Comptes rendus

Geneviève Roux-Faucard. Poétique du récit traduit. Paris, Lettres modernes Minard, 2008, 276 p.[Notice]

  • Elisabeth Lortie

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  • Elisabeth Lortie
    Université d’Ottawa

Dans son livre, Geneviève Roux-Faucard jette un regard global, honnête et culturel sur la traduction du texte narratif littéraire. Pourquoi culturel? Parce qu’elle considère le processus traductif comme un changement d’arrière-plan culturel ou un dialogue culturel entre l’auteur, le traducteur et le lecteur. L’auteure fait une analyse exhaustive, sans toutefois donner de détails inutiles. Elle fait cette analyse en toute humilité parce qu’elle avoue ne pas avoir réponse à toutes les questions ne relevant pas nécessairement de son champ d’expertise ou directement du champ de son étude. Pour pallier la situation et afin que le lecteur puisse approfondir certaines notions à son gré, l’auteure fournit des références à consulter tout au long du texte et à la fin de l’ouvrage (près de six pages de références). Ce dernier est donc très bien documenté. Parmi les sujets qui peuvent être examinés en profondeur, on trouve notamment la narratologie comparée. L’auteure pose également des questions sur les relations entre la pensée et le langage : « Y a-t-il une teneur universelle du message qui s’exprime au moyen de la langue propre du locuteur ou la pensée de celui-ci est-elle conditionnée par sa langue? La langue est-elle simplement l’outil servant à dire une pensée déjà formée et qui la précède ou bien est-elle un espace clos à l’intérieur duquel toute pensée prend forme? » (p. 178). L’auteure suggère une piste de recherche en indiquant que le domaine du fonctionnement neurologique de la pensée et du langage serait probablement la clé. Roux-Faucard effectue son étude de façon très rigoureuse : elle détermine la limite du corpus étudié; elle énonce, pratiquement au fur et à mesure qu’elles se soulèvent dans la tête du lecteur, les questions primordiales auxquelles elle tente de répondre; elle explique clairement les notions ainsi que les hypothèses avancées, qui peuvent sembler de prime abord complexes; elle montre les deux côtés de la médaille pour chacun des énoncés et cherche les points positifs et négatifs; elle fait des récapitulations et dresse des tableaux au moment opportun; elle isole les facteurs pour mieux les examiner. Finalement, elle cite de grands noms de la traductologie et de la critique littéraire, notamment Barthes, Genette, Eco, Bakhtine, Berman, Meschonnic et Riffaterre. Quant aux oeuvres dans lesquelles Roux-Faucard puise ses exemples, on trouve entre autres La métamorphose (sur laquelle elle s’appuie tout au long de son livre) et Le château de Kafka, La fille du capitaine de Pouchkine, Amok de Sweig, L’Énéide de Virgile, Pays de neige de Kawabata, La femme des sables de Kōbō ainsi que Don Quichotte et Le mariage trompeur de Cervantès. Le livre est très bien divisé : il est réparti en neuf courts chapitres, qui se lisent facilement et qui modulent adéquatement le raisonnement de l’auteure. Je n’ai d’ailleurs pas eu besoin de retourner en arrière pour reprendre la lecture d’un passage et il y a même un glossaire à la fin, au besoin. On y trouve des termes communs en traduction (adaptation, cibliste, correspondance, équivalence, révision, sourcière) ainsi que des termes plus spécia-lisés ou propres au champ d’études (p. ex., effet, lecteur possible, lecteur réel, littéralisante, modernisante, retraduction). Par contre, bien qu’elle souligne l’importance d’expliquer les termes étrangers, Roux-Faucard néglige de fournir, à plusieurs reprises, la traduction ou la signification de certains passages ou mots allemands, ce qui nuit à la compréhension des lecteurs qui ne maîtrisent pas l’allemand. En ce qui concerne le contenu, le livre commence avec une citation de Barthes : « Innombrables sont les récits du monde » (p. 5), qui reflète parfaitement le ton …