VariaChronique

Le temps de la rénovation politique[Record]

  • Dominic Desroches

Le temps politique actuel se reconnaît à son instabilité. On sent que le climat général se réchauffe, que les phénomènes extrêmes se multiplient et que les gouvernances (locale, nationale ou mondiale) éprouvent une période d’incertitude. La mondialisation numérique veut que les populations du globe ressentent toutes en même temps les différences de pressions entre les régimes, ce qui fait en sorte que les crises des uns affectent le temps des autres. Et si l’on doit généraliser une vérité, on dira que nous vivons tous sous le même ciel, sous le même toit, soumis aux mêmes variations du temps, c’est-à-dire que nous ne sommes plus à l’abri nulle part, qu’aucune crise ne nous épargnera, parce que nous participons tous, à différents degrés, à la fabrication du temps à partager dans la même maison politique. Or nous reconnaissons notre temps politique dans son retard ou son déphasage par rapport aux autres sphères sociales. En effet, les entreprises, dans l’économie de marché, sont plus rapides que les États. Elles profitent de leur souplesse pour les prendre de vitesse, ce qui crée un retour des pirates dans la mondialisation (cf. « La place du marché et la mondialisation », débat avec Daniel Innerarity, Sens Public). Cette vitesse ainsi que la course au profit qui l’accompagne favorisent les scandales et la corruption, alors que les sociétés évoluent plus rapidement que les structures politiques érigées pour assurer la stabilité, la sécurité et la continuité des affaires humaines. Et plus globalement encore, l’environnement connaît une crise qui s’aggrave tous les jours et qui paralysera plusieurs pays, le réchauffement étant le nom de code d’un destin commun qui forcera les gouvernements à se transformer. Ces exemples, qui traduisent le retard de la politique et annoncent en même temps l’avenir, n’échappent pas à des citoyens de plus en plus informés, ce qui entraîne le cynisme, la méfiance, le dégoût et la désaffection envers la politique. Si les citoyens réalisent l’impuissance politique et vivent dans le dégoût de la chose publique, cela ne veut pas dire qu’ils sont apathiques et immobiles. En fait, le temps actuel est au changement, fut-il imperceptible. L’ennui, c’est que les gens n’attendent presque plus rien des outils et des structures en place, tout se passant comme si la manière de faire de la politique était parvenue à décourager jusqu’à ceux qui voulaient la rénover. Les rêveurs ont fait place aux gestionnaires, et les pratiques dans la maison sont devenues lourdes, lentes, hypocrites, surtout trop oppositionnelles. La politique est une structure qu’il a toujours été difficile de rénover parce qu’elle est construite sur l’organisation du conflit. Le problème, c’est que cette conception ne convient plus à des hommes qui vivent dans une petite maison ouverte, fragile et ronde. Le défi de la rénovation est certes difficile mais, heureusement, il existe encore des citoyens obsédés par le progrès et décidés à œuvrer au changement, en cherchant d’autres manières de faire de la politique dans la vieille maison. En Europe, à l’heure d’une crise économique durable, on a vu naître des mouvements d’indignation inspirés du printemps arabe. Les manifestations en Espagne, en Grèce et dans plusieurs capitales visaient à changer l’air politique, à créer et à profiter des micro-climats de liberté et d’espoir afin d’aménager autrement le destin. Ces manifestations, qui durent encore, reposent sur un dégoût, comme le montre l’abstention record au Portugal où 41 % des gens ne se sont pas déplacés pour aller voter malgré la crise actuelle. On voulait, dirons-nous, manifester contre la vétusté des bâtiments politiques. Arrêtons-nous à l’Espagne et à la Grèce où s’expérimentent des démocraties directes. Les manifestations ont été …

Appendices