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Alors mon Dieu, merci pour la vie, merci pour la beauté, merci pour cette planète merveilleuse et fragile, merci pour votre silence, merci pour la liberté et pour la responsabilité. Et si Vous n’existez pas, il nous reste quand même la vie, la beauté, la planète merveilleuse et fragile, la liberté et la responsabilité. Ainsi que le silence[2].

Le cinéma de Bernard Émond — ses thèmes, ses constats et sa description de la condition humaine — est sombre. Mais d’une obscurité telle que les quelques rayons de lumière qui parviennent à en percer l’opacité se laissent d’autant mieux voir. Selon Émond, le « réalisme de la souffrance[3] » et « l’esthétique du dépouillement[4] » serviraient la recherche et la visibilité des beautés humaines et naturelles, « contre les images inutiles, manipulatrices et menteuses[5] ». Ils rendraient d’autant plus visibles certaines valeurs, celle du Beau, du Bien et du Vrai, et un chemin pour les atteindre.

Cette pédagogie émondienne, où le détour prolongé par la souffrance serait la condition de l’éthique[6], exprime plus profondément ce qu’il nomme le « mystère de Dieu », celui de son « silence » : « [S]i Dieu existe, comment ne pas être frappé par son silence ? Son silence devant les massacres, les famines, les camps de concentration et les enfants torturés[7]. » Pour Émond, si la misère et la cruauté humaines trahissent le silence de Dieu, elles le rendent également insupportable. Par là, elles enjoignent à le chercher, et ainsi, peut-être, à éprouver le « sentiment d’une Présence[8] ». La souffrance humaine et le silence de Dieu seraient ainsi porteurs d’une invitation à écouter le silence, à être attentif au monde, à regarder la lumière[9].

C’est ce silence de Dieu qu’explore Bernard Émond dans sa trilogie sur les vertus théologales[10]. Et dans La neuvaine, Contre toute espérance et La donation[11], c’est le catholicisme qui exprime ce rapport à Dieu, en lui offrant un visage au sein de la société québécoise contemporaine. Plus exactement, le catholicisme exprime la place relative et évolutive donnée à l’éthique, au Beau, au Bien, au Vrai. À travers lui se rendent visibles une présence et un cheminement éthiques : il se fait à la fois témoin d’une vie bonne et source d’inspiration dans un monde largement conçu comme une vallée de larmes.

Comme présence, le catholicisme fait aussi office de « métaphore[12] » de la vie bonne. Ses symboles, ses rituels et ses valeurs offrent une version culturellement ancrée des vertus humaines, et donc une manière de les reconnaître, voire de les atteindre. Ainsi Émond explique-t-il son propre parcours, se remémorant le tournage d’un documentaire au sujet de Saint-Denis-de-Kamouraska (aujourd’hui Saint-Denis-De La Bouteillerie), où il « suivait les traces de l’anthropologue américain Horace Miner[13] », expérience qui l’amène à revisiter le patrimoine religieux et spirituel catholique canadien-français :

J’en ai gardé une certitude, celle de la nécessité des traditions, y compris les traditions religieuses et spirituelles. […] Pour moi, la tradition et sa transmission sont une nécessité. Il y a une sorte de continuité du sens qui me semble essentielle à une vie riche[14].

Seulement, le catholicisme n’est pas qu’un réservoir éthique et métaphorique, ou plutôt, ne l’est peut-être que parce qu’il est (ou fut) porteur d’autre chose, un appel à la transcendance et à l’hétéronomie, ce qui ouvre sur une tension que développe la trilogie. En effet, le témoignage du catholicisme est-il accessible sans la foi en l’existence de Dieu[15] ? Son témoignage est-il audible, est-il performant, sans la croyance en sa promesse ?

C’est, pensons-nous, sous ce double rapport en tension, comme témoignage et comme inspiration, comme quête et comme promesse, que s’esquisse le visage du catholicisme québécois dans la trilogie sur les vertus théologales de Bernard Émond. De film en film, le catholicisme y semble présenté comme une éthique valable pour les temps présents, tant sont vertueux les personnages qui s’en font les porteurs. Et pourtant, la trilogie met également en scène une rupture, que chaque film approfondit, celle du « silence de Dieu », celle de l’improbabilité de son existence et de la croyance en lui. Elle invite alors à la recherche, hors de Dieu, hors du catholicisme, voire hors de la culture, d’une conception éthique du monde… avec plus ou moins de succès, ce qu’observe Émond lui-même[16].

