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Ce texte est un témoignage visant à décrire l’historicité des Impatients ainsi que la retombée non anticipée d’un objectif de rétablissement.

La Fondation est née tout d’abord du besoin d’offrir des ateliers de création ou « art-thérapie » à des personnes avec des problèmes de santé mentale. L’approche des Impatients s’est rapidement démarquée des ateliers d’art-thérapie pratiqués à l’époque dans les institutions comme le Centre hospitalier Robert-Giffard ou ailleurs au Québec. La présence d’artistes professionnels comme animateurs dans les ateliers, les expositions présentées au grand public ont vite créé des remous dans le milieu de l’art-thérapie. Une volonté de pratique différente ouverte davantage sur le rôle de l’art comme moyen d’expression, de source de plaisir, d’affirmation de soi en dehors du contexte de la maladie a été mise de l’avant. C’est dans ce sens que le lien avec l’approche créatrice pratiquée par le Dr Bruno Cormier, « ami des impatients » et ses patients de l’Institut Allan Memorial a grandement influencé l’esprit des ateliers. Cette approche, sans être unique en son genre, s’est avérée originale et surtout bienfaitrice pour les patients. Sur le plan artistique, c’est dans la foulée de la Collection de l’Art Brut de Lausanne que la collection des oeuvres produites en atelier s’est d’abord constituée. Mieux connue en Europe, avec déjà des lieux d’expression comme L’Aracine, la Fabuloserie, la collection Prinzhorn en Allemagne et la Waldau en Suisse, la collection des Impatients, accessible aux chercheurs, est à preuve du contraire, unique au Canada.

« L’histoire des Impatients mérite d’être racontée. C’est une histoire où la générosité d’un petit groupe de gens a réussi, presque sans moyens, à mettre sur pied une véritable institution qui a désormais une personnalité bien à elle et dont le produit se démarque incontestablement des modèles qui l’ont inspirée. » (Henry, 2003).

Cette phrase de Pierre Henry, président fondateur, trace le profil et l’évolution des Impatients au cours des vingt-trois dernières années. Cet organisme offre aux personnes avec des problèmes de santé mentale la possibilité de créer en toute liberté dans différents ateliers d’expression artistique : art visuel, écriture, bande dessinée, musique et danse.

Les débuts n’ont pas été faciles : l’acceptation et la reconnaissance par le milieu de même que la recherche d’un lieu signifiant ont été un travail de longue haleine. Depuis 1989, la croissance de l’organisme s’est déroulée progressivement. Le nombre de participants et de lieux augmente d’année en année et le partenariat avec différents organismes institutionnels et galeries d’art s’accroît.

Milieu d’enseignement, de recherche et de thérapie, Les Impatients se distinguent par la liberté dans la création (Stip, 2003). Précurseurs en matière de rétablissement, les Impatients sont un lieu de socialisation et de réalisations : expositions, coffrets de lettres d’amour, bandes dessinées, disques compacts, concerts, soirées de lecture, etc. L’originalité consiste, entre autres, en l’exploration des liens entre le travail des participants et celui des artistes professionnels.

Des débuts difficiles

L’événement est appelé : À l’ombre du génie. Ce prétexte d’une soirée-bénéfice donne lieu à un projet de dix jours de création offerts à des patients institutionnalisés et avides de s’exprimer. Grâce à la collaboration entre la Fondation des maladies mentales présidée par le Dr Yves Lamontagne, professeur titulaire de psychiatrie au Département et l’Association des galeries d’art contemporain de Montréal, présidée par Lorraine Palardy, est conçu le premier atelier des Impatients dans une salle anonyme de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine, aujourd’hui Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). À la fin du projet, dans le corridor obscur de l’Hôpital, des patients attendent en ligne que la porte de l’atelier s’ouvre à nouveau !

Pour Lorraine Palardy, c’est la rencontre entre Astérix et la potion magique. Mais les débuts sont difficiles, car l’institution est sous tutelle ; malgré le peu d’intérêt du milieu médical, Suzanne Hamel, art-thérapeute, s’installe et dirige le premier atelier. Des talents extraordinaires sont découverts : Lisette Jean, Normand Hébert, Romain Peuvion, dont deux de ses oeuvres font partie de la Collection de l’art brut de Lausanne.

