Résumés
Résumé
Le but de cette étude consiste à analyser l’usage particulier que fait Michaud des possibilités offertes par le modèle de la fiction exotopique dans ce qu’elle nomme sa trilogie états-unienne, formée de Mirror Lake (2006), Lazy Bird (2010) et Bondrée (2013), trois romans où la présence de la frontière joue un rôle important. L’action de ces romans, qui mettent en scène des personnages caractérisés par un entrelacement de leurs repères géographiques et socioculturels, est campée dans un décor où se brouillent les frontières du même et de l’autre. En ce sens, cette trilogie apparaît symptomatique des développements récents de l’américanité au Québec, qui témoigne d’une évolution sensible des repères géographiques, historiques et culturels des Québécois francophones, une évolution faisant écho à celle qu’on a pu noter dans les années 1980, avec la publication de romans « américains » comme Volkswagen blues de Jacques Poulin et Copies conformes de Monique LaRue.
Abstract
This study offers an analysis of the distinctive use that Michaud makes of possibilities offered by the exotopical fiction model in what she refers to as her American trilogy, consisting of Mirror Lake (2006), Lazy Bird (2010) and Bondrée (2013), three novels in which the border plays an important role. The action in these novels, which feature characters portrayed through an intertwining of their geographical and sociocultural points of reference, occurs in a setting where the boundaries of the same and the other become blurred. Thus, this trilogy appears to be symptomatic of recent developments of Americanness in Québec which testifies to a noticeable evolution of Francophone Québécois’ geographical, historical and cultural benchmarks, an evolution that echoes that which could be observed in the 1980s with the publication of “American” novels like Volkswagen blues by Jacques Poulin and Copies conformes by Monique LaRue.
Resumen
El objetivo de este estudio es analizar el uso particular que Michaud hace de las posibilidades que ofrece el modelo de ficción exotópica en lo que ella denomina su trilogía estadounidense, compuesta por Mirror Lake (2006), Lazy Bird (2010) y Bondrée (2013), tres novelas en las que la presencia de la frontera desempeña un papel importante. La acción de estas novelas, protagonizadas por personajes cuyos puntos de referencia geográficos y socioculturales están entrelazados, se desarrolla en un paisaje en el que los límites entre lo propio y lo ajeno son difusos. En este sentido, la trilogía es sintomática de la reciente evolución del americanismo en Quebec, que refleja una evolución sensible de los puntos de referencia geográficos, históricos y culturales de los quebequeses francófonos, una evolución que se hace eco de la observada en los años 80 con la publicación de novelas «americanas» como Volkswagen blues de Jacques Poulin y Copies conformes de Monique LaRue.
Corps de l’article
Dans un entretien qu’elle a accordé en 2020 au magazine Web Milieu hostile, dont le nom n’est pas sans évoquer la thématique de ce dossier, la romancière Andrée A. Michaud affirmait que Mirror Lake (2006), Lazy Bird (2009) et Bondrée (2013) forment une trilogie états-unienne, « en ce sens que ces trois romans se passent dans des États partageant une frontière avec le Québec ou se situent à la frontière même entre le Québec et les États-Unis[1] ». Elle précisait ainsi sa pensée : « Dans les trois cas, j’y aborde la question de la langue, qui nous amène inévitablement à ce qui distingue la culture québécoise de la culture états-unienne, mais aussi aux points communs entre ces deux cultures qui participent d’une nord-américanité qui, pour moi, est fondamentale[2]. » Cette revendication d’une forme de nord-américanité s’inscrit bien dans le contexte actuel, qui nous donne à voir de nombreuses manifestations, parallèlement au mouvement de « décentrement[3] » de la littérature québécoise décrit par Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, d’un recentrement de cette littérature autour de son pôle américain. En effet, sans cesser d’être présent, le rapport du Québec à la France et à sa culture s’est peu à peu modifié pour devenir plus lâche, plus distant, moins existentiel, la population accordant une place grandissante aux productions culturelles américaines et, dans les milieux lettrés, à la littérature des États-Unis. Les romans d’Andrée A. Michaud illustrent bien ce phénomène de repositionnement des références culturelles et littéraires par les romanciers du Québec.
Le but de cette étude consiste à analyser l’usage particulier que fait Michaud des possibilités offertes par le modèle de la fiction exotopique dans sa trilogie états-unienne, en ayant recours notamment à un décor où se brouillent les frontières du même et de l’autre, et en mettant en scène des personnages qui sont caractérisés par un entrelacement de leurs repères géographiques et socioculturels. Cet entrelacement, qui apparaît symptomatique des développements récents de l’américanité au Québec, notamment depuis le début des années 2000[4], témoigne d’une évolution sensible des repères géographiques, historiques et culturels des Québécois francophones, évolution faisant écho à celle qu’on a pu observer dans les années 1980, avec la publication de romans « américains » comme Volkswagen blues de Jacques Poulin ou Copies conformes de Monique LaRue. Avant d’analyser les romans formant la trilogie états-unienne d’Andrée A. Michaud, j’aimerais donc proposer une réflexion sur les développements récents du phénomène de l’américanité au Québec, qui occupe une place grandissante dans le roman contemporain, où la culture états-unienne (littérature, musique, cinéma) semble devenue une référence incontournable, et où la mémoire franco-américaine tient une place considérable, comme le signale l’attention portée par de nombreux créateurs (dont Sylvain Lelièvre, Richard Séguin, Pierre Flynn, pour ne mentionner que ceux-ci) à la figure de l’écrivain Jack Kerouac.
