Dossier

Une dramaturgie (con)cernée par les médias [Notice]

  • Hervé Guay et
  • Francis Ducharme

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  • Hervé Guay
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • Francis Ducharme
    Université du Québec à Montréal

Tumultueuse, la relation entre le théâtre et les médias l’a toujours été au Québec, depuis ses débuts il y a près de deux cent cinquante ans. Mais les raisons de ce tumulte ont bien changé. Alors que, durant une bonne partie du xixe et même du xxe siècle, la presse était divisée quant aux mérites du théâtre et au bien-fondé de sa participation aux débats sociétaux, ce sont plutôt les auteurs dramatiques qui débattent aujourd’hui le rôle joué par les médias dans l’espace public et la façon dont ceux-ci le façonnent. Que le théâtre québécois se préoccupe autant des médias, pendant que ces derniers se désintéressent de lui, nous paraît révélateur à la fois de ce que la dramaturgie et les médias sont devenus. C’est ce qui nous a poussés à consacrer un dossier au théâtre et aux médias, à nous intéresser à ce que le théâtre pouvait dire de l’évolution de ces derniers. Il convient, à nos yeux, d’examiner la critique que cet art désormais minoritaire véhicule d’un système sinon omnipotent, du moins tentaculaire. Qui aurait d’ailleurs pensé que des vues si partiales sur la culture médiatique verraient le jour dans le giron du monde du spectacle à partir duquel Guy Debord avait formé son célèbre syntagme pour stigmatiser les dérives de la société de consommation et de divertissement ? Régis Debray en convient : les dérivés du mot medius ont pris une extension démesurée . Mais est-il si sûr, comme il le prétend, que la médiation soit « multiséculaire, propre à l’espèce — transhistorique  » ? Cela ne dépend-il pas de l’acception que l’on donne au mot « média » ? La notion, ainsi que sa racine latine l’indique (centre, milieu), renvoie à la rencontre entre deux points. C’est ce sens qui a mené à la création du terme français « intermédiaire », repris aujourd’hui dans l’emploi du mot « média » pour désigner un moyen de communication. Cette idée de moyen, elle-même équivoque, a d’abord servi à désigner des instruments, outils et techniques de communication. C’est dans ce sens qu’on l’utilise, par exemple, dans les études du médiatique au théâtre, qui sont de plus en plus nombreuses, les échanges formels entre les deux secteurs étant extrêmement féconds. L’analyse des interactions entre ces diverses formes d’expression a même donné naissance à un nouveau champ du savoir, les études intermédiales, auxquelles participent quantité de chercheurs réunis notamment autour de la revue Intermédialités. Comme ce va-et-vient retient déjà l’attention de nombreux chercheurs, il en sera peu question dans ce dossier consacré à la représentation des médias dans la dramaturgie québécoise. Or, ces dernières décennies, les principaux moyens de télécommunication et de communication ont fortement accru leur importance institutionnelle, au point qu’un consortium du secteur du journalisme ou des communications peut maintenant être désigné couramment comme un média — plutôt que comme un médium, l’accusatif conservé du latin étant généralement réservé aujourd’hui pour désigner un moyen d’expression artistique. En anglais, on dénomme mass media ces mastodontes qui canalisent aujourd’hui l’essentiel des échanges communicationnels. Il sera donc question ici des médias de masse en tant qu’institution économique, politique, culturelle et discursive pour éviter d’étendre la problématique à l’infini et ainsi privilégier l’ancrage contemporain de ce dossier. En partie liée à cette acception du terme, la notion de culture médiatique est également centrale, car elle prend justement en considération le pouvoir de l’institution d’orienter les comportements et les manières de penser des individus — pour le meilleur et pour le pire. L’une des raisons expliquant la préoccupation croissante du théâtre à l’égard du « quatrième pouvoir » est sans …

Parties annexes