Après une gestation de 3 ans, sous l’impulsion de la Fondation des maladies mentales et avec Pierre Henry et Lorraine Palardy comme directrice générale, une nouvelle instance est créée pour assurer la pérennité des ateliers en arts visuels : la Fondation pour l’art thérapeutique et l’art brut du Québec (FATABQ). Sa mission : venir en aide aux personnes avec des problèmes de santé mentale par la mise en place d’ateliers de création, sensibiliser la population sur l’importance des arts visuels dans la thérapie, constituer une collection des travaux des ateliers, en assurer la diffusion et voir à la mise en place d’un musée d’art brut.

C’est dans un centre d’achat à Pointe-aux-Trembles que le bureau et l’atelier de la nouvelle Fondation s’installent. L’atelier de la Grande cheminée accueille des patients et anciens patients de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine. La Fondation veille au fonctionnement hebdomadaire de deux types d’ateliers et rejoint en moyenne 80 personnes par semaine. L’atelier hors mur permet de rejoindre plus directement les personnes qui ont pour habitude d’errer dans ces lieux, à la recherche de contact et offre aux passants une vitrine insolite.

Fort à propos, Dr Pierre Migneault psychiatre, ayant fait sa résidence en psychiatrie à l’Université de Montréal (UdeM) et à Hawaï, mentionne : « Le seul fait de s’exprimer leur permet de quitter cet univers de l’inaccessible où elles se sont réfugiées et de se joindre à la communauté dite normale. » (Charrier, 2008)

Puis, en 1998, un projet ambitieux  est envisagé, soit celui d’occuper les espaces du Château Dufresne et de développer un centre d’exposition comparable à celui de Lausanne. En plus de servir la mission, cet espace méconnu pouvait être accessible à une clientèle défavorisée. Le projet de l’art brut fait la une des journaux et est battu par une voix à l’hôtel de ville de Montréal : 24 contre 23. La tentative de la FATABQ de s’installer au Château Dufresne révèle l’exclusion et le refus de la différence. La réaction des citoyens et des groupes sociaux reflète l’illustration de la crainte du rapprochement entre la maladie mentale et un monument historique de leur quartier (Bissonnette, 1998). Pour leur bien, les patients psychiatrisés ne devraient pas côtoyer le public !

La FATABQ moins équipée pour jouer dans l’arène politique a perdu. Mais cette amère défaite servira pour donner le courage de se battre pour occuper une place au soleil. L’espace au-dessus de la Chapelle historique du Bon-Pasteur rue Sherbrooke deviendra pour les années à venir un lieu d’espoir et de rencontres extraordinaires.

Du développement à partir de l’an 2000

La FATABQ choisit alors l’appellation « Les Impatients » et ouvre ses portes au centre-ville afin de permettre à un plus large public de bénéficier des ateliers d’art et de musicothérapie. Ce nouvel espace offre aussi une galerie pour diffuser les oeuvres et les réalisations faites en atelier. Pourquoi cette appellation : Les Impatients ? Parce qu’ils sont impatients de guérir, de développer leur art et de retrouver un rôle dans la société, mais aussi en référence aux impatiences, ces fleurs qui s’épanouissent à l’ombre.

La formule souple des ateliers offre un espace de liberté permettant aux participants de choisir leur médium d’expression préféré. Dirigés par des artistes professionnels, divers types d’ateliers sont offerts : dessin, peinture, collage, écriture, musique, bande dessinée et danse. L’individu n’est pas orienté en fonction de sa maladie, mais en fonction du type d’atelier qui l’intéresse et aucun talent artistique particulier n’est requis.

Les Impatients possèdent maintenant l’infrastructure, l’expertise et les outils pour implanter de nouveaux ateliers et s’assurer de la diffusion afin de cibler la déstigmatisation. En 2008-2009, deux nouveaux lieux ouvrent : l’atelier « Les Trois Sapins au centre-ville », le « Centre Wellington » à Verdun, en partenariat avec l’Institut universitaire en santé mentale Douglas (IUSMD). En 2011-2012, les Impatients s’établissent à Drummondville en partenariat avec le Centre de santé et de services sociaux de Drummondville (CSSS de Drummondville) et la Maison des arts Desjardins.