AMÉRICANISATION OU AMÉRICANITÉ ?
Dans un texte publié en 2004, l’historien Yvan Lamonde s’est penché avec beaucoup de justesse sur ce qui distingue l’américanité de l’américanisation. Selon lui, les deux notions prennent le même sens quand on parle de la période qui précède la montée en puissance de l’impérialisme américain, marquée par « une assimilation des cultures européennes d’immigration par le nouveau continent d’accueil[5] » ; mais avec la suprématie économique et militaire des États-Unis sur le reste du continent, ce mouvement d’ensemble a été progressivement infléchi par la force de rayonnement exercée par le modèle social et culturel américain. Tout en reconnaissant que « l’américanisation est plus forte que jamais, ici et ailleurs[6] », Lamonde précise que « le maintien du terme “américanité” n’a pas pour fonction de la masquer[7] » et que cette notion « est là pour créer une distance avec l’Europe et la France en particulier, distance dans laquelle la composante américaine du Québec aura une place[8] ». Dans une étude consacrée au romancier Louis Hamelin, Jimmy Thibeault soulève à son tour cette hypothèse de l’américanisation de la littérature québécoise, précisant que « l’intégration de référents américains n’entraînant pas forcément une perte identitaire, elle permet un réinvestissement de l’imaginaire continental et, par le fait même, une recomposition de l’expression du Québec dans son contexte continental[9] ».
Ces mises au point sont importantes dans la mesure où elles rappellent que ce qu’on nomme communément l’américanité est le résultat d’un vaste processus d’américanisation, au sens large du terme, qui s’est déroulé au fil du temps et qui peut être appréhendé sur plusieurs plans : anthropologique, géographique, historique, sociologique, etc. Dans le langage courant, l’américanité se limite à la description de certains traits culturels et sociaux qui découlent des contacts prolongés avec le voisin états-unien, comme le mode de vie, l’environnement urbain et technique, les pratiques culturelles, les valeurs, croyances et idéologies, les thématiques et esthétiques littéraires, etc. Même si l’américanité n’est pas synonyme d’américanisation, elle reste néanmoins symptomatique de l’influence exercée par les États-Unis, une influence plus ou moins marquée selon les époques, mais qui a pris de l’ampleur depuis les années 1920, avec l’entrée progressive du Québec dans la modernité, et dont la prise de conscience s’est cristallisée dans le dossier emblématique publié par la Revue dominicaine en 1936, intitulé justement « Notre américanisation », qui explorait les principaux tenants et aboutissants du phénomène en question. Ce mouvement est allé en s’accélérant dans les décennies qui vont suivre, repoussant peu à peu au second plan la référence française qui avait prévalu jusqu’alors en lui substituant la référence américaine. On peut observer cette tendance dans le roman québécois des années 1970 et 1980, avec la place déterminante qui est accordée à des écrivains comme Herman Melville, dans Monsieur Melville (1978) de Victor-Lévy Beaulieu, Ernest Hemingway, dans Volkswagen blues (1984) de Jacques Poulin, ou Dashiell Hammett, dans Copies conformes (1989) de Monique LaRue[10]. L’action de ces trois romans se déroule d’ailleurs, en tout ou en partie, aux États-Unis, ce qui suggère que la tendance actuelle des fictions exotopiques pourrait exprimer, en la redoublant et en la transposant dans l’espace, l’américanisation progressive du Québec sur le plan littéraire, et non plus uniquement sociétal.
C’est d’ailleurs ce qui explique la publication de plusieurs romans dont l’action se déroule aux États-Unis et qui ne mettent pas en scène de personnages issus du Québec, comme Les failles de l’Amérique (2005) de Bertrand Gervais, Les derniers jours de Smokey Nelson (2011) de Catherine Mavrikakis et Les villes de papier (2018) de Dominique Fortier, pour ne nommer que ceux-là. Ces romans témoignent d’une connaissance et d’une intériorisation poussées de la réalité états-unienne, qu’elle soit de nature sociale, culturelle ou littéraire, ainsi que de la liberté des écrivains de prendre appui sur des univers qui ne leur appartiennent pas en propre, mais auxquels ils participent pourtant. Cette tendance mériterait par ailleurs d’être mise en parallèle avec le mouvement des fictions exotopiques se déroulant non pas aux États-Unis, mais dans des ailleurs qu’on pourrait qualifier d’« alternatifs », comme l’Allemagne ou encore la Russie, dont L’homme blanc (2011) de Perrine Leblanc constitue une excellente illustration.
