Questions, opinions, débats

La Franco-Amérique au rythme de l’escargot. Éloge de la géographie culturelle à la manière de Dean Louder[Notice]

  • Jules Lamarre

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En octobre 2003, Dean Louder, professeur à la retraite du département de géographie de l’Université Laval, a entrepris la redécouverte en solitaire de son pays d’origine, les États-Unis, tout en renouant avec cette Franco-Amérique qu’il avait sillonnée, pour fins d’études, tout au long de sa carrière universitaire, généralement en compagnie de ses étudiants ainsi que de proches collègues. À chaque étape de son périple, Dean Louder s’empressa de rédiger une chronique, intitulée Au rythme de l’escargot, sur un thème que lui inspirait un endroit et les gens qui y vivent, pour ensuite la faire parvenir à Québec où elle était aussitôt rendue disponible, photos à l’appui, sur le site internet du Conseil de la Vie française en Amérique – CVFA . Depuis ce site Internet, nous pouvions donc suivre Dean pas à pas, et échanger directement avec lui par courriel. Entre le 2 octobre 2003 et le 2 mai 2004, 60 chroniques furent expédiées au CVFA par Dean Louder, et 33 autres suivirent durant l’année 2005. Depuis ce temps, Louder dit éprouver beaucoup de respect envers les journalistes qui doivent souvent rédiger des articles en fonction d’échéances très rapprochées. Signalons qu’à la fin de janvier 2004, soit après 43 chroniques, à cause d’un gros chien brun trop affectueux, le voyage de Louder fut abruptement interrompu dans la rue principale de Fort Stockton, au Texas, à la suite d’une malencontreuse chute à bicyclette. Mais l’odyssée de Dean Louder reprit bientôt et nous pûmes continuer à lire d’autres chroniques, toujours aussi émouvantes, sur la façon dont les minorités franco-américaines, notamment, créent leurs géographies culturelles. Même les journalistes les plus respectueux de l’heure de tombée ne pourraient égaler la performance de Louder. Pour y arriver, il faut certainement faire preuve de discipline, mais surtout être en mesure d’observer les paysages que l’on côtoie à la manière des habitants de l’endroit (Raffestin, 1981 ; Rémy et Voyé, 1981). C’est grâce à cette faculté bien particulière, qui s’acquiert seulement après bien des années d’entraînement, qu’il devient possible au géographe de nous faire comprendre comment les habitants d’un endroit sécrètent continuellement leur paysage culturel. Plus précisément, Dean Louder abolit pour nous la distance qui sépare les cultures. Il le fait avec cette économie de gestes qui caractérise l’adresse du maître, c’est-à-dire sans effort apparent. Bref, grâce à lui, et peu importe les endroits, nous nous retrouvons toujours en territoire familier. Quoique fascinante, cette façon de pratiquer la géographie culturelle semble menacée de disparition, du moins dans nos départements universitaires. Tout comme les autres disciplines de la connaissance, la géographie culturelle subit des pressions énormes pour qu’elle soit immédiatement utile et rentable pour la société, sinon on sent bien qu’elle pourrait se faire couper les vivres. Parce que, de façon générale, on attend maintenant des disciplines du savoir qu’elles fournissent des modes d’emploi capables de donner prise sur le réel en vue de mieux le gérer, un point de vue qui, comme le soutient avec force Michel Freitag (1998 ; 2002), s’en vient dominant en sciences sociales. Dans ces conditions, la géographie culturelle ne fait pas le poids parce que perçue comme étant trop subjective et littéraire (Louder et Trépanier, 2002 : 17, note 2). Dommage, car elle a tant à nous enseigner ! Tous les groupes culturels possèdent en propre des manières de faire et d’agir qui conjuguent autant d’identités collectives inséparables de paysages culturels spécifiques. Au cours de son long périple, partout où il va, Louder repère des formes particulières de mise en scène de la vie quotidienne qu’il nous présente ensuite dans ses textes. Son objectif consiste à leur conférer un sens, …

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