref, selon notre hypothèse, les marins jettent à la mer des objets religieux dans le but de calmer leurs dieux[20]. Leur stratégie ne fonctionne apparemment pas et le capitaine trouve Jonas et lui demande pourquoi il dort. Jonas n’a clairement pas peur, contrairement au reste de l’équipage. Le capitaine, comme Dieu, demande à Jonas de se lever : « Debout, appelle vers ton Dieu ». La suite du verset 6 (’ûlay yit‘aššēt hā’elōhîm lānû welō’ nō’bēd) a été traduite de différentes manières. En voici quelques exemples : NRSV : « Perhaps the god will spare us a thought so that we do not perish »; ESV : « Perhaps the god will give a thought to us, that we may not perish » ; ASV : « […] if so be that God will think upon us, that we perish not » ; JPS: « Perhaps the god will be kind to us and we will not perish »; Chouraqui : « Peut-être l’Elohîm se ravisera-t-il pour nous, et nous ne serons pas perdus » ; BJ : « Peut-être Dieu songera-t-il à nous et nous ne périrons pas », et TOB : « Peut-être ce dieu-là songera-t-il à nous et nous ne périrons pas ». Mais nous suggérons une lecture différente et une traduction inédite : « Peut-être fera-t-il adoucir (adoucira-t-il) les dieux pour nous et nous ne mourrons pas ? » (Jon 1, 6).
La racine ‘št est très rare et le sens premier du verbe n’est pas clair, mais pourrait être « être lisse, polie, brillant ». Au Hithpael, comme c’est le cas ici, le verbe (qui est un « aramaïsme ») aurait le sens de « penser ». Toutefois, puisqu’en Ct 5, 14 le verbe au Qal a clairement le sens de « polir » (« son corps est de l’ivoire poli »), le verbe pourrait ici avoir le sens « d’adoucir » : le Dieu de Jonas pourrait tenter de calmer les dieux des marins. Bref, le capitaine demande à Jonas d’appeler son Dieu pour qu’il calme leurs dieux. Les marins sont donc convaincus, à ce point-ci du récit, que leurs dieux sont responsables de la tempête et demande à Jonas de prier son Dieu pour qu’il intercède. Mais que fait Jonas ? Rien… Il n’obtempère pas, il ne prie pas son Dieu. Possiblement, comme le suggère da Silva (2000, 52), parce que Jonas ne « peut pas prier le Dieu qu’il est en train de fuir ». S’il avait été sage, Jonas aurait pu se repentir, changer son comportement et possiblement faire changer son Dieu d’avis. Selon ses propres dires – c’est-à-dire ceux que lui prête le narrateur (Jon 4, 2) – Jonas sait que Dieu est miséricordieux et qu’il peut donc pardonner. Mais Jonas ne fait rien.
Les marins vont ensuite questionner Jonas. Ils ne l’accusent pas encore ; mais il sait peut-être d’où vient ce malheur. Ils ne le menacent pas, mais le pressent de leur dire ce qu’il sait sur l’origine de cet orage, quelle est sa profession, d’où il vient, quel est son pays et quel est son peuple (Jon 1, 8). Il est juste de parler d’un tournant ou encore d’un pivot stratégique au verset 9[21]. Même si la réponse de Jonas est pour le moins surprenante puisqu’il ne répond pas vraiment aux questions des marins : « Et il dit vers eux : “Moi (je suis) un Hébreu et moi (j’ai) une peur/crainte de YHWH, dieu des cieux[22] qui a fait la mer et la terre ferme” ». Il ne leur dit pas qu’il est prophète, ni d’où il vient. Jonas se qualifie non pas de « fils d’Israël », mais d’Hébreu, ce qui est pour le moins surprenant et intrigant puisque le terme « Hébreu » est plutôt vague et est utilisé pour qualifier les Israélites avant qu’ils n’aient un pays[23]. Jonas affirme ensuite craindre Dieu : il se décrit comme étant un « moi craignant » (}∞nˆî yaoereoe}), expression qui n’est utilisée qu’à deux reprises dans la Bible hébraïque – ici et en Gn 42, 18 où Joseph, l’un des fils de Jacob, s’adresse à ses frères qui ne savent pas encore qui il est. Par ailleurs, Joseph ne dit pas qu’il craint YHWH mais qu’il craint « les dieux » (Élohim [avec l’article]), possiblement les dieux d’Égypte. À noter toutefois que l’idée de la « crainte de YHWH » est souvent associée à la loyauté d’Israël envers YHWH selon les termes de l’alliance mosaïque[24].