C’est dans ce contexte d’ensemble que s’inscrivent les trois romans états-uniens d’Andrée A. Michaud. Née à Saint-Sébastien-de-Frontenac en 1957, un village situé près de la frontière américaine[11], Michaud semble avoir gardé une attirance profonde pour les paysages de son enfance passée dans les Appalaches, non loin du mont Mégantic et, un peu plus au sud, du mont Gosford, deux montagnes voisines qui se situent à proximité du Maine et du New Hampshire. En un sens, cette attirance pour le décor appalachien forme la pierre d’assise de la nord-américanité de Michaud, qui s’exprime notamment, comme on le verra plus bas, par la sensibilité de la romancière à l’égard de la nature sauvage et de l’existence de la frontière américaine, laquelle forme une ligne de démarcation qui s’avère, par la force des choses, une réalité artificielle, construite, et qui mérite d’être interrogée. Les protagonistes de ses deux premiers romans américains sont ainsi des hommes en fuite, qui tentent d’échapper à leur condition en quittant le Québec pour s’installer aux États-Unis, mais sans trop s’éloigner néanmoins de la frontière. Dans Mirror Lake, le personnage de Robert Moreau fait ainsi l’acquisition d’un chalet situé dans le Maine, sur la rive nord du lac en question, dans un décor paradisiaque qui se transforme bientôt en un mauvais rêve où règnent les faux-semblants et les jeux de miroirs. Dans Lazy Bird, c’est un animateur de radio nommé Bob Richard qui choisit de s’exiler au Vermont, dans la petite ville fictive de Solitary Mountain, espérant se soustraire à un passé douloureux, mais se retrouvant rapidement plongé dans une histoire sordide de meurtres et de folie. Quant au troisième roman, Bondrée, son action gravite autour de la résolution du meurtre de deux jeunes filles et se déroule dans un espace frontalier, sur les rives d’un lac situé à cheval sur la frontière de la Beauce et du Maine, comme l’indique le titre du roman, qui est une déformation du mot anglais « boundary », frontière.
Dans les trois cas, le changement de décor par rapport au Québec rural est subtil, pour ne pas dire accessoire, le paysage restant en gros le même : des lacs, des rivières, des forêts, des montagnes, bref un espace sauvage, parfois hostile, souvent intemporel. La mention qui est faite de certaines petites villes, qu’elles soient réelles, comme Bangor et Skowhegan, ou fictives, comme Solitary Mountain, nous rappelle que l’action des trois romans se déroule dans ce que Pierre Anctil a nommé le « Québec d’en bas[12] », c’est-à-dire les régions de Nouvelle-Angleterre peuplées par des francophones originaires du Québec. D’ailleurs, la présence franco-américaine se fait toujours sentir dans les romans de Michaud, non seulement dans les patronymes de plusieurs personnages secondaires, mais aussi dans la mémoire parfois confuse, parfois douloureuse, qu’ils gardent de leurs origines. Le lecteur est ainsi plongé dans un monde mitoyen, pas tout à fait familier, mais pas tout à fait étranger non plus, ce qui tend à susciter chez lui sinon un sentiment de malaise, du moins une impression de décalage et de déstabilisation, de brouillage subtil des points de repère, notamment de la langue et de la culture.
L’effet miroir de l’amÉricanitÉ : Mirror Lake (2006)
Selon Christiane Lahaie, la publication de Mirror Lake en 2006 puis de Lazy Bird en 2009 marque un tournant important dans l’oeuvre romanesque d’Andrée A. Michaud :
Avec Mirror Lake et Lazy Bird, l’univers étrange d’Andrée A. Michaud se déploie autrement : on passe, en quelque sorte, de l’exploration formelle à une écriture « scénaristique », laquelle offre une intrigue plus linéaire et des personnages dont on pourrait presque dire que la culture populaire les a rendus familiers : le solitaire en quête de paix, le voisin envahissant, le policier véreux, la femme fatale[13].
Ce recours à la culture populaire et à quelques-uns de ses personnages iconiques s’appuie sur un changement de décor, les États du Maine et du Vermont s’invitant dans une trame narrative caractérisée jusque-là par des lieux plutôt vagues et indéterminés. Dès les premières pages de Mirror Lake, le narrateur Robert Moreau prend le soin de justifier son choix de s’établir dans le Maine :
Quand je suis dans l’une de ces journées, précise-t-il, je me demande pourquoi je suis venu ici, alors qu’il aurait été si facile de demeurer là-bas, au Québec, sur ce territoire de neige comportant assez de coins perdus pour abriter un homme en fuite, puis suffisamment d’étoiles pour contrecarrer l’idée de la fuite. Je n’ai pas de réponse claire à cette question, mais je crois qu’il me fallait mettre le nom d’un pays entre mon passé et moi, m’abriter sous les étoiles d’un drapeau auquel je ne devrais aucune allégeance. De par sa position géographique, le Maine constituait l’endroit idéal en ce qu’il me parlait d’un ailleurs où je n’éprouverais pas le sentiment de l’expatrié[14].
