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Le « vote stratégique » est un thème récurrent dans les campagnes électorales québécoises, et tout particulièrement lors de l’élection provinciale québécoise de 2012. Entre autres choses, les partis politiques et les médias l’ont intégré à leur discours en opposant la « division du vote » à l’idée d’une coordination stratégique et les tenants d’une réforme électorale ont dépeint le vote stratégique comme un fléau pour la démocratie qui justifierait un changement de mode de scrutin. Mais au-delà du discours public et malgré la littérature académique abondante sur le vote stratégique, aucune recherche à cet effet n’a été menée en contexte québécois. La présente analyse comble cette lacune dans la littérature et répond principalement à deux objectifs. Dans un premier temps descriptif, il est nécessaire d’estimer l’ampleur relative du vote stratégique. Dans un deuxième temps, les variables individuelles et contextuelles qui influencent la propension à opter pour une coordination stratégique sont analysées. Il y a cependant tout lieu de commencer par un rappel du déroulement de la campagne de 2012 et des résultats électoraux pour ensuite exposer plus précisément la logique rationnelle que sous-tend le vote stratégique et considérer un bref état des lieux de la littérature. Quant à l’élection québécoise de 2012, les résultats démontrent que 8,4 % de l’électorat a voté stratégiquement et que la partisanerie et l’intensité des préférences du candidat influencent de façon importante la probabilité de l’électeur à opter pour une coordination stratégique[1].

L’élection québécoise de 2012 : un contexte extraordinaire

Après plus de neuf ans au pouvoir, le premier ministre libéral Jean Charest a annoncé des élections provinciales pour le 4 septembre 2012 en plein contexte de mobilisation sociale (qui s’est notamment reflété par un taux de participation de 75,6 %, constituant une importante augmentation de 17,2 points de pourcentage par rapport à 2008) qui avait commencé par une crise étudiante portant sur l’augmentation des frais de scolarité. Cette crise a fait partie des thèmes principaux de la campagne, accompagnés principalement par l’économie, la souveraineté et la corruption (Lawlor et Bastien, 2013). Le gouvernement sortant, marqué par un important taux d’insatisfaction, a cependant fait face à une opposition fragmentée : il y a eu un nombre record de citoyens qui se sont portés candidats (Godbout, 2013) et les sondages ont prédit une course à trois extrêmement serrée entre le Parti libéral du Québec (PLQ), le Parti québécois (PQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ) (Durand, 2013). Les résultats électoraux témoignent également d’une fragmentation partisane importante alors que les deux principaux partis ont récolté seulement 63,1 %, laissant ainsi plus du tiers des votes aux tiers partis qui, depuis quelques années, sont en montée au Québec (Bélanger et Nadeau, 2009).

Le vote stratégique et sa logique rationnelle

La notion de vote stratégique est intimement liée à l’école des choix rationnels. D’entrée de jeu, dans la logique rationnelle, l’acte de voter lors d’une élection ne relève pas de la simple expression individuelle des préférences (ce pourquoi il est généralement perçu de façon négative – ce comportement va à l’encontre de l’idée préconçue du bon fonctionnement démocratique), mais consiste plutôt en un moyen d’influencer le résultat de l’élection et ultimement les politiques publiques (Downs, 1957). Un second postulat est que l’électeur maximise ses intérêts au moindre coût et que, en ce sens, appuyer son premier choix alors que celui-ci n’a aucune chance de l’emporter ne peut être considéré comme étant rationnel puisque le vote serait « perdu » et inutile. C’est en ce sens que l’option stratégique devient le choix logique.

