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Ghorra-Gobin, Cynthia (dir.). Dictionnaire critique de la mondialisation, 2e édition, Paris, Armand Colin, 2012, 645p.[Notice]

  • Laurent Devisme

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  • Laurent Devisme
    ENSA Nantes
    Directeur du laboratoire LAUA

Quoi de commun entre « l’actif toxique » et la « vulnérabilité » ? Précisément un dictionnaire, encadré par ces deux entrées, qui rassemble, par temps d’incertitude et de complexité souvent rappelé par les auteurs, 235 notices reliées à la notion de mondialisation. La première édition renvoyait au pluriel mais n’impliquait pas le terme « critique ». Aussi cette republication revient un peu au même, la critique relativisant ce qui apparaîtrait autrement comme unique et homogène, ce que la mondialisation n’est pas. Mais le fond de cet ouvrage collectif a été transformé avec la disparition de mots, l’apparition d’autres dont une chronique exhaustive aurait été utile et révélatrice d’une dynamique éditoriale. Adressée particulièrement aux étudiants et à la « société civile », l’entreprise est louable, d’autant que c’est au quotidien que nous sommes aux prises avec des actions, des instruments et leurs conséquences dont on peine à tracer les raisons d’être et qui se trouvent amalgamés dans des méta-notions comme celles de mondialisation ou globalisation. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur » écrivait Jean Cocteau, repris plus récemment par François Ascher dans un livre au sous-titre presque éponyme (Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs, essai sur la société contemporaine, L’Aube, 2000). Le mérite revient aussi à ce dictionnaire de chercher principalement à éclairer une phase de transition dans laquelle on lit surtout de l’instabilité et des phénomènes inédits. L’introduction de la géographe Ghorra-Gobin est de ce fait stimulante et audacieuse puisqu’il est question d’une quête conceptuelle des changements induits par la mondialisation et de la nécessité de laisser de côté des catégories classiques. Ainsi, par exemple, le remplacement de l’entrée « agriculture » par « sécurité alimentaire » et « impérialisme agricole », notions collant davantage à des problèmes publics que les tiroirs d’une géographie classique qui distinguerait des secteurs d’activités. Mais l’inventivité conceptuelle peine dans l’ensemble à se montrer et les auteurs ne se hasardent pas sur les chemins des néologismes, ce que l’on peut regretter. Les défis de pointer les paradoxes, de chercher à ré-articuler, voire de refonder sont pertinents. S’il est même question d’un projet politique, c’est via l’enjeu de localiser le global au niveau infranational, reconstruire le compromis perdu entre le travail et le capital et réinventer l’universel (p. 9). Cette montée en généralité, à partir des défis que sont la réduction de l’écart entre l’économie globale et des richesses non partagées, l’enjeu de la justice sociale et environnementale et celui de l’articulation entre espaces territoriaux et espaces globaux est pertinente (on peut songer dans cette voie à l’ouvrage dirigé par Jacques Lévy, L’invention du monde. Une géographie de la mondialisation paru en 2008 aux Presses Sciences Po) mais l’attente est quelque peu déçue dans la suite. Pourtant, une grille de lecture est à l’oeuvre et s’appuie sur la nécessité de différencier trois processus, à savoir la mondialisation de la société, la globalisation de l’économie et la planétarisation de l’environnement. Certes ces différents systèmes sont en interaction, mais on gagne à ne pas les amalgamer et la différenciation entre métropole mondiale et métropole globale est, à cet égard, intéressante. Les entrées comportent l’originalité, pour certaines d’entre elles, d’ouvrir une discussion, permettant l’expression d’une problématique, mettant en question un objet (l’aéroport), un courant (l’altermondialisme) ou un marché émergent (les marchés du carbone). L’esprit n’est pas éloigné de la formulation de certains dossiers du centre d’analyse stratégique en France (cf. les différents « dossiers de la mondialisation » téléchargeables sur le site du centre) avec parfois une vraie tentative de qualification de processus tout contre des théoriciens (ainsi des entrées …