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Les campus universitaires canadiens recèlent de nombreuses oeuvres d’architecture moderne et contemporaine d’un grand intérêt, témoignant de manière éloquente de la richesse de l’architecture du XXe siècle au Canada, même si ces oeuvres restent souvent méconnues. Bien entendu, l’Université de Montréal possède cette oeuvre remarquable, le pavillon Roger-Gaudry, son édifice principal conçu par Ernest Cormier inauguré en 1943. Mais il y a autour de celui-ci de nombreux autres bâtiments d’une grande qualité architecturale, certains plus discrets et d’autres plus spectaculaires, établissant un dialogue visuel et spatial avec un site tout à fait exceptionnel sur le flanc nord du mont Royal, et formant un véritable microcosme d’architecture moderne. Les professeures Christina Cameron, Claudine Déom et Nicole Valois présentent, dans ce petit livre conçu comme un guide architectural, l’ensemble des bâtiments et des aménagements paysagers importants du campus de l’université montréalaise pour les faire connaître aux amateurs d’architecture. L’ouvrage commence par un texte introductif présentant de façon synthétique les principales phases du développement du campus de 1928 à aujourd’hui et décrit ensuite 48 projets d’architecture et d’aménagement regroupés en six circuits, correspondant en fait aux principales zones du campus plutôt qu’à des parcours entièrement prédéterminés. Le plan du site est reproduit sous les deux couvertures et un plan partiel accompagne chacune des six divisions du livre. Les notices bilingues comprennent l’identification du projet, une ou deux photographies et une description présentant en quelques paragraphes les principales qualités des bâtiments et aménagements, précisant le cas échéant, les principales transformations apportées.

L’ouvrage met bien en évidence la continuité d’un vocabulaire institutionnel caractérisé par des plans quasi symétriques de tradition ‘Beaux-Arts’ et des façades recouvertes de briques de couleur chamois, que l’on retrouve dans le pavillon principal de Cormier, dans plusieurs bâtiments construits aux cours des années subséquentes, ainsi que dans certains édifices voisins acquis au fil des ans, comme le pavillon Marie-Victorin (1959), le pavillon de la Faculté de musique (1961) et le pavillon Marguerite-d’Youville (1962). On s’étonne des fascinantes variations que ce langage a pu inspirer, tantôt assez classiques et tantôt franchement modernistes, comme à l’École polytechnique, avec ses grands bandeaux de fenêtres (1956, agrandie 1987), jusqu’aux réinterprétations contemporaines très réussies du pavillon J.-Armand Bombardier (2004) et des pavillons Claudette-Mackay-Lassonde et Pierre-Lassonde (2005).

Un autre thème fondamental de l’ouvrage est l’interaction entre les bâtiments et la topographie particulière du site de l’Université de Montréal. Le guide attire notre attention sur plusieurs bâtiments qui, d’une manière ou d’une autre, entrent en dialogue avec le relief de la montagne, son aspect minéral ou végétal, et ses extraordinaires points de vue. Dans cette perspective, le pavillon Samuel-Bronfman, logeant la Bibliothèque des Sciences humaines (1988), est particulièrement intéressant. Les auteures documentent aussi plusieurs aménagements extérieurs qui mettent en valeur ce caractère exceptionnel du lieu. Un mur de soutènement, une place publique, une cour aménagée en gradins sont tous des dispositifs qui articulent le site et qui donnent de la consistance aux espaces extérieurs.

Ainsi, autour du célèbre pavillon d’Ernest Cormier, il y a un ensemble architectural d’un grand intérêt que ce guide incite à découvrir. Dans cette perspective de découverte architecturale, l’ouvrage est très bien conçu; il donne l’information essentielle qui permettra au visiteur d’apprécier l’ensemble du site avec sa propre sensibilité. Soulignons aussi que le guide s’appuie sur une étude plus poussée des valeurs patrimoniales que l’équipe a réalisée en 2008, dans le cadre des travaux conduits à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti, dont C. Cameron est la titulaire. La seule chose que le visiteur aurait pu souhaiter avoir en plus est un plan général du site montrant le relief -- par des courbes de niveaux, des ombres, ou d’autres moyens graphiques, peu importe -- et indiquant aussi les différents « points de vue » qui sont mentionnés dans le texte, car il s’agit d’une caractéristique essentielle du campus de l’Université de Montréal.

Finalement, une chose peut surprendre le promeneur qui, avec le guide en main, fait le tour du campus en 2011: le mauvais état dans lequel se trouvent plusieurs aménagements extérieurs, notamment dans les parties supérieures et plus anciennes du site. On peut comprendre que parfois, le monde des piétons soit marginalisé par rapport à la place glorieuse occupée par l’automobile dans nos villes, mais on est quand même étonné que dans un site aussi exceptionnel que celui du campus de l’Université de Montréal, ce soit encore le cas. Mais voilà, c’est encore ce petit guide qui nous permet d’en prendre conscience: le texte attire l’attention sur un certain nombre de qualités physiques du lieu, et en suggérant différents parcours et points de vue, permet au visiteur de faire ses propres découvertes, et de tirer ses propres conclusions. Ce petit livre constitue un excellent outil permettant d’aborder de manière informée le campus de l’Université de Montréal.