Gruber (1990, 415) souligne que le verbe yr’ peut aussi avoir le sens de « vénérer », « révérer » ou « adorer ». En s’appuyant sur son étude du verbe palāḫu en akkadien, il cite comme exemple un passage du Code d’Hammurabi où le roi se décrit comme étant pāliḫ ilī, que l’on peut traduire par « celui qui révère/vénère les dieux », une vertu qui lui permet de faire appliquer la justice dans son royaume[25]. Bref, comme le suggère Gruber (1990, 415), il est possible que, dans le Code d’Hammurabi, le verbe puisse être traduit autrement que par « avoir peur », « craindre », etc. Il fait une proposition similaire pour le texte de Jon 1, 9 : « […] and I worship the LORD, the God of heaven[26]». Selon Gruber (1990, 415), cette traduction suggère que l’affirmation de Jonas « means neither that he experiences the LORD as mysterium tremendum nor even that he performs Jewish rituals ». Nous sommes d’accord sur le fait que le concept de mysterium tremendum ne s’applique pas à Jonas, comme nous l’avons suggéré plus tôt. Par contre, nous sommes en désaccord avec sa proposition de traduire ’anî yārē’ par « I worship » (« je vénère »). En faisant ainsi, le propos du narrateur perd tout son sens. Tout le premier chapitre est axé autour du concept de la crainte et de la peur : crainte révérencieuse qui amène les marins/hommes à prendre les bonnes décisions et peur insensée qui amène Jonas à prendre les mauvaises décisions.
En fuyant, Jonas se place donc en contradiction avec sa profession de foi[27]. De plus, il donne aux marins des informations qu’ils ne lui ont pas demandées, par exemple le nom de son Dieu – YHWH – qui, précise-t-il, « a fait la mer et la terre ferme[28]». Comme le note Hauser (1985, 27), si Jonas sait que son Dieu a créé la mer, comment peut-il espérer lui échapper… ? Et pourquoi Jonas ne se repent-il pas et n’accepte-il pas la mission que Dieu lui a confiée lorsqu’il devient évident que YHWH se venge – avec la tempête? La question posée par Hauser est intéressante : « How can he be so passive and nonchalant in the light of the dire threat to his life? In short, does Jonah really fear God[29]?». La réponse est pourtant simple : le narrateur présente Jonas comme un homme insensé, dépourvu de sagesse. Tous ses agissements, ses décisions, son comportement, ses réactions sont inappropriées. Parce qu’il ne craint pas Dieu, même s’il affirme le contraire au verset 9. Sur ce point, nous rejoignons Wolff (1986, 116) : Jonas déclare une peur qu’il ne ressent pas vraiment, puisqu’il n’a pas encore formellement admis sa culpabilité et qu’il est encore en fuite. Wolff (1986, 97) va même plus loin : en affirmant craindre YHWH, Jonas avoue d’emblée que la fuite qu’il planifie est vouée à l’échec. À l’opposé, Sasson (1990, 118) est d’avis que contrairement aux marins paniquant autour de lui, Jonas affirme calmement sa foi en YHWH en tant que Dieu unique. Selon notre lecture, si Jonas est calme, c’est parce qu’il est insouciant. La mer est déchaînée à cause de lui, de sa fuite. En est-il le moindrement conscient ? Sa réaction semble démontrer le contraire.
Bien que Jonas affirme craindre YHWH, son comportement renvoie un signal différent. Alors que le désastre semble inévitable, les marins prient leurs dieux. Mais pas Jonas. Comme le souligne Gruber (1990, 415, note 21) : « One virtue Jonah seems not to possess is fear ». C’est sans doute pour cette raison qu’il traduit par « vénère » (« worship ») plutôt que par « craindre », comme la plus récente version de la TOB (2010), par ailleurs : « […] c’est le Seigneur Dieu du ciel que je vénère, celui qui a fait la mer et les continents ». À cet effet, la traduction de la Nouvelle Bible Segond est (doublement) préférable : « […] je crains le Seigneur, le Dieu du ciel, qui a fait la mer et la terre ferme. » Selon notre raisonnement, il est préférable de traduire par craindre pour souligner l’ironie, le sarcasme de l’auteur : Jonas dit craindre Dieu, mais son comportement témoigne du contraire. Jonas agit à l’opposé de tous prophètes et ne fait aucunement preuve de sagesse. Pour bien comprendre l’affirmation de Jonas (et l’ironie/sarcasme), il faut la replacer dans le contexte de la littérature sapientiale. Jonas n’agit pas comme un homme qui craint, vénère, révère, etc., son Dieu. À ce sujet la définition de Gruber (1990, 419) de la « peur de Dieu » est intéressante : « ‘fear of God’ is fright at the contemplation of the consequences of transgressing God’s prohibitions ». La crainte de Dieu implique une obéissance totale par crainte de représailles. Or, Jonas n’obéit pas à Dieu et ne semble pas craindre les conséquences.