Pour Moreau, le Maine constitue aussi « l’incarnation d’un certain mystère » (ML, 16), « un lieu chargé de secret, qui n’est pas le prolongement du Québec, mais son versant sombre, sur la pente humide duquel le moindre faux pas peut être fatal » (ML, 17). À la fois familier et étranger, le Maine constitue ainsi un espace propice à la mise en place d’une intrigue caractéristique du roman noir, incarnée dans le récit par un roman imaginaire, The Maine Attraction, de Victor Morgan, que Moreau reçoit en cadeau de son voisin Bob Winslow, qui habite de l’autre côté du lac et lui renvoie une image déformée de lui-même. Winslow lui recommande chaudement ce roman « pour la vraisemblance de ses personnages mais, surtout, parce que l’histoire se déroul[e] dans un patelin situé non loin de Mirror Lake » (ML, 39). En conformité avec les jeux de miroir qui envahissent le roman tout entier pour déboucher sur la description d’un troublant phénomène de métempsychose, The Maine Attraction en vient à redoubler l’intrigue de Mirror Lake, comme le suggère par ailleurs la parenté entre les noms de Robert Moreau et de Victor Morgan, qui évoquent tous les deux l’idée de la mort et suggèrent la nature interchangeable des deux personnages. Par malchance, l’unique exemplaire de The Maine Attraction a été perdu, ce qui empêche Moreau de décoder les événements qui transforment sa vie, de comprendre ce qui lui arrive vraiment et d’anticiper ce qui l’attend.
D’autre part, le Maine tel qu’il est mis en scène par Michaud apparaît fortement investi par la littérature américaine, à commencer par l’épigraphe de Walden de Henry David Thoreau qu’on retrouve au début du roman et qui détermine en partie son programme de lecture : « Aussi longtemps que les hommes croiront à l’infini, on croira que quelques étangs sont sans fond. » (ML, 9) De plus, le Maine est associé à l’univers des romans de Stephen King, un des auteurs de prédilection de Michaud, avec leur cohorte de personnages d’origine franco-américaine et leur panoplie d’histoires plus sordides les unes que les autres. Le roman convoque aussi les figures de David Goodis et de William Irish, pseudonyme de Cornell Woolrich, deux maîtres du roman noir américain :
Winslow venait de prononcer le double nom d’un écrivain auquel j’avais réservé une place de choix dans mon panthéon et avec lequel j’entretenais une relation privilégiée, personne dans mon entourage n’ayant jamais lu Irish, et voilà que ce primate lui donnait du William et du Cornell comme s’ils avaient couché ensemble. Corollaire de cette constatation : plus ça allait et plus je découvrais des points communs entre ce connard et moi.
ML, 40
Ces échos multiples de la littérature américaine dans la trame narrative de Mirror Lake expliquent également le choix de l’auteure de situer l’action de son roman en Nouvelle-Angleterre : comme les références américaines occupent une place de choix dans le texte, il n’en est que plus logique de camper les personnages dans un décor qui s’accorde avec les influences livresques revendiquées dans le roman. En un sens, l’action de Mirror Lake ne pouvait que se dérouler dans les forêts du Maine.
Les nombreuses références qui sont faites dans le roman au cinéma américain participent du même phénomène. Paquette, le shérif qui mène l’enquête sur la noyade survenue dans le lac, est ainsi associé au comédien Tim Robbins tout au long du roman : « Le shérif, avec ses Ray-Ban et son cure-dents, ressemblait à s’y méprendre à Tim Robbins dans Short Cuts, me prouvant en cela l’inégalable talent de Robbins, capable de prendre l’apparence de mecs qui se mettaient ensuite à lui ressembler […]. » (ML, 95) Au même titre que la littérature, le cinéma américain tend ainsi à envahir la trame narrative, de telle sorte que le roman de Michaud trouve son cadre naturel aux États-Unis, où sont mis en scène des personnages américains que le narrateur, un francophone qui baigne dans la culture américaine, observe comme à distance, littéralement médusé par les ressemblances entre ce qui se déroule sous ses yeux et l’univers du cinéma :
J’ai tout de même eu un semblant d’espoir quand Tim Robbins et Indiana Jones, au terme de ces trois jours, se sont amenés avec deux photos d’un gars qui s’était évanoui dans la nature le jour de la noyade de John Doolittle. Ils sont arrivés un peu après le dîner dans un nuage de poussière, un crissement de pneus, un crouic de frein à main, et sont descendus de leur 4 × 4 en parfaite synchronicité, figures imperturbables évoquant, dans la lente chute de poussière, la redoutable physionomie d’Arnold Schwarzenegger ressortant intact des décombres de Terminator.
ML, 82
LAZY BIRD : « VERMONT ON MY MIND »
Les mêmes procédés sont mis à profit dans Lazy Bird, le deuxième roman de la trilogie, qui met toutefois l’accent sur la musique américaine, notamment le jazz, mais aussi le country et le rock. Le roman est d’ailleurs dédicacé, outre à « toutes les filles qui n’auraient pas dû mourir[15] », à John Coltrane, Jim Morrison et Charlie Parker, trois figures emblématiques de la musique américaine, ainsi qu’à l’acteur et réalisateur Clint Eastwood. Comme dans Mirror Lake, le narrateur du roman est un francophone originaire du Québec, Bob Richard, un DJ albinos qui s’est exilé volontairement dans une petite ville du Vermont pour y travailler dans une station de radio, où il anime la plage nocturne. Mais comme dans Mirror Lake, cet exil est relatif, ainsi que le précise le narrateur dans les premières pages du roman :
Quand un homme a une famille, à la rigueur quelques amis, il ne songe pas à s’exiler ainsi, si tant est que l’on puisse parler d’exil dans mon cas, puisque j’avais vécu près de la frontière états-unienne une bonne partie de mon existence et passé tous mes étés, jusqu’à l’âge de dix-sept ans, dans un chalet situé sur les rives du lac Champlain, côté U. S. Depuis des années, je traduisais ma vie du français à l’anglais, et inversement, de même que celle des gens croisés au hasard de mes allées et venues. Plus souvent qu’autrement j’avais l’impression d’être né dans un roman américain traduit au Québec. Je ne possédais pas de véritables racines, en fait, si bien que la notion d’exil n’avait à mes yeux qu’un sens relatif.
