Résumés
Résumé
Le pas-de-porte est une pratique sanctionnée par le droit rural depuis 1946 qui consiste pour le locataire d’une terre agricole à payer un droit d’entrée au locataire sortant et éventuellement au propriétaire de la terre. Si des travaux d’économistes montrent en quoi cette pratique traduit l’existence d’une tension entre logique familiale et logique entrepreneuriale dans la politique agricole française et la gestion des exploitations agricoles, il manque des études empiriques qui mettent en évidence les modalités concrètes de son inscription dans l’économie des exploitations agricoles ainsi que les rapports de force qu’elle charrie afin d’en penser les formes de régulation possibles. C’est l’objet de cet article. Dans un premier temps, il présente les racines historiques de cette pratique et la transformation de sa signification dans le cadre d’une économie agricole de plus en plus capitalistique. Dans un second temps, il décrit la relation tripartite entre locataires entrant et sortant et propriétaire, puis analyse le rôle des acteurs intermédiaires des transactions foncières tels que les conseillers de gestion et les experts agricoles dans le calcul de la valeur du pas-de-porte et dans son intégration à la comptabilité des exploitations. Finalement, l’article montre que l’évolution des statuts juridiques vers des formes sociétaires traduit un mouvement de financiarisation des exploitations, au sein duquel le pas-de-porte est mieux valorisé et plus difficile à réguler. Les récentes évolutions de la politique des structures révèlent la difficulté du législateur à encadrer le mouvement de financiarisation à l’oeuvre.
Mots-clés :
- pas-de-porte,
- foncier agricole,
- statut du fermage,
- valeur des exploitations,
- financiarisation,
- régulation,
- Nord-Pas-de-Calais
Abstract
Since 1946 and the integration of land lease in the French rural law, the « pas-de-porte », which consists in paying an entrance fee in order to access to land rent to the previous farmer, and eventually to the land owner, became illegal. Economic approaches show how this custom derives from a tension between familial logics and entrepreneurial logics inherent to the French agricultural politic and to farms’ management. We lack empirical studies though, that allow understanding the power relations at stake and the way this illegal fee is integrated in the accountability of farms, in order to consider regulation matters. This article aims to fill this gap. First, it presents the historical roots of this « pas-de-porte » and the transformation of its economic meaning within a more and more capitalistic context. Second, it describes the three-party relations that takes place between the landowner, the former and the new tenants ; it also analyses the role of middlemen such as « experts agricoles » and management consultants in the calculation of the value of the transaction and its integration in the accountability of the farms. Finally, the article shows how the evolution of the legal status towards corporations accounts for a more general evolution of financialisation of farms within which the pas-de-porte has greater value and is harder to regulate. The recent evolutions of the land policy reveal how hard it becomes to frame this financialisation movement.
Keywords:
- pas-de-porte,
- agricultural land,
- land rent law,
- farms value,
- financialisation,
- regulation,
- Nord-Pas-de-Calais
Veuillez télécharger l’article en PDF pour le lire.
Télécharger
Parties annexes
Bibliographie
- Agreste, 2006, L’agrandissement va de pair avec l’essor des formes sociétaires, numéro 181, juillet 2006.
- Agreste-Nord-Pas de Calais, 2014, Mémento de la statistique agricole, Lille, 23 p.
- Barral, S. et P. Pinaud, 2017, Accès à la terre et reproduction de la profession agricole. Quelle influence sur la transformation des modes de production dans le Nord-Pas-de-Calais ?, Revue Française de Socio-Économie, 1, pp 77-99.
- Barthélémy, D., 1997, Évaluer l’entreprise agricole, Paris, Puf, 229 p.
- Barthélemy, D., 2000, Être et avoir. Patrimoine versus capital : le cas de l'agriculture, Économie rurale, 260, pp. 26-40.
- Barthélémy, D. et D. Ramaz, 1986, La montée du pas-de-porte en agriculture, Études foncières, pp. 54-58.
- Barthez, A., 1999, « Installation « hors du cadre familial » et relation d’adoption », Économie rurale, 253, 1, p. 15-20.