En dévoilant, en partie, son identité et en se présentant comme étant un Hébreu craignant Dieu, Jonas fait réagir les marins au verset suivant (10a). Le thème de la peur prend alors une nouvelle dimension, un autre sens. Les marins craignent d’abord la tempête, puis ils ont peur parce qu’ils comprennent que Jonas est responsable de la situation. Le lecteur ou l’auditeur connaît – en partie du moins – les raisons de la fuite de Jonas. Mais les marins n’en savent rien. Or, au verset 10, les membres de l’équipage du bateau sont terrifiés parce qu’ils viennent d’apprendre les raisons de sa fuite : « Et les hommes eurent peur, une grande peur et ils lui dirent : pourquoi as-tu fait cela ? Car les hommes savaient qu’il (était) fugitif de devant YHWH, car il leur avait déclaré ». Pour expliquer la peur des hommes[30], le narrateur ajoute qu’ils savaient que Jonas fuyait YHWH, alors que le prophète ne leur avait rien dit[31]. Et les hommes du bateau savent maintenant le nom du responsable de la tempête de même que les causes de cette tempête. Les hommes ont peur et ne savent pas quoi faire pour calmer la mer, alors que le narrateur insiste pour dire que la mer est de plus en plus déchaînée. C’est alors que Jonas, qui se sait responsable de la tempête, s’offre en sacrifice pour apaiser la mer (Jon 1, 12). Une suggestion pour le moins problématique, totalement inhabituelle pour un prophète. Il suggère ainsi que Dieu accepte les sacrifices humains… Et qu’il n’y a pas de possibilité de pardon divin. Il aurait pu prier, se repentir sincèrement et Dieu aurait pu changer d’idée et épargner l’équipage sans qu’un sacrifice soit nécessaire. Mais Jonas préfère la mort à la repentance. Il n’accepte pas la possibilité d’un changement d’attitude qui aurait pu être salvifique. Et n’a apparemment pas peur d’une mort certaine.
Sans pour autant faire un lien avec la littérature sapientiale ou le contexte post-exilique, Hauser (1985, 27) apporte un bon point : « The idea that God might respond to repentance and a plea for forgiveness appears never to cross Jonah’s mind ». Comme si cette notion était inconnue de Jonas qui s’attend à être puni. Dans les textes prophétiques pré-exiliques, on retrouve bon nombre d’exemples où la décision de YHWH de punir son peuple est définitive et sans appel. Mais après le retour d’exil, alors qu’une nouvelle théologie basée sur le repentir et le pardon se développe, ce comportement du prophète Jonas avait de quoi faire réagir les lecteurs ou les auditeurs. Encore une fois, pour le narrateur, Jonas n’a rien compris…
Quoi qu’il en soit, les hommes ne le lancent pas tout de suite dans la mer ; ils ne suivent donc pas le conseil de Jonas et tentent plutôt de rejoindre la terre ferme, mais en sont incapables (Jon 1, 13). Nous avons donc un dialogue de sourds depuis le début du chapitre. Personne n’écoute, personne ne fait ce qui lui est demandé. Personne ne prend les bonnes décisions. La première réaction ou décision sage, réfléchie, se trouve au verset 14 alors que l’équipage s’adresse à YHWH : « Ô YHWH puisses-tu ne pas nous faire périr à cause de la vie de cet homme et ne place pas sur nous du sang innocent. Car tu (es) YHWH. Ce qui te plaît, tu le fais ». C’est le genre de prière que Jonas aurait pu adresser à YHWH après que le capitaine le lui ait demandé[32] – prière qui est par ailleurs truffée de citations bibliques. Ces nombreuses citations semblent confirmer que cette prière est fictive[33], mais elle joue un rôle important au niveau du récit : les étrangers acceptent la toute-puissance de YHWH. Ils ne font plus appel à leurs dieux. Afin de promouvoir l’acception des étrangers, le narrateur prête des termes connus des Israélites aux hommes de l’équipage qui s’apprêtent à sacrifier Jonas à YHWH. Le culte que les marins vouent à YHWH est la preuve de leur crainte, bref de leur « sagesse ». Ils ont cette crainte « sage » que Jonas ne possède pas. Il s’agit évidemment d’un récit fictif : le narrateur n’était évidemment pas sur le bateau avec Jonas. Mais le message est clair et puissant : un « païen » peut être plus sage qu’un Israélite (ou un Hébreu) – même un prophète ! Bref, ils choisissent la vie là où Jonas choisit la mort. Et surtout, ils n’ont pas peur du changement, ce qui s’avère salvateur pour eux.
