Résumés
Résumé
Les friches ferroviaires constituent un potentiel non négligeable de terrains à bâtir au coeur même des villes. Dans un contexte de prise de conscience des conséquences environnementales et sociales de l’urbanisme extensif, leur récupération pour la construction de nouveaux quartiers s’inscrit pleinement dans l’objectif de resserrer la ville sur elle-même. Dans cet article, nous rendrons compte des mécanismes conceptuels, interactionnels et institutionnels qui ont configuré l’élaboration et la mise en oeuvre d’un projet de transformation d’une friche ferroviaire à en un quartier durable. Nous montrerons en particulier toute la complexité de cette action collective et la manière dont elle se présente comme une succession de compromis autant dans ses aspects substantiels qu’organisationnels.
Mots-clés:
- friche ferroviaire,
- projet Ecoparc,
- quartier durable,
- construction écologique,
- action collective,
- pragmatisme
Abstract
Fallow railway areas represent a significant building potential at the very city centers. In a context of increasing awareness of the environmental and social consequences of extensive urbanism, recycling such areas in view of new neighborhood building makes sense completely for the objective of limiting city expansion. This article gives an account of the conceptual, interactional and institutional mechanisms that underlying the construction and the implementation of a project aiming to transform a fallow railway area into a sustainable neighborhood. We will focus particularly on the complexity of this collective action and on the sequence of compromises it presupposes, both in its substantial and in its organizational aspects.
Keywords:
- fallow railway area,
- Ecoparc project,
- sustainable neighborhood,
- ecological building,
- collective action,
- pragmatism
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Parties annexes
Notes
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Qu’elles soient situées au coeur même des villes ou en leurs marges ; qu’elles soient de nature industrielle, ferroviaire ou portuaire, par exemple.
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Da Cunha définit l’urbanisme durable » comme un processus d’agencement différencié des espaces urbains qui procure des services économiques, sociaux et environnementaux fondamentaux à tous les habitants sans compromettre la reproduction conjointe des systèmes naturel, immobilier et socioéconomique » (Da Cunha Antonio, 2007 : 3).
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En fait, cette approche est intéressante à plus d’un titre. Outre l’ambitieux projet de proposer un modèle théorique cohérent, alliant perspectives diachronique et synchronique, l’apport original de ces auteurs à la théorie de l’action publique consiste à combiner les perceptions, les motivations et les stratégies des acteurs avec les structures organisationnelles et contextuelles dans lesquelles se meuvent ces derniers. En outre, pour cela ils définissent précisément un ensemble de concepts opératoires fructueux pour les études empiriques.
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En incluant les communes de la première couronne d’agglomération, la population s’élève à 53’000 habitants.
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www.bauart.ch
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Ce projet, initié par les Chemins de fer fédéraux (CFF), les plus grands propriétaires des parcelles situées sur le site, est toujours dans la phase de prospection des investisseurs pour sa réalisation.
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Toutes les nouvelles constructions du quartier ont été labellisées « Minergie » et consomment 35% de l’énergie nécessitée par un bâtiment conventionnel (prévision de 42 kWh/m2/an selon le standard MINERGIE®).
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Cette quête d’exemplarité a été notamment concrétisée par l’organisation de visites guidées des chantiers et des infrastructures fédérales, qui ont attirées des milliers de visiteurs ; ou encore par l’importance des moyens d’information, de divulgation et de médiatisation qui ont été déployés, et qui portaient à la fois sur l’avancée et les spécificités du projet mais aussi sur les distinctions et les prix qui lui avaient été discernés.
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Il s’agit principalement d'une passerelle qui aurait débouché sur un point de vue sur la ville, le lac et les Alpes, d’une crèche et d’un restaurant projeté au sommet de la tour de l’OFS.
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Certaines de ces réalisations auraient pu être plus optimales du point de vue de la gestion des eaux pluviales, par exemple.
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Les Chambres fédérales avaient alors décidé de déplacer certains des grands offices fédéraux de Berne vers la périphérie, afin de permettre un développement décentralisé du pays.
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Ces terrains étaient en grande partie propriété des CFF, société anonyme de droit public (régie en partie par le droit privé mais dont le capital est majoritairement public) et, dans une moindre mesure, par La Poste suisse, entreprise de droit public détenue par la Confédération.
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Ce groupe d’une quinzaine de personnes se composait notamment de représentants de la Confédération, de la Ville et du Canton de Neuchâtel, des CFF et de l’Université de Neuchâtel.