En poste depuis 2013, Frédéric Palardy, le nouveau directeur général des Impatients, axe son action sur le rayonnement et s’intéresse à développer plusieurs partenariats. En 2014, grâce aux efforts concertés du Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher (CSSS Pierre – Boucher), des Impatients et de l’Espace Création Dominique Payette, un nouvel atelier voit le jour sur la Rive-Sud de Montréal. De même de nouveaux ateliers ouvriront sous peu à l’hôpital de Joliette et au musée de Joliette grâce à la collaboration de ces institutions et de la Fondation de l’hôpital de Joliette. De plus, la Fondation de l’hôpital de Sorel aidera à l’ouverture d’ateliers d’ici septembre 2015.

En 2015, après plus de 20 ans d’existence, les Impatients se réjouissent des résultats : 48 ateliers et 450 personnes par semaine dans 8 lieux au Québec ; partenariat avec 4 hôpitaux, 3 CSSS et 2 galeries d’art ; plus de 60 expositions et spectacles présentés et 7000 visiteurs par année aux expositions. Les expositions-encan Parle-moi d’amour se sont multipliées : 17e édition à Montréal, 7e édition dans les Pays-d’en-Haut, 4e édition au Centre Wellington (Verdun) et deuxième édition à Drummondville. Une participation de plus de 1 200 artistes professionnels de divers horizons aux différentes activités.

La collection

Dès 1989, Lorraine Palardy met de côté les oeuvres fortes dans un cartable où elle inscrit prétentieusement le mot Musée. Une collection est née de ce fort désir de sauvegarder les oeuvres réalisées en atelier afin de faire connaître ce travail au grand public. La Collection des Impatients compte à ce jour plus de 15 000 oeuvres de plus de 150 différents créateurs, en plus de dons provenant de collectionneurs d’art brut et d’art hors normes. Outre ces oeuvres, la Collection compte plus d’une soixantaine d’oeuvres réalisées dans les années 1950 par les patients du psychiatre Bruno Cormier.

Grâce à la générosité de Claude Dubois, mécène de la première heure, les Impatients ont pu investir dans la conservation et l’archivage de cette collection à des fins de recherche et de diffusion à plus grande échelle. Les membres du Département de psychiatrie de l’IUSMM ont également contribué au financement des boîtes de conservation appropriées sous l’initiative des Drs Luyet et Stip. En se voulant le reflet d’une communauté en marge des institutions artistiques officielles, la collection se distingue tant par son potentiel scientifique qu’artistique et par son affinité au mouvement de l’art brut et l’art Outsider (Boucher, 2013). Mentionnons aussi l’implication de chercheurs, notamment Ellen Corin, psychanalyste et anthropologue et Louise Blais, politicologue et professeur titulaire à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa pour l’étude et l’analyse d’un corpus d’oeuvres, illustrant ainsi le grand potentiel de la collection pour les chercheurs et les cliniciens (Corin et Jaimes, 2006-2008).

Des activités de diffusion et de rayonnement

Avec leurs ateliers de création, Les Impatients orientent stratégiquement leurs actions vers la sensibilisation du public et la déstigmatisation de la maladie mentale par ses expositions, ses publications, ses concerts, ses soirées de lecture, ses conférences, ses documentaires, son site web (www.impatients.ca). L’originalité consiste en l’exploration des liens entre le travail des participants et celui des artistes professionnels.

Les ateliers d’art visuel donnent lieu à Parle-moi d’amour. Initiée en 1999, cette exposition-encan réunit des Impatients et des artistes professionnels. L’événement se distingue par son côté original et démocratique. C’est un événement majeur qui permet aux participants de réunir familles, intervenants et grand public pour voir leurs oeuvres. L’expansion de ce projet se poursuit dans les Laurentides en collaboration avec l’organisme l’Échelon des Pays-d’en-Haut (2009), au centre Wellington à Verdun (2012) et à Drummondville (2014).

S’ajoute au volet art visuel un volet écriture : Mille mots d’amour, un coffret de lettres d’amour réunissant écrivains, artistes, grand public et Impatients. Créé en 2005, ce coffret fait l’objet de 9 éditions et s’avère l’inspiration pour des soirées de lecture et de chansons où Impatients, artistes et grand public sont conviés (Collectif Mille mots d’amour, 2005-2013). De plus, une collaboration ponctuelle avec la France est mise en place.

