Comptes rendus

Lucie Mercier et Jacques Rhéaume (dirs), Récits de vie et sociologie clinique, Québec, Les Presses de l’Université Laval et IQRC, 2007. (Culture et Société.)[Record]

  • Nicole Ramognino

…more information

L’ouvrage, dirigé par Mercier et Rhéaume, réunit vingt collaborateurs chercheurs ou professionnels québécois et français. Il comprend une introduction et trois parties : l’approche clinique et la question du « sujet social » ; expériences biographiques : théories et pratiques ; l’approche clinique en milieu organisationnel et éducationnel. La seconde partie comprend deux sections : du psychologique au social ; du roman familial à la trajectoire sociale. Cet ouvrage s’inscrit dans le mouvement actuel de reconfiguration de la division du travail de production de la connaissance dans le domaine social et humain (Bernstein, Pédagogie, contrôle symbolique et identité, PUL, 2007) qui redessine la carte disciplinaire en « régions de savoir ». Les auteurs ont pour objectifs de lier l’anthropologie générale, les différentes psychologies (psychanalyse, « rogérisme », psychodynamique du travail) aux phénomènes sociaux, culturels et historiques ; certains évoquent l’herméneutique et la philosophie, que ce soit théoriquement (Mercier et Rhéaume), ou empiriquement par l’interrogation de trajectoires spirituelles (Laroche et Yelle). L’ouvrage reprend et développe la sociologie clinique déjà plus ancienne et ses filiations avec la psychologie sociale (Sévigny). Il s’inscrit aussi dans les développements de la sociologie actuels sur l’« l’individu » (Dubet, Lahire, Kaufman, Martucelli, De Singly…) : traiter du « sujet social » serait rompre les frontières établies entre psychologie et sociologie. La compréhension de la singularité du sujet social est l’objectif principal qui fait l’unité de l’ouvrage. Il participe encore des développements de la sociologie quand elle défend une approche transversale qui brise les réductions opérées par la spécialisation en domaines (sociologie de la famille, de l’école, du travail, de la vie quotidienne). Ici se nouent des enjeux épistémologiques qui redessine l’« entité » traitée par une discipline : l’ouvrage apporte des connaissances sur la genèse sociale de la subjectivité. Une autre rupture originale lie la recherche et l’intervention et contraint les auteurs à adopter une position éthique à double effet : un changement de posture du chercheur le fait passer de l’observation à l’implication (dialogue entre le chercheur et les acteurs, illustré par les textes de De Gaulejac et de Mercier) ; la focalisation sur le « sujet social », son histoire biographique et sa trajectoire sociale relève d’un souci de réintroduire les émotions et les sentiments dans l’analyse. Ce projet se différencie de l’approche de La misère du monde (Bourdieu, 1993) en ce que les effets psychiques sont rendus visibles : le récit de vie devient alors un instrument d’émancipation et d’ouverture aux possibles du présent et du futur. La sociologie clinique serait ainsi une réponse aux réductions draconiennes de la production disciplinaire de connaissance dans le domaine social et humain. L’ouvrage possède une grande unité qui institue une école de pensée constituée autour de la méthodologie « Roman familial et trajectoire sociale » de De Gaulejac et du Réseau Québécois pour la Pratique des Histoires de Vie. La perspective est présentée dans l’introduction (Mercier et Rhéaume) et Desmarais et alii en donnent les principes et son inscription dans un contexte historique de « croissance phénoménale des autobiographies ». Les exemples explorent des expériences autobiographiques (l’analyse de Bordeline par Emond) ; un récit d’une pratique psychothérapeutique, centrée sur la découverte d’une « écoute sociologique » (Poupard) ou encore un récit de « fragments de vie et de son rapport au parcours d’étude » (Messikh) ; des exemples tirés de « séminaires de participation et d’implication » marquant une proximité avec la méthodologie « roman familial et trajectoire sociale ». L’unité de l’ouvrage est de plus donnée par les « récits de vie » et leur traitement : les auteurs insistent sur …