Plus précisément, on entend par un « vote stratégique » le fait qu’un électeur appuie son deuxième (ou troisièmchoix plutôt que son premier, car son deuxième choix est, selon la perception de l’électeur, plus susceptible de l’emporter vis-à-vis un pire choix (Cox, 1997). Autrement dit, un vote est stratégique dans la mesure où il répond à deux critères : il s’agit d’un vote pour un candidat qui n’est pas l’option préférée de l’électeur, et ce comportement est adopté dans l’optique précise de bloquer une pire option, ce qui amène l’électeur à voter pour le parti qu’il aime le plus (ou déteste le moins) parmi les deux partis qu’il estime avoir le plus de chances de gagner dans sa circonscription. Transposée à l’élection québécoise de 2012 où le gouvernement libéral en place depuis près de dix ans était impopulaire avec des taux d’insatisfaction très élevés (Bastien et al., 2013), cette logique a pu amener certains électeurs à appuyer le parti (le PQ ou la CAQ) le plus susceptible de battre le candidat libéral dans leur circonscription. Dans la même logique, mais cette fois-ci au désavantage du PQ (faisant office de l’option à bloquer), certains électeurs opposés à la souveraineté ont pu préférer voter pour le candidat (du PLQ ou la CAQ) qui semblait le plus apte à faire la lutte au candidat péquiste de leur circonscription.

Revue de la littérature et hypothèses

Tel que mentionné d’entrée de jeu, aucune étude sur le vote stratégique n’a été menée au Québec, qui est pourtant un cas intéressant, notamment du fait que ce soit la seule province au Canada où la dynamique partisane est double (fédéraliste/souverainiste et gauche/droite). Toutefois, en utilisant la scène politique fédérale comme référence, entre 3 % et 6 % d’électeurs stratégiques ont été identifiés depuis 1988 (Blais et Nadeau, 1996 ; Merolla et Stephenson, 2007). Il y a cependant tout lieu de noter que ces résultats ont été obtenus en se concentrant seulement sur les trois grands partis fédéraux, écartant ainsi les désertions stratégiques des plus petits partis et, par voie de conséquence, la proportion totale d’électeurs stratégiques est légèrement sous-estimée. Il est également important de mentionner que le vote stratégique se manifeste dans tous les modes de scrutin, même si la littérature s’est davantage penchée sur les systèmes majoritaires. Non seulement se manifeste-t-il dans tous les modes de scrutin, mais ce comportement se présente dans une proportion similaire (Abramson et al., 2010). Par exemple, Thomas Gschwend (2007) relève 6 % de votes stratégiques en Allemagne, système proportionnel mixte[2].

Quant aux déterminants du vote stratégique, la partisanerie, l’intensité des préférences et la sophistication politique sont des variables qui, selon la littérature, ont démontré des effets significatifs. Pour ce qui est de la partisanerie politique, on observe que les électeurs qui se sentent proches d’un parti politique sont moins susceptibles de déserter stratégiquement leur premier choix, de même que les électeurs dont l’écart (gap) entre les deux premières options de préférences est élevé (Gschwend, 2007). Mesurée de différentes façons (niveau d’éducation, questions objectives de connaissance politique, etc.), la sophistication politique de l’électeur, pour sa part, augmente généralement la propension de ce dernier à voter de manière stratégique (Gschwend, 2007 ; Merolla et Stephenson, 2007), bien que Raymond M. Duch et Harvey D. Palmer (2002), tout comme André Blais et Thomas Gschwend (2011), n’aient pas obtenu de résultats significatifs sur ce point.

Hypothèses

Par rapport à la proportion d’électeurs stratégiques, même si la littérature est abondante, notamment en contexte canadien (Blais et al., 2001 ; Merolla et Stephenson, 2007 ; Gidengil et al., 2012), comme aucune analyse ne s’est concentrée sur le Québec, aucun résultat particulier n’est attendu quant à la proportion globale d’électeurs stratégiques. Quant au modèle des déterminants du vote stratégique au Québec, les trois hypothèses suivantes sont formulées.

  • Hypothèse 1 : Un électeur partisan est moins susceptible de voter stratégiquement

    Plus précisément, un électeur partisan (c’est-à-dire qui se sent proche d’un parti politique provincial) voit un coût plus élevé à déserter son premier choix et à voter pour un autre parti et, en ce sens, est moins susceptible de voter pour une autre option (Gschwend, 2007).

  • Hypothèse 2 : Plus l’électeur est sophistiqué, plus il a tendance à voter stratégiquement

    La logique derrière cette hypothèse est que les électeurs sophistiqués sont plus à même de comprendre la façon dont le système électoral fonctionne et donc d’estimer les chances de l’emporter des candidats (Blais et Turgeon, 2004).

