La traduction littéraire et le CanadaLiterary translation and Canada

La traduction littéraire et le Canada : présentation[Notice]

  • Nicole Côté,
  • Danièle Marcoux et
  • Madeleine Stratford

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  • Nicole Côté
    Université de Sherbrooke

  • Danièle Marcoux
    Université Concordia

  • Madeleine Stratford
    Université du Québec en Outaouais

En 1977, Philip Stratford déclarait que le Canada n’avait pas de « tradition » de traduction littéraire, mais qu’une certaine « tendance » en ce sens commençait à poindre, en particulier depuis l’avènement du programme de financement du Conseil des arts du Canada. Près de quarante ans plus tard, il ne fait aucun doute que la traduction littéraire a maintenant une tradition et qu’elle a jusqu’ici joué un rôle-clé dans la formation identitaire du pays, sur les plans culturel, économique, politique, social, etc. Sa fonction d’agent de rapprochement entre les deux « solitudes » relève aujourd’hui de l’histoire ancienne. Bien qu’elle ait été nécessaire, cette conception semble désuète dans un pays comme le Canada qui, s’il conserve ses deux langues officielles, témoigne également d’une grande diversité ethnique, culturelle et linguistique, dont celle naguère niée des Premières Nations. En effet, au cours des dernières décennies, une internationa-lisation et une diversification se dessinent au sein du polysystème canadien. Non seulement la scène littéraire s’est élargie grâce à une inclusion des littératures émergentes, minoritaires, migrantes, régionales, autochtones ou autres, mais elle s’est aussi enrichie grâce à un foisonnement de genres littéraires, sur support papier comme électronique. On traduit de plus en plus des littératures orales (slam, contes, chansons) et les littératures jeunesse, des genres hybrides comme le livre d’art. En outre, on traduit et on publie au Canada un nombre grandissant d’auteurs d’ailleurs, sans compter la popularité des auteurs canadiens plus traduits que jamais. Bref le dialogue littéraire entre les deux langues officielles s’est transformé en un échange pluriel résonnant des langues des Amériques, minoritaires ou non, si bien que le capital littéraire et traductif du Canada a aujourd’hui une portée planétaire. Témoin, l’inauguration du programme de résidence du Centre international de traduction littéraire de Banff, qui accueille chaque été des traductrices et traducteurs littéraires de partout dans le monde. Dans un tel contexte, nous voulions établir un lien clair entre la traduction littéraire et le Canada (conjonction au sens fort) qui invite à la penser comme une constituante de la singularité canadienne, un lieu de synthèse de diverses influences, prolongement des cultures européennes, métissage avec les peuples autochtones, pluralité de langues, en plus des langues officielles. Le Canada est un pays traducteur s’inscrivant dans un continent traducteur. Par conséquent, il est intéressant de le lire comme l’héritier de traditions intellectuelles dont l’originalité est le fruit de la traduction. Les études en traductologie fournissent désormais un cadre de référence et d’analyse propice à la reconnaissance du rôle de la traduction littéraire dans l’éclosion, le maintien et la redéfinition de l’identité canadienne (mouvante, comme tout ce qui cherche à se perpétuer). Ce numéro de TTR se veut une occasion de dresser un bilan des acquis et des perspectives d’avenir en matière de traduction et de traductologie littéraires. Les cinq articles inclus s’inscrivent dans deux axes complémentaires : la traduction au Canada d’oeuvres littéraires d’origine étrangère et la diffusion de la littérature canadienne, ici comme ailleurs, au moyen de la traduction. Les trois premiers articles discutent de traduction de poésie, tandis que les deux autres abordent la traduction du vernaculaire, le premier dans un roman, le second dans diverses pièces de théâtre. Dans l’article qui ouvre le numéro, « De Bellefeuille sous la plume de D. G. Jones », Patricia Godbout revisite les versions anglaises de Normand de Bellefeuille signées D. G. Jones, un des pionniers de la traduction de poésie québécoise vers l’anglais. Elle discute d’abord de la définition de la traduction que donne Arno Renken, pour qui elle est « un texte et un texte » (2012, p. 29), un …

Parties annexes