LB, 28
L’existence du personnage est ainsi ponctuée par la présence envahissante de la référence américaine ; l’impression qu’il ressent d’être né dans un roman américain traduit au Québec exprime bien la tendance décrite en introduction. Faut-il s’étonner qu’en mettant le pied à Solitary Mountain, Bob Richard s’arrête devant la vitrine d’une librairie où trône The Road, le chef-d’oeuvre apocalyptique de Cormac McCarthy, y voyant un mauvais présage qui va d’ailleurs se concrétiser, le personnage se trouvant bientôt plongé dans une sombre histoire de meurtres en série ? Cette histoire est saturée d’airs de jazz et de chansons emblématiques de la culture américaine, qui témoignent de la connaissance très poussée qu’en possède Andrée A. Michaud et expriment la quintessence des États-Unis, que ce soit la chanson « Georgia on My Mind » de Ray Charles telle qu’interprétée par Willie Nelson, ou « Where I’m From » de Shelby Lynne, qui contient une allusion discrète à la franco-américanité, sous la forme d’un couplet écrit en français. Grâce à son métier, Bob Richard peut ainsi accéder à la diversité qui caractérise la société américaine et échapper à la petitesse de Solitary Mountain : la nuit se transforme pour l’animateur « en un espace mélodieux parcouru de noms de lieux, de noms de femmes parcourant d’est en ouest les États-Unis d’Amérique » (LB, 109), espace qui lui permet de survoler la chaîne des Blue Ridge, les champs de coton de la Géorgie, le New York des années 1940 et la ville de St. Louis : « Et j’étais heureux, homme de partout et de nulle part n’ayant de patrie que la nuit et la musique. » (LB, 109) Il convient enfin de noter que, sans occuper une place aussi importante que dans Mirror Lake, le cinéma américain n’est pas en reste, avec les allusions qui sont faites à des films comme Play Misty for Me de Clint Eastwood, Duel de Steven Spielberg ou Christine de John Carpenter, d’après le roman de Stephen King.
La région de Solitary Mountain est ainsi totalement investie par la littérature, la musique et le cinéma américains ; elle forme à la fois un décor géographique et un écosystème culturel qui révèlent une intériorisation profonde des codes états-uniens chez Andrée A. Michaud et donc, d’une certaine manière, son américanisation, dans le sens positif du terme[16]. Par exemple, lors de sa première nuit passée dans un motel de Solitary Mountain, Bob Richard ne peut s’empêcher de penser à tous ceux et celles qui ont séjourné là avant lui, « couples illicites », « voyageurs de commerce » et « petites familles sans le sou » (LB, 26) :
Tout ça, c’était des clichés, je le savais. Tous ces personnages étaient aussi stéréotypés que les Indiens à plumes vendant des tomates dans les boutiques pour touristes du Nevada, et pourtant ils existaient, dans les livres, dans les films, dans les chambres de motel. Ils étaient l’incarnation de l’Amérique de Sam Shepard et de David Mamet, de toutes ces petites gens luttant contre une médiocrité reçue en héritage.
LB, 26
Lazy Bird témoigne ainsi d’un élargissement considérable du cadre exotopique, la représentation de l’ailleurs étant fortement investie par les références littéraires, filmiques et musicales, qui rendent cet ailleurs encore plus sensible et prégnant. Ces références permettent également au narrateur de renouer avec ses propres origines, d’effectuer un retour sur lui-même, comme quand il écoute en boucle la chanson « Where I’m From » :
« Alabama », ça signifie « chez soi », et quand Lynne chante « I’m up the old Tombigbee River/high as the pines, all the time », une odeur de conifères chauffés par le soleil me monte au nez. C’est alors que je me rends compte que les quelques milles carrés à l’intérieur desquels j’ai grandi ne pourront être dévastés que par l’amnésie et que je me suis gouré sur toute la ligne en croyant qu’on peut couper ses racines sans s’amputer d’un organe vital.
LB, 322-323
En un sens, Lazy Bird montre que l’exotopie et l’endotopie sont liées, que l’ailleurs nous ramène à l’ici, comme le suggère l’expression anglaise « wherever you go, there you are[17] ». C’est d’autant plus vrai que le Québec et la Nouvelle-Angleterre sont du « même côté des choses[18] », comme l’écrivait déjà Victor-Lévy Beaulieu dans Monsieur Melville, ce chef-d’oeuvre emblématique de l’américanité au Québec.
