Chroniques : Essais/Études

Interdisciplinarités[Notice]

  • Robert Dion

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  • Robert Dion
    Université du Québec à Montréal

Un grand plaisir que m’aura procuré cette chronique sans doute un peu trop irrégulièrement tenue — et dont c’est aujourd’hui la dernière mouture — aura été celui de prendre connaissance du renouveau des travaux d’histoire et d’érudition au Québec. La lecture commandée des dernières recherches dans ce domaine m’aura ainsi conduit à faire ce qu’on ne peut, hélas ! se permettre si souvent : lire d’un bout à l’autre, sans en sauter une seule ligne, des sommes telles que La vie littéraire au Québec ou encore Histoire de la littérature québécoise de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge . Grâce à de telles lectures, je serai parvenu à consolider certaines connaissances jusque-là chambranlantes, à colmater des brèches et des lacunes abyssales, à me constituer aussi, j’espère, un certain savoir positif. L’attention soutenue que j’ai accordée à plusieurs collectifs importants m’a également permis d’observer une certaine dissolution de l’objet littéraire qui n’aurait pas été imaginable, je crois, à l’ère du structuralisme et de la sémiotique triomphants, qui avaient justement cherché à construire l’objet et à établir sa spécificité. Je n’irai pas jusqu’à déplorer cet état de fait — ce qui reviendrait, peu ou prou, à me « dater » ; force m’est toutefois de relever que la littérature, dans beaucoup de travaux d’érudition actuels sur l’histoire de la culture québécoise, a souvent droit à la part congrue. Est-ce le signe d’une perte d’intérêt de la part du lectorat savant ? L’indice d’une certaine saturation de l’objet ? L’indication d’un déplacement vers des corpus plus nouveaux et, partant, plus attirants ? Le somptueux premier numéro de la Revue de Bibliothèque et Archives nationales du Québec  est un exemple éloquent de ce rétrécissement de l’espace consacré aux études littéraires. Ici, rien, ou presque, sur les archives d’écrivains : un simple petit topo de Mariloue Sainte-Marie sur le Fonds Paul-Marie Lapointe, avec beaucoup d’illustrations (bien choisies et bien mises en page, là n’est pas la question) et peu de texte. Était-ce là tout ce qu’il y avait à glaner dans les archives nationales ? Bien évidemment, non. N’y a-t-il donc eu aucune proposition valable, à l’interne ou à l’externe, sur les archives d’écrivains, les manuscrits conservés, les entreprises d’édition critique ? J’ose espérer que ce n’est pas le cas. Il reste que j’ai été surpris, et déçu, par cette absence, surtout qu’il s’agit d’une première livraison qui donnera le ton à la suite ; je l’ai été d’autant plus que le mandat  et la facture de la revue m’apparaissent tout à fait propices à la publication de ce type de travaux. Ce n’est pas si souvent que les périodiques consacrés à l’étude des fonds littéraires peuvent bénéficier d’une présentation aussi soignée et à ce point luxueuse, avec de multiples reproductions et illustrations en couleurs sur des pages grand format. Ce n’est que partie remise, souhaitons-le… Une fois revenu de ma déception, j’ai dû reconnaître que cette première livraison est excellente. On est loin, très loin ici de la publication « marketing » où le déploiement de moyens tient lieu de contenu éditorial. Les articles sont sérieux, voire carrément austères en certaines occasions (l’histoire de la constitution de la bibliothèque du Séminaire de Rimouski et celle des archives judiciaires dans le Québec britannique tout spécialement). D’autres se caractérisent cependant par un effort d’ouverture à un lectorat moins ciblé ; j’en veux pour preuve, entre autres, une étude passionnante sur la cartographie de la Nouvelle-France au xviiie siècle dans laquelle Jean-François Palomino décrit la position délicate de cartographes des Lumières coincés entre leurs propres exigences scientifiques et les intérêts politiques de leur commanditaire. Deux …

Parties annexes