  • Hypothèse 3 : Plus l’intensité des préférences entre la première et la deuxième option est grande, moins l’électeur est susceptible de déserter son premier choix

    En effet, un électeur avec un plus grand gap de préférences entre ses deux premières options voit un plus grand coût à déserter son premier choix et est donc plus enclin à voter de manière sincère (Gschwend, 2007).

Méthodologie, indicateurs et opérationnalisation des variables

Pour répondre aux objectifs de recherche et tester les hypothèses, les données d’un sondage Internet conduit au Québec par la firme Harris International dans le cadre du projet Making Electoral Democracy Work (Blais, 2010) sont mobilisées. Une première vague conduite durant la dernière semaine de la campagne électorale (23 août au 3 septembre 2012) a permis de rejoindre 1014 répondants et 747 d’entre eux ont répondu à une deuxième vague, postélectorale, qui s’est déroulée pendant les trois semaines suivant le scrutin (du 5 au 25 septembre 2012).

En fonction de la définition du vote stratégique préalablement établie, trois indicateurs sont centraux dans l’identification des électeurs stratégiques : le classement (ranking) des préférences pour chaque parti, la perception de l’électeur quant aux chances des partis de l’emporter et le vote rapporté.

Les préférences des électeurs sont mesurées par une seule question, sous-divisée en six évaluations correspondant à une note allant de zéro à dix pour chacun des six partis les plus importants au Québec (Parti libéral du Québec, Parti québécois, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire, Parti vert et Option nationale). Comme il est possible que certains répondants soient ambivalents et attribuent une note identique aux deux options préférées, une question discriminante est utilisée. À ceux qui indiquent une égalité en termes de préférences, il est demandé : « Globalement, quel parti préférez-vous ? » La réponse permet ainsi de trancher et d’imputer un premier choix à ces répondants. La deuxième variable, à savoir les perceptions de l’électeur quant aux chances de l’emporter des candidats locaux (au niveau de la circonscription), est également mesurée par une seule question sous-divisée en six évaluations, alors que le répondant indique un score de zéro (aucune chance de gagner) à dix (certain de gagner) en fonction de sa perception des chances de l’emporter de chaque candidat des six partis politiques provinciaux, et ce, toujours à l’échelle de la circonscription. La troisième variable consiste au vote rapporté dans la vague postélectorale où il est simplement demandé aux répondants pour qui ils ont voté lors de la dernière élection.

Résultats descriptifs

L’identification des électeurs stratégiques repose sur une opération en deux temps (Blais et Nadeau, 1996). D’une part, il est nécessaire d’identifier les électeurs concernés par le vote stratégique, c’est-à-dire ceux qui se trouvent dans un contexte où ils ont des incitatifs à adopter un tel comportement politique. Ce sont plus précisément les électeurs dont le premier choix n’est perçu ni comme étant celui le plus susceptible de l’emporter, ni le deuxième en tête – autrement dit, il s’agit d’une option qui n’est pas viable. En 2012, cette situation concernait 34 % des électeurs. C’est donc dire que 66 % des électeurs n’avaient aucun incitatif à voter de manière stratégique et avaient tout intérêt à voter sincèrement.

Le deuxième temps consiste à cerner qui (parmi ce 34 % d’électeurs qui avaient intérêt à voter stratégiquement) a bel et bien opté pour une coordination. Presque un électeur sur deux faisant partie de ce 34 % a finalement voté pour son premier choix, laissant ainsi une proportion globale de 17,8 % d’électeurs n’ayant pas voté pour leur premier choix. Mais ce 17,8 % n’est pas la proportion d’électeurs stratégiques, puisque, suivant la définition préalablement établie, un électeur doit voter pour le parti qu’il préfère (ou déteste le moins) parmi les deux partis qu’il estime avoir les meilleures chances de gagner dans sa circonscription. En ajoutant cette restriction nécessaire d’un point de vue théorique, 8,4 % des votes peuvent être dits stratégiques[3]. Plusieurs raisons expliquent que certains électeurs n’ayant pas voté pour leur premier choix (17,8 %) ne sont pas dits stratégiques en fonction de la définition rigoureusement établie. Certains électeurs peuvent avoir voté pour le candidat local plutôt que le parti, mais, surtout, les électeurs peuvent avoir changé de préférence entre le moment où ils répondent à la première et la deuxième vague de sondage. Le tableau 1 résume les étapes permettant de cerner cette proportion d’électeurs stratégiques.

