C’est un événement paradoxal. En infligeant une lourde défaite à la CDU d’Angela Merkel, les Verts allemands ont unifié la classe politique allemande en faveur du nucléaire français. Puisque les centrales allemandes ne verront pas leur exploitation prolongée, EDF et AREVA vont ainsi rester les principaux fournisseurs européens d’électricité « décarbonée ». Mais ce succès indirect de la filière nucléaire française ne vient-il pas trop tard ? Pour avoir fondé son volontarisme économique dans l’espoir d’une relance internationale du nucléaire, la France est la seconde économie la plus atteinte par les conséquences du séisme de Sendai. Alors que cette source d’énergie semblait retrouver un avenir, l’accident de Fukushima rend soudainement le risque nucléaire politiquement ingérable. Selon le sociologue allemand Ulrich Beck, « il n’existe aujourd’hui aucune institution, ni réelle ni même simplement concevable, qui soit préparée au "plus grand accident raisonnablement prévisible", aucune institution, par conséquent, qui puisse, à cette fin des fins, garantir l’ordre social et la constitution culturelle et politique » (Le Monde, 25 mars 2011). Le président français pourra-t-il se présenter bientôt devant les électeurs, auréolé d’une gloire militaire et nucléaire ? Au moment de déclencher les frappes aériennes en Lybie il y a dix jours, Nicolas Sarkozy s’invitait au Japon à l’occasion d’un voyage en Chine effectué ces jours-ci. Ces deux terrains de manœuvre sont plus liés qu’il n’y paraît. La concomitance des révolutions arabes et de l’accident japonais montre que la fuite en avant technologique, doublée d’une « politique arabe » complaisante aux despotes, ne pouvait se prolonger bien longtemps au-delà de Tchernobyl et de la guerre froide. Dans les années 70, l’industrie nucléaire avait été la réponse des économies du Nord aux chocs pétroliers. Et la crainte de possibles succès islamistes, combinée avec le contrôle des prix pétroliers, avait déterminé le soutien aux régimes en place, quand des évolutions démocratiques constituent pourtant de meilleures assurances pour le long terme. Il faut à présent gérer l’héritage de ces politiques. Cette accélération brutale incarne les liens et les rétroactions qui font la mondialisation. Les analystes de la complexité exposent qu’un événement local peut avoir des répercussions hors-échelle. Depuis les chocs financiers ou l’ouragan Katrina, les avertissements ne manquaient pas. D’une part, le discrédit des gouvernements pakistanais et arabes a conduit l’administration Bush qui les soutenait au désastre, avant de déstabiliser les despotes « amis » de Tunisie et d’Égypte ; d’autre part, chacun avait perçu le point faible des technologies contemporaines : un petit groupe extrémiste soudé pouvait paralyser des systèmes sophistiqués, produisant une « bombe sale » à l’insu de la CIA. C’est une autre bombe sale qu’a créé le tsunami japonais. Elle fragilise la filière nucléaire et contaminera le débat politique autant que l’attentat des Twin Towers. La période durant laquelle le nucléaire était sorti du débat politique est donc terminée. Au sommet de Copenhague, on trouvait encore des écologistes pour l’inscrire au « bilan carbone » et les partis de gouvernement défendaient cette industrie capable de soutenir la consommation énergétique. Ce consensus a volé en éclats, et le débat électoral français s’ouvre sous un jour nouveau. La candidature de Dominique Strauss-Kahn apparaît favorisée par un cataclysme qui montre l’importance des organisations internationales pour structurer les débats de demain. Un bon candidat doit être en mesure de gérer les interdépendances mondiales, et il doit savoir se hausser au-dessus des partis. Le directeur du FMI pourra peut-être se prévaloir en 2012 d’une stabilisation de la crise financière. En ira-t-il de même pour l’hyperprésident dont le projet industriel se sera dégonflé ? La question du risque systémique est plus que jamais posée. Après l’implosion …
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Sarkozy radié ?[Record]
- Gérard Wormser
Online publication: Aug. 23, 2019
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