Il y a évidemment un changement d’attitude du côté de l’équipage du bateau. Ils osent le changement, ce qui s’avérera salvateur pour eux. Le message est clair : des étrangers font confiance à YHWH et reconnaissent sa supériorité[34]. Bref, ils ne reconnaissent peut-être pas encore la souveraineté de ce nouveau dieu, mais ils craignent sa puissance[35]. Subtilement, le narrateur suggère que YHWH est le créateur du dieu de la mer Yam[36]. Mais il y a plus : le dieu cananéen Baal avait été l’adversaire et le vainqueur de Yam, mais le dieu de l’orage n’était pas, contrairement à YHWH, le créateur de la mer et donc du dieu qui la représente. YHWH a donc le contrôle de la mer – mais aussi des cieux et de la terre. Les hommes du bateau[37] réalisent que leurs dieux semblent incapables de calmer la mer ; ils se tournent donc vers le Dieu de Jonas. Il s’agit, selon l’expression de Wolff (1986, 113), d’une « peur éclairée » (informed fear) par la connaissance de la réelle cause divine derrière la tempête[38]. Une peur remplie de sagesse, dirions-nous.
Le dernier verset du chapitre 1 permet de comprendre le message théologique du narrateur. Le verset 16 débute avec la même expression utilisée au verset 10, mais avec un ajout important : « Et les hommes eurent peur ; une grande peur de YHWH ». Ils ont une grande peur de YHWH. Or, il ne s’agit pas du même genre de peur. Il s’agit d’une peur pleine de sagesse. Au départ, ils ont peur parce que la mer se déchaîne ; ici, ils ont peur parce qu’ils ont une crainte sincère d’un dieu qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Mais ils comprennent, selon le narrateur, que leur salut passe par YHWH et par lui uniquement. Le narrateur suggère que ces étrangers réalisent que leurs dieux n’ont aucun pouvoir et qu’il n’y a donc qu’un seul Dieu. De plus, en ayant une attitude de crainte respectueuse, il est possible d’être sauvé, même quand il ne semble plus y avoir d’espoir. Il s’agit d’un revirement complet de situation. Le narrateur termine en précisant que les hommes, si l’on traduit littéralement, « sacrifièrent un sacrifice pour YHWH et vouèrent des voeux » (Jon 1, 16). Ces hommes, même s’ils ne sont pas des Israélites/Hébreux, ont donc le comportement approprié. Leur peur de YHWH les incite à lui vouer un culte. Ils font donc confiance à un Dieu qu’ils ne connaissent pas et non à leurs dieux – ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire de Ruth. Comme cette dernière, ils n’ont pas peur du changement, ce qui s’avère bénéfique pour eux. Ils osent le changement, dans l’espoir d’être sauvés. Et ils ne seront pas déçus finalement, puisque YHWH accepte leur sacrifice : Jonas. La suggestion de Bosma (2013, 87) fait une lecture intéressante de ce passage : en utilisant une expression qui marque habituellement l’alliance mosaïque entre Dieu et Israël, et en ajoutant le nom de YHWH à la racine yr’, le narrateur crée habilement l’impression que les marins développent une relation de confiance et d’obéissance avec leur nouveau Dieu.
Cette première partie du récit est habilement ficelée par le narrateur. Contrairement à Jonas, les marins/hommes étrangers n’ont pas peur de changer d’attitude, de comportement malgré leur peur de la tempête (1,5) et leur « grande peur » lorsqu’ils comprennent les causes de la tempête (1,10). Leur peur se transforme. En effet, leur « grande peur » de YHWH au verset 16 est d’une nature différente ; elle s’apparente davantage à l’idée de la « peur de Dieu » que l’on retrouve dans la littérature sapientiale. Donc, à première vue, ce récit est complet. L’histoire se tient. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Les marins/hommes, des étrangers, en sont venus à la « raison » et ont été capables de sauver leur vie. Contrairement à Jonas, un « Hébreu ». Mais le récit se poursuit, d’abord avec une prière que Jonas adresse à Dieu après avoir été avalé par un « grand poisson » – qui se transforme par la suite en « ventre du Shéol[39]». Par ailleurs, étant donné que le thème de la peur n’est pas abordé directement au chapitre suivant, nous serons bref et nous nous concentrerons principalement sur l’analyse de da Silva, que nous commenterons au passage.
