Présentation[Notice]

  • Valérie Florentin et
  • Georges L. Bastin

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  • Valérie Florentin
    York University

  • Georges L. Bastin
    Université de Montréal

L’adaptation en traductologie a longtemps eu mauvaise presse. Considérée à l’origine comme la « limite extrême de la traduction » (Vinay et Darbelnet, 1958 ; Vázquez-Ayora, 1977, notamment), une opération distincte de la traduction, voire une « trahison » ou même un « manque de respect » (Bensoussan, 1988), l’adaptation a vu resurgir cette image négative chaque fois que des questions d’équivalence, de fidélité et de primauté du texte source sont invoquées. Et ce, en dépit des appels de nombreux auteurs à la considérer comme partie intégrante de l’opération de traduction (Hurtado, 1990 ; Bastin, 1990 ; Gambier 1992, notamment) et de la revendication d’autres à y voir un domaine d’étude de plein droit (Hutcheon, 2006 ; Raw, 2012 ; Cattrysse, 2014 ; mais aussi Doorslaer et Raw, 2016). Il est donc permis de se poser deux questions essentielles : a) L’adaptation fait-elle ou non partie de l’opération de traduction ? b) L’adaptation comme domaine d’étude comprend-elle ou non l’adaptation-traduction ? a) Personne ne niera aujourd’hui l’omniprésence de la démarche adaptative en traduction professionnelle, qu’elle soit publicitaire ou audiovisuelle ou qu’elle soit localisation de logiciels, de jeux vidéo ou de téléphonie. Faut-il y voir un procédé ou une vision de la traduction ? Le domaine littéraire, romanesque, poétique ou théâtral, n’échappe pas non plus à des modes d’adaptation. Faut-il y voir une négation de l’Autre ou un impératif de notre temps ? L’adaptation est-elle par essence ethnocentrique ? Où se situe la limite entre adaptation et appropriation ? b) L’adaptologie (adaptation studies) non plus ne fait aucun doute aujourd’hui. L’Association of Adaptation Studies tient un congrès annuel depuis 2005, les colloques se multiplient, et de nouvelles publications ne cessent de paraître : Hutcheon (2006), Sanders (2006), Raw (2012, 2013) et Cattrysse (2014), notamment. Née des études cinématographiques et de l’histoire de l’art, l’adaptologie a largement dépassé son cadre d’origine pour embrasser de nombreux domaines. La traductologie en fait-elle partie ? Qu’ont-elles à apprendre l’une de l’autre ? L’adaptation est-elle culturelle, technologique, linguistique ? Ainsi, la transposition d’une oeuvre écrite à l’écran est, elle aussi, une forme d’adaptation et, par là même, une forme de traduction (Gambier, 2003, 2004). Enfin, l’adaptation peut également prendre en considération les particularités linguistiques d’un groupe, qu’il s’agisse de simplifier des oeuvres majeures de la littérature pour un public de jeunes lecteurs ou d’introduire des régionalismes dans une oeuvre traduite pour une zone géographique spécifique. En abordant un sujet aussi vaste et complexe, le congrès dont sont issus les articles qui suivent avait pour but d’asseoir une approche interdisciplinaire de l’adaptation, voire de proposer de nouvelles approches ou de nouvelles problématiques. Ces objectifs se sont vraisemblablement révélés trop ambitieux, voire utopiques, raison pour laquelle nombreux ont été les participants, rares celles et ceux qui ont finalement décidé de soumettre leur contribution. Les participants étaient invités à réfléchir à l’un de ces trois axes de réflexion possibles : Avant de présenter les articles qui figurent dans la partie thématique de ce numéro, et afin de mieux en cerner le contexte, nous aimerions prendre la liberté de reproduire en français partie de notre entrée consacrée à l’adaptation dans la dernière édition de la Routledge Encyclopedia of Translation Studies (Baker et Saldanha, 2020). La notion d’adaptation, bien qu’elle ait souvent été qualifiée de traduction abusive, voire de non-traduction, figure parmi les solutions à de nombreuses difficultés de traduction. En outre, l’idée selon laquelle tous les traducteurs, de manière consciente ou non, font de l’adaptation, est implicite dans la reconnaissance que toute traduction naturalise, comme l’affirme Venuti. On peut voir dans l’adaptation un ensemble d’interventions qui aboutissent à …

Parties annexes