Book ReviewsComptes rendus

Catherine Charlebois et Paul-André Linteau (dir.), Quartiers disparus. Red Light, Faubourg à M’Lasse, Goose Village (Montréal : Cardinal, 2014), 311 p.Gilles Lauzon, Pointe-Saint-Charles. L’urbanisation d’un quartier ouvrier de Montréal, 1840-1930 (Québec : Septentrion, 2014), 244 p.Réjean Lemoine, Limoilou, un quartier effervescent (Québec : GID, 2014, coll. « 100 ans noir sur blanc »), 208 p.[Notice]

  • Marilyne Brisebois

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  • Marilyne Brisebois
    Candidate au doctorat en histoire, Université Laval

L’historiographie de la vie quotidienne dans les quartiers populaires du Québec s’enrichit de trois nouvelles publications. Le premier ouvrage est dirigé par l’historienne et muséologue Catherine Charlebois et par l’historien professeur à l’Université du Québec à Montréal Paul-André Linteau. Il s’intéresse à trois quartiers disparus de Montréal, le Red Light, le Faubourg à M’Lasse et Goose Village, dont la population a été expropriée dans le cadre de la modernisation urbaine des années 1950-1960. Issu de l’exposition Quartiers disparus du Centre d’histoire de Montréal (2011-2013), il témoigne de la destruction de « pans entiers du patrimoine bâti de la métropole » (p. 21) au nom du progrès, et cherche à en faire revivre la mémoire. Le recueil est composé de 121 photographies provenant des Archives de Montréal, accompagnées d’extraits d’entrevues réalisées avec des personnes ayant vécu dans ces quartiers, des intervenants et intervenantes de l’époque, ainsi que des experts et expertes. Basé sur une collection exceptionnelle de photographies prises essentiellement par les fonctionnaires de la Ville de Montréal qui devaient documenter l’opération d’expropriation et de destruction de ces quartiers, l’ouvrage met en lumière des milieux de vie marqués par la pauvreté, mais aussi par des rapports intenses avec le voisinage et les commerces de quartier. La première partie s’ouvre avec une présentation de l’ouvrage écrite par le comité de codirection du projet et une brève mise en contexte de Linteau. Un texte de l’historien et archiviste Mario Robert suit, dans lequel il explique le contexte de production du corpus photographique à la base de l’ouvrage. Elle se termine avec la contribution de Jean-François Leclerc, historien, muséologue et directeur du Centre d’histoire de Montréal, où il livre le contexte de création de l’exposition Quartiers disparus. Les trois chapitres de la seconde et principale partie portent successivement sur les trois quartiers, présentés dans l’ordre chronologique de leur disparition. Une carte de Montréal datant de 1931 permet de bien les localiser dans l’espace. Chacun des chapitres débute avec une brève introduction de Linteau, qui situe notamment les limites géographiques du quartier et traite des données démographiques de la population y habitant. Les deux chapitres suivants composent la troisième partie. « Montréal sans dessus dessous » met en lumière la lutte aux taudis par la Ville, présentée à travers les photographies de démolition et de ruines des trois quartiers populaires. Le dernier chapitre quant à lui aborde la rénovation urbaine, révélée par des photographies des différents projets d’envergure et des principaux acteurs de cette transformation urbaine (élus, urbanistes). L’ouvrage se termine par une réflexion critique sur l’expérience de l’expropriation et de démolition à des fins de modernisation urbaine, qui émerge à la fois de commentaires formulés par les principaux acteurs sociaux (anciens résidents comme spécialistes) et d’une conclusion écrite par Linteau et Charlebois. Il s’agit d’un ouvrage remarquable, très beau visuellement et bien documenté, qui permet d’éclairer les dessous de la modernisation urbaine. Le deuxième ouvrage recensé est écrit par l’architecte, historien et spécialiste des quartiers ouvriers montréalais Gilles Lauzon. Il aborde l’histoire de Pointe-Saint-Charles à l’heure de l’industrialisation et de l’urbanisation (1840-1930), en suivant les trajectoires de trois familles y ayant vécu. L’auteur cherche à mettre en lumière « cette histoire complexe et fascinante en abordant le point de vue de ceux qui l’ont vécue au jour le jour » (p. 8). Très bien situé dans son contexte historiographique, cet ouvrage représente un nouvel apport en histoire ouvrière montréalaise, un croisement inédit de l’histoire sociale, urbaine et architecturale avec des parcours familiaux. En effet, trois familles de Pointe-Saint-Charles issues des principaux groupes culturels du quartier (presbytériens d’origine écossaise, catholiques d’origine irlandaise et catholiques canadiens-français) …