Les ateliers de bande dessinée donnent naissance à trois tomes de la bande dessinée : Cent-trente-et-un « A » Les trois Sapins qui proposent plusieurs courtes histoires réalisées en atelier (Collectif, 2010-2015) et Un moment d’impatience ! (2014), un projet spécial impliquant des Impatients, des bédéistes professionnels et des personnalités connues.

Les ateliers de musique ne sont pas en reste et produisent des concerts, les Impatiences musicales et la création du Big Bang Band. Le Noël des autres en est à sa 14e édition. Les Impatiences musicales mettent en relation des musiciens professionnels, des Impatients et une musique brute. Enfin, un groupe musical est ressurgi des ateliers de musique : Le Big Bang Band travaille avec des musiciens professionnels en vue de la production d’un premier disque à être lancé cette année.

Des évènements marquants

« On sous-estime le potentiel des gens aux prises avec des problèmes d’ordre psychiatrique. Les Impatients contribuent à élargir la perception qu’on peut avoir de la maladie mentale. Je pense que l’art est un merveilleux véhicule probablement le meilleur pour démystifier tout ça. » Marc Béland, artiste (Saint-Pierre, 2013).

Certains événements ont coloré le parcours créatif des Impatients. Tout débute en 2000 par les Impatiences photographiques, une exposition réunissant les participants aux ateliers et Emmanuel Stip, psychiatre et photographe. Cette exposition confronte de façon ludique la vision du photographe et celle des Impatients. Une vidéo réalisée par Jean-Marie Bioteau complète l’exposition (Lacroix, 2000).

Présentée au Musée des beaux-arts du Canada, l’exposition Images en tête, organisée conjointement par l’Association canadienne pour la santé mentale, Les Impatients et l’Institut de neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies rassemblent des oeuvres exécutées par des personnes souffrant de maladie mentale et provenant de toutes les régions du pays (2004).

Les Impatients ont travaillé sur un format hors norme (toile de 9 x 12 pieds) pour faire partie d’une exposition remarquée « Une certaine idée de Dieu », présentée à même l’église du Gésu de Montréal et au Musée des religions de Nicolet (2009).

Je vous offre une marguerite à l’encre et je vous dis à la prochaine. Une exposition qui souligne le lien privilégié des Impatients avec Pierre Ostiguy, cet artiste-peintre qui a adressé aux Impatients plus de 400 lettres entre 2007 et 2009. Créateur aux oeuvres bouleversantes et aux textes empreints d’une réflexion sur l’art, l’itinérance et le destin et dont plus de 400 de ses oeuvres font partie de la Collection (2011).

Et quoi de mieux que le documentaire Les Impatients, un voyage au plus près d’un imaginaire d’une richesse insoupçonnée. C’est une invitation à échapper à notre normalité en découvrant une réalité troublante autant qu’attachante (Bioteau et Tardif, 2012).

Des projets fous de 1992 à aujourd’hui

« Les Impatients, ce n’est pas seulement la maladie mentale, ce sont des individus avec du talent. J’ai beaucoup d’admiration pour leurs oeuvres et leur courage. » Pierre Bellemare, artiste, animateur des ateliers. (Les Impatients, 2014).

Une tour illuminée, Je, Un coup d’aile imprévisible, L’asile de la pureté, Des gris hauts de forme, voilà une énumération non exhaustive de projets fous entrepris par les Impatients illustrant leur talent et leur imagination.

Que dire de cette extraordinaire illumination de la tour Émile Nelligan à l’hôpital Louis H. Lafontaine et de la visite de l’abbé Pierre (1996) ! Pendant quelques années, Une tour illuminée, où quelques 70 000 ampoules ont flirté avec l’idée d’un nouvel aménagement pour les Impatients.