BONDRÉE : BACK TO THE NATURE
Dans Bondrée, le dernier roman de la trilogie, la ligne de démarcation entre le Québec et les États-Unis est encore plus trouble, plus subtile que dans les deux premiers romans. D’entrée de jeu, le lecteur est projeté dans un espace indéfini, immémorial, celui de la forêt primitive :
Bondrée est un territoire où les ombres résistent aux lumières les plus crues, une enclave dont l’abondante végétation conserve le souvenir des forêts intouchées qui couvraient le continent nord-américain il y a de cela trois ou quatre siècles. Son nom provient d’une déformation de « boundary », frontière. Aucune ligne de démarcation, pourtant, ne signale l’appartenance de ce lieu à un pays autre que celui des forêts tempérées s’étalant du Maine, aux États-Unis, jusqu’au sud-est de la Beauce, au Québec. Boundary est une terre apatride, un no man’s land englobant un lac, Boundary Pond, et une montagne que les chasseurs ont rebaptisée Moose Trap, le Piège de l’Orignal[19] […].
En un sens, le positionnement géographique de ce roman noir serre de très près le phénomène de l’américanité ou de la nord-américanité, dans la mesure où il questionne la non-appartenance d’un territoire à une entité politique clairement définie, avec la présence de personnages qui sont amenés à se côtoyer, francophones du Québec, anglophones de la Nouvelle-Angleterre, ainsi que plusieurs descendants de l’ancienne communauté franco-américaine. L’ombre de Pierre Landry, « un trappeur canuck installé dans la région au début des années [19]40 pour fuir la guerre » (B, 10), plane sur les événements tragiques qui vont secouer cette étrange communauté, au lendemain de la mort d’une adolescente qu’on a retrouvée prise dans un vieux piège à ours posé par Landry des décennies plus tôt. Comme la victime est américaine, les autorités ont confié l’enquête à l’inspecteur Stan Michaud, un policier du Maine qui, malgré son nom de famille, ne parle pas un mot de français, une langue qui a été perdue par sa famille au fil du temps mais qu’il idéalise néanmoins. Michaud parvient d’ailleurs à convaincre son compatriote Brian Larue, lui aussi d’origine franco-américaine et parlant pour sa part toujours le français, de jouer le rôle d’interprète « entre la police et les francos de Boundary » (B, 71). L’écrivaine réactive ainsi la problématique de la traduction abordée dans Lazy Bird, en donnant son propre nom au personnage de l’enquêteur et en flanquant ce dernier d’un interprète avec qui il en vient à former un duo improbable, lequel s’active sur la ligne ténue d’une frontière poreuse et d’une communauté caractérisée par la mixité.
On le voit, dans Bondrée, sans être absentes, les références littéraires, musicales et filmiques sont reléguées au second plan, ce qui permet un resserrement de l’intrigue policière et favorise l’expression d’une autre forme de la nord-américanité, laquelle met l’accent sur l’atmosphère héritée des romans noirs américains et sur la présence d’une nature certes déstabilisante, mais néanmoins somptueuse, à la manière des écrits de Henry David Thoreau et d’Aldo Leopold, les deux précurseurs du Nature Writing, un courant littéraire qui a influencé plusieurs écrivains québécois contemporains. Nous avons vu plus haut que l’ombre immense de Thoreau, qui est connu non seulement pour son livre phare, Walden ou la vie dans les bois, mais aussi pour ses récits de voyage dans le Maine (Les forêts du Maine), planait déjà sur Mirror Lake, Michaud ayant choisi une épigraphe de Thoreau pour introduire la matière de son livre. Dans Lazy Bird, c’était une phrase célèbre du grand naturaliste Aldo Leopold, « thinking like a mountain » (« penser comme une montagne » [LB, 433]), qui était mentionnée par le personnage de Charlie the Wild, un militant écologiste devenu le meilleur ami de Bob Richard. Quant à Bondrée, nous l’avons dit, il s’ouvre sur une description de la forêt primitive (« This is the forest primeval », comme l’écrit Longfellow au début de son poème Evangeline) ; aussi, la narratrice nous apprend, à la toute fin du récit, que les chalets qui bordaient le lac ont été vendus les uns après les autres dans les années ayant suivi le drame et que la nature y a repris ses droits, « anticipant ces jours où l’homme aura déserté la surface du globe » (B, 296).
