Territoires, histoires, mémoiresTerritories, histories, memories

Territoires, histoires, mémoires : présentation[Notice]

  • Álvaro Echeverri et
  • Georges L. Bastin

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  • Álvaro Echeverri
    Université de Montréal

  • Georges L. Bastin
    Université de Montréal

« De la traduction nul n’est libre », disait Antoine Berman (1984, p. 44). L’ubiquité de la traduction dans le temps et dans l’espace explique la nature inépuisable des problématiques traductologiques. Dans le temps, les traducteurs n’ont pas été avares d’initiatives ni de stratégies en partie remisées dans nos mémoires; dans l’espace, les traducteurs ont franchi d’innombrables frontières et investi nombre de territoires, parfois encore méconnus. Ces mouvements temporels et spatiaux, oubliés voire ignorés, pointent vers les « Blank spaces » répertoriés par Julio César Santoyo en 2004. En effet, à la problématique néocoloniale, celle des langues nationales et des peuples autochtones, celle des transferts littéraires, celle des échanges commerciaux et technologiques, qui sont loin d’être épuisées, il s’en ajoute constamment d’autres qui ne cessent d’intéresser les traductologues telles la mondialisation et l’écotraduction, la littérature virtuelle, les pratiques émergentes dans les pays en développement. Toutes ces problématiques sont par nature transfrontalières, transnationales et transterritoriales. Traduire, c’est occuper le territoire de l’autre, au propre et au figuré. D’une part, le traducteur s’empare de l’auteur pour le sortir de son environnement et le transporter en d’autres lieux. Par la traduction, un auteur voyage vers d’autres espaces. D’autre part, le texte traduit déplace l’original, il prend sa place, le remplace et le replace. Il peut faire mieux que lui, il peut aussi l’abaisser ou le faire briller. Cette capacité de la traduction à traverser le temps et à occuper de nouveaux territoires signifie également qu’il devient davantage difficile de cerner ce qui fait ou non partie du territoire traductologique. La traduction transite de la compétence à la performance, de l’intuition à la réflexion, du somatisme au mentalisme, mais sait-on à quoi ces parcours initiatiques ont abouti? Les langues autochtones, comme les peuples, leur identité et leurs traditions, perdent du terrain. La récupération, par le truchement de la traduction, des récits oraux des communautés sans tradition écrite contribue à freiner cette perte. La traduction participe à la préservation de la mémoire des mots et des langues, de même qu’à celle des idées, des sensations et des pratiques. La traduction devient ainsi un témoignage des récits fondateurs et formateurs, pour que les peuples restent toujours les principaux responsables de leur propre histoire. Les études en histoire de la traduction ont joué un rôle primordial dans l’institutionnalisation de la traduction comme domaine de recherche. La prolifération d’anthologies du discours de la traduction, d’encyclopédies et autres Handbooks et Readers le confirme d’ailleurs. D’une histoire centrée principalement sur des problématiques propres à l’Europe de l’Ouest et à son expansion vers l’Amérique du Nord, la traductologie s’est élargie, comme dirait Tymozcko (2007), spatialement et conceptuellement. L’histoire explore aujourd’hui de nouveaux territoires, et cette exploration révèle de nouvelles façons d’appréhender l’objet-traduction. Le métalangage traductologique, créé au fil des décennies, souffre encore d’une indéfinition qui le mine. Les traductologues ont perdu la mémoire ou cherchent à s’en créer une nouvelle. Concepts, approches et modèles s’entrecroisent, s’enrichissent ou se contredisent. Une remise en question s’impose. L’incorporation de méthodologies empruntées à d’autres disciplines, aussi bénéfique soit-elle, doit être compensée par des outils forgés à partir de la matière première traductologique, de l’expérience même des traducteurs. En dépendent la survie et le développement de nos recherches. Les articles qui composent ce numéro sont issus de com-munications présentées à l’occasion du congrès annuel de l’Association canadienne de traductologie tenu à St. Catherines en 2014. Madeleine Stratford et Myriam Legault-Beauregard, respectivement professeure et étudiante à l’Université du Québec en Outaouais, présentent une étude sur l’image que les lecteurs mexicains peuvent se faire de la poésie et de la culture québécoises. Pour ce faire, elles ont …

Parties annexes