Si avec La neuvaine le spectateur se trouve « au coeur de la symbolique de la culture québécoise[, d]ans le lien avec la religion, l’histoire, le passé », il ne se trouve plus, dans La donation, qu’« à la fin de l’histoire québécoise […], dans l’abandon de notre culture et de notre histoire[17] ». Sise dans un Québec « postcatholique[18] », La donation proposerait « une réponse totalement laïque » au silence de Dieu et au besoin éthique, en sécularisant le paradigme de la charité chrétienne en paradigme laïque du don anthropologique, celui du « service » désintéressé à autrui : « “La charité est ce qui reste quand il ne reste plus rien”[19]. »

Et pourtant, suggère Émond, circonvolutif, « il faut bien reconnaître que le film dit autre chose, qui n’invalide pas ma réponse laïque, mais qui la dépasse et qui me dépasse à la fois[20] » : « J’ai beau dire par boutade que ce qu’il y a au-dessus ou au-dessous de l’éthique m’apparaît comme une sorte de décoration, je suis profondément attaché à cette décoration-là[21]. »

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C’est ce parcours émondien sur les vertus théologales, cheminant de La neuvaine jusqu’à La donation, en passant par Contre toute espérance, que nous nous proposons d’esquisser et de suivre ici, en soulignant la présence et l’absence du catholicisme québécois, les continuités et les ruptures dans sa mise en scène et sa mise en sens. Chemin faisant, nous observerons ce que nous nommerons la posture du seuil de Bernard Émond : la trilogie, avons-nous dit, ferait du catholicisme la figure incarnée et féconde d’une vie bonne, tout en suggérant, et ce, toujours davantage, la difficulté voire l’impossibilité de croire en Dieu et d’être de l’Église catholique. Ainsi dirions-nous que, dans ces films, Bernard Émond habite le seuil, se tenant sur le porche de l’église, louant la beauté de son intérieur, mais se refusant à y entrer.

À ce titre, et puisque Bernard Émond nous convie à une réflexion sur la société québécoise, nous évoquerons en conclusion en quoi cette posture du seuil est représentative du « catholicisme culturel » contemporain et de ses difficultés de transmission. En ce sens également, nous proposons davantage ici une lecture sociologique de l’héritage du catholicisme québécois contemporain, vu à travers la trilogie sur les vertus théologales de Bernard Émond, qu’une description et une analyse poussées de ses films[22].

Présence du catholicisme québécois — La neuvaine

C’est dans La neuvaine que la référence au catholicisme québécois est la plus présente au sein de la trilogie sur les vertus théologales, à tel point que plusieurs y ont vu, non sans raison, une démarche de réconciliation avec le passé religieux canadien-français[23]. Déjà toutefois, son visage plein, à la fois témoignage et inspiration, quête et promesse, est mis en doute.

Le film prend place à Sainte-Anne-de-Beaupré, haut lieu historique du pèlerinage catholique canadien-français, où Bernard Émond reconnaît « la foi de [s]on enfance et de [s]es ancêtres[24] ». C’est non loin de la basilique, face au fleuve Saint-Laurent, sur le quai de Sainte-Anne-de-Beaupré, où ses pas l’ont inconsciemment menée, que Jeanne, urgentologue de Montréal, contemple son suicide. Elle ne s’est jamais remise du décès de son jeune enfant, qui remonte à plusieurs années, et se blâme du meurtre sordide d’une mère et de son bébé, qu’elle a peut-être précipité en les mettant momentanément à l’abri d’un mari possessif et violent.

C’est là qu’elle fait la connaissance de François, jeune commis au magasin général de Petite-Rivière-Saint-François, venu à la basilique faire une neuvaine pour sa grand-mère, avec qui il habite seul depuis le décès de ses parents dans un accident d’automobile. Il ne peut se résoudre à la mort prochaine de sa grand-mère, dont le coeur est faible, et prie sainte Anne pour sa guérison. Stationné au quai de Sainte-Anne-de-Beaupré pour dîner, il y voit Jeanne, dont il soupçonne le profond désespoir. Il passera l’après-midi, puis la soirée à ses côtés, sans un mot, sur un bloc de ciment, jusqu’à ce que Jeanne, transie et grelotante, accepte de se réchauffer dans sa camionnette. Cette rencontre sauvera Jeanne : la bonté attentive de François la ramènera progressivement à la vie. Toutefois, ni la science de Jeanne ni la dévotion de François ne sauveront sa grand-mère.

Cette rencontre entre Jeanne et François permet d’entrevoir ce qu’il advient de l’héritage catholique dans la trilogie, et d’entamer un premier tri dans un monde sorti du catholicisme. En effet, la rencontre de Jeanne et de François permet de mettre en évidence la distance qui les sépare, à mesure qu’ils apprennent à se connaître et alors que Jeanne, surtout, découvre l’univers religieux de François.

Le moteur du récit est sans doute l’opposition entre la « mort sensée » de la grand-mère de François et celles, « insensées », de la jeune mère et de son enfant. […] Au bout du compte, il y a eu cette histoire dont je ne peux que constater […] la structure, les symétries et les oppositions (ville/campagne, foi/incroyance, espérance/désespoir, simplicité/complexité)[25].

