Dossier

LES GENRES MÉDIATIQUES DANS LE QUÉBEC DU XIXe SIÈCLE : ESSAIS DE POÉTIQUE[Notice]

  • MICHELINE CAMBRON et
  • MYLÈNE BÉDARD

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  • MICHELINE CAMBRON
    Université de Montréal/Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)

  • MYLÈNE BÉDARD
    Université Laval/Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)

Où en serait notre connaissance de la vie littéraire, culturelle et intellectuelle du xixe siècle québécois sans le dépouillement des journaux ? C’est à partir des périodiques que Fernand Dumont et son équipe, dans les années 1960 et 1970, ont pu dresser un premier tableau idéologique du Canada français. Certes, le répertoire des journaux québécois dressé par André Beaulieu, Jean Hamelin et leur équipe (les dix tomes de La presse québécoise des origines à nos jours) a, par la suite, en partie éclairé ce « continent de papier » qui a longtemps constitué la « seule bibliothèque du peuple ». Mais une fréquentation littéraire des journaux eux-mêmes se faisait attendre. Sans surprise, le renouveau des études sur le xixe siècle littéraire a reposé au Québec comme en France sur les recherches portant sur la presse ; pensons aux travaux de Micheline Cambron sur Le Canadien, à ceux de Nova Doyon sur l’émergence d’une identité nationale dans la presse canadienne du début du siècle ou à ceux de Julie Roy et de Chantal Savoie sur l’entrée progressive des femmes en littérature. L’écriture et le support médiatiques sont ainsi devenus objets d’étude à part entière. S’y consacrent de nombreux chercheurs, rassemblés notamment autour de la plateforme scientifique Médias 19 et du projet interdisciplinaire Penser l’histoire de la vie culturelle. Malgré les avancées considérables qu’elles ont permises dans notre compréhension de l’histoire littéraire, ces recherches ont principalement porté sur des journaux de la première moitié du xixe siècle ou du tournant du xxe siècle. Les années 1850 ont certes fait l’objet de quelques travaux, mais c’est surtout l’apparition des revues littéraires des décennies d’après 1860 qui a retenu l’attention des critiques et des historiens, laissant dans l’ombre les nombreux journaux qui ont participé au développement de la vie littéraire et culturelle. Nous souhaitons, dans le présent dossier, mettre en lumière cette période qui, entre 1850 et 1900, voit le passage du journal d’opinion au média de masse ; cette période est ponctuée de transformations majeures, entre autres sur le plan technologique, qui modifient significativement la facture des périodiques, les modalités de lecture, les tirages et les aspects concrets de la diffusion. C’est aussi durant ces décennies que s’installent véritablement les genres proprement médiatiques, comme la chronique et le reportage, lesquels entretiennent des liens étroits avec la littérature. Ce dossier propose donc une première exploration de ce demi-siècle de l’histoire de la presse, menée dans la perspective de l’étude littéraire des corpus médiatiques. Nous avons choisi de nous attacher plus particulièrement, suivant la suggestion de Vincent Lambert, initiateur du projet, à l’étude des genres médiatiques qui émergent ou s’installent durant cette période. Notre visée n’est pas historique. Notre intention était moins de faire une histoire des formes abordées que d’amasser les premiers matériaux qui pourront en permettre l’élaboration. Les études rassemblées adoptent donc tantôt une perspective synchronique appuyée sur une durée plus ou moins longue, tantôt une perspective diachronique qui invite à penser des seuils rhétoriques, une succession de modèles formels ou encore une transformation des horizons d’attente. L’absence de tradition quant à la reprise en volume de textes parus dans les journaux et les revues, si l’on excepte les recueils de critiques littéraires de formes variées et les recueils de chroniques, a constitué un frein aux travaux antérieurs. En effet, il est frappant de constater que seuls les textes repris en livres continuent à circuler, les autres demeurant enfouis dans la masse de la presse périodique, même dans le cas d’auteurs connus. Le mépris affiché à l’endroit de la presse, conçue comme moins « légitime » …

Parties annexes