- Bloch, M., 1968, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, A. Colin, 261 p.
- Boinon, J.-P., 1991, Comportement des acteurs du marché foncier et formation du prix des terres agricoles en France, Dijon, Inra.
- Boltanski, L. et A. Esquerre, 2014, « La « collection », une forme neuve du capitalisme la mise en valeur économique du passé et ses effets », Les Temps Modernes, 679, 3, pp. 5-72.
- Cavailhès, J., 1971, La rente d’exploitation et les pas-de-porte dans l’agriculture française, Dijon, France, Inra.
- Chiapello, E., 2014, « Financialisation of Valuation », Human Studies, 38, 1, pp. 13-35.
- Comby, J., 2010, Superpositions de droits sur le sol en Europe, Fiches pédagogiques - Comité technique « Foncier et développement », 4 p.
- Coulomb, P., 1999, La politique foncière agricole en France : une politique foncière “à part” ?, Cahiers Options méditerranéennes, 36, pp. 69-94.
- Courleux, F., 2011, Augmentation de la part des terres agricoles en location : échec ou réussite de la politique foncière ?, Economie et statistique, 444-445, p. 39-53.
- Courleux, F., D. Liorit et R. Levesque, 2016, Ana De la tenure héréditaire à la protection du fermier. Analyse historique comparée des régimes fonciers agricoles dans six pays européens, Les Cahiers du Pôle Foncier, n°16, [En ligne] URL : http://www.foncier-developpement.fr/publication/de-tenure-hereditaire-a-protection-fermier-analyse-historique-comparee-regimes-fonciers-agricoles-six-pays-europeens
- Crisenoy, C. De, 1988, De l’origine et du rôle de la politique foncière agricole, Économie rurale, 184, 1, pp. 85-91.
- Debouvry, F., 1892, Le mauvais gré, Revue de Lille, 6, pp. 498-525.
- Doganova, L., 2014, Décompter le futur, Sociétés contemporaines, 93, 1, pp. 67 87.
- Terres d’Europe-Scafr, ASP, FNsafer, 2015, Besoin de portage du foncier par des capitaux extérieurs : approche par enquête terrain et appariement du cadastre et du registre parcellaire graphique (RPG), ministère de l’Agriculture.
- Etude à paraître, Le renouvellement des générations en zone de fermage majoritaire, ministère de l’Agriculture, Clersé, Terres d’Europe-Scafr.
- Gallet, J., 1999, Seigneurs et paysans en France : 1600-1793, Rennes, Éd. Ouest-France, 308 p.
- Garrido, S., 2013, Improve and Sit : The Surrendering of Land at Rents Below Marginal Product in Nineteenth-Century Valencia, Spain, Research in Economic History, pp. 97-144.
- Gault, J., S. Marty, J.-N. Menard et J.-M. Pringault, 2013, Évaluation des mesures prises dans le cas de la LOA de 2006 pour faciliter la transmission des exploitations agricoles et le financement des facteurs de production par des capitaux extérieurs, Paris, Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la forêt, 42 p.
- Hobeika, A., 2016, Les représentations de la FNSEA : profession, État, marchés (Orne, années 1980-2015), Thèse de doctorat en science politique, Centre Maurice Halbwachs.
- Jessenne, J.-P., 1983, Le pouvoir des fermiers dans les villages d’Artois (1770-1848), Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 38, 3, pp. 702-734.
- Jessenne, J.-P., 1987, Pouvoir au village et Révolution : Artois, 1760-1848, Lille, Presses universitaires de Lille, 308 p.
- Maresca, S., 1986, Le théâtre de la profession. Le contrôle collectif de l’installation des jeunes agriculteurs, Actes de la recherche en sciences sociales, 65, 1, pp. 77-85.
- Neveux, H., J. Jacquart et E. Le Roy Ladurie, 1992, Histoire de la France rurale : de 1340 à 1789, Paris, Éd. Du Seuil, 658 p.
- Viau, P., 1961, Révolution agricole et propriété foncière, Éditions ouvrières, Condé sur l’Escault, 256 p.