3 Chapitre 2 – L’abîme
Au début du chapitre 2, le narrateur fait la transition entre l’histoire précédente et la prière de Jonas. YHWH assigne un « grand poisson » pour avaler Jonas, à l’intérieur duquel il passe « trois jours et trois nuits ». Mais voilà qu’au verset 3 Jonas n’est plus dans le ventre d’un poisson, mais dans le « ventre du Shéol », expression qui est un hapax. Jonas s’adresse donc à YHWH depuis le séjour des morts. Selon da Silva (2000, 49), dans « le giron maternel (le monstre marin), Jonas vit la terreur de l’anti-création et du non-être […] ». Ce serait parce qu’il a « peur d’être détruit et de se retrouver sans identité » (2000, 49) que Jonas adresse une prière d’action de grâces[40]. Mais peut-on vraiment parler de peur ici ? Il parle certes de sa « détresse » au verset 3 : « dans ma détresse, j’ai appelé vers YHWH et il m’a répondu. Du ventre de la Shéol, j’ai appelé à l’aide et tu as entendu ma voix ». On retrouve cette formule ailleurs pour introduire une prière d’action de grâce[41]. Malgré ce qui l’entoure, Jonas ne semble pas avoir peur. En effet, bien que Dieu l’ait fait jeter dans « la profondeur », « au coeur des mers », Jonas ne semble pas craindre la situation. Au verset 5, son discours est au contraire rempli d’espoir. Et lorsqu’il est au fond de l’abîme, du gouffre, YHWH, que Jonas appelle « mon Dieu » pour la première et seule fois, fait monter sa vie de la « fosse » ou de la « tombe », une expression parfois utilisée pour faire référence au Shéol[42]. C’est alors que Jonas se serait souvenu de YHWH et sa prière se serait alors rendue jusqu’à Lui, dans son temple. À partir de ce moment, il sait qu’il sera sauvé. Au verset 10, Jonas affirme qu’il offrira des sacrifices à YHWH – comme les « hommes » à la fin du chapitre 1 – pour le remercier et termine en proclamant que le salut appartient à YHWH. Le salut vient de YHWH. Jonas semble se repentir, admettre ses torts, mais sans donner trop de détails. Ce Jonas est sage si on le compare à l’autre Jonas. Mais cette sagesse ne vient pas nécessairement de la crainte de Dieu. Elle vient plutôt de l’espoir de salut, dont seul YHWH dispose. La « peur » n’est donc pas présente au chapitre 2.
Le verset 11 a évidemment été ajouté par le narrateur qui affirme que « YHWH s’adressa au poisson et il le fit vomir Jonas vers la terre ferme ». On note que le poisson masculin est de retour et qu’il n’est plus question du Shéol. Il fait donc le lien avec la fin du chapitre 1 et le début du chapitre 3. Une brève analyse de ce chapitre servira de conclusion à cet article. En reprenant au passage certaines idées avancées par da Silva, nous verrons que le narrateur transpose ici des idées qu’il a développées au chapitre 1 et qui nous permettent de mieux définir et de mieux comprendre ses intentions.
4 Chapitre 3 – Le risque
Selon da Silva (2000, 58), le prophète devra maintenant faire un choix après avoir été sauvé par son Dieu et après que celui-ci lui ait commandé, une fois de plus, d’aller prophétiser contre Ninive. Les deux choix qui s’offrent à lui sont : prendre la fuite à nouveau ou essayer l’aventure du risque. Les deux attitudes sont, selon elle, déstabilisantes et sources de peurs, mais Jonas prend finalement la décision de risquer le changement, changement qui est source de salut. Le verset 2 du chapitre 3 est en tout point semblable à Jon 1, 2 : « Debout ! va vers Ninive, la grande ville et proclame […] ». La suite est toutefois un peu différente. Ici, contrairement à Jon 1, 2, YHWH ne lui dicte pas le message qu’il devra proclamer. Il se contente de lui dire d’aller à Ninive pour proclamer le message qu’il lui communiquera. Aucune hésitation cette fois – tel un prophète en temps normal. Jonas se lève et va vers Ninive, comme YHWH lui a commandé. Jonas n’a peur de rien. Est-ce parce qu’il fait confiance à YHWH cette fois ? Ou parce qu’il est d’une témérité, d’une insouciante extrême ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, il marche pendant une journée dans Ninive et fait une prédiction – sa seule – qui, historiquement, aurait été suicidaire : « encore 40 jours et Ninive sera renversée » (Jon 3, 4). Jonas ne dit pas par qui. Par YHWH ? Par une autre nation ? Quoi qu’il en soit, l’action/proclamation de Jonas provoque une réaction chez le peuple et le roi d’Assyrie. Ils ont apparemment peur de la prédiction de Jonas – alors que c’est ce dernier qui aurait dû avoir peur après avoir fait cette prédiction, à Ninive même. Selon da Silva (2000, 58-59), la peur qui étreint les Ninivites « ne les paralyse pourtant pas. […] Finalement, tous décident de changer de vie. […] Risquer le changement, voilà la source de salut pour tout un peuple qui périssait ». Selon le récit, les Assyriens comprennent instantanément qu’il n’y a qu’un seul Dieu qui représente tous les autres, comme les marins/hommes au chapitre 1. En effet, lorsque la narration se poursuit au v. 5, on apprend que les hommes de Ninive « eurent confiance en Dieu (Élohim) et proclamèrent un jeûne ». Cette réaction est pour le moins surprenante. Voire impossible. Mais il ne faut évidemment pas prendre ce récit au pied de la lettre. Il faut s’attarder au message du narrateur. Leur réaction est surprenante, mais elle s’avère être la bonne. La plus sage. Plutôt que de défier Jonas, de l’arrêter ou encore de l’assassiner, ils font confiance à Dieu. Le message du narrateur est clair et puissant. Tout d’abord, il faut noter que ce dernier s’adresse vraisemblablement à un auditoire composé d’individus qui ne sont pas des monothéistes convaincus et qui semblent être défavorables aux étrangers en général. Or, les Assyriens – un peuple qui imposaient aux peuples sous leur domination de prêter serment à leur dieu national, Aššur, et qui avaient pour but d’« assyrianiser » le monde, n’hésitant pas à faire disparaître des nations étrangères par le biais de déportation de masse – osent le changement en acceptant les paroles d’un dieu étranger et de son prophète. Le message du narrateur prend ici tout son sens : si les Assyriens en sont capables, pourquoi les Israélites – l’auditoire ciblé par le narrateur – n’en seraient-ils pas capables également ?