D’emblée, le cadre où se situe l’expérience de la foi et du catholicisme évoque celui d’une époque passée, celle des « ancêtres ». Bernard Émond décrit ainsi la maison de François et de sa grand-mère : « une vieille maison canadienne, une maison ancestrale ni rénovée ni restaurée mais laissée en l’état », tandis que la chambre de la grand-mère est celle « d’une vieille maison de campagne, dont le mobilier semble n’avoir pas été changé depuis cinquante ans […]. La chambre de la grand-mère, comme celle de François et le reste de la maison, semble figée dans le temps. Un lit, une commode, des images saintes, un grand crucifix noir » (N, 22). François lui-même est habillé des vêtements « d’un cultivateur qui aurait deux fois son âge » (N, 23). En fait, « il a quelque chose qui n’est pas de son âge, ni de son époque : on dirait par moments un petit garçon sérieux et appliqué dans un corps d’homme » (N, 23). Cette image de François comme « un enfant » (N, 23), étranger à l’âge contemporain et à son évolution, reviendra fréquemment.

Dès le lendemain de leur rencontre, François demande à Jeanne si elle croit en Dieu. Surprise, elle répond non. Dans la séquence suivante, Jeanne se rend à la basilique, où il y a peu de monde, et « un malaise s’empare d’[elle]. Elle se sent étrangère dans ce lieu. En pressant le pas, elle remonte l’allée vers la sortie » (N, 67). Le surlendemain, Jeanne visite le musée de Sainte-Anne-de-Beaupré, rempli de suppliques à sainte Anne, qui toutes datent, « rédigées dans la belle écriture d’antan » (N, 71), que seule interrompt une voix contemporaine, celle d’une jeune mère de famille qui témoigne, sur projection vidéo, de la guérison de son enfant atteint de leucémie, qu’elle attribue à sainte Anne : « Jeanne, troublée, sort précipitamment de la salle. » (N, 71) Le jour même, François lui fait visiter le « Cyclorama » de Sainte-Anne-de-Beaupré, qui dépeint, sur un tableau de « style académique de la fin du xixe siècle », la ville de Jérusalem le jour de la Passion du Christ. Si François, « grave et beau », est ainsi « transfiguré par le spectacle », Jeanne est « mal à l’aise », et intime à François de sortir : « Allons-nous-en. » À la sortie, elle confirme ce que François devine : « Non, j’ai pas tellement aimé ça. » (N, 74-75)

François lui-même est préoccupé par sa rencontre avec Jeanne. Lorsqu’il apprend l’incroyance de Jeanne, François demande à sa grand-mère si « ceux qui ne croient pas en Dieu […] peuvent être sauvés » : « Oui… Je pense que oui… », lui répond sa grand-mère. « S’ils ont fait une bonne vie, ils vont être sauvés, c’est sûr. Quelqu’un qui a aimé son prochain et qui a fait le bien, je pense pas que le Bon Dieu va l’abandonner. » Mais, ajoute-t-elle, « c’est plus difficile de faire le bien quand on ne croit pas en Dieu » : « parce qu’on n’a pas l’espérance ». (N, 70-71)

Autrement dit, c’est au contact des croyants que sont François et sa grand-mère que la guérison de Jeanne est rendue possible[26]. Leur bonté, leur douceur, leur simplicité, leur assurance tranquille et sage apaisent et réconcilient partiellement Jeanne avec le monde, en plus de la sauver du suicide. Ces qualités salvatrices ont ici le visage du catholicisme québécois : c’est là que La neuvaine les cherche et les trouve.

Seulement, quoique le bien produit par la foi de François et de sa grand-mère soit décrit tangiblement par Émond, que l’on en mesure et en apprécie les effets, c’est néanmoins hors de l’hypothèse de Dieu que ce dernier semble convier le spectateur à les chercher. Jeanne, malgré son apparente ouverture au catholicisme, ne s’y sent jamais à son aise ; de toute façon, la foi et le catholicisme de La neuvaine sont résolument campés dans un ailleurs temporel et physique, celui du passé rural, celui d’une foi des ancêtres dont l’actualisation semble difficile. De fait, une scène supplémentaire, retranchée au montage, exprime le malaise de Jeanne, et la dissonance entre son monde contemporain et celui révolu de François. Après sa visite de la basilique, Jeanne se rend au magasin de l’Église, où elle observe « des milliers d’objets de dévotion […] entassés ». Jeanne, médecin, voit un « homme maigre et souffreteux rempli[r] une bouteille de plastique à un robinet » que surplombe un écriteau sur lequel est inscrit : « eau de la fontaine miraculeuse », qu’il porte immédiatement à sa bouche (N, 68). La foi des ancêtres, plongée dans la superstition, semble dépassée, inopérante[27].

