Comptes rendus de lecture

George Orwell. Correspondance avec son traducteur René-Noël Raimbault. Céline Place et Madeleine Renouard (dirs). Paris, Jean-Michel Place, 2006, 145 p.[Notice]

  • Nour Dib

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  • Nour Dib
    Université McGill

Cet ouvrage présente pour la première fois la correspondance entre George Orwell (pseudonyme d’Eric Blair), et René-Noël Raimbault, son premier traducteur français. Outre les vingt lettres qui constituent l’ensemble de la correspondance, le livre comprend une introduction de Marie-Annick Raimbault, petite-fille du traducteur, ainsi que plusieurs documents qui éclairent le rapport de René-Noël Raimbault à son métier de traducteur : des lettres échangées entre Raimbault et Jean Pons, chef des cuisines du Strand Palace Hotel, un court extrait d’une lettre du traducteur à sa belle-fille à la mort de George Orwell, une contribution de Raimbault à une enquête sur la traduction publiée dans Les Lettres Françaises, et, enfin, une réponse écrite du traducteur à une institutrice intéressée par la traduction littéraire. Le lecteur ne peut qu’être reconnaissant du soin délicat accordé par l’éditeur, Jean-Michel Place, à la facture du livre. Les lettres, disposées en ordre chronologique et scrupuleusement identifiées, sont entrecoupées d’illustrations (photographies de Raimbault et d’Orwell) et de reproductions en fac-similé des lettres échangées, de cartes postales, et d’extraits de journaux et de livres, qui imposent un rythme agréable à la lecture. L’éditeur n’a épargné aucun effort et ce, jusque dans la couverture du livre sur laquelle figure une photographie d’Orwell, pour redonner à cette correspondance inédite son éclat d’origine, et lui permettre d’échapper à l’oubli. Dans l’introduction, Marie-Annick Raimbault raconte comment elle a découvert la correspondance entre son grand-père et le romancier anglais dans la bibliothèque de son père, et résume le contenu des lettres en les enrichissant de détails de la vie de Raimbault. Elle peint un portrait touchant du traducteur : c’est un homme « [a]nimé d’une curiosité infinie pour le monde et la littérature » (p. 10). Lui-même se décrit comme étant toujours « friand de découvertes » (p. 89). En 1934, au moment où débute la correspondance, il a 52 ans. Il est professeur de lettres au Lycée du Mans, mais aussi peintre, graveur sur bois, écrivain et traducteur. Il s’intéresse à « plusieurs domaines d’expression, [estimant] que chacun d’eux nourri[t] l’autre » (p. 10). Il a traduit Upton Sinclair et William Faulkner, faisant connaître ce dernier en France et dans le monde avec sa traduction de Sanctuary (publiée en 1933). Faulkner lui-même dira qu’il doit à Raimbault et aux lecteurs français « la moitié de [son] prix Nobel » (p. 90). En 1934, un ami américain prête à Raimbault Down and Out in Paris and London, de George Orwell. Le jeune auteur britannique a alors 31 ans, et Down and Out est son premier roman. Publié à Londres en janvier 1933, le livre est tiré de son expérience de « mouisard » dans les bas-fonds de Paris et de Londres, où il a occupé divers petits emplois (plongeur, garçon de café, etc.). Raimbault s’y intéresse vivement, et persuade Gaston Gallimard, qui lui doit le succès des traductions de Faulkner, de miser sur le jeune débutant. En octobre 1934, Raimbault écrit pour la première fois à Orwell pour l’informer qu’il a traduit son livre, et amorce ainsi un dialogue qui durera 14 mois, d’octobre 1934 à décembre 1935. La correspondance entre Raimbault et Orwell est publiée ici en version originale française et en version anglaise, établie sur la traduction de Peter Davison, éditeur des Oeuvres complètes d’Orwell. Dans sa première lettre, Raimbault s’excuse d’écrire au Britannique dans une langue qui n’est pas la sienne, disant que « le français est comme un vieux veston qu’on a beaucoup porté et qui ne [le] gêne plus aux emmanchures » (p. 20 ). Il est surtout convaincu qu’en sa qualité de « vieux parisien …

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