Chroniques : Poésie

Poèmes et parlure[Notice]

  • André Brochu

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  • André Brochu
    Université de Montréal

Pour faire suite à ma précédente chronique où je commentais deux anthologies de la poésie québécoise, je ferai état d’un autre choix de poèmes signé Pierre Graveline, paru plus récemment et qui, à sa façon, rivalise avec elles, ne serait-ce que par son ambitieuse présentation. Puis je parlerai de l’ouvrage d’un grand disparu, Michel van Schendel, chez qui se rejoignent à un haut niveau les compétences de poète, d’essayiste et de professeur. L’anthologie de Gaëtan Dostie , avec sa présentation originale et son abondante illustration, fait tout de même figure de pauvresse à côté de celle que publie Pierre Graveline, Les cent plus beaux poèmes québécois . Voilà un livre très grand, cartonné, qui s’orne de dessins et collages sur papier de René Derouin — une suite intitulée Or et sel — et se pose donc comme livre d’art ou, en tout cas, comme un « beau livre » destiné au grand public. Les fêtes du 400e anniversaire de Québec, qui sont l’occasion de rappeler les accomplissements culturels de tout un peuple, sont sans doute dans la mire. Voilà un beau cadeau à offrir à nos cousins et petits-cousins de la francophonie, mais aussi à beaucoup de concitoyens puisque, nous dit l’auteur dans sa présentation, notre poésie, qui est « l’une de nos plus originales contributions à l’imaginaire de l’humanité et à son patrimoine culturel, est largement méconnue ici même : […] peu présente dans nos bibliothèques et nos librairies, peu lue, en somme trop souvent ignorée » (9). Souhaitons que ce livre à 50 $, dont la présentation somptueuse justifie sans doute le prix, trouve le chemin de nos chaumières, mais une édition plus modeste pourrait encore mieux servir le même dessein. Pierre Graveline, qui se réclame avant tout d’une passion de lecteur pour la poésie et non de quelque qualité d’expert comme la sphère universitaire en produit, et qui a dirigé pendant plusieurs années l’Hexagone, la plus grande maison de poésie du Québec, nous propose un choix intéressant, qui recoupe d’ailleurs souvent celui que présentent Dostie ou Mailhot et Nepveu . « La marche à l’amour », de Gaston Miron, « Arbres », de Paul-Marie Lapointe et « Roses et ronces », de Roland Giguère sont retenus, de même que « Présence de l’absence », de Rina Lasnier, « La romance du vin », de Nelligan, « Un regret » de Michel van Schendel, voire « Speak White », de Michelle Lalonde (dont Mailhot et Nepveu se sont vu refuser le droit de reproduction) et autres classiques anciens ou récents. La jeune génération est représentée par quelques noms, assez rares comme il se doit, mais l’anthologiste ne vise pas à rendre justice à toutes les époques. Octave Crémazie, par exemple, est absent, et il n’y a guère que Louis Fréchette pour illustrer le xixe siècle, Nérée Beauchemin (bien que né en l850) appartenant plutôt, en raison de sa production tardive, au début du xxe. Jovette Bernier, Éva Sénécal et Medjé Vézina pallient l’absence de Simone Routier, et surtout de la terne Blanche Lamontagne-Beauregard en qui l’on peut voir le Joseph Doucet de l’inspiration féminine. Bref, même si l’auteur reconnaît lui-même que certaines absences sont difficiles à justifier (en particulier dans la génération des poètes âgés aujourd’hui de 50 à 65 ans, écrêtée de Normand de Bellefeuille, Roger des Roches, Alexis Lefrançois, Jean Charlebois, Hugues Corriveau, Jean-Paul Daoust, Carole David, Pierre DesRuisseaux, Raoul Duguay, Jean-Marc Fréchette, Juan Garcia, Huguette Gaulin, Guy Gervais, Yves Gosselin, Philippe Haeck, Marcel Labine, France Théorêt, Denis Vanier, Josée Yvon et Yolande Villemaire), le choix comporte un degré élevé de pertinence, …

Parties annexes