La séquence qui clôt le film est éloquente à cet égard : si dans le scénario le spectateur apprenait que la voix off avec qui Jeanne converse et se confie tout au long du film était celle d’un prêtre de la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré qu’elle devait effectivement rencontrer, et à qui elle devait demander de prier pour ses morts, ainsi que de bénir François (N, 105-107), dans le montage final, ces séquences sont coupées : Jeanne n’entre pas dans le bureau des bénédictions du sanctuaire, et son regard ne fait que croiser celui du prêtre, laissant au spectateur le soin d’imaginer le reste. La réconciliation avec le témoignage et la promesse du catholicisme québécois n’auront donc pas tout à fait lieu. Jeanne demeurera au seuil du catholicisme, développant surtout une empathie pour ses « valeurs » qui, mises en acte, ont constitué pour elle une source de réconfort[28].

Comme le note Simon Galiero, Bernard Émond ne voulait pas « que la tragédie que venait de subir Jeanne se transforme en une sorte de rédemption, de parcours initiatique[29] ». Émond s’en explique par l’insupportable « silence de Dieu » : « Il y avait dans La neuvaine une résolution qui m’apparaissait trop heureuse. C’est comme si le fait que Jeanne revienne à la vie, ça abolissait la mort de l’enfant qu’il y a dans le film. […] Comme si on pouvait guérir de ça. Et j’ai eu envie de parler d’un désespoir inguérissable, ce qui est devenu Contre toute espérance[30]. »

Absence du catholicisme québécois — Contre toute espérance

Dès Contre toute espérance, la « vie pleine et entière » sera moins à trouver dans un rapprochement avec le catholicisme et ses témoins que dans l’approfondissement du « silence de Dieu », c’est-à-dire dans la misère des Hommes : « il n’y a pas de vie pleine et entière sans une conscience douloureuse de l’injustice et du mal[31] ». Si Émond dit partager le rapport au péché et à la culpabilité que véhicule le catholicisme, il « n’arrive pas du tout à croire à l’idée qu’une puissance supérieure s’intéresse à nos destins individuels et ait envoyé son fils pour nous racheter[32] ».

Contre toute espérance, que plusieurs jugent « trop noir[33] », est ainsi une plongée dans la souffrance et l’impuissance d’un monde sans Dieu, d’un monde par là trop humain. En effet, sans la possibilité d’une intervention surnaturelle, maléfique ou providentielle, le malheur et le bonheur sont d’abord de responsabilité humaine. Ainsi émergent dans Contre toute espérance les figures typées du bourreau et de la victime, que l’on retrouvera dans La donation[34].

Le film s’intitulait à l’origine Summit Circle, et c’est le titre qui fut choisi pour la version anglophone. Contrairement à dans La neuvaine, où il tient une place importante, le catholicisme ne s’invitera qu’à trois ou quatre brèves occasions dans Contre toute espérance. Il en ira toutefois différement d’une autre dimension de l’héritage canadien-français, transposée directement dans le Québec moderne : celle de la précarité, voire de l’asservissement économique des Québécois francophones par de riches bourgeois anglophones — à ceci près que dans Contre toute espérance, le bourgeois anglicisé habitant la rue Summit Circle à Westmount est un francophone. Ainsi, dans le silence de Dieu, ce sont d’abord les relations humaines, faites notamment de rapports de force économiques, qui sont mises en lumière.

Contre toute espérance raconte l’histoire de Réjeanne[35] et de Gilles. Couple heureux et amoureux, Réjeanne et Gilles se sont acheté une jolie et modeste maison qui donne sur le Richelieu, à Beloeil, au charmant jardin fleuri, que Gilles entretient avec savoir-faire et affection. Elle est toutefois légèrement au-dessus de leurs moyens. Ils en profitent quelque temps, ce qui donne l’occasion au spectateur d’être complice de leur bonheur. Seulement, sans aucun signe avant-coureur, tel un « acte de Dieu », Gilles subit un foudroyant accident vasculaire cérébral (AVC) qui le laisse dysphasique et en partie paralysé du côté droit. Tant bien que mal, Gilles et Réjeanne parviendront à se remettre de cette première épreuve, où leur espérance et leur volonté seront durement testées, mais prouvées. Réjeanne réussira à faire vivre le couple de son seul salaire tandis que Gilles, d’abord abattu, se relèvera lentement, grâce à l’amour de Réjeanne, à l’amitié de Claude, et à force d’une détermination qui devient ainsi source de guérison.

