Dossier - Des voix intimes et politiques : l’engagement des revues québécoises de 1976 à nos jours

Des voix intimes et politiques : l’engagement des revues québécoises de 1976 à nos joursPrésentation du dossier[Record]

  • Marie-Andrée Bergeron,
  • Karim Larose and
  • Jean-Philippe Warren

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  • Marie-Andrée Bergeron
    Université de Calgary

  • Karim Larose
    Université de Montréal

  • Jean-Philippe Warren
    Université Concordia

Au Québec, depuis le début des années 2000, les groupes de recherche multidisciplinaires portant sur les périodiques (presse généraliste, magazines, revues intellectuelles) ont connu un impressionnant essor, ce qui a aussi eu pour conséquence de multiplier les travaux d’envergure (Guay et Nadon (2021); Savoie (2014); Rannaud (2021); Loranger et Savoie-Bernard (2018); Bergeron (2013), etc.). À ce sujet, on consultera en particulier la stimulante introduction de Nadon et de Guay (2021) à Relire les revues québécoises : histoire, formes et pratiques (xxe et xxie siècle), laquelle « dresse un bilan historiographique de l’étude de la revue au Québec » qui éclaire le cheminement de la recherche dans ce domaine depuis le début des années 1980, en France et au Québec, et souligne comment les perspectives historienne, sociologique et politique qui dominaient la discipline autour des années 1975-2000 ont été notamment remplacées dans le nouveau millénaire par des approches davantage socio-rhétoriques et socio-poétiques. Les articles du présent numéro s’inscrivent dans le prolongement de ces avancées. Ils abordent des objets périodiques souvent encore peu étudiés, voire méconnus, des derniers cinquante ans (1976-2020). Surtout, ils remettent en question un lieu commun assez répandu, qui veut que les intellectuel.les se seraient réfugiés dans le silence après le référendum de 1980. Ce topos de la démobilisation relative des voix militantes (qu’on pense à celles des mouvements indépendantistes ou socialistes) a pu faire croire à un retranchement presque total du politique. Or, le présent numéro illustre plutôt comment on assiste à une reconfiguration des formes d’engagement portées par les périodiques. Comment en serait-il autrement, pour peu que l’on pense la revue comme un appareil dont l’économie du discours est justement structurée par la rencontre du personnel et du collectif? Il est évident que, de 1976 à nos jours, des revues militantes définies selon les codes traditionnels perdurent : cependant, durant cette période, plusieurs se cherchent, périclitent et meurent. En braquant le regard sur une prise de parole qui renouvelle l’engagement et la mobilisation, le présent dossier cherche à mieux saisir comment l’intime et la subjectivité (avec leurs manifestations dans le corps, l’art, la poésie, la sexualité, etc.) ont été investis afin de servir de lieux de réflexion pour une expression personnelle et collective. Les études qui suivent apportent un éclairage original pour comprendre cette évolution historique : elles font état des rapports nouveaux qui s’imposent entre l’intime et le collectif, entre le personnel et le politique; elles en repensent les liens, au point où l’on peut se demander si c’est l’intime qui devient politique ou le politique qui s’exprime désormais sur le mode de l’intime. On ne peut pas penser à ces questions sans reconnaître l’apport des féministes (en particulier de la deuxième vague) dans leur articulation à la fois théorique et pratique de cette question. C’est sans doute pour cette raison que le dossier comprend trois articles portant sur des revues féministes différentes. Le texte d’Aurore Turbiau porte sur la revue Les Têtes de pioche et sur le rapport à la subjectivité qu’entretient le collectif dans sa ligne éditoriale et dans la façon de rattacher les expériences individuelles aux luttes collectives. Dans « La force plurielle du je : la revue Françoise Stéréo », Laurence Patenaude abonde dans le même sens, en montrant que le forum de voix rassemblées par Françoise Stéréo octroie une force non seulement à la parole plurielle, mais à la pluralité des prises de parole et à la représentation des subjectivités. Marie-Andrée Bergeron traite pour sa part d’une revue peu connue et pourtant déterminante dans l’histoire du féminisme québécois. Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui (AHLA) a représenté …

Appendices