En 2004, avec Coup d’aile imprévisible, un hommage est rendu au Dr Bruno Cormier, sous forme de dialogue entre les oeuvres récentes des Impatients et les oeuvres des patients du Dr Cormier dans les années 50. Diplômé de médecine de l’UdeM, tout en étant cosignataire avec un groupe d’artistes du Manifeste Refus global dénonçant l’obscurantisme de l’époque, le Dr Cormier a aussi été l’un des pionniers de la psychiatrie légale et un des premiers à avoir parlé d’art-thérapie au Québec. « Ce dernier qui a su considérer les malades mentaux et les délinquants comme des êtres humains et de leur offrir, pour ensuite reprendre contact avec eux-mêmes, la médecine la plus douce qui soit, la pratique de l’art. » (Barras, 2004).

Non seulement les Impatients transforment de vieux vestons en objets d’art, ils font leur entrée au Théâtre du Nouveau Monde pour la représentation de la pièce L’Asile de la pureté de Claude Gauvreau. Les vestons conçus par les Impatients sont portés par le choeur dans cette pièce mise en scène par Lorraine Pintal. La pièce est aussi jouée entre les murs de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (2004).

Et que dire du livre Je ? Je est l’incursion photographique dans l’univers des Impatients avec Gabor Szilasi, photographe. Les Impatients avaient la liberté de se photographier et se sont inspirés de cette expérience pour réaliser des autoportraits par les dessins et par les mots. « C’est une étape importante dans l’histoire des Impatients. Pour la première fois, ces personnes acceptent de dévoiler leur identité, de sortir du placard en laissant publier leur photo et leur nom. Avec Je, ils nous disent me voilà, c’est moi, c’est un pas énorme. » (Henry, 2005).

Regard sur l’art cru, un projet audacieux initié par feu Henri Barras, historien de l’art, Ellen Corin psychanalyste et anthropologue et les Impatients. Cet événement regroupe des oeuvres d’artistes professionnels, de créateurs marginaux recrutés chez les impatients et celles d’artistes émergents. L’objectif est de mettre en dialogue ces oeuvres et de convier le public à une aventure artistique et essentielle hors du commun (Corin et Jaimes, 2008-2010).

Des Gris Haut de Forme dans un contexte fellinien et pourquoi pas ! La création de chapeaux et de sacs à main en utilisant uniquement des feutres gris et du fil pour l’assemblage. À la façon d’un défilé de mode ecclésiastique du film Roma de Fellini, les participants ont ensuite paradé avec leurs créations et ont été photographiés (2011).

Un organisme qui se démarque

En 1994, l’organisme reçoit une mention honorifique pour la qualité de son action par l’Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ). En 2005, le prix Initiatives of Excellence est décerné aux Impatients par la Société canadienne de la schizophrénie. En 2011, ils sont co-lauréat du don de l’AMPQ pour leur formule unique au Québec dans l’accueil fait aux personnes avec des problèmes de santé mentale. En 2013, Les Impatients reçoivent la Mention élogieuse de la présidente de l’Association des psychiatres du Canada (APC) soulignant la qualité et l’importance du travail accompli.

Du rétablissement

« La création est une fonction vitale aux Impatients. Votre appui ne servira pas à sauver des vies, mais à les créer. Merci de les considérer. » Marc Séguin, artiste (Les Impatients, 2014).

Sans avoir le bénéfice des études rapportant les bienfaits de l’activité artistique au niveau du processus de rétablissement, l’histoire des Impatients et les réalisations démontrent combien ils sont des précurseurs en matière de rétablissement (Spandler et al., 2007). Tel que cité sur le site du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 2015), le processus qui permet à l’individu malade de développer ou de restaurer une identité positive et riche de sens malgré la condition qui l’afflige, puis de reconstruire sa vie en dépit ou dans les limites imposées par son état s’appelle le rétablissement (Kirk, 2002).

Les Impatients contribuent à la réinsertion des patients dans la communauté. Selon Lorraine Palardy, en venant ici, ces personnes se sentent mieux : c’est déjà beaucoup. Et parfois, grâce à l’art, elles retrouvent le goût de vivre. Exposer de la beauté, ça fait du bien à l’âme (Tableau 1). Grâce au travail dans les ateliers et aux activités organisées, les participants reçoivent une valorisation directe et découvrent un lieu d’expression et de socialisation (Lacerte, 2010) <www.youtube.com/watch?v=HTnUGs7kHeM>. En bout de ligne, la fréquentation des ateliers semble coïncider avec une reprise des activités économiques et sociales et une diminution des hospitalisations.