Le roi de Ninive, dont on ne donne pas le nom (comme « Pharaon » dans l’Exode), agit comme s’il était en deuil (Jon 3,6). Et tout cela a lieu après la prophétie d’un étranger. Bien que le thème de la peur ne soit pas spécifiquement évoqué, le roi supplie ses sujets (et même les animaux) de se repentir (Jon 3, 8), c’est-à-dire d’admettre leurs fautes et de promettre un changement d’attitude. Ce faisant, au v. 9, le roi espère que le « Dieu des dieux » (littéralement, le « les dieux » [Elohim avec l’article], suggérant que le roi assyrien réalise que tous les dieux sont représentés dans un seul Dieu, celui de Jonas) va aussi changer d’avis et revenir sur sa décision. Son espoir est exaucé : Dieu change d’idée et décide d’épargner Ninive et ses habitants parce que les Ninivites et leur roi se sont repentis et semblent accepter l’existence d’un Dieu unique. Selon le récit, n’eût été ce revirement de situation, la ville aurait été détruite 40 jours plus tard. Ninive allait certes être détruite, un jour, mais pas à l’époque du prophète Jonas ni à l’époque du personnage Jonas que le narrateur met en scène.
Pour expliquer cette fausse prophétie et par le fait même cette « fausse » proclamation divine, le narrateur intègre l’idée du repentir des Assyriens, ce qui lui permet de passer quelques messages théologiques : Dieu avait bel et bien décidé de détruire Ninive (ou l’Assyrie), mais il en a décidé autrement parce que les Assyriens se sont tournés vers lui et non vers leurs dieux. Évidemment, cette histoire n’a aucun fondement historique, mais elle permet au narrateur de suggérer que : 1) les étrangers sont capables de décisions raisonnées et sages ; 2) le repentir est d’une importance capitale et peut permettre le salut et 3) il n’y a qu’un seul Dieu, ce que même les Assyriens semblent reconnaître. Le narrateur tente de convaincre tous ceux qui pensent le contraire. Le message du narrateur est clair : il n’y a qu’un seul Dieu, qui représente/englobe tous les dieux et ce Dieu est capable de compassion, même envers les étrangers, à condition qu’ils n’aient pas peur – autrement dit, qu’ils aient la sagesse – de changer et de se repentir. Cette décision de Dieu d'épargner les Assyriens peut paraître inattendue, voire choquante, pour les Israélites puisque les Assyriens ont complètement ravagé le royaume du Nord à la fin du 8e siècle et ont presque fait la même chose quelques années plus tard avec le royaume de Juda. Mais cela ne fait que renforcer le message que la compassion de Dieu s'étend à tous, à condition qu'ils Le reconnaissent.
Conclusion
En conclusion, même si Jonas affirme qu’il « craint YHWH, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre ferme » sur le bateau (Jon 1, 9), son attitude, son comportement n’est pas celui d’un homme qui a peur. Il manque donc de sagesse en ne craignant pas Dieu. C’est le contraire chez les étrangers – les marins et les Ninivites des chapitres 1 et 3 – qui, eux, ont une peur sincère d’un Dieu qui n’est pas le leur. Ils osent le changement, ce qui s’avère salutaire pour eux. Malgré leur peur, ils ont espoir et sont sauvés. Ironiquement, ce sont des « païens » qui comprennent ce que Jonas ne comprend pas. Mais pourquoi cette ironie ? Selon notre lecture, le narrateur veut passer une série de messages à son auditoire. Tout d’abord, si les Israélites n’ont pas la sagesse d’avoir une crainte sincère de Dieu, qu’ils soient prophètes de YHWH ou non, ces derniers ne sont pas mieux que les païens. De plus, les païens aussi peuvent être sauvés, moyennant une attitude pleine de sagesse, c’est-à-dire d’une crainte de Dieu. Bref, des étrangers comprennent ce que Jonas, un Israélite, n’a pas compris. Il n’y a qu’un seul Dieu qui représente tous les dieux, ce qui inclut évidemment leurs dieux. Ce « Dieu » est miséricordieux envers ceux qui sont repentants, qu’ils soient Israélites ou non. S’il n’y a qu’un seul Dieu, il faut être conséquent : YHWH est donc aussi le Dieu des autres nations et peut donc avoir de la compassion envers des peuples étrangers. Somme toute, Aldina da Silva (2000, 50, note 2) avait vu juste – elle qui était si éprise de justice sociale : « Sous l’apparence d’un récit inoffensif, le livre de Jonas cache une politique sagement menée : le récit constituerait une réaction contre un parti conservateur et xénophobe tel qu’il s’exprime dans l’oeuvre d’Esdras et de Néhémie ». Le livre de Jonas – tout comme celui de Ruth sur lequel a aussi travaillé Aldina da Silva et qui remet également en question l’idéologie anti-étrangers que l’on retrouve dans les livres d’Esdras et de Néhémie – porte un message qui résonne encore aujourd’hui, un message en faveur de l’ouverture à l’autre, quel qu’il soit. Le narrateur se sert du personnage de Jonas comme exemple à ne pas suivre afin d’inciter le peuple à ne pas craindre le changement et à prendre les bonnes décisions, parmi lesquelles avoir la sagesse de craindre Dieu et accepter que YHWH, en tant que divinité unique, a le pouvoir de pardonner à tous, qu’ils soient Israélites ou non.