Mais cette même volonté humaine, lorsque défaillante ou malveillante, peut devenir tragique, plus que « l’acte de Dieu » lui-même. De fait, le drame s’annonce une deuxième (et décisive) fois, sur le plan purement humain. La scène inscrite au scénario, qui devait précéder la tragédie, a été coupée, mais elle en dit long sur les sources humaines du malheur. Lors de cette séquence, Réjeanne, le soir chez elle, visionne le film 15 février 1839 de Pierre Falardeau, qui relate les dernières heures de deux patriotes condamnés à la pendaison… « Réjeanne est émue » (CTE, 58-59)… Chose certaine, le lendemain, à son arrivée à la centrale téléphonique Canaworld Telecom, Réjeanne apprend que celle-ci sera vendue à une compagnie internationale, Paragon International Services, afin de rester, selon un refrain bien connu, « une entreprise florissante » ; en effet, « l’avènement de la concurrence a accéléré le rythme du changement dans [l’]industrie [et] Canaworld Telecom doit être à l’avant-garde du changement si elle veut poursuivre sa croissance… » (CTE, 64) Une baisse de salaire, de moitié, est alors annoncée. Pour garder leur maison, Réjeanne se cherche un emploi supplémentaire, et Gilles se fait embaucher comme pompiste. Un jour qu’il travaille à la station-service, Gilles apprend que Jean-Pierre Deniger, chef de direction de Canaworld Telecom, recevra cette année-là plusieurs millions de dollars. Il est « dégoûté » (CTE, 71).

Peu de temps après, Réjeanne passe une entrevue chez World Mart. Au retour de celle-ci, une mauvaise nouvelle l’attend : Gilles a subi un nouvel AVC, à la station-service. Il en sort cette fois complètement paralysé du côté droit et lourdement dysphasique. De l’avis de son bon ami Claude, son état de santé, certes plus grave qu’après le premier AVC, n’en serait toutefois pas plus désespéré. Mais Gilles, cette fois, n’a plus d’espoir, plus de volonté. Puisque ce dernier ne peut reprendre son poste de pompiste, le couple perd sa maison, et doit s’installer dans un petit appartement sans charme de Rosemont, loin de la vie de banlieue, semi-rurale.

Réjeanne, fidèle à elle-même, malgré l’indifférence pesante de Gilles et la profonde adversité de leur vie quotidienne, continue de s’occuper de son mari, de leur logement, et se trouve même un second emploi, comme serveuse pour un service de traiteur. C’est dans le cadre de ce travail qu’elle fera la rencontre de M. Deniger, dans sa maison de Westmount ; sur un mur de son salon, Réjeanne voit une peinture du mont Saint-Hilaire, qu’elle voyait de chez elle à Beloeil : cette vie champêtre ne lui appartient plus, subtilisée par M. Deniger, et exhibée tel un tableau de chasse.

L’action s’accélère et approche de son dénouement. Au retour d’un séjour de chasse, Gilles se suicide, avec son fusil. Il aura gardé ses dernières forces, les seules qu’il aura déployées après son second AVC, pour mettre fin à ses jours. Rompue, Réjeanne s’empare du fusil et se rend à la résidence de Jean-Pierre Deniger, qui en est absent. Elle n’a le temps que de tirer quelques coups de feu contre la caméra de sécurité de l’entrée et les vitres de la façade de la maison avant que son fusil se décharge, qu’elle s’effondre au sol, et que les sirènes de la police se fassent entendre[36]. Dans le mutisme prononcé et blanchâtre de son internement, Réjeanne conclura le film de ces seules et ultimes paroles : « Mon Dieu, aidez-moi. » (CTE, 111)

Contre toute espérance est bien une plongée dans le « silence de Dieu[37] ». Et dans cet insupportable silence, ce sont les responsabilités et les rapports proprement humains qui sont surtout visibles : la force et l’exploitation, producteurs de souffrance, la volonté, productrice de guérison ou d’abandon. Si La neuvaine suggérait la fécondité du double héritage catholique (comme témoin et comme promesse), il en exprimait également les limites (ruralité, foi non transmissible). Ce sont elles qu’expriment et que creusent davantage le désespoir et l’impuissance de Contre toute espérance, où les personnages sont pour l’essentiel laissés à eux-mêmes et à leurs actions, réactivant au sein du Québec contemporain les antagonismes bien concrets de l’héritage canadien-français.

Contrairement à celle de François et de sa grand-mère, l’espérance qu’incarne Réjeanne n’est plus aussi directement liée au catholicisme. Est-elle croyante ? A-t-elle la foi ? On ne le sait pas vraiment[38]. Certes, Claude dira de Réjeanne qu’elle est « la femme forte de l’évangile » (CTE, 94). Aussi, ce qui n’est pas anodin, c’est seulement chez Réjeanne que l’on peut soupçonner une certaine croyance, elle qui est également associée à la figure de l’espérance, de la bonté. Si l’héritage catholique n’est donc pas absent de Contre toute espérance, à tout le moins comme métaphore, il s’y fait néanmoins très discret, ce qui contraste avec La neuvaine. En fait, il sert peut-être davantage à dire le désespoir, voire la colère, qu’à inspirer l’espoir. Après le second AVC de Gilles, Réjeanne se rendra une fois à l’église : elle ne va pas plus loin, écrit Émond, que « sur le portique », où elle restera un court moment, au son de la musique de Bach. Elle sortira de l’église en pleurant. « [E]lle ne sait pas si elle pleure sur son propre sort ou parce que la musique est belle. » (CTE, 83) Aucune référence ici à Dieu, ce que met en relief le choix proposé[39]. Gilles, après cet AVC, ne s’exprimera plus, en somme, qu’à l’aide de quelques sacres (CTE, 100-101), qui servent à dire sa colère et son impuissance. La séquence finale du film dit-elle autre chose, avec le désespéré « Mon Dieu, aidez-moi » de Réjeanne ? Était-ce même une supplique, tant l’expression est usuelle, populaire ?