Des études d’impact menées par l’Université de Montréal et l’IUSMD portent à croire que les ateliers offerts contribuent au processus de rétablissement personnel. De janvier à juin 2014, un projet de recherche a été mené sur l’impact des ateliers de musique sur les participants et les employés du Pavillon Perry de l’IUSMD, une unité fermée avec 11 participants d’une moyenne d’âge de 31 ans souffrant de troubles de santé mentale et de problèmes de consommation. Les bienfaits que les participants retirent des ateliers ainsi que l’approche humaine des animateurs prouvent que cette initiative peut également améliorer le processus de rétablissement. Concrètement, les participants ont exprimé leurs émotions à travers la musique ; ils se sont sentis plus détendus à la fin de chaque session, ont développé leur confiance en soi et leur estime d’eux-mêmes, en plus de tisser de nouvelles relations sociales. Fait remarquable, l’impact de cet exercice s’est aussi fait sentir sur les employés de l’IUSMD qui ont appris à connaître leurs patients sous un autre angle et permis d’améliorer leur approche (Piatt et Sefouli, 2014).

En septembre 2014, une recherche effectuée auprès de participants aux ateliers des Impatients et des dossiers actifs en 2012-2013 (143), a démontré entre autres que 87.1 % des participants ont constaté une amélioration de leur santé, 66 % ont noté une diminution du nombre d’hospitalisations (Nguyen et al., 2014). À l’instar des résultats obtenus de la revue exhaustive de la littérature des effets des programmes d’art sur la clientèle de santé mentale, les résultats suggèrent que ces programmes favorisent le rétablissement ; ils agissent à la fois sur la personne et la société, réduisent le stigma relié à la maladie mentale et favorisent l’augmentation de l’incursion sociale, du soutien social et de l’empowerment des participants (Nguyen et al., 2014).

Conclusion

« Le centre Les Impatients est un pont qui relie les deux rives d’une société où il est de plus en plus difficile de comprendre de quel côté se trouvent les gens les plus troublés. » Pierre Migneault, psychiatre (Henry, 2003).

Depuis la désinstitutionnalisation, les ressources communautaires constituent une des principales forces d’intervention en santé mentale. Quand le volet thérapeutique a atteint ses limites, le monde de la créativité peut ouvrir de nouveaux horizons et donner du sens à l’existence des malades.

Les Impatients sont une formule originale où le seul prérequis pour le participant est un intérêt à s’exprimer par l’art dans un atelier libre et sans contrainte. De plus, le travail des participants est mis en valeur par le biais d’activités de diffusion. La formule des Impatients est unique au Québec dans l’accueil fait aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale, dans l’importance de l’art mis aux services des participants et dans le lien tissé entre ces derniers et la communauté. (Girard, 2011) www.youtube.com/watch?v=cjm7GFt3taM

Par le biais du modèle développé, les Impatients atteignent les objectifs de démystification de la maladie mentale, de rupture de l’isolement et de valorisation de la personne aux prises avec une maladie mentale. Les Impatients sont un carrefour de rencontre et d’échanges entre les participants, leurs proches, l’équipe, les artistes et la communauté. Ils participent à un tissu social en santé.

Depuis la création des Impatients, un nombre incalculable de projets originaux ont été mis de l’avant et ont sensibilisé la population autant par leurs expositions que des reportages dans les médias. Néanmoins, bien que l’utilisation de l’art pour guérir ne soit pas nouvelle, que l’art occupe de plus en plus de place dans nos hôpitaux et que plusieurs médecins soient davantage sensibles aux bienfaits que procure la pratique de l’art, d’autres études et recherches sont nécessaires pour quantifier et démontrer l’efficacité thérapeutique de cette démarche. Comment scientifiquement, cette approche, qui n’est pas une approche clinique avec un plan de soins, mais plutôt une approche créatrice et ludique contribue-t-elle au rétablissement des impatients ? Comment en travaillant sur sa créativité, en se réappropriant sa liberté, l’Impatient exprime-t-il un élan positif de guérison ?

Telles ne sont que quelques questions dont les réponses basées sur des projets de recherche ne pourraient que prouver davantage et augmenter encore plus la crédibilité des Impatients.

Tableau 1

Des témoignages

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