Parties annexes
Note biographique
Éric Bellavance est chargé de cours à l’Institut d’études religieuses et au département d’histoire à l’Université de Montréal. Il est également chargé de cours au département d’études théologiques de l’Université Concordia. Il collabore présentement à la nouvelle traduction française du Grand rouleau d’Isaïe (Éditions du Cerf, Paris).
Notes
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[1]
À partir du règne de Sennachérib (705-681).
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[2]
Quelques exégètes ont déjà noté que le livre de Jonas n’a presque rien d’un livre prophétique et que le Jonas du livre du même nom ne se comporte pas comme un prophète.
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[3]
Wolff traite surtout de la différence stylistique et théologique entre les écrits sapientiaux et prophétiques, sans pour autant les distinguer réellement dans son ouvrage.
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[4]
À moins d’une spécification contraire, les passages bibliques sont tirés de la TOB (2010).
-
[5]
À ce sujet, voir Longman III (2008, 201-205).
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[6]
Voir par exemple Dt 5, 29.
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[7]
Voir Bellavance (2011, 373-390).
-
[8]
Il est par ailleurs très probable, toujours selon Römer (2007, 76), « qu’un exemplaire du traité de vassalité de Manassé avec le roi assyrien ait été conservé à Jérusalem ; les scribes jérusalémites connaissaient certainement la propagande et la production littéraire assyriennes ». Sur les traités d’alliance au Proche-Orient ancien en général, voir Charpin (2019) et Briend et al. (1992).
-
[9]
Cette réaction subversive permet d’expliquer pourquoi le verbe yr’ est utilisé dans la Bible hébraïque pour exprimer un sentiment religieux alors que cette expression fait généralement référence à des émotions liées à la peur, l’effroi, la terreur, etc. À ce sujet, voir l’étude détaillée de Gruber (1990) sur les verbes hébreux et akkadiens yr’ et palāḫu.
-
[10]
Toutes les traductions du texte de Jonas sont celles de l’auteur.
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[11]
Certains auteurs soutiennent que la raison de la fuite de Jonas est à trouver en Jon 4, 2. C’est le cas, notamment de Levine (1984, 243), Hauser (1985, 35), Wolff (1986, 168 et 176) et Moberly (2004, 157-158). Cette suggestion est toutefois problématique. Le Jonas du chapitre 1 ne pouvait savoir que Dieu allait épargner les Ninivites après les avoir condamnés à la destruction. L’auteur du chapitre 4 donne des informations, des détails qui ne se retrouvent pas dans le premier chapitre du récit.
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[12]
Voir Habib (2014, 69).
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[13]
Bosma (2013, 90) est aussi de cet avis.
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[14]
À ce sujet, voir Bellavance (2016).
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[15]
À noter que toutes les traductions de Jon 1 sont celles de l’auteur.
-
[16]
Da Silva (2000, 52 [note 8]) apporte une précision intéressante : « La racine rdm indique un sommeil profond, plus qu’un sommeil normal (yshn). La Bible emploie rdm pour décrire le sommeil d’Adam (une sorte de torpeur) quand Dieu lui prend une de ses côtes […] (Gn 2, 21), ou le sommeil de Sisera avant de mourir (Jg 4, 21). Voir aussi Gn 15,12; Is 29,10; Jb 4,13; Pr 19,15 ».
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[17]
C’est le cas notamment de Hauser (1985) et Simon (1999).
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[18]
Voir Kaplan (2019, 154).
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[19]
Voir Jr 27, 18.21 ; 28, 3.6.
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[20]
Étant donné qu’ils vont d’un endroit à l’autre (de Jaffa vers Tarsis), il est plus probable qu’ils soient des marchands en non des pécheurs.