Tableau 1

Étapes de calcul du vote stratégique

Étapes de calcul du vote stratégique

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Les résultats obtenus peuvent être cadrés de deux façons. Premièrement, si l’on se concentre sur la proportion d’électeurs stratégiques par rapport à l’ensemble de l’électorat, on peut affirmer qu’avec 8,4 % d’électeurs, la croyance populaire voulant que le mode de scrutin majoritaire actuel fait en sorte que les Québécois désertent massivement leur premier choix est fausse et que, somme toute, il s’agit d’un comportement électoral restreint. Deuxièmement, on pourrait se concentrer seulement sur la proportion d’électeurs stratégiques parmi les gens qui étaient concernés (Alvarez et al., 2006), c’est-à-dire ceux qui avaient des incitatifs à se coordonner. Suivant une telle perspective, on peut affirmer que pratiquement un électeur sur quatre (24,7 %) qui avait intérêt à voter stratégiquement l’a fait.

Dans cet article, le premier cadrage, qui propose une vision de l’ensemble de l’électorat, est davantage approprié. Et même s’il ne s’agit que de 8,4 % de l’électorat, cette proportion peut s’avérer cruciale, surtout lorsque, comme en 2012, il y avait moins de un point d’écart entre les deux partis principaux. De plus, cet estimé est supérieur au ± 5 % observé dans les études antérieures citées précédemment, et ce, peu importe le mode de scrutin.

Bien que les données utilisées soient trop limitées en termes d’observation d’électeurs stratégiques pour élaborer un tableau exhaustif où il serait possible d’évaluer de quels partis vers quels partis se sont transférés ces votes, il est possible avec suffisamment d’assurance d’affirmer que les grands partis en sont les principaux bénéficiaires. En effet, dans 80 % des cas, les votes stratégiques identifiés proviennent d’électeurs supportant de plus petits partis, mais qui ont voté stratégiquement pour l’un des trois partis principaux (PQ, PLQ, CAQ).

Dans l’ensemble, ces 8,4 % de votes stratégiques apparaissent toutefois comme étant relativement faibles, ce qui peut s’expliquer, entre autres choses, par la partisanerie. En effet, les électeurs, et surtout les partisans des tiers partis, font généralement preuve de wishful thinking envers leur parti préféré (Blais, 2002 ; Blais et Turgeon, 2004), si bien qu’ils croient massivement que leur parti est en tête ou, à tout le moins, est en seconde place et fait office du parti le plus à même de battre le rival en tête. Par exemple, les électeurs de la CAQ ont indiqué, à 90 %, qu’ils estimaient que leur parti était soit premier, soit deuxième dans la course, alors que la réalité était tout autre : en utilisant les données du directeur général des élections, on observe que la CAQ était en tête ou deuxième dans seulement 56,8 % des comtés (contrairement au 90 %). Même chose du côté d’Option nationale, puisque 24,6 % de ses partisans percevaient leur parti comme étant dans la course alors que ce n’était le cas que dans 0,8 % des circonscriptions (un comté où le parti s’est classé deuxième). Bref, la partisanerie amène souvent au wishful thinking qui, par voie de conséquence, fait en sorte que les électeurs surestiment les chances de l’emporter de leur premier choix et, du même coup, ne considèrent pas leur vote comme étant « perdu » ou inutile. Mais pour davantage d’explications quant aux variables individuelles et contextuelles qui augmentent (ou non) la propension à voter stratégiquement, il y a tout lieu de songer à tester les hypothèses quant aux déterminants du vote stratégique.

