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  • Gillian Lane-Mercier

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  • Gillian Lane-Mercier
    Université McGill

Tout porte à croire que non seulement la notion de figure n’a cessé d’alimenter, implicitement ou explicitement, la réflexion traductologique depuis bientôt trente ans, mais que, aujourd’hui, elle n’a rien perdu ni de son acuité ni de son pouvoir de problématisation. À une nuance près : aux grandes dichotomies forgées à partir de celle, fondatrice, entre (la figure) du Propre et (la figure) de l’Étranger, lesquelles ont dominé les recherches tout au long des années 1980 et 1990, s’est peu à peu substituée une tendance à remettre en question les frontières qui en assuraient la cohérence. C’est du moins ce que confirme ce numéro de TTR, qui présente le premier de deux dossiers axés sur les figures du traducteur et du traduire telles qu’elles se dessinent dans la perspective des débats traductologiques actuels. Les articles ici réunis proposent, selon des appareils conceptuels et méthodologiques variés, de circonscrire, dans le sillage des travaux de Meschonnic, de Berman, de Venuti et de Toury, les manières dont il est possible de (re)penser le sujet traduisant et l’activité traduisante au-delà des dichotomies dans lesquelles, trop souvent, ils ont été pris. Conçues, respectivement, comme agent interculturel et comme processus « transférentiel » complexe susceptible à la fois de s’inscrire dans le texte traduit et de transcender le plan individuel, ces deux figures ne peuvent plus être appréhendées en fonction de la logique binaire dont sont tributaires les oppositions, longtemps incontournables au sein de la discipline, comme soi/ autrui, littéral/ hypertextuel, visibilité/ invisibilité, cibliste/ sourciste, foreignizing/ domesticating, auteur/ traducteur, création/ traduction. Embrayant donc sur les débats traductologiques récents, ces articles cherchent tant à y contribuer qu’à les prolonger par le biais d’une exploration de l’histoire de l’apparition et du démantèlement des binarismes, des enjeux soulevés par leur dépassement et des nouveaux axes de réflexion qui en découlent. Comment convient-il désormais d’envisager le statut ontologique, culturel, identitaire, institutionnel et intercommunautaire du traducteur, d’une part, et, de l’autre, la nature et les fonctions de sa pratique? Quelles sont les conséquences (éthiques, esthétiques, culturelles, géopolitiques, institutionnelles, ontologiques, commerciales…) de ce dépassement? A-t-il un impact sur la manière dont le traducteur négocie ses affiliations linguistiques, culturelles, institutionnelles et communautaires ou encore ses liens d’appartenance et d’allégeance territoriales? Quel est son impact sur l’histoire de la traduction et sur la manière dont il est possible de comprendre aussi bien le statut et les pratiques du traducteur que la dynamique des transferts interculturels en vigueur à des époques et dans des sociétés révolues? Ce démantèlement affecte-t-il la manière dont il importe d’interpréter et de mettre en application la notion bermanienne de « destin de traducteur »? De déterminer la position, le projet et l’horizon traductifs du traducteur? De décrire le processus traductionnel, ainsi que les devoirs et libertés du traducteur? De traduire des textes « mineurs » ou minoritaires? De cerner le statut et la fonction du texte traduit au sein de la société d’accueil? Permet-il de (re)conceptualiser le rôle de l’écrivain-traducteur? Malgré la diversité des réponses et des approches proposées par les auteurs, un dénominateur commun les réunit : s’il est nécessaire de poser ces questions en s’attachant tantôt à la figure du traducteur, tantôt à la figure du traduire, tantôt – et le plus souvent, figure oblige – à l’interface entre les deux, c’est parce qu’il y va tout à la fois des limites et des possibilités de la traductologie. Le numéro s’ouvre sur un texte de Louise Ladouceur qui offre, dans une perspective historique où sont conjuguées l’évolution de la position traductive de Michel Tremblay et l’évolution de l’institution littéraire québécoise depuis le début des années 1970, …

Parties annexes