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Cet ouvrage, paru dans sa première édition en 1989, représente les prémisses des axes de réflexion des productions ultérieures de Florence Giust-Desprairies, psychosociologue clinicienne qui a pratiqué la recherche et l’intervention dans différents milieux professionnels. Cette monographie d’une école nouvelle, l’Eau Vive, présente l’historique et l’analyse de l’utopie pédagogique dans l’une de ces nombreuses écoles qui s’inscrivent dans le mouvement de la pédagogie nouvelle, dont l’objectif consiste à contester la pédagogie traditionnelle.

Le livre se divise en deux parties : la première s’intitule Histoires et images de L’Eau vive, école nouvelle et est formée de trois chapitres : Repères historiques retrace l’histoire de cette nouvelle école ; À la recherche d’une identité retrace la genèse de ses ressources humaines et matérielles, etc., et L’imaginaire fondateur traite de l’incompatibilité de deux modes de pensées sur le développement de l’enfant (celle de Cousinet et de la perspective psychanalytique).

La deuxième partie, L’imaginaire collectif d’une équipe d’instituteurs, englobe trois chapitres : Des pratiques parlantes dégage les axes importants des pratiques en classe ; Des engagements très personnels présente des études de cas qui illustrent les principes de l’école nouvelle et Des partitions pour une composition décrit le vécu paradoxal des instituteurs.

L’auteure situe l’approche de cette école nouvelle à l’intersection de deux intentions : l’une, consciente, sert à la transmission des savoirs scolaires et valorise la créativité de l’enfant dans son apprentissage ; l’autre, refoulée, aboutit à détour-ner l’enfant des savoirs. Avec ses analyses, l’auteure en conclut que l’objectif recherché par l’école nouvelle se trouve avorté : l’intention consciente, la transmission des savoirs, est manquée et le but caché (détourner l’enfant des savoirs) est atteint.

Cet ouvrage est un regard de l’intérieur, qui porte sur les représentations, les images, les besoins qui génèrent les constructions imaginaires d’une équipe pédagogique. Le questionnement qui le guide s’articule autour des rapports entre l’individu, le groupe et l’organisation, selon le point de vue imaginaire de ces échanges.

Le lecteur assiste à l’émergence progressive de l’identité de cet établissement à travers son historique et l’analyse de l’imaginaire collectif d’un groupe de travail d’enseignants. Dans sa démarche clinique d’intervention psychosociologique avec les enseignants de l’école L’Eau vive, l’auteure attribue le malaise des enseignants à l’écart qui existe entre le monde réel et la représentation idéalisée de l’organisation et de la profession. Le livre explore la dimension imaginaire de la réalité scolaire. Il s’agit d’un aspect original des recherches en éducation, comme le souligne Gilles Ferry dans la préface du livre.

Ce livre porte sur l’accompagnement de groupes à travers différentes tentatives d’appropriation de leur environnement. De par la perspective de psychosociologie clinique avec laquelle l’auteure aborde l’accompagnement des groupes en crise, ce livre n’est pas toujours facile à lire. Il nous amène, d’une part, à conclure que la pédagogie nouvelle n’est pas une panacée et que les savoirs et les savoir-faire pédagogiques ne peuvent être rigides et immuables et, d’autre part, à identifier les processus de repli identitaire dans des situations de changement.