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[21]
Dans son analyse de Jon 1, 4-16, Magonet (1983, 57) propose une structure en chiasme centrée autour du mot « peur » et place le point tournant du chapitre 1 au verset 9. Wolff (1986, 108) est aussi de cet avis.
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[22]
L’expression « dieu des cieux » est plutôt rare et est habituellement considérée comme post-exilique (époque perse) : Gn 24, 3.7 ; Jon 1, 9 ; Esd 1, 2 ; Ne 1, 4.5 ; 2, 4.20 ; 2 Ch 36, 23. Voir aussi Dn 2,18. 19. 37. 44.
-
[23]
Sans vraiment donner d’exemples, Bosma (2013, 68) suggère que c’est ainsi que les juifs et/ou les Israélites se présentaient devant les étrangers. C’est aussi l’avis de Simon (1999, 8). Pour Landes (1999, 279), cette affirmation répond aux inquiétudes des marins qui veulent en savoir davantage sur les causes de la tempête. Wolff (1986, 115) y voit l’utilisation d’un terme générique habituellement utilisé devant des étrangers et auquel le lecteur de l’époque pouvait s’identifier. La proposition de Sasson est semblable. Selon lui (1990, 115-117 et 126-127), l’utilisation du terme « hébreu » aurait le double avantage d’être reconnu de tous (Israélites et étrangers).
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[24]
Bosma (2013, 73) dresse la liste suivante à partir du Theological Dictionary of the Old Testament : Ex 14, 31; Dt 6, 2.13.24; 10, 12.20; 14, 23; 17, 19; 28, 58; 31, 12.13; Jos 4,24; 22, 25; 24, 14; 1 S 12, 18. 24; 1 R 18, 3.12; 2 R 4, 1; 17, 25.28.36.39; Jr 5, 24; 26, 10; Os 10, 3; Ma 3, 16; Ps 34, 10; Pr 3, 7; 24, 21.
-
[25]
Il faudrait toutefois ajouter que c’est principalement parce qu’il craint les dieux que le roi de Babylone les révère. Il le fait parce qu’il a « peur » des conséquences de ne pas vénérer les dieux.
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[26]
Gruber (1990, 415).
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[27]
Bosma (2013, 73-74).
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[28]
À noter que cette expression est un hapax.
-
[29]
Hauser (1985, 27).
-
[30]
À noter qu’il n’est plus question des « marins », mais des « hommes », ce qui pourrait indiquer un changement d’auteur.
-
[31]
Le commentaire du narrateur à la fin du verset 10 est vraisemblablement un ajout postérieur, alors qu’il donne une information supplémentaire au lecteur/auditeur qui ne figure pas dans le récit.
-
[32]
Cette idée a déjà été suggérée par Bosma (2013, 82-83).
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[33]
Bosma (2013, 83) dresse la liste suivante : Dt 15, 9; 21, 8; Jon 4, 2; 2 R 20, 3//Is 38, 3; Jr 3, 22; 31,18; Ps 115, 3; 116, 4.16; 118, 25; 135, 6 ; Ne 1, 5.
-
[34]
Nous n’irions toutefois pas jusqu’à parler de conversion – contrairement à ce que prétendent Wolff (1986, 119) et Bosma (2013, 81-83), par exemple. Le terme « conversion » est anachronique et ne peut s’appliquer ici. Les hommes de l’équipage ne peuvent se convertir à un dieu qu’ils ne connaissent pas. Mais le message du narrateur est clair: ces « païens » réalisent qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Un puissant message aux Israélites qui n’en étaient pas encore convaincus.
-
[35]
À ce sujet, voir Simon (1999, 12).
-
[36]
Voir la discussion dans Bosma (2013, 78-79).
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[37]
À noter que le mot « marin » n’est utilisé qu’en Jon 1, 5.
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[38]
Voir aussi Bosma (2013, 80-81).
-
[39]
Selon da Silva (2000, 55, note 21), la prière de Jonas a « sans doute été insérée par un des rédacteurs du livre à un moment du récit ». Il nous parait possible que cette histoire ait été ajoutée pour servir d’introduction à une prière d’action de grâce plus ancienne (chapitre 2) où le prophète Jonas prie son Dieu à l’intérieur du royaume des morts, la Shéol. Une analyse plus poussée, que nous ne pouvons entreprendre puisqu’elle dépasserait le cadre de cet article, serait nécessaire.
-
[40]
Plusieurs auteurs doutent de l’authenticité de cette prière. Selon da Silva (2000, 55, note 21), la prière de Jonas a « sans doute été insérée par un des rédacteurs du livre à un moment du récit. ».
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[41]
Voir par exemple : 2 S 22, 7 ; Ps 18, 7 et 120, 1.
-
[42]
C’est le cas dans le livre Job et dans certains Psaumes.
Bibliographie
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