Comptes rendus

Robert Carvais, Valérie Nègre, Jean-Sébastien Cluzel et Juliette Hernu-Bélaud, dir. Traduire l’architecture. Texte et image : un passage vers la création ? Paris, Picard, 2015, 296 p.[Notice]

  • Yves Chevrel

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  • Yves Chevrel
    Université Paris-Sorbonne

L’architecture ressortit à l’art et à la science et concerne la vie sociale. Sur ces bases, l’ouvrage analysé ici met en évidence les spécificités des traductions d’ouvrages d’architecture. Issu d’une entreprise engagée en 2009, appuyé sur une série de journées d’étude, il réunit 21 contributions (17 en français et 4 en anglais) réparties en deux grandes parties équilibrées : « Traduire, d’une langue à l’autre » et « La traduction comme pratique créative ». Celles-ci sont encadrées par des « Remarques sur quelques particularités de la traduction en architecture » (Nègre, p. 9-15) et une Postface intitulée « L’architecture ‘traduite’, entre fidélité et innovation ? » (Carvais, p. 271-287). Un Index des noms et des institutions (p. 289-296) clôt le volume, qui inclut de nombreuses reproductions de planches. Cette structure n’implique toutefois pas une distinction radicale entre deux types de traductions. Très bien informée sur les débats théoriques actuels en traductologie et leurs enjeux, la Postface explicite les apports des différents contributeurs. Robert Carvais y propose une typologie complexe de la traduction architecturale : à côté de la traduction altérante, déformant sciemment l’ouvrage pour des raisons parfois difficiles à établir, il distingue : la traduction savante, attachée à transmettre des débats théoriques ; la traduction technique, utile pour l’action (construire, mais aussi bâtir une nomenclature juridique) ; la traduction politique, au service de missions d’État ; la traduction primaire ou littérale, visant à faire comprendre un ouvrage consacré à un sujet précis, adapté pour des motifs culturels. Ces différents types de traduction peuvent évidemment se recouper ou se superposer ; ils impliquent de plus les questions liées à la « traduction visuelle » des illustrations. Ces questions traversent la grande majorité des contributions qui constituent l’ouvrage. L’article « The Tomb of Porsenna » de Fabio Colonnese part de la description, due à Pline l’Ancien, du Labyrinthus Italicus, dont l’existence n’est pas avérée, pour évoquer diverses « graphical translations » (p. 161) (qui supposent une possible altération des manuscrits : petasus ou pegasus ?). À l’inverse, explique Michaël Decrossas dans son article « Les oeuvres d’architecture d’A. Le Pautre », les dessins d’Antoine Le Pautre, publiés en planches de 1652 à 1658, sont réédités après sa mort, vers 1683, avec des « discours » (p. 182) du jeune Augustin-Charles d’Aviler, qui sous-entend leur aspect utopique. Le rapport texte-image est évidemment au coeur de tous les articles qui étudient des traductions précises ; les langues concernées, langues sources et/ou langues cibles, sont nombreuses : latin, italien, français, anglais, allemand, espagnol, roumain, néerlandais, suédois, japonais. Le latin est la langue du premier traité d’architecture conservé en Europe, le De architectura de Vitruve : vers 1452, Leon Battista Alberti s’efforce de créer un latin technique notamment dans le De re aedificatoria, prévu pour remplacer l’ouvrage de Vitruve, critiqué pour son vocabulaire trop hellénisé, ce qui conduit Pierre Caye, dans son article « L. B. Alberti et la question de la latinité technique », à mettre en cause l’opinion reçue selon laquelle les langues vernaculaires jouent un rôle primordial à la Renaissance. En 1708 encore, Henry Aldrich publie ses Elementa Architecturae pour servir d’exemple aux débutants ; il y exprime sa révérence envers Palladio (autre grande référence), mais en s’écartant fortement de ses dessins, comme le montre Eleonora Pistis dans son article « ‘Tironibus pro exemplo’ : Henry Aldrich’s Elementa Architecturae and architectural education at Oxford ». Mais, très vite, la circulation européenne des ouvrages en langues vernaculaires pose de nouveaux problèmes. Jean Rondelet (1743-1829) fait partie des architectes reconnus, notamment pour son Traité théorique et pratique …

Parties annexes