Présence et absence du catholicisme québécois — La donation

Émond ne souhaitait toutefois pas laisser son public sans une esquisse de réponse à la souffrance du monde, a fortiori sans Dieu[40]. La donation fournirait ainsi une « conclusion d’ensemble[41] » à la trilogie, par un retour significatif à Jeanne plutôt qu’à François (c’est la route de l’agnosticisme plutôt que de la foi qui est suivie), tout en articulant les deux conclusions de La neuvaine et de Contre toute espérance, celle de la fécondité (limitée et distancée) de l’héritage catholique et celle de la dureté (voulue réaliste) des rapports et responsabilités humaines.

L’action est à nouveau plantée dans le monde rural, peut-être moins celui agricole de La neuvaine que celui, (post)industriel, des villages miniers désoeuvrés du Québec, à Normétal. Jeanne s’y rend à la suite d’une annonce publiée dans le journal, dans laquelle le docteur Rainville se cherche un remplaçant temporaire, avec possibilité de remplacement permanent — ce qui s’avérera. Elle y fait la rencontre de personnages qui frappent cette fois par leur manque de volonté, leur peu de tiraillements et de perfectibilité éthiques. C’est aussi dans ce film qu’il y a le plus de personnages. Si dans La neuvaine François incarnait une certaine idée du Bien, si Jeanne était en quête de réponses, et si dans Contre toute espérance les tiraillements existentiels de Réjeanne et de Gilles étaient centraux, laissant ainsi place à leur volonté, les personnages de La donation sont davantage campés, figés, presque naturalisés. Soit ils participent du Bien, de l’espoir et de la charité, soit ils participent du Mal, du désespoir avilissant. Peut-être faut-il y voir un autre symptôme de l’absence de Dieu, qui se traduirait par l’absence de possibilité de dépassement de soi, les personnages étant privés de ce quelque chose vers lequel tendre avec l’espoir de l’atteindre. Ainsi, en tout cas, en est-il de Jacynthe, la « grosse femme à l’air hébété » :

Elle est laide, elle est bête, j’aimerais bien pouvoir vous dire qu’il y a quelque chose qui la sauve, qu’elle a eu une enfance malheureuse, mais je peux même pas. Elle est méchante avec tout le monde. […] Tout ce qui l’intéresse, c’est ses pilules et sa bouteille. […] Dites-vous seulement que vous ne pouvez pas grand-chose pour elle.

D, 35-36

Ainsi en est-il de M. Roberge, riche homme d’affaires à la retraite, qui a vendu ses terres forestières à de puissantes entreprises américaines (on retrouve ici la figure du capitaliste dépourvu de vertu), et pour qui Jeanne ne peut faire grand-chose de plus que lui prescrire les médicaments qu’il consomme déjà, sans grand effet. Malgré l’avis des docteurs et de Jeanne, il consomme allègrement de l’alcool, ce qui le « soulage un peu » (D, 44), et ne fait pas d’exercice ; Jeanne refusera ultimement de lui venir en aide, lui enjoignant, caustiquement, de prendre son hélicoptère et d’aller se faire soigner aux États-Unis. Ainsi en est-il de M. Leclerc, qui demande à Jeanne de lui signer un certificat de santé pour la CSST afin de renouveler sa pension d’invalidité, alors même qu’il est rétabli, ce que refuse Jeanne. Ainsi en est-il du mari de Manon, qui à l’annonce du cancer incurable de sa femme s’enfuira lâchement, la laissant seule avec leurs deux enfants. À son retour à Normétal, après le décès de Manon, la communauté lui refusera le pardon, et Jeanne lui conseillera de quitter la ville pour de bon. Enfin, peut-être en est-il même ainsi, bien que tragiquement, de Line, adolescente enceinte, désireuse de se faire avorter, qui refusera l’aide répétée de Jeanne pour ensuite mourir d’une overdose, probablement toujours enceinte[42].

