Comptes rendus

Jean-Marc Gouanvic. Sociologie de l’adaptation et de la traduction : le roman d’aventures anglo-américain dans l’espace littéraire français pour les jeunes (1826-1960). Paris, Honoré Champion, 2014, 265 p.[Notice]

  • Julie Arsenault

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  • Julie Arsenault
    Université de Moncton

Depuis 1994, quand paraît « La traduction et le devenir social : le cas de l’irruption de la science-fiction américaine en France après la Seconde Guerre mondiale » dans TTR, Jean-Marc Gouanvic s’efforce de mettre en pratique la sociologie de Pierre Bourdieu en traductologie, et il multiplie les articles, les communications et les ouvrages. Son dernier livre élargit la perspective en appliquant la réflexion à l’adaptation et il s’inscrit dans la ligne des deux précédents (1999 et 2007). Cette fois, il choisit de mettre en contraste l’illusio (dimension textuelle de la littérature et effet intériorisé par le lecteur) de romans d’aventures anglo-américains et leurs traductions/adaptations afin de dégager les traits distinctifs de l’adaptation et de la traduction par rapport aux récits originaux, et d’établir une possible éthique de l’adaptation. L’auteur ouvre son avant-propos sur une constatation : les récits pour jeunes sont sans doute les plus transformés, les plus adaptés, en littérature. Cet état a pourtant assez peu intéressé les chercheurs francophones en littérature pour jeunes, en dépit de l’importance de leur rôle dans la transformation des institutions littéraires. Cette entrée en matière introduit un corpus d’oeuvres de James Fenimore Cooper (chapitre II), d’Herman Melville (chapitre III), de Harriet Beecher Stowe (chapitre IV), de Mark Twain (chapitre V), de Jack London (chapitre VII), de James Oliver Curwood (chapitre VIII) et d’Edgar Rice Burroughs (chapitre IX). Un chapitre théorique précède ceux sur les auteurs anglo-américains adaptés et traduits, et un autre précède ceux sur les auteurs anglo-américains traduits. Puis, Gouanvic s’efforce d’élargir la réflexion traductologique à l’« adaptologie » et de reconnaître à l’adaptation une légitimité analogue à celle de la traduction. L’introduction pose les bases de l’ouvrage. Après avoir rappelé les principales conceptions de l’adaptation et de l’adaptation pour les jeunes, l’auteur propose la sienne : les adaptations sont des faits sociologiques spécifiques qu’il étudie sous la forme exclusive constatée dans son corpus, à savoir les adaptations par abrégement. Il présente ensuite les caractéristiques des espaces littéraires source et cible des oeuvres étudiées, ce qui ouvre sur les notions centrales d’illusio et d’homologie (« une ressemblance dans la différence », selon Bourdieu), notions qu’il définit en insistant sur l’importance de l’homologie et en affirmant qu’il cherche à voir comment, concrètement, ces notions s’articulent. Le chapitre premier, « Le champ de la littérature pour jeunes : droit d’auteur et droit de traduction », est une entrée en matière qui remet en perspective la formation du champ de la littérature pour jeunes, le droit d’auteur et le droit de traduction. Plus précisément, il y est question de la reconnaissance de l’enfant en tant que personne, de l’alphabétisation, des enjeux de la littérature jeunesse (éducation et récréation), de l’influence du format Charpentier (fidélisation des lecteurs) et des conséquences de la Convention internationale de Berne de 1886. « De la traduction à l’adaptation pour les jeunes : socioanalyse du Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper » propose une analyse de la première traduction (Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret) et d’une adaptation (Gisèle Vallerey) de l’oeuvre la plus renommée de l’auteur américain. Après un bref rappel de la trajectoire sociale de Cooper, Gouanvic s’attaque à une analyse détaillée des textes cibles. Sa conclusion est surprenante : par rapport au texte source, l’homologie de l’adaptation va plus loin que celle de la traduction, ce qui s’explique par le fait que Defauconpret « prend ses aises avec le texte américain » (p. 55), alors que Vallerey propose un « modèle d’adaptation heureuse, établi par abrégement et remodelé à partir d’une matrice traductive antérieure [adaptation à partir de la traduction de Defauconpret] » (p. 64). Cette constatation …

Parties annexes