ChroniquesPoésie

Le souffle du Noroît[Notice]

  • André Brochu

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  • André Brochu
    Université de Montréal

Les Éditions du Noroît ne cessent de manifester une admirable vitalité à travers leurs publications courantes, mais aussi les choix de poèmes ou rétrospectives qui couronnent les oeuvres les plus importantes. Paul Chanel Malenfant et le regretté Michel Beaulieu sont parmi les plus récents bénéficiaires de ce genre d’hommage. Mais je parlerai d’abord d’un essai d’une rare tenue, au Noroît également, signé Jacques Brault. Il est l’un des principaux poètes du Québec, même s’il ne jouit pas de la popularité exceptionnelle d’un Nelligan ou d’un Gaston Miron. Universitaire, il est aussi un lecteur fort érudit de la tradition poétique, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours en passant par le Moyen-Âge (il a écrit sur Hélinand de Froidmont et publié un choix de textes de Bernard de Clervaux), il fréquente aussi bien les classiques que les modernes, et il joint à sa vaste connaissance de la poésie occidentale celle des littératures de l’Orient, notamment la japonaise. De plus, sa formation de philosophe fait de lui un fin connaisseur des principaux commentateurs de la tradition poétique. La pratique et le savoir du poème, chez Jacques Brault, sont tout à fait remarquables, et un bref mais substantiel essai, Dans la nuit du poème , résume la méditation de toute sa vie sur cet étrange objet de langage dont très peu d’écrivains ont prétendu cerner les contours. Toutefois, Jacques Brault ne cherche pas à cerner une définition du poème, non plus que du rythme qui en serait l’élément fondateur. Sa connaissance du langage poétique, qui s’appuie sur la référence à un grand nombre d’auteurs (plus de soixante-dix sont mentionnés en moins de cinquante pages), ne cumule concepts et intuitions que pour se saborder, en fin de compte, et faire apparaître l’impossibilité de dire ce qui se dit en poésie. La plupart des grandes voix citées, qui ont énoncé les perspectives les plus profondes sur le poétique, le plus souvent pour se récuser et substituer l’humour à la dissertation, forment l’extraordinaire caisse de résonance de la réflexion de Brault. Ces auteurs sont très souvent français et relativement récents, tels Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud, Paul Claudel, Paul Valéry ou, plus près de nous encore, André Breton, Louis Aragon, Henri Michaux, Francis Ponge, Raymond Queneau, Philippe Jaccottet, Jacques Réda et Jacques Roubaud. Bien entendu, sont aussi appelés à la barre les parangons de la modernité, Rainer Maria Rilke, Octavio Paz et Paul Celan, dont les précieuses réalisations élèvent la littérature à des hauteurs inégalées. Les Québécois, dans tout cela ? On en trouve de rares mentions, et la plus voyante, celle de Robert Marteau, chevauche les littératures de France et d’ici. N’y voyons nul mépris, de la part de celui qui nous a procuré la précieuse édition critique d’Hector de Saint-Denys Garneau (réalisée avec Benoît Lacroix), une présentation d’Alain Grandbois dans la collection « Poètes d’aujourd’hui », un texte fondateur, sous forme de conférence, sur « Miron le magnifique », etc. Il est sans doute trop tôt pour faire la synthèse des réflexions de nos écrivains sur la nature du poème, mais on peut savoir gré à Jacques Brault de s’être adressé à des sources fiables et universellement connues, et d’avoir tenté d’en dégager l’enseignement. Le grand nombre d’écrivains cités pourrait signifier l’impossibilité de prendre parti devant la multiplicité des opinions qui ont cours. Il s’agit plutôt d’un trait caractéristique de la démarche de Jacques Brault. Comme poète, par exemple, son inspiration d’un recueil à l’autre apparaît fort variée. On chercherait en vain un thème sous-jacent à l’ensemble, voire à des segments étendus de sa production. Pourtant, la plus grande rigueur préside à l’élaboration de ses poèmes, même …

Parties annexes