Tout compte fait, les fictions exotopiques d’Andrée A. Michaud nous transportent ainsi non pas seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps, c’est-à-dire dans le temps long, immémorial et sans fin, de la nature américaine, de ses lacs, de ses montagnes et de ses forêts. Ce glissement qui s’opère vers des préoccupations environnementales nous permet de mieux saisir les « éco-épiphanies[20] », telles que décrites et analysées par Julien Desrochers dans son étude du roman québécois contemporain, que contient Bondrée et qui sont également présentes dans ses deux autres romans états-uniens. Selon Desrochers, la critique littéraire environnementale « a vu dans ce phénomène un prisme au travers duquel se problématise, sur les plans thématique et esthétique, le rapport de l’être humain à la nature sauvage[21] ». En tant qu’apparition soudaine et imprévue, l’éco-épiphanie marque une véritable rupture dans l’ordre des choses et dans le tissu temporel ; elle nous confronte, du même coup, à une autre réalité, nous transportant dans une exotopie radicale, celle d’une nature qui existe en marge de l’être humain. Dans Mirror Lake, Andrée A. Michaud nous donnait ainsi à voir un moment épiphanique, avec l’apparition d’un orignal qui sortait du bois et s’avançait dans le lac sous les yeux de Robert Moreau, « en harmonie parfaite avec ce décor où ni Winslow, ni Anita, ni [lui] n’aur[aient] dû figurer » (ML, 137-138). Dans Lazy Bird, c’était un cerf tout blanc, sorte de double animal et spectral de lui-même, qui surgissait devant Bob Richard, saisi du « sentiment que cette bête venait tout droit de [s]on passé » (LB, 51). De tels moments épiphaniques sont plus rares dans Bondrée, l’expérience de la nature sauvage y prenant une tonalité plus tragique et inquiétante ; il faut attendre le dénouement du récit pour assister à l’un de ces instants privilégiés : « Je ne suis jamais retournée à Bondrée, mais j’en garde un souvenir vivace me permettant de toucher à la fragilité du bonheur chaque fois qu’un froissement d’ailes soulève un parfum de genièvre et qu’un renard détale, vivant, à l’orée du sentier. » (B, 296)
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Depuis la publication et l’immense succès de Bondrée, Andrée A. Michaud semble avoir recentré l’action de ses romans au Québec, que ce soit dans Routes secondaires (2017), Tempêtes (2019) ou le tout récent Proies (2022), comme si la nord-américanité revendiquée dans sa trilogie états-unienne était désormais une affaire classée, et le recours à l’ailleurs moins nécessaire. Les paysages du Québec paraissent dorénavant suffire à la romancière, d’autant plus qu’ils ne sont pas fondamentalement différents de ceux de Nouvelle-Angleterre et se caractérisent par la même ambiance, propice à la création du sentiment de l’étrangeté. C’est ce qu’on pourrait nommer, en faisant écho à la phrase de Victor Hugo citée dans L’héritage de Victor-Lévy Beaulieu[22], la veine noire de la ruralité, une tendance bien exprimée dans Proies par la référence au film américain Deliverance (1972), de John Boorman, qui raconte l’expédition tragique de quatre amis venant de la ville sur une rivière de la Virginie-Occidentale, et qui sert en quelque sorte d’engramme ou de modèle au roman de Michaud. Les deux cultures, états-unienne et québécoise, continuent ainsi de s’entremêler dans son oeuvre, comme des vases communicants qui favorisent l’inspiration de l’écrivaine. Dans cette perspective, il ne faudrait surtout pas oublier de mentionner que, parmi les écrivains de prédilection de Michaud, outre Stephen King, figure le romancier Patrick Senécal, qui s’est spécialisé justement dans le roman d’épouvante ; même si cet écrivain n’est pas reconnu par l’institution littéraire, il n’en est pas moins parvenu à reproduire la manière développée par les maîtres américains du genre, contribuant du même coup à ouvrir la voie à des romans comme Mirror Lake, Lazy Bird et surtout Bondrée, qui se situent au point de rencontre de deux univers[23]. Andrée A. Michaud appartient en effet à cette lignée d’écrivains de l’entre-deux, où figurent entre autres Germaine Guèvremont et Jacques Poulin, qui ont réussi à adapter les codes littéraires américains au contexte québécois, comme je l’ai montré dans des textes récents[24]. C’est ce à quoi parvient Michaud en situant d’abord l’action de ses romans dans des États limitrophes au Québec, saturés de références littéraires et culturelles, avant d’opérer un mouvement de retour vers le lieu de ses propres origines.
Parties annexes
Note biographique
JEAN MORENCY est professeur titulaire au Département d’études françaises de l’Université de Moncton. Son principal champ de recherche est la question de l’américanité de la littérature québécoise, à laquelle il a consacré deux ouvrages, Le mythe américain dans les fictions d’Amérique. De Washington Irving à Jacques Poulin (Nuit blanche éditeur, 1994) et La littérature québécoise dans le contexte américain. Études et explorations (Nota bene, 2012), ainsi que de nombreux articles savants et chapitres d’ouvrages collectifs. Il est membre de l’Académie des arts, des lettres et des sciences humaines de la Société royale du Canada.
Notes
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[1]
Christophe Dupuis, « Entretien avec André A. Michaud : Bondrée et Lazy Bird », Milieu hostile, 10 mars 2020, en ligne : https://www.milieuhostile.net/interview-avec-andree-a-michaud-1/ (page consultée le 7 juillet 2023).
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[2]
Ibid.
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[3]
Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, avec la collaboration de Martine-Emmanuelle Lapointe, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007, p. 529.
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[4]
Consulter à ce sujet la thèse de doctorat de Pierre-Paul Ferland, Une nation à l’étroit. Américanité et mythes fondateurs dans les fictions québécoises contemporaines, thèse de doctorat, Québec, Université Laval, 2015, 403 f. Ferland décrit ainsi les années 2000 comme une « décennie charnière qui épuise la thématique dite traditionnelle au profit d’une américanité ludique qui propose une extraterritorialité ironique et une remise en question à la fois de l’espace national et de l’Histoire canonique » (f. 21 ; l’auteur souligne).
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[5]
Yvan Lamonde, « Américanité et américanisation. Essai de mise au point », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. VII, no 2, 2004, p. 28.
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[6]
Ibid., p. 29.
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[7]
Ibid.
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[8]
Ibid.
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[9]
Jimmy Thibeault, « L’expression du sujet en tant qu’“entité”. Se définir chez Louis Hamelin », Voix et Images, vol. XLI, no 1, automne 2015, p. 51. en ligne : https://doi.org/10.7202/1033958ar.
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[10]
On trouvera des lectures stimulantes de plusieurs de ces oeuvres dans le livre de Jean-François Chassay, L’ambiguïté américaine. Le roman québécois face aux États-Unis, Montréal, XYZ éditeur, coll. « Théorie et littérature », 1995, 196 p.
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[11]
Il convient de mentionner ici que Saint-Sébastien est un village voisin de Saint-Gédéon, le village natal de Jacques Poulin, sans doute le plus grand écrivain de l’américanité au Québec.
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[12]
Pierre Anctil, « La franco-américanie ou le Québec d’en bas », Cahiers de géographie du Québec, vol. XXIII, no 58, 1979, p. 39-52. en ligne : https://doi.org/10.7202/021422ar.
-
[13]
Christiane Lahaie, « Les univers insolites d’Andrée A. Michaud », Lettres québécoises, no 155, automne 2014, p. 12.
-
[14]
Andrée A. Michaud, Mirror Lake, Montréal, Québec/Amérique, coll. « Littérature d’Amérique », 2006, p. 16. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle ML suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
-
[15]
Andrée A. Michaud, Lazy Bird, nouvelle édition revue par l’auteure, Montréal, Québec/Amérique, coll. « Nomades », 2016 [2009], p. 7. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle LB suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
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[16]
Pierre-Paul Ferland propose ainsi de lire Lazy Bird comme « l’exploration la plus délirante de l’américanité d’une auteure se revendiquant depuis une décennie de cette identité culturelle. Lazy Bird se situe dans une zone de contact – pour ne pas dire une frontière – entre les cultures québécoise et états-unienne et il permet de décrire avec une rare authenticité l’attitude paradoxale de fascination et de répulsion que les Québécois entretiennent face aux États-Unis. Que l’auteure ait voulu emprunter aux artifices du polar de manière encore plus explicite qu’avec ses romans précédents évoque d’ailleurs cette friction, cette fois-ci sur le plan formel. La question que pose Lazy Bird, par-delà un canevas relativement ténu, c’est celle de la difficile négociation entre la culture populaire états-unienne et la culture locale québécoise ; entre l’exclusion des nationalités et cultures traditionnelles et l’inclusion à une autre communauté délestée des a priori historiques ». Pierre-Paul Ferland, Une nation à l’étroit, f. 113.
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[17]
« Où que vous alliez, vous êtes là », je traduis.
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[18]
Victor-Lévy Beaulieu, Monsieur Melville, t. I : Dans les aveilles de Moby Dick, Montréal, VLB éditeur, 1978, p. 150.
-
[19]
Andrée A. Michaud, Bondrée, Montréal, Québec/Amérique, coll. « Tous continents », 2014, p. 10. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle B suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
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[20]
Julien Desrochers, « “Cette grâce entière, insaisissable et mystérieuse” : formes et enjeux de l’éco-épiphanie dans trois romans québécois contemporains », Études littéraires, vol. XLVIII, no 3, 2019, p. 51. en ligne : https://doi.org/10.7202/1061859ar.
-
[21]
Ibid., p. 52.
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[22]
« Nous avons beau tailler de notre mieux le bloc mystérieux dont notre vie est faite, la veine noire de la destinée y reparaît toujours. »
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[23]
Dans un texte publié au sein d’un dossier consacré aux vingt meilleurs romans québécois des années 2000, Michel Biron a bien dégagé cette esthétique de l’entre-deux dans le roman de Michaud : « Bondrée, comme son titre l’indique, est un roman de la frontière, de la boundary : il se situe entre la Beauce et le Maine, entre le Québec et les États-Unis, entre le français et l’anglais, entre le réalisme et l’onirisme, entre deux formes de littérature (le roman de genre et le roman soi-disant plus “littéraire” inspiré de Virginia Woolf, d’Anne Hébert ou de Jean Echenoz) et peut-être même entre deux imaginaires : celui des mots et celui des images tirées de séries classiques, comme Twin Peaks. » Michel Biron, « Bondrée – Andrée A. Michaud », L’Inconvénient, no 80, printemps 2020, p. 21.
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[24]
Jean Morency, « Le cycle du Survenant dans le contexte américain », David Décarie, Rosemarie Fournier-Guillemette et Lori Saint-Martin (dir.), Un fricot pour Germaine Guèvremont. Actes de la journée d’études du 23 octobre 2018 (Université du Québec à Montréal), avec la collaboration de Nelson Guilbert et Marie Lise Laquerre, Rimouski/Trois-Rivières, Tangence éditeur/Université du Québec à Rimouski/Université du Québec à Trois-Rivières, coll. « Émergence », 2021, p. 85-95 ; Jean Morency, « Le cycle de Jack Waterman, ou le grand roman pulvérisé », Voix et Images, vol. XLV, no 2, hiver 2020, p. 95-106.