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Dans le cas du projet Ecoparc, elle a notamment, en collaboration avec d’autres acteurs, réalisé un guide intitulé USE-IT à l’usage des habitants du quartier pour leur permettre l’appropriation et l’utilisation optimale des différentes infrastructures dans une perspective de développement durable (par ex. mobilité douce, économie d’énergie, gestion des déchets). Mais son rôle va au-delà du projet Ecoparc, car si elle a été initiée dans ce cadre précis, elle se développe bien au-delà de ses frontières et ne veut en aucun cas rester la vitrine d’une opération singulière. Ainsi, plus généralement, cette association assure le rôle de carrefour d’information et d’échange d’expériences, de centre de compétences en réseau et de laboratoire et de vitrine de promotion pratique du développement durable dans l’environnement construit et la gestion d’entreprise (www.ecoparc.ch).
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Engagée dans un premier temps pour la construction de deux immeubles et suite au succès remporté par cette opération, la compagnie d’assurance a réitéré l’expérience avec deux bâtiments supplémentaires.
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A la fin des années 1990, soit au moment où les CFF ont pris conscience de l’étendue, du potentiel et de la valeur de leurs terrains en friches à proximité des gares urbaines, ils se sont dotés d’une division immobilière clairement située dans une logique stratégique de rentabilité économique. La mission première de cette division consiste à assurer la valorisation marchande des terrains libérés de leurs fonctions ferroviaires, tout en veillant à ce que cette action soit le plus possible en synergie avec les activités traditionnelles de transport assurées par la régie. Ainsi, sur ces nouveaux sites, l’entreprise développe notamment des activités commerciales, des services et des espaces publics qui participent à la convivialité des gares, génèrent une certaine plus-value à l’activité de transport et contribuent à en augmenter l’aspect sécuritaire.
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Au sein de ce groupe de travail, qui a intégré de façon égalitaire les différents propriétaires dans le processus décisionnel, il a été notamment décidé de ne faire participer les plus petits propriétaires à certains frais engendrés par les différentes études qu’en cas de réalisation du projet concerné.
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Dans notre recherche, nous avons, entre autres, étudié les représentations sociales du développement durable et du projet lui-même selon la même méthode (la méthode des tris sélectifs hiérarchiques à partir d’un mot inducteur). Et nos observations montrent, par exemple, que les significations données à ces deux objets se croisent fortement dans la référence qu’elles font les unes par rapport aux autres. Concrètement, quand nos interlocuteurs nous parlent du projet Ecoparc, ils parlent de développement durable et, inversement, leur discours sur le développement durable est chargé de ses applications à l’aménagement et à la construction, telles qu’expérimentées dans le projet.
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En Suisse, dans la plupart des cantons, les communes disposent d’une relativement large autonomie en matière d’aménagement local du territoire.
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Non intégré au projet Ecoparc.
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Les propriétaires de l’époque utilisaient cette opposition afin notamment de pouvoir construire des logements avec le même indice d’utilisation du sol que ce qu’il y avait initialement, c’est-à-dire des bâtiments industriels. Après d’âpres négociations, la ville leur a proposé une convention basée sur un plan d’affectation spéciale pour l’ensemble du périmètre, y compris le secteur Sud. Elle leur garantissait ainsi la prise en compte de leurs souhaits, notamment l’exemption de construire selon les normes Minergie. En contrepartie, les propriétaires retireraient leur opposition, s’engageaient à lancer un concours d’architecture pour leur site et à construire en respectant un indice d’utilisation de sol en conformité avec les autres constructions prévues sur le quartier.
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Elle mesure 50 mètres et déroge aux hauteurs traditionnelles de 20 mètres du règlement cantonal.
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En dehors de ces oppositions ponctuelles, le projet n’a pas vraiment connu de conflit d’aménagement en raison du peu d’habitants à proximité immédiate de la friche.
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L’ensemble des parcelles, qui étaient originairement des terrains ferroviaires, ont alors été classées en zone mixte (habitation, services,…) et sont passées sous l’égide des règlements communaux.
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Ce qui lui a d’ailleurs valu de nombreuses distinctions au niveau national et international. En 1995 déjà, elle a été la première Cité de l’Energie en Suisse romande. En outre, en 2006 elle s’est vue décerner le Label European Energy Award GOLD qui atteste, au niveau européen, de l’excellence et de la continuité de son engagement en faveur de l’économie d’énergie et du développement des énergies renouvelables (www.neuchatel-durable.ch/).
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A noter que la compagnie d’assurance Helvetia SA s’était offerte de financer la construction des écoles et d’établir un contrat de location avec l’Etat, mais ce dernier a refusé cette offre.
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