Comptes rendus

Catherine Albertini, Résistances des femmes à l’Androcapitalocène : le nécessaire écoféminisme, Gatineau, M éditeur, 2021, 126 p.[Record]

  • Laurie Gagnon-Bouchard

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  • Laurie Gagnon-Bouchard
    Institut de recherches et d’études féministes, Université du Québec à Montréal

Dans son ouvrage Résistances des femmes à l’Androcapitalocène : le nécessaire écoféminisme, Catherine Albertini défend la thèse que les femmes sont celles qui doivent incarner les solutions et les valeurs pour sortir de la crise écologique (p. 10). Dès l’introduction, elle affirme proposer le raffermissement de sa pensée militante écoféministe (p. 7). C’est là un essai inspiré de l’écoféminisme matérialiste (suivant la conception du matérialisme incarné d’Ariel Salleh) qui, selon moi, manque franchement de nuances et s’avance sur des sujets litigieux (tels que les femmes trans ou le travail du sexe) sans démontrer une connaissance approfondie de ceux-ci et de la littérature. Cette publication comporte néanmoins des chapitres fort intéressants, notamment lorsque l’autrice formule des critiques des institutions internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) et de la précarisation économique des femmes, particulièrement en Afrique à travers l’usurpation du concept d’autonomisation (empowerment). Elle y fait une critique puissante, bien que celle-ci ait déjà été formulée par plusieurs féministes décoloniales (Françoise Vergès (2019), par exemple), des solutions capitalistes et coloniales avancées par les institutions internationales pour l’autonomisation des femmes des Suds, qui ont pour conséquence de perpétuer une logique de croissance capitaliste appuyée sur des monocultures et la précarisation alimentaire et économique des femmes, spécialement en réduisant leur autosuffisance et en les rendant dépendantes du microcrédit (p. 54). Puis, Albertini présente des initiatives porteuses élaborées par des femmes et des mouvements écoféministes telles que La Via Campesina, le Mouvement de la ceinture verte (Green Belt Movement) et le mouvement Chipko. Ces mouvements ont permis de créer des brèches dans le système capitaliste, colonial, patriarcal et extractiviste. Néanmoins, l’essai perd beaucoup de crédibilité lorsque l’autrice se livre à une critique en bloc du féminisme universitaire postmoderne dont, selon elle, Judith Butler serait la figure de proue. D’abord, Albertini soutient dès l’introduction que les femmes ne sont pas responsables de la crise climatique et écologique et qu’elles représentent donc les réponses à celle-ci (p. 10). Cette affirmation rapide mériterait d’être appuyée par des chiffres ou des exemples, car elle me semble partiellement fausse et invisibilise le pouvoir que certaines femmes détiennent ou ont détenu, tout en reproduisant le schème capitaliste et néolibéral. Voilà une essentialisation de ce que les femmes sont et font! Il y a également dans cette thèse une homogénéisation des femmes sous une identité que plusieurs autrices notamment afrodescendantes, racisées et autochtones ont critiquée. En outre, certaines femmes n’incarnent pas nécessairement les valeurs qui leur ont été socialement attribuées (le soin, le souci des autres, de leur environnement, etc.), tandis que d’autres adoptent des comportements et prennent des décisions qui reproduisent le système patriarcal, capitaliste, néolibéral et extractiviste. Pensons en particulier à Margaret Thatcher et à la réduction du filet social par la privatisation de l’État du Royaume-Uni. Cette prise de position de l’autrice, non soutenue de manière appropriée, annonce déjà le manque de nuances qui perdurera tout au long de son essai. Dans la première partie de son ouvrage, Albertini présente, à travers la pensée de Vandana Shiva, Ariel Salleh et Maria Mies, les critiques que les écoféministes formulent à l’encontre du modèle de société moderne, patriarcale et capitaliste (p. 37). Elle y expose les thèses fondamentales de l’écoféminisme telles que la critique du réductionnisme scientifique, des dualismes et des oppressions qu’ils contiennent et la proposition de transformation du rapport à la nature et au monde en mettant au centre l’interdépendance et en encourageant des relations éthiques entre êtres vivants humains et non humains. L’essai d’Albertini contient certaines parties très intéressantes et pertinentes, comme celle où elle développe une critique des institutions …

Appendices