Comptes rendus

Cambron, Micheline, dir., La vie culturelle à Montréal vers 1900 (Montréal, Fides et la Bibliothèque nationale du Québec, 2005), 413 p.[Record]

  • Andrée Lévesque

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  • Andrée Lévesque
    Département d’histoire
    Université McGill

La première phrase de l’introduction de Micheline Cambron donne le ton de cet ouvrage : « La vie culturelle du tournant du xxe siècle est loin de ressembler au désert que nous imaginons volontiers. Elle est au contraire effervescente… » Et font fleurir ce désert les textes tirés du colloque du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) en 1999, année centenaire des Soirées du Château Ramezay, soit 18 articles, une introduction substantielle et deux annexes auxquels il faut ajouter une excellente bibliographie. L’histoire littéraire, la sociologie de la littérature, la sociocritique sont des genres que les historiens et historiennes auraient intérêt à fréquenter plus souvent, car même si l’histoire culturelle, par son objet et par son approche, se distingue de l’histoire de la vie culturelle présentée ici, les travaux des membres du CRILCQ projettent sur le passé culturel et sur les élites « cultivées » un éclairage autre que celui de la science historique. On ne peut rendre justice à chacun des textes réunis dans cet ouvrage. Mentionnons cependant ceux qui ont le plus de pertinence pour les historiens et les historiennes qui s’intéressent aux manifestations de la modernité au Québec, aux tensions sociales dans la société canadienne-française et aux moments de rupture qui ponctuent l’histoire du Québec. Les chapitres de la première partie de l’ouvrage, sur « l’état des lieux », sont de ceux-là. Denis Saint-Jacques donne le coup d’envoi et explique le va-et-vient du centre de gravité littéraire canadien-français entre Montréal, Québec et Montréal par le détachement de la génération des Nelligan et des Louvigny de Montigny du pouvoir politique et de l’opinion publique. Suit l’article de Pierre Rajotte sur les Cercles littéraires, une exploration de la période de dépendance des auteurs envers les pouvoirs politique et religieux, de l’époque de la confrontation des libéraux et des ultramontains jusqu’à la formation d’institutions, de chapelles et de cénacles qui affirment l’autonomie d’un regroupement tel que l’École littéraire de Montréal. L’article solide et magnifiquement illustré de Laurier Lacroix fait revivre un milieu artistique inféodé à « l’utile et [au] patriotique ». Lacroix fonde sa recherche sur les journaux de 1898 pour étudier un art moral et didactique à l’époque où la censure devient de plus en plus autocensure. Dans ce Montréal de fin de siècle, des artistes anglophones se réunissent à l’Art Association of Montreal, alors que les francophones oeuvrent au Monument national, mais on aimerait en savoir plus sur les rapports entre peintres des deux communautés linguistiques. La chronique de la vie théâtrale, de Lucie Robert, à partir des données puisées dans le cinquième tome de La vie littéraire au Québec, fait revivre les producteurs, les dramaturges, les directeurs et les comédiens qui se produisent sur les scènes montréalaises. Au Monument national, au Théâtre National, au Théâtre des Nouveautés rivalisent dramaturges et acteurs français et canadiens-français, alors que le Her Majesty’s reçoit leurs homologues anglais et canadiens-anglais. Il faut lire le texte de Marie-Thérèse Lefebvre qui ajoute un jalon à l’histoire de la musique au Québec et qui, heureusement, déborde des cadres stricts de son sujet : l’École littéraire de Montréal et la vie musicale. Période de contradiction, selon l’auteure, où francophones et anglophones poursuivent chacun leurs traditions musicales héritées du catholicisme et du protestantisme. C’est-à-dire, professionnalisme et élitisme des premiers et amateurisme, intimisme des seconds. Ce qui frappe dans cet article est la vitalité de la scène musicale et l’importance des musiciens et des compositeurs européens dans les programmes de concert. Après une bonne mise en contexte, l’historienne Michèle Dagenais place le projet d’une bibliothèque municipale à Montréal au centre …