ChroniquesPoésie

Du xixe au xxie siècle (F.-X. Garneau, revue Moebius, Célyne Fortin, Louise Warren)[Notice]

  • André Brochu

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  • André Brochu
    Université de Montréal

En 2008, pour la première fois, était réunie en volume l’intégrale des poèmes de François-Xavier Garneau (1809-1866) . J’en ai rendu compte en ces pages . Le directeur de la publication, François Dumont, faisait alors état de l’édition critique à venir de l’ensemble des écrits de Garneau par les soins de Paul Wyczynski† et de Yolande Grisé . Le décès, en 2008, du chercheur émérite entraîna des retards dans la réalisation du projet mis en train plusieurs années plus tôt, et ce n’est qu’après un délai de quatre ans que l’édition critique des Poésies  a vu le jour. Yolande Grisé, qui avait déjà travaillé au monument de l’édition intégrale des Textes poétiques du Canada français, 1606-1867, en douze volumes, a assumé pour l’essentiel la tâche entreprise par Paul Wyczynski. Et quelle tâche ! Ce n’est pas tout que de réunir les textes dispersés dans les journaux et revues, ou conservés de façon plus confidentielle. Garneau n’avait sans doute pas publié ses poésies en recueil, mais bon nombre de celles-ci avaient paru en plusieurs versions dans les périodiques ou les répertoires du temps, souvent mal éditées. Il fallait donc établir le texte, ce que l’édition de Nota bene, qui ne prétendait d’ailleurs pas au statut d’édition critique, ne faisait pas. Il fallait trouver, pour chaque morceau, le texte le plus accompli et, sans en altérer la nature, le nettoyer de ses particularismes d’époque et l’ajuster aux modalités de lecture d’aujourd’hui (en ce qui touche l’orthographe, notamment). Mais plus encore, il importait d’accroître la lisibilité en apportant un éclairage sur le propos du poète, sur les formulations utilisées, sur l’ensemble des données biographiques, historiques, philologiques, culturelles qui sous-tendent l’expression. Ce travail est accompli admirablement par Yolande Grisé, qui fait aussi une présentation éclairante du poète et de son projet. Elle montre d’abord que le jeune écrivain à ses débuts subit fortement l’influence du romantisme, lequel, en Europe, est en plein essor, et que ce mouvement littéraire est aussi, pour lui comme pour ses modèles (Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Lord Byron…), associé à un engagement politique. La liberté, individuelle et collective, est la valeur dominante, et Garneau, sensible au drame de la Pologne, sera avant tout le chantre de son propre pays asservi : C’est dans le sillage de sa vocation poétique que l’écrivain va fonder l’entreprise qui le rendra à jamais célèbre, celle de L’histoire du Canada. Le romantisme du jeune poète, c’est aussi l’exaltation du sentiment, l’attachement à la nature, l’ampleur de l’expression métrique jointe à la recherche de nouvelles dispositions strophiques, l’énonciation intégrale de soi et de l’autre en leur vérité faite langage. En cela, Garneau est incontestablement le premier poète digne de ce nom en notre pays. Avant Octave Crémazie, avant Louis Fréchette ou Eudore Évanturel, bien au-dessus de Michel Bibaud qui ressassait un classicisme d’allure un peu bonhomme, Garneau fut un vrai poète, de même qu’il serait notre premier grand historien (Michel Bibaud, là encore, le précède mais sans faire le poids). Et l’on peut dire que son oeuvre est comparable, dans ses meilleurs moments, à celles de ses plus réputés successeurs. « Le dernier Huron », « Le vieux chêne » sont d’incontestables réussites, et plusieurs autres poèmes de Garneau présentent des mérites approchants. Une édition critique comporte fatalement un lourd appareil d’annotations, de commentaires, d’indications techniques, et le présent ouvrage peut sembler crouler sous les gloses. Les trente poèmes de Garneau, d’environ cent vers en moyenne chacun, font à peine plus de cent pages sur les quatre cent soixante-seize de la publication. On regrette sans doute la sobre élégance de l’édition de Nota …

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