Un modèle des déterminants du vote stratégique

Le modèle statistique présenté au tableau 2 est une régression logistique sur l’ensemble des personnes ayant répondu aux questions nécessaires dans les deux vagues et a comme variable dépendante le fait de voter de manière non stratégique ou stratégique (codés 0 et 1). Suivant plusieurs auteurs (Zaller, 1992 ; Gschwend, 2007, entre autres), la mesure de sophistication consiste en un index construit à partir de quatorze questions objectives. Plus précisément, il s’agit de demander aux répondants d’identifier des images de leaders connus tels que Jean Charest ou Pauline Marois et d’associer des promesses et des slogans électoraux aux partis respectifs[4]. La moyenne de sophistication politique des répondants est de 7,31 et l’écart-type, de 2,51. La mesure « écart des préférences » consiste pour sa part en la simple différence entre les préférences attribuées à la première et à la deuxième option. Par exemple, si le répondant octroie 9/10 à son premier choix et 7/10 à son deuxième, la variable pour ce répondant prend la valeur de 2. La moyenne de la distribution pour cette variable est de 2,34 et l’écart-type est de 2,35. Quant à la partisanerie, si le répondant répond oui à la question « De façon générale, vous sentez-vous proche d’un parti politique provincial au Québec ? », celui-ci est compté comme étant partisan. S’il répond non, il est classé non-partisan ; 58 % des répondants ont indiqué qu’ils sentaient proches d’un parti, alors que 42 % ont répondu l’inverse.

Tableau 2

Les déterminants du vote stratégique

Les déterminants du vote stratégique

** p < 0,05 ; * p < 0,10

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D’entrée de jeu, l’écart des préférences entre les deux options préférées est aussi significatif et influence de manière importante la propension individuelle à voter stratégiquement. En effet, une augmentation d’un point d’écart entre le premier et le deuxième choix réduit de 96,4 % la probabilité que l’électeur déserte stratégiquement son premier choix. La présente analyse confirme (et est la première à le fairdonc l’hypothèse de Gschwend (2007) qui avait testé cette variable. Par ailleurs, la partisanerie a un effet significatif dans le sens attendu : par rapport à un non-partisan (ou l’inverse), un électeur qui se sent proche d’un parti politique provincial est 51,3 % moins susceptible de voter stratégiquement. Ce résultat est tout à fait cohérent avec l’idée selon laquelle un partisan perçoive comme étant plus coûteux le fait de déserter son premier choix du fait qu’il se sente proche de ce dernier. Finalement, contrairement à la deuxième hypothèse, le niveau de sophistication n’a pas d’influence significative, ce qui est étonnant (et contraire aux attentes théoriques), mais n’est toutefois pas unique, puisque Duch et Palmer (2002) et Blais et Gschwend (2011) avaient également obtenu des résultats nuls quant au niveau de sophistication politique. Ces résultats sont robustes et résistent à l’inclusion de variables contrôles telles que l’éducation et le niveau de revenu, dont l’inclusion fait toutefois chuter le nombre d’observations.

Conclusion

Cette recherche est la première qui analyse le vote stratégique au Québec, un thème pourtant très populaire dans le discours public, mais beaucoup moins dans la littérature scientifique. Le premier objectif consistait à cerner la proportion d’électeurs stratégiques. À cet effet, même si près de un électeur sur deux ayant des incitatifs opte pour une coordination stratégique, ce comportement politique n’est adopté que par 8,4 % de l’ensemble de l’électorat. Le fait que les partisans surestiment les chances de l’emporter de leur candidat préféré est un facteur qui explique en bonne partie le peu de votes stratégiques. Le deuxième objectif de cette recherche consistait à examiner les variables individuelles qui influencent la propension d’un électeur à voter stratégiquement. Tel qu’anticipé, le fait d’être partisan et d’avoir un plus grand écart des préférences entre les deux options préférées augmente la probabilité de voter stratégiquement. Toutefois, l’hypothèse par rapport à la sophistication politique est infirmée, puisque les résultats ne sont pas significatifs.

Ces résultats ont le mérite de fournir un premier point d’ancrage pour de futures comparaisons quant au vote stratégique au Québec, mais présentent aussi une limite importante par le fait qu’ils ne tiennent compte que d’une seule élection. D’autres analyses portant sur différentes élections permettraient d’établir si la proportion d’électeurs stratégique de 2012 est un cas typique ou si, au contraire, il y a généralement plus ou moins d’électeurs stratégiques.