Plus discrètes, deux figures ecclésiastiques et une figure croyante incarneront les figures témoins du Bien, soit le curé du village, qui demande en vain à la communauté de pardonner au mari de Manon, et Mme Laplante, douce vieillarde dont un enfant est mort en bas âge, qui aurait voulu quitter la vie avec son mari, mais qui trouve néanmoins une raison divine (la Providence) à vivre sans lui, et qui propose de prier pour le docteur Rainville, mourant. Mais surtout, on trouve la soeur de ce dernier, Gaétane, religieuse octogénaire, qui le réconforte, le confirme dans la justesse de ses choix, et qui considère avoir « été utile » (D, 60) dans la vie, lorsque son frère lui demande si elle regrette d’avoir choisi la vie religieuse. « [C’]est son métier d’être sage, elle est religieuse » (D, 74), expliquera-t-il. Lors de l’éloge funèbre que prononcera Gaétane aux funérailles de son frère, elle résume peut-être ce qu’est la charité chrétienne désormais sécularisée, entendue comme don de soi, comme service à autrui. Son discours se fait l’écho de ce que disait la grand-mère de François dans La neuvaine :

[A]u fond, on est tous des enfants perdus. On s’en rend compte quand la vie nous rattrape, quand on est confronté au deuil, à la maladie, à la mort… Mon frère disait qu’il était là pour aider les enfants perdus. […] Je ne pense pas qu’on puisse faire beaucoup mieux d’une vie. Il se disait mécréant. C’est bien possible qu’il l’ait vraiment été. Mais moi je crois en Dieu, je pense que mon frère bien-aimé se trompait, et que le Seigneur l’accueillera malgré lui dans le repos éternel.

D, 87

Le boulanger, Jeanne et le docteur Rainville sont quant à eux les figures non croyantes du Bien, et par là davantage tiraillées. Le boulanger sert (la nuit) la communauté en lui offrant le pain essentiel, comme son père avant lui, et Jeanne acceptera le don testamentaire du docteur Rainville[43], en reprenant sa clinique et le service de ses patients. Le film se terminera par un tragique accident de voiture, sur la scène duquel arrive Jeanne qui, constatant la mort de la mère, prend dans ses bras son bébé, lequel est indemne, le visage serein, bouclant ainsi la boucle de la mort et de la naissance, de la perte et du don.

Tel un dégradé de vertus, La donation met en scène les figures croyantes et généreuses, les figures agnostiques et serviables, et les figures non croyantes et égoïstes. Il s’agit là, nous semble-t-il, d’une constante dans les trois films de la trilogie, mais qui est accentuée dans La donation, qui compte de nombreux personnages aux rôles très campés. Surtout, les différences entre les figures religieuses et agnostiques mais serviables se sont désormais estompées, in fine mesurées à leur altruisme volontaire. La sagesse du boulanger, de Jeanne et du docteur Rainville ne semble pas dire autre chose que celle des figures croyantes telle Gaétane, à savoir cette nécessité de servir, indépendamment de l’existence de Dieu — le don anthropologique, « naturel », remplace donc la charité chrétienne, même chez les personnages croyants.

On comprendra peut-être mieux ainsi la seule scène qui se déroule à l’église dans La donation, celle des funérailles de Manon : toute la communauté s’y rassemble effectivement, illustrant l’importance (relative) de l’héritage catholique pour marquer les rituels de passage, mais les exhortations du curé à ne pas faire violence au mari de Manon dans l’enceinte de l’église restent lettre morte — il prêchera le pardon. Si les personnages de Bernard Émond se rassemblent à l’église, s’ils côtoient des hommes d’Église, la morale de Dieu n’est pas celle des hommes ; et si l’église et les croyants servent, c’est nonobstant la foi et les dogmes. Ce n’est pas la croyance qui est donnée en héritage dans La donation, mais l’idée du service :

Lorsque Jeanne lui demande s’il croit en Dieu, [le docteur Rainville] répond : « Moi, je crois une chose. Je crois qu’il faut servir. » J’ai dit quelque part que je ne me suis jamais exprimé plus clairement à travers un de mes personnages. Et effectivement, c’est précisément la réponse que j’ai voulu donner, une réponse agnostique, humaniste, raisonnable[44].

Habiter le seuil – conclusion

Comment participer du Bien, du Beau et du Vrai dans le silence de Dieu, ou après sa mort ? Où les trouver et où puiser la force d’oeuvrer en leur nom ? Ces questions, qui travaillent Bernard Émond et sa trilogie sur les vertus théologales, n’obtiennent pas de réponses définitives. La trilogie semble plutôt inviter à habiter le seuil où, de part et d’autre, se trouvent le néant et la Présence, le désespoir avilissant et la vertu.

Préoccupé par les questions de transmission, de filiation et d’héritage[45], Bernard Émond semble considérer, en bon romantique, qu’un Homme n’advient au monde qu’en habitant une culture qui lui offre un univers de sens afin d’orienter sa vie et celle de sa collectivité. Cet univers de sens, c’est dans la culture catholique canadienne-française, a fortiori rurale, qu’il va d’abord et régulièrement s’en imprégner, suivant un double héritage, celui du témoignage et de l’inspiration, de la quête et de la promesse. Dans un monde pourtant sorti de Dieu, ce sont ces figures catholiques et croyantes, au minimum celles qui s’interrogent sur le témoignage catholique et lui sont empathiques, qui, de film en film, à des degrés variables, incarnent le plus clairement l’idée d’une éthique à cultiver. La trilogie s’imprègne de l’héritage catholique non pour reproduire le Canada français historique ou y retourner, mais pour s’en inspirer, joignant ainsi le geste critique de l’autonomie des modernes à la modestie de l’héritier qui advient dans un monde fait[46]. Il s’agit d’une relecture à la fois empathique et critique de l’héritage catholique, qui semble d’autant plus nécessaire que cet univers est également celui dont Bernard Émond constate la plus ou moins lente disparition : une époque sépare Petite-Rivière-Saint-François de Normétal, et davantage encore de Rosemont ; c’est dire que la ruralité elle-même n’est peut-être plus ce réservoir de traditions, tant le mode de vie urbain s’est répandu.

Sous un jour intellectualisé et assumé, cette posture émondienne correspond peut-être à celle de nombre de Québécois, « catholiques malgré eux[47] », qui, comme Émond, se disent « catholiques mais non croyants ». Il s’agirait là d’un « catholicisme culturel[48] », « métaphorisé[49] », puisant et dans les symboles, et dans les « valeurs » catholiques, mais se tenant à distance de Dieu et de l’Église. C’est le catholicisme d’une majorité de Québécois qui persistent à se dire catholiques et à pratiquer les rites de passages du catholicisme (baptêmes, mariages, funérailles, etc.), sans pour autant se rendre à la messe ni croire aux dogmes de l’Église. Comme le donne à voir Émond, ce catholicisme est difficilement actualisable et transmissible, tant son pilier institutionnel n’est plus fréquenté, tant il n’existe que sous des atours révolus, voire désespérés, et tant ses principaux représentants, ses principaux dogmes et rituels, semblent à distance du monde vécu. Plus encore, comme le dépeint également Émond par l’entremise de Gaétanne, cette Église-culturelle, cette Église-qui-sert-malgré-tout, est précisément celle promue par le catholicisme québécois depuis la Révolution tranquille, elle qui a fait le « pari citoyen[50] » d’une « sécularisation interne[51] », indissociable du « pari personnaliste[52] », celui de parler le langage du monde[53], en espérant ainsi continuer d’accompagner les Québécois, où qu’ils aillent, vaille que vaille, en se faisant « discrète[54] ».

D’où, peut-être, cette paradoxale tension, cette posture du seuil que nous croyons retrouver chez Émond, qui consiste à la fois à revendiquer une oeuvre cinématographique proprement « morale et politique[55] », laquelle n’hésite pas à départager le Bien du Mal, parfois « à son insu[56] », à pourfendre le néolibéralisme, le relativisme culturel et le capitalisme sauvage, et à prendre notamment pour cela la défense de l’héritage spirituel et religieux catholique canadien-français, tout en confirmant néanmoins le « silence de Dieu », et à chercher tendanciellement hors de lui, du catholicisme et à certains égards hors de la culture, cette nouvelle figure de la transcendance dans une anthropologie laïque et naturalisée du don, à savoir la figure du « service ». Ainsi l’héritage du catholicisme peut-il apparaître dans la trilogie à la fois nécessaire et accessoire[57]. Nécessaire, redisons-le, car le catholicisme y apparaît comme le réservoir métaphorique et éthique des Québécois — les personnages croyants sont les plus vertueux —, mais aussi accessoire, puisque c’est hors de lui, à la suggestion même des personnages croyants, que la trilogie cherche en dernière instance à trouver une éthique vertueuse. Impossible quadrature du cercle[58] ? Chose certaine, l’éthique universelle du don peine à s’incarner, privée de ses relais et de ses acteurs particuliers, sociohistoriquement fournis. « Crise d’une Église, crise d’une société[59] » ?

Chemin faisant, on peut se demander si la trilogie sur les vertus théologales de Bernard Émond ne participe pas malgré elle du désenchantement du monde qu’elle déplore, tant est grande la misère qu’on y décrit, tant sont nombreux les doutes qui pèsent sur la croyance catholique pourtant jugée nécessaire[60]. La pédagogie de la souffrance et de l’obscurité laisse-t-elle vraiment filtrer la lumière ? Sa criante rareté, aux allures de cul-de-sac, ne laisse-t-elle pas surtout voir la noirceur ? Silence ou mutisme[61] ?

À moins qu’il ne s’agisse là du constat final de la trilogie, elle qui, après tout, « se fait », « s’écrit », « se tourne[62] » : il est peut-être inconfortable